Texte intégral
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'issue de ce cycle électoral, le débat démocratique dans les institutions, les entreprises et dans tous les domaines de la vie citoyenne ne s'interrompt pas.
Le suffrage universel s'est exprimé : il a rendu un verdict que nous respectons. Mais nous saurons jouer notre rôle de groupe parlementaire qui entend faire vivre, avec ses différentes sensibilités, la parole des plus humbles, de celles et ceux qui sont victimes des inégalités, de celles et ceux qui refusent des choix destructeurs pour l'avenir, de celles et ceux qui souhaitent le rassemblement plutôt que la division, de celles et ceux qui, parmi les couches moyennes, subissent un recul social continu.
Il est une chose que l'on ne peut passer sous silence, c'est le changement de régime auquel nous assistons, conséquence certaine de la mise en place du quinquennat et de l'inversion du calendrier électoral. Ce qui risque d'être avalisé, c'est l'affaiblissement du Parlement, malgré vos annonces, monsieur le Premier ministre, dont chacun aura noté la timidité. Les députés comme les sénateurs ont pour mission de contrôler l'action du Gouvernement, mais comment faire si la politique de la nation n'est plus ni déterminée ni conduite par celui-ci ?
Cette modification structurelle appelle de la part des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine - qui rassemble les élus communistes et apparentés, les élus Verts et des élus d'outre-mer - la réaffirmation d'une république nouvelle, démocratique, sociale et participative, s'appuyant sur la reconnaissance de la diversité des sensibilités politiques dans notre pays et sur leur nécessaire représentation à la plus haute instance du pouvoir législatif, c'est-à-dire sur une modification du mode de scrutin, avec l'introduction d'un scrutin totalement ou partiellement proportionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est l'un des combats que nous mènerons au cours de la législature qui s'ouvre, en lien avec le nécessaire renforcement du pouvoir de l'Assemblée nationale, alors même que celle-ci devient soumise à l'exécutif et plus spécialement à un homme, du fait qu'elle a été élue immédiatement après l'élection présidentielle.
Durant cette législature, nous n'aurons de cesse de faire respecter notre devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » dans le concret de la vie de nos concitoyens. On nous oppose la mondialisation et ses prétendues contraintes pour justifier le glissement vers un triptyque « libéralisme économique, équité, communautarisme ». M. le Président de la République nous explique ainsi que « l'égalitarisme, c'est l'assurance de l'immobilisme ». Sans doute. Mais je pense qu'il serait plus utile de dire que « l'égalité, c'est l'assurance du progrès de l'humanité ».
Tout ce qui a été engagé au plan international, du sommet européen au G 8, s'inscrit dans ce glissement vers le modèle anglo-saxon. Notre Président dit rejeter la pensée unique ; en fait, il nous propose une terne copie d'un capitalisme écrasant toutes les valeurs qui ne sont pas celles du CAC 40.
Le mini-traité européen, dont nous parlerons plus largement demain, ne met nullement en cause l'indépendance de la Banque centrale européenne. Il bloque les possibilités d'harmonisation fiscale et sociale européennes en instaurant un droit de veto sur ces questions. Il ne régénère pas la préférence communautaire, pas plus qu'il ne jette les bases d'un vrai développement durable. Quand présenterez-vous un bilan des décisions de l'Union européenne ?
Les rencontres internationales des pays les plus riches ne s'attaquent nullement aux causes d'un développement mondial déséquilibré, qui met en péril à la fois la vie de milliards d'êtres humains et la sécurité de la planète. Ce capitalisme financier place les salariés en concurrence, détruit la planète sur laquelle ils vivent, pendant que les décideurs festoient ensemble à la bonne santé de Wall Street et du CAC 40.
Sur le plan international, le groupe des députés de la Gauche démocrate et républicaine souhaite que notre pays puisse relancer, sous l'égide de l'Europe, une initiative de paix dans le conflit israélo-palestinien sur la base du respect des résolutions de l'ONU. C'est la seule manière de sortir le peuple palestinien du marasme dans lequel il est plongé et d'assurer la sécurité de toute la région, y compris d'Israël.
