Texte intégral
M. Védrine - Mesdames et Messieurs, bonsoir. Vous savez que Robin Cook et moi-même avons été choisis par nos partenaires américains, russes, allemands, italiens, du groupe de contact pour co-présider les négociations qui souvrent maintenant.
Le président de la République française, M. Jacques Chirac, sest exprimé et sest adressé aux deux délégations, après quoi nous venons douvrir cette négociation en tant que co-présidents. Nous allons rester naturellement disponibles, attentifs, à chaque élément du déroulement de cette négociation et intervenir à tout moment. Jusquau dernier moment, avant cette ouverture, nous avons déjà eu en tant que co-présidents à surmonter un certain nombre de difficultés. Mais la pression internationale sans précédent sur cette question du Kossovo a en tout cas obtenu que cette négociation commence maintenant à Rambouillet.
Nous pensons que vous connaissez les textes des trois brèves allocutions qui viennent dêtre prononcées, donc nous sommes venus en complément répondre à vos questions.
M. Cook - Jajouterais à ce que vient de dire Hubert, jusquà présent, tout va bien. Nous sommes parvenus à trois étapes : nous sommes parvenus à une unanimité au sein du groupe de contact et de la communauté internationale pour rechercher et faire pression en faveur dun accord, nous avons obtenu lengagement des deux parties à participer et nous sommes parvenus à la situation où les deux partis sont en effet présentes. Nous avons ainsi surmonté le premier obstacle aux pourparlers qui était de faire en sorte que les deux parties puissent participer. Cet après-midi, les pourparlers ont démarré en bon ordre. La négociation ne sera pas facile, mais nous labordons avec une réelle détermination pour quelle aboutisse. Cest la meilleure possibilité quauront le peuple du Kossovo et de la République fédérale de Yougoslavie de parvenir à un accord et sa mise en oeuvre avec succès. Hubert Védrine et moi-même allons travailler en étroite collaboration avec les médiateurs afin que cette possibilité soit pleinement suivie deffets.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que le déploiement international doit être discuté au cours de cette conférence, si oui, comment ? Comment appréciez-vous le rôle que la Russie a joué et joue pour cette conférence ?
R - M. Cook - Si vous entendez par-là un déploiement des forces sur le terrain, cela suppose en premier la réalisation dun règlement politique. Cest donc là le premier point à obtenir. La Russie est pleinement engagée dans la poursuite de ces pourparlers. Je me suis entretenu avec le ministre russe des Affaires étrangères ce matin, de même quHubert, qui apporte son plein soutien à ces négociations. La Russie fait partie de la troïka des Ambassadeurs avec des représentants de la Russie, des Etats-Unis et de lUnion européenne qui vont donc travailler ensemble comme équipe.
M. Védrine - Sur la question du déploiement, je confirme quelle sera examinée le moment venu en liaison avec la possibilité datteindre un accord politique. Sur la Russie, elle est un partenaire très important du Groupe de contact, elle a été pleinement engagée dans tout le processus qui a conduit à cette réunion de Rambouillet et nous avons pu vérifier encore tout à lheure quelle avait lintention de participer pleinement à la recherche de la solution.
Q - Monsieur le Ministre, lopinion albanaise et lopinion mondiale en général, attendent beaucoup de cette conférence. Pourquoi ne la-t-on pas organisée, il y a un an, au lieu déviter cette tragédie au Kossovo ? Le groupe de contact et lOTAN en ont les moyens. Peut-on dire ce soir quaprès la conférence de Rambouillet, il ny aura plus dimages terribles de la tragédie du Kossovo ?
R - M. Védrine - Lobjectif de la conférence de Rambouillet, telle que la voulu le Groupe de contact, est précisément de sortir du cycle sans fin des tragédies. Nous avons appelé les deux parties à venir à cette réunion, elles sont venues, donc je veux penser quelles sont venues parce quelles partagent cet objectif.