Nous préconisons également une grande initiative sous l'égide de l'ONU pour que les peuples du Sud ne soient pas condamnés à la misère et à la pauvreté. L'accès à l'éducation, aux soins, à l'eau potable devrait être prioritaire. C'est une des conditions de la sécurité collective. Croit-on vraiment que l'on peut régler sérieusement les problèmes d'immigration sans s'attaquer à ces questions fondamentales ? Le prétendre, c'est leurrer toute une partie de la planète et maintenir dans la soumission et l'exploitation toute une autre partie.
Vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, la « culture de la violence ». Mais la combattre, c'est avant tout développer la culture de l'égalité et de la solidarité, la culture de la non-discrimination et de la sécurité pour l'emploi et un revenu digne. En ces temps où la menace terroriste est revenue sur le devant de la scène, allons-nous enfin nous attaquer à la racine du mal ?
Enfin, la révolution écologique indispensable à la survie de notre planète ne saurait se faire sans modifier profondément les conditions de production. Il ne s'agit pas de répéter à l'envi qu'il faut de la croissance. Il s'agit de savoir quelle croissance, avec quel contenu social et quelles conséquences environnementales. Ces trente dernières années, les États-Unis ont eu une croissance soutenue, mais elle a engendré des inégalités grandissantes se traduisant par davantage de pauvreté et une dégradation profonde de l'environnement.
C'est bien d'une nouvelle organisation de la production, d'une nouvelle répartition des richesses, d'un nouveau pacte mondial dont nous avons besoin. Et face à ces attentes, beaucoup d'inquiétudes se font jour.
Les choix avancés par l'Élysée, ou par son secrétaire général, promu, semble-t-il, au rang de Premier ministre bis, ne font que dévoyer les aspirations de nos concitoyens. La méthode est connue. Il s'agit d'attiser les divisions, de jeter les salariés du privé contre ceux du public, d'opposer les chômeurs aux salariés, les RMIstes aux chômeurs, de faire croire à ceux qui ont moins que ceux qui ont plus doivent s'aligner vers le bas, tout ceci dans un vaste mouvement de casse des garanties collectives et de remise en cause insidieuse du droit démocratique fondamental qu'est le droit de grève.
Les premières mesures sont éclairantes. Vous osez parler de réformes, alors que l'on s'oriente vers un recul social sans précédent de notre pays. Vous n'êtes pas dans la réforme, vous êtes dans la régression. Vous n'êtes pas dans la modernité, vous êtes dans l'anachronisme. La modernité, je n'en connais qu'une seule forme, c'est celle qui en toute occasion fait passer l'être humain avant l'indice du CAC 40. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous assistons au retour d'une véritable société de rentiers : en vingt ans, les dividendes ont été multipliés par neuf alors que le SMIC n'a été multiplié que par deux. Dans vos discours, jamais il n'est question du cancer financier qui ronge notre économie. Le paquet fiscal, que notre assemblée va examiner dès la semaine prochaine, repose sur cette vénération pour les hauts revenus alors même que toutes les inégalités ont explosé durant ces cinq dernières années.
Dans une étude de juin 2007, réalisée dans le cadre de l'École d'économie de Paris, Camille Landais explique : « Notre travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans, du fait d'une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyens et médians croissent très modestement sur la même période. [...] Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches ». Voilà la situation que vous allez perpétuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela montre, si besoin était, que la politique fiscale mise en oeuvre depuis 2002 a été profitable aux plus riches et non aux classes moyennes.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas profiter de cette législature pour aborder la question de la définition d'une échelle de revenus acceptable en France ? L'économiste Thomas Piketty a réalisé une enquête qui laissait apparaître que les Français jugeaient acceptable un rapport de 1 à 3,5 entre le salaire d'un ouvrier et celui d'un cadre supérieur. Mais le rapport dans la vie réelle est de 1 à 12 aujourd'hui ! Et encore ne parle-t-on pas des revenus boursiers, totalement extravagants.
Dans ces conditions, le refus, applaudi par le MEDEF, de donner un coup de pouce au SMIC et aux bas salaires est inacceptable : les millions de salariés à temps plein au SMIC ne verront pas leur pouvoir d'achat progresser. De surcroît, comment les travailleurs pauvres, ayant des temps partiels subis et donc un SMIC partiel, pourront-ils continuer à vivre ? Je pense à ces caissières de la grande distribution, à ces employés dans les services à la personne ou dans la restauration qui ont des contrats de travail de 20, 25, 30 heures par semaine et parfois moins. Comment allez-vous payer à tous ces salariés des heures supplémentaires au-delà des 35 heures alors qu'ils ne les font pas ?
De même, votre obsession des exonérations de cotisations sociales est une ineptie. La Cour des comptes elle-même en a apporté la preuve en juillet dernier en démontrant que, sur 20 milliards d'euros compensés par l'État, 17 ne servent pas à l'emploi.
Les pays d'Europe les plus performants sont ceux où le travail est réellement valorisé, par un accroissement du salaire, qu'il soit net ou différé, par une réelle reconnaissance des diplômes et de la formation, par un effort considérable en direction de la recherche.
Enfin, deux de vos mesures phares, la fixation du bouclier fiscal à 50 % et l'élargissement de l'exonération des droits de successions et donations, visent uniquement les plus fortunés.
Tous les articles de presse l'ont souligné, 90 % des successions sont d'ores et déjà exonérées. Avec votre proposition, ce sont les plus grosses successions qui y gagneront, reproduisant par là même les inégalités avec plus de force.
Quant au bouclier fiscal, qui coûtera au budget de la France l'équivalent de 400 maisons de retraite, ou trois fois ce que vous dites vouloir accorder aux universités, il serait une arme pour éviter la fuite de nos fortunes. Pourtant, a contrario, un rapport de 2005 de la Banque mondiale relevait qu'un diplômé britannique sur six quittait la Grande-Bretagne pour aller travailler à l'étranger. Le paradis fiscal et le paradis de l'emploi que l'on nous présente ici ne sont pas vécus comme tels de l'intérieur.
Comme l'écrit Jean Gadrey dans son ouvrage En finir avec les inégalités, « ce n'est pas seulement le climat britannique qui est en cause, mais bien plutôt le climat social : la cherté de la vie, la forte criminalité, l'engorgement des transports, le manque de postes en médecine. Autrement dit, bon nombre de Britanniques se délocalisent parce que les biens publics sont de mauvaise qualité et que la santé sociale se dégrade. Les inégalités sociales finissent, elles aussi, par rendre la vie difficile dans un pays et par nuire en définitive à la bonne marche de l'économie ».
Dans ce contexte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposeront à la casse du code du travail et de sa clé de voûte qu'est le contrat de travail à durée indéterminée.
Le fameux contrat de travail unique ne vise ni plus ni moins qu'à briser les garanties collectives du CDI, à amoindrir la sécurité du salarié, à développer la précarité. Certes, des inégalités se sont développées en matière de sécurité de l'emploi. Leur solution n'est pas dans une réforme des contrats de travail mais dans la conquête de nouveaux droits : droit des personnes à une stabilité des ressources en cas de mobilité professionnelle, droit à la formation continue et à l'accès des dispositifs efficaces d'accompagnement, droits accrus des salariés dans la proposition de plans alternatifs en cas de licenciement, droits accrus d'intervention dans la gestion.
La recherche de rendements à 15 % et plus, pour servir les dividendes des actionnaires, est complètement destructrice pour l'emploi. Elle impose des conditions de travail qui se dégradent, une précarité accrue, tout ce qui fait que la cohésion sociale se délite.
Face aux rapports alarmants des médecins du travail, nous proposerons la création d'une commission d'enquête sur les conditions de travail en France, ainsi qu'une étude sur le même sujet dans l'Union européenne et les pays de l'ONU.
Cette cohésion sociale est l'apanage des politiques publiques. La solidarité entre nos concitoyens est d'abord assurée par des services publics accessibles, égalitaires et continus.
C'est pourquoi, il n'est pas acceptable de toucher à l'éducation en supprimant 10 000 postes. Cela contredit tous vos discours sur la priorité accordée à la formation.