Q - Jai entendu dire que certaines délégations nont pas pu venir avec tous leurs conseillers, et par ailleurs, un certain nombre de sujets leur ont été imposés comme sujet de discussion par la communauté internationale, est-ce le cas ?
R - M. Védrine - Sur le second point, un format a dû être défini pour chaque délégation, ne serait-ce que pour des raisons de place et pour que les négociations puissent être efficaces et directes. Les deux parties avaient prévu à lorigine des délégations trop nombreuses et les deux parties se sont adaptées aux conditions que nous avons fixées pour cette négociation. Quant aux sujets de discussion, le Groupe de contact, au fil des semaines, a, en effet, élaboré un certain nombre de principes fondamentaux qui forment le coeur de la solution possible. Cest autour de ces principes centraux que la discussion doit permettre de compléter et de préciser ce qui nest pas encore réglé.
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi M. Milosevic nest-il pas venu aujourdhui à cette Conférence internationale pour le Kossovo ? Comme vous le savez, M. Karadjic a dit que M. Milosevic na pas été en dehors de la Yougoslavie depuis deux ou trois ans.
R - M. Védrine - Cette rencontre de Rambouillet na pas été convoquée, ni organisée au niveau des chefs dEtat.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de pression internationale. Quel genre de pression internationale allez-vous exercer sur les deux parties afin de parvenir à une solution ? Est-ce dune pression militaire dont on peut parler le moment venu ?
R - M. Cook - Soyons clairs, nous avons convoqué les deux parties pour quelles soient présentes dans un délai de sept jours. Ce délai de sept jours a été respecté, et donc, la pression de la communauté internationale est bien présente afin daboutir à un règlement. Il est prévu que les deux parties sattellent immédiatement à la tâche. Elles ont donc sept jours afin daboutir à un accord. Nous allons faire le point au bout de sept jours avec nos collègues du Groupe de contact, et sil y a lieu, avec lautorité du Conseil de sécurité, de lOSCE et de lOTAN, nous appuierons ces négociations avec de la pression internationale pour que ces négociations aboutissent.
Q - Pouvez-vous nous donner des détails sur ces fameux principes fondamentaux dont vous parlez, les grandes lignes posées par le groupe de contact ? Et les deux délégations se sont-elles finalement mises daccord sur la façon dont se dérouleront les discussions ? Y aura-t-il des discussions directes entre les deux délégations ?
R - M. Védrine - Sur les principes, je ne peux pas précisément entrer dans le détail parce que je me préserve toutes les possibilités pour les négociations davancer et de conclure. Mais, je vous rappelle que nous avons proposé un projet dautonomie substantielle qui est un terme déjà en lui-même très parlant. Cela veut dire une autonomie allant très loin dans le cadre du respect des frontières internationales existantes et reconnues. Quant à la méthode, toutes les méthodes seront bonnes dès lors quelles permettront davancer.
M. Cook - Jajoute simplement que le document cadre qui a été élaboré na pas été élaboré loin de Belgrade dans une salle vide. Il a fait lobjet de consultations intensives avec les deux parties. Les trois quart de la solution sont déjà en place dans ce document cadre. Mais nous avons assez fait de consultations navette. Afin daccomplir le travail et de combler les 25 % du fossé restant, il faut réunir les deux parties, ce qui explique lobjet de cette rencontre.
Q - Le première partie de la question concerne la tenue dans deux mois du sommet de lOTAN à Washington, sagit-il là dun objectif en vue de ce sommet ou sagit-il véritablement, comme la indiqué le Président Chirac dans son allocution, de parvenir à une véritable stabilité dans la région ? A supposer quun accord soit obtenu cette fois-ci, que va-t-il se passer au bout des trois ans, va-t-il y avoir un deuxième Rambouillet afin de parvenir à lindépendance du Kossovo ?