J'ajoute que la réforme annoncée des universités ne manque pas d'inquiéter les acteurs de la communauté universitaire alors qu'il faudrait mettre plus de moyens par étudiant.
De même, pour la santé et la protection sociale, les dotations insuffisantes des hôpitaux revalorisées en deçà du taux d'inflation, doublées d'une tarification à l'activité qui s'avère injuste, font courir des risques sur le devenir de notre système de protection sociale. Il faudra bien que des ressources nouvelles prises sur les revenus financiers viennent abonder nos comptes sociaux. Ce serait un choix beaucoup plus juste que la poursuite des déremboursements et la mise en oeuvre de franchises médicales profondément inégalitaires.
Monsieur le Premier ministre, vous nous promettez le plein emploi dans cinq ans. Si tel est le cas, pourquoi instaurer des franchises puisque ce plein emploi permettra de faire rentrer 15 milliards d'euros de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale ?
Comment également ne pas s'étonner des premières mesures envisagées pour la justice, qui font appel aux ressorts les plus simplistes sur l'automaticité des peines, qui conduirait à l'engorgement et à l'inefficacité de notre système carcéral, et qui, dans le même temps, organiserait un véritable repli territorial. La justice, pilier de notre démocratie, doit recevoir des moyens supplémentaires.
La diminution des moyens des grands services publics et l'augmentation que vous venez de confirmer de la TVA affecteront l'ensemble de la population, tandis que la vente du patrimoine national - 3 milliards d'euros d'actions de France Télécom après les 16 milliards d'euros de 2006 - paieront en fait les cadeaux faits aux plus riches.
Notre groupe ne peut que s'inquiéter de l'action réelle que mènera le fameux ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durable. Ce n'est pas de mots que nous avons besoin, mais de mesures simples, concrètes, efficaces. Il y en a pourtant dont vous ne parlez jamais et qui sont essentielles, notamment pour limiter l'émission des gaz à effet de serre, comme le développement du fret ferroviaire, qui nécessite la modernisation des infrastructures, le renouvellement des matériels, l'embauche de cheminots, ou encore le fret fluvial et le soutien aux transports publics, avec la mise en oeuvre de crédits conséquents.
Enfin, que dire de l'abandon à peine masqué du principe de précaution concernant les OGM !
Monsieur le Premier Ministre, vous êtes aujourd'hui à la tête d'un gouvernement dont les premières annonces - travailler plus pour gagner plus, TVA dite sociale, diminution de l'effort en faveur de l'éducation, cadeaux aux plus riches - forment le corpus d'une véritable allégeance au modèle néolibéral anglo-saxon.
Ce n'est pas le chemin que nous préconisons, et à l'aube de cette législature, la gauche dans son ensemble, et la gauche de transformation sociale que nous incarnons, devra porter haut les valeurs de justice, de solidarité, de fraternité.
Cela passe par des choix novateurs : non travailler plus pour gagner plus, mais rémunérer plus le travail que les dividendes (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; permettre à nos concitoyens de vivre dignement par l'accès à des besoins fondamentaux, comme le logement, l'emploi, le soin, la formation ; mettre en oeuvre une fiscalité plus juste, avec l'accroissement des prélèvements progressifs et la diminution des impôts indirects ; développer la maîtrise publique sur l'eau ; créer un véritable pôle financier public pour soutenir les PME ; défendre et promouvoir les services publics de l'éducation, de la santé, des transports et de l'énergie ; créer une grande entreprise nationale de l'énergie en unissant EDF et GDF et en stoppant une ouverture du marché désastreuse pour le consommateur ; oeuvrer pour une conférence internationale contre la pauvreté et pour la paix.
Monsieur le Premier ministre, vous avez repris les grands choix du Président de la République. Je voudrais dire, au nom des députés communistes et républicains, verts et ultra-marins de notre groupe, qu'il ne suffit pas d'évoquer des valeurs, qu'il ne suffit pas d'aligner des mots dans un discours pour exprimer ces valeurs, encore faut-il faire les choix politiques, économiques et sociaux qui soient conformes à ces valeurs et à ces mots. Or ce n'est pas ce que vous faites, ce n'est pas ce que vous allez faire. Pour cette raison, nous refuserons d'accorder la confiance à votre Gouvernement.Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 17 janvier 2008
Le suffrage universel s'est exprimé : il a rendu un verdict que nous respectons. Mais nous saurons jouer notre rôle de groupe parlementaire qui entend faire vivre, avec ses différentes sensibilités, la parole des plus humbles, de celles et ceux qui sont victimes des inégalités, de celles et ceux qui refusent des choix destructeurs pour l'avenir, de celles et ceux qui souhaitent le rassemblement plutôt que la division, de celles et ceux qui, parmi les couches moyennes, subissent un recul social continu.
Il est une chose que l'on ne peut passer sous silence, c'est le changement de régime auquel nous assistons, conséquence certaine de la mise en place du quinquennat et de l'inversion du calendrier électoral. Ce qui risque d'être avalisé, c'est l'affaiblissement du Parlement, malgré vos annonces, monsieur le Premier ministre, dont chacun aura noté la timidité. Les députés comme les sénateurs ont pour mission de contrôler l'action du Gouvernement, mais comment faire si la politique de la nation n'est plus ni déterminée ni conduite par celui-ci ?
Cette modification structurelle appelle de la part des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine - qui rassemble les élus communistes et apparentés, les élus Verts et des élus d'outre-mer - la réaffirmation d'une république nouvelle, démocratique, sociale et participative, s'appuyant sur la reconnaissance de la diversité des sensibilités politiques dans notre pays et sur leur nécessaire représentation à la plus haute instance du pouvoir législatif, c'est-à-dire sur une modification du mode de scrutin, avec l'introduction d'un scrutin totalement ou partiellement proportionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est l'un des combats que nous mènerons au cours de la législature qui s'ouvre, en lien avec le nécessaire renforcement du pouvoir de l'Assemblée nationale, alors même que celle-ci devient soumise à l'exécutif et plus spécialement à un homme, du fait qu'elle a été élue immédiatement après l'élection présidentielle.
Durant cette législature, nous n'aurons de cesse de faire respecter notre devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » dans le concret de la vie de nos concitoyens. On nous oppose la mondialisation et ses prétendues contraintes pour justifier le glissement vers un triptyque « libéralisme économique, équité, communautarisme ». M. le Président de la République nous explique ainsi que « l'égalitarisme, c'est l'assurance de l'immobilisme ». Sans doute. Mais je pense qu'il serait plus utile de dire que « l'égalité, c'est l'assurance du progrès de l'humanité ».
Tout ce qui a été engagé au plan international, du sommet européen au G 8, s'inscrit dans ce glissement vers le modèle anglo-saxon. Notre Président dit rejeter la pensée unique ; en fait, il nous propose une terne copie d'un capitalisme écrasant toutes les valeurs qui ne sont pas celles du CAC 40.
Le mini-traité européen, dont nous parlerons plus largement demain, ne met nullement en cause l'indépendance de la Banque centrale européenne. Il bloque les possibilités d'harmonisation fiscale et sociale européennes en instaurant un droit de veto sur ces questions. Il ne régénère pas la préférence communautaire, pas plus qu'il ne jette les bases d'un vrai développement durable. Quand présenterez-vous un bilan des décisions de l'Union européenne ?
Les rencontres internationales des pays les plus riches ne s'attaquent nullement aux causes d'un développement mondial déséquilibré, qui met en péril à la fois la vie de milliards d'êtres humains et la sécurité de la planète. Ce capitalisme financier place les salariés en concurrence, détruit la planète sur laquelle ils vivent, pendant que les décideurs festoient ensemble à la bonne santé de Wall Street et du CAC 40.
Sur le plan international, le groupe des députés de la Gauche démocrate et républicaine souhaite que notre pays puisse relancer, sous l'égide de l'Europe, une initiative de paix dans le conflit israélo-palestinien sur la base du respect des résolutions de l'ONU. C'est la seule manière de sortir le peuple palestinien du marasme dans lequel il est plongé et d'assurer la sécurité de toute la région, y compris d'Israël.
Nous préconisons également une grande initiative sous l'égide de l'ONU pour que les peuples du Sud ne soient pas condamnés à la misère et à la pauvreté. L'accès à l'éducation, aux soins, à l'eau potable devrait être prioritaire. C'est une des conditions de la sécurité collective. Croit-on vraiment que l'on peut régler sérieusement les problèmes d'immigration sans s'attaquer à ces questions fondamentales ? Le prétendre, c'est leurrer toute une partie de la planète et maintenir dans la soumission et l'exploitation toute une autre partie.
Vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, la « culture de la violence ». Mais la combattre, c'est avant tout développer la culture de l'égalité et de la solidarité, la culture de la non-discrimination et de la sécurité pour l'emploi et un revenu digne. En ces temps où la menace terroriste est revenue sur le devant de la scène, allons-nous enfin nous attaquer à la racine du mal ?
Enfin, la révolution écologique indispensable à la survie de notre planète ne saurait se faire sans modifier profondément les conditions de production. Il ne s'agit pas de répéter à l'envi qu'il faut de la croissance. Il s'agit de savoir quelle croissance, avec quel contenu social et quelles conséquences environnementales. Ces trente dernières années, les États-Unis ont eu une croissance soutenue, mais elle a engendré des inégalités grandissantes se traduisant par davantage de pauvreté et une dégradation profonde de l'environnement.
C'est bien d'une nouvelle organisation de la production, d'une nouvelle répartition des richesses, d'un nouveau pacte mondial dont nous avons besoin. Et face à ces attentes, beaucoup d'inquiétudes se font jour.
Les choix avancés par l'Élysée, ou par son secrétaire général, promu, semble-t-il, au rang de Premier ministre bis, ne font que dévoyer les aspirations de nos concitoyens. La méthode est connue. Il s'agit d'attiser les divisions, de jeter les salariés du privé contre ceux du public, d'opposer les chômeurs aux salariés, les RMIstes aux chômeurs, de faire croire à ceux qui ont moins que ceux qui ont plus doivent s'aligner vers le bas, tout ceci dans un vaste mouvement de casse des garanties collectives et de remise en cause insidieuse du droit démocratique fondamental qu'est le droit de grève.
Les premières mesures sont éclairantes. Vous osez parler de réformes, alors que l'on s'oriente vers un recul social sans précédent de notre pays. Vous n'êtes pas dans la réforme, vous êtes dans la régression. Vous n'êtes pas dans la modernité, vous êtes dans l'anachronisme. La modernité, je n'en connais qu'une seule forme, c'est celle qui en toute occasion fait passer l'être humain avant l'indice du CAC 40. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous assistons au retour d'une véritable société de rentiers : en vingt ans, les dividendes ont été multipliés par neuf alors que le SMIC n'a été multiplié que par deux. Dans vos discours, jamais il n'est question du cancer financier qui ronge notre économie. Le paquet fiscal, que notre assemblée va examiner dès la semaine prochaine, repose sur cette vénération pour les hauts revenus alors même que toutes les inégalités ont explosé durant ces cinq dernières années.
Dans une étude de juin 2007, réalisée dans le cadre de l'École d'économie de Paris, Camille Landais explique : « Notre travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans, du fait d'une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyens et médians croissent très modestement sur la même période. [...] Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches ». Voilà la situation que vous allez perpétuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela montre, si besoin était, que la politique fiscale mise en oeuvre depuis 2002 a été profitable aux plus riches et non aux classes moyennes.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas profiter de cette législature pour aborder la question de la définition d'une échelle de revenus acceptable en France ? L'économiste Thomas Piketty a réalisé une enquête qui laissait apparaître que les Français jugeaient acceptable un rapport de 1 à 3,5 entre le salaire d'un ouvrier et celui d'un cadre supérieur. Mais le rapport dans la vie réelle est de 1 à 12 aujourd'hui ! Et encore ne parle-t-on pas des revenus boursiers, totalement extravagants.
Dans ces conditions, le refus, applaudi par le MEDEF, de donner un coup de pouce au SMIC et aux bas salaires est inacceptable : les millions de salariés à temps plein au SMIC ne verront pas leur pouvoir d'achat progresser. De surcroît, comment les travailleurs pauvres, ayant des temps partiels subis et donc un SMIC partiel, pourront-ils continuer à vivre ? Je pense à ces caissières de la grande distribution, à ces employés dans les services à la personne ou dans la restauration qui ont des contrats de travail de 20, 25, 30 heures par semaine et parfois moins. Comment allez-vous payer à tous ces salariés des heures supplémentaires au-delà des 35 heures alors qu'ils ne les font pas ?
De même, votre obsession des exonérations de cotisations sociales est une ineptie. La Cour des comptes elle-même en a apporté la preuve en juillet dernier en démontrant que, sur 20 milliards d'euros compensés par l'État, 17 ne servent pas à l'emploi.
Les pays d'Europe les plus performants sont ceux où le travail est réellement valorisé, par un accroissement du salaire, qu'il soit net ou différé, par une réelle reconnaissance des diplômes et de la formation, par un effort considérable en direction de la recherche.
Enfin, deux de vos mesures phares, la fixation du bouclier fiscal à 50 % et l'élargissement de l'exonération des droits de successions et donations, visent uniquement les plus fortunés.
Tous les articles de presse l'ont souligné, 90 % des successions sont d'ores et déjà exonérées. Avec votre proposition, ce sont les plus grosses successions qui y gagneront, reproduisant par là même les inégalités avec plus de force.
Quant au bouclier fiscal, qui coûtera au budget de la France l'équivalent de 400 maisons de retraite, ou trois fois ce que vous dites vouloir accorder aux universités, il serait une arme pour éviter la fuite de nos fortunes. Pourtant, a contrario, un rapport de 2005 de la Banque mondiale relevait qu'un diplômé britannique sur six quittait la Grande-Bretagne pour aller travailler à l'étranger. Le paradis fiscal et le paradis de l'emploi que l'on nous présente ici ne sont pas vécus comme tels de l'intérieur.
Comme l'écrit Jean Gadrey dans son ouvrage En finir avec les inégalités, « ce n'est pas seulement le climat britannique qui est en cause, mais bien plutôt le climat social : la cherté de la vie, la forte criminalité, l'engorgement des transports, le manque de postes en médecine. Autrement dit, bon nombre de Britanniques se délocalisent parce que les biens publics sont de mauvaise qualité et que la santé sociale se dégrade. Les inégalités sociales finissent, elles aussi, par rendre la vie difficile dans un pays et par nuire en définitive à la bonne marche de l'économie ».
Dans ce contexte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposeront à la casse du code du travail et de sa clé de voûte qu'est le contrat de travail à durée indéterminée.
Le fameux contrat de travail unique ne vise ni plus ni moins qu'à briser les garanties collectives du CDI, à amoindrir la sécurité du salarié, à développer la précarité. Certes, des inégalités se sont développées en matière de sécurité de l'emploi. Leur solution n'est pas dans une réforme des contrats de travail mais dans la conquête de nouveaux droits : droit des personnes à une stabilité des ressources en cas de mobilité professionnelle, droit à la formation continue et à l'accès des dispositifs efficaces d'accompagnement, droits accrus des salariés dans la proposition de plans alternatifs en cas de licenciement, droits accrus d'intervention dans la gestion.
La recherche de rendements à 15 % et plus, pour servir les dividendes des actionnaires, est complètement destructrice pour l'emploi. Elle impose des conditions de travail qui se dégradent, une précarité accrue, tout ce qui fait que la cohésion sociale se délite.
Face aux rapports alarmants des médecins du travail, nous proposerons la création d'une commission d'enquête sur les conditions de travail en France, ainsi qu'une étude sur le même sujet dans l'Union européenne et les pays de l'ONU.
Cette cohésion sociale est l'apanage des politiques publiques. La solidarité entre nos concitoyens est d'abord assurée par des services publics accessibles, égalitaires et continus.
C'est pourquoi, il n'est pas acceptable de toucher à l'éducation en supprimant 10 000 postes. Cela contredit tous vos discours sur la priorité accordée à la formation.
J'ajoute que la réforme annoncée des universités ne manque pas d'inquiéter les acteurs de la communauté universitaire alors qu'il faudrait mettre plus de moyens par étudiant.
De même, pour la santé et la protection sociale, les dotations insuffisantes des hôpitaux revalorisées en deçà du taux d'inflation, doublées d'une tarification à l'activité qui s'avère injuste, font courir des risques sur le devenir de notre système de protection sociale. Il faudra bien que des ressources nouvelles prises sur les revenus financiers viennent abonder nos comptes sociaux. Ce serait un choix beaucoup plus juste que la poursuite des déremboursements et la mise en oeuvre de franchises médicales profondément inégalitaires.
Monsieur le Premier ministre, vous nous promettez le plein emploi dans cinq ans. Si tel est le cas, pourquoi instaurer des franchises puisque ce plein emploi permettra de faire rentrer 15 milliards d'euros de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale ?
Comment également ne pas s'étonner des premières mesures envisagées pour la justice, qui font appel aux ressorts les plus simplistes sur l'automaticité des peines, qui conduirait à l'engorgement et à l'inefficacité de notre système carcéral, et qui, dans le même temps, organiserait un véritable repli territorial. La justice, pilier de notre démocratie, doit recevoir des moyens supplémentaires.
La diminution des moyens des grands services publics et l'augmentation que vous venez de confirmer de la TVA affecteront l'ensemble de la population, tandis que la vente du patrimoine national - 3 milliards d'euros d'actions de France Télécom après les 16 milliards d'euros de 2006 - paieront en fait les cadeaux faits aux plus riches.
Notre groupe ne peut que s'inquiéter de l'action réelle que mènera le fameux ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durable. Ce n'est pas de mots que nous avons besoin, mais de mesures simples, concrètes, efficaces. Il y en a pourtant dont vous ne parlez jamais et qui sont essentielles, notamment pour limiter l'émission des gaz à effet de serre, comme le développement du fret ferroviaire, qui nécessite la modernisation des infrastructures, le renouvellement des matériels, l'embauche de cheminots, ou encore le fret fluvial et le soutien aux transports publics, avec la mise en oeuvre de crédits conséquents.
Enfin, que dire de l'abandon à peine masqué du principe de précaution concernant les OGM !
Monsieur le Premier Ministre, vous êtes aujourd'hui à la tête d'un gouvernement dont les premières annonces - travailler plus pour gagner plus, TVA dite sociale, diminution de l'effort en faveur de l'éducation, cadeaux aux plus riches - forment le corpus d'une véritable allégeance au modèle néolibéral anglo-saxon.
Ce n'est pas le chemin que nous préconisons, et à l'aube de cette législature, la gauche dans son ensemble, et la gauche de transformation sociale que nous incarnons, devra porter haut les valeurs de justice, de solidarité, de fraternité.
Cela passe par des choix novateurs : non travailler plus pour gagner plus, mais rémunérer plus le travail que les dividendes (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; permettre à nos concitoyens de vivre dignement par l'accès à des besoins fondamentaux, comme le logement, l'emploi, le soin, la formation ; mettre en oeuvre une fiscalité plus juste, avec l'accroissement des prélèvements progressifs et la diminution des impôts indirects ; développer la maîtrise publique sur l'eau ; créer un véritable pôle financier public pour soutenir les PME ; défendre et promouvoir les services publics de l'éducation, de la santé, des transports et de l'énergie ; créer une grande entreprise nationale de l'énergie en unissant EDF et GDF et en stoppant une ouverture du marché désastreuse pour le consommateur ; oeuvrer pour une conférence internationale contre la pauvreté et pour la paix.
Monsieur le Premier ministre, vous avez repris les grands choix du Président de la République. Je voudrais dire, au nom des députés communistes et républicains, verts et ultra-marins de notre groupe, qu'il ne suffit pas d'évoquer des valeurs, qu'il ne suffit pas d'aligner des mots dans un discours pour exprimer ces valeurs, encore faut-il faire les choix politiques, économiques et sociaux qui soient conformes à ces valeurs et à ces mots. Or ce n'est pas ce que vous faites, ce n'est pas ce que vous allez faire. Pour cette raison, nous refuserons d'accorder la confiance à votre Gouvernement.Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 17 janvier 2008