R - M. Védrine - Sur le premier point, vous avez pu constater que cest en faisant travailler dans le même sens toutes les institutions et toutes les organisations internationales que la communauté internationale a repris linitiative dans cette tragédie du Kossovo. Et parmi les différentes organisations, il y a lOTAN. Même si la ligne politique générale a été fixée dans le Groupe de contact. Tout cela na pas de rapport particulier avec la table dun sommet. Toutes les organisations ont des sommets réguliers. Il ny a pas de liens entre les deux choses. Sur le second point : quest-ce qui se passe au bout dun certain temps ? Eh bien, cest précisément lobjet de la négociation. Donc, on ne peut pas vous répondre aujourdhui, ce soir, en tant que co-présidents. Mais cet effort immense de tout le monde a pour objet darriver à une solution politique.
M. Cook - En effet, je ne peux pas vous dire sil y aura un Rambouillet 2, mais le déploiement de nos efforts suppose que lon aboutisse à un succès pour obtenir un accord intérimaire et cest dans ce sens que nos efforts doivent être orientés.
Q - Vous parlez du document cadre où il est fait état dautonomie, dauto-administration du Kossovo qui sont des termes forts, est-ce que cela suppose à terme une indépendance du Kossovo ?
R - M. Cook - Il sagit de nos efforts qui sont là pour montrer limportance de parvenir à un accord intérimaire avec des pouvoirs qui sont donc dévolus aux assemblées et aux communes à léchelon local pour assurer leur propre défense, leur propre marché unique et ce dans le cadre de leur propre autorité du parlement. Ainsi, ce sont bien des mots très forts qui sont employés à dessein. Ce document en effet prévoit la dévolution de droits très démocratiques pour assurer la protection des communautés avec leur propre langue, leur propre culture pour rendre le Kossovo encore plus démocratique au niveau de ces communes. Seuls ceux qui sont contre le processus démocratique devraient sopposer à cet accord.
Q - Sagissant dun déploiement international, le déploiement de troupes éventuel se ferait dans un délai de jours ou de semaines et, précisément concernant ce déploiement, est-ce que les Européens sont satisfaits des garanties américaines données dans le cas dun éventuel déploiement ?
R - M. Védrine - Je crois quil est positif de constater que plusieurs pays très importants, en Europe et les Etats-Unis, ont déjà exprimé une disponibilité dans ce sens et une disponibilité convergente. Mais rien nest encore négocié, rien nest encore décidé.
M. Cook - Nous avons engagé nos plans de circonstance et nous essaierons de faire en sorte que, si les plans se déroulent comme prévu, cet intervalle soit le plus court possible. Bien sûr, si les deux parties parviennent à un accord demain, nous serons pris au dépourvu, mais cest un problème que nous envisagerons agréablement, quand les pourparlers seront terminés.
Q - Pensez-vous que le Monténégro sera le seul perdant de cette conférence ? LUnion européenne peut-elle garantir quil ny aura pas un tel résultat pour le Monténégro ?
R - M. Cook - Les principes dont parle le Monténégro ont été pleinement explicités et appliqués. Le Monténégro na absolument rien à craindre de résultats qui pourraient sortir de cette conférence et qui iraient à son encontre.
M. Védrine - Je voudrais ajouter sur le Monténégro quà mon sens la poursuite de la tragédie au Kossovo est beaucoup plus menaçante que la perspective dune solution. Et je dirais après Robin quaucun pays du groupe de contact, et surtout pas nous, ne rechercheront une solution qui puisse comporter un préjudice quelconque pour le Monténégro.
Q - Dans les jours qui ont précédé louverture de la conférence, la partie yougoslave a répété avec insistance quelle refuserait de traiter avec larmée de libération du Kossovo quelle qualifie dorganisation terroriste. De quelle manière les médiateurs ont-ils lintention de surmonter ce problème et quel sens aurait un accord auquel larmée de libération du Kossovo ne serait pas partie ?
R - M. Védrine - Vous avez certainement observé dans tous les conflits de ce type, quau moment où sapproche la négociation, chaque partie rappelle avec une particulière fermeté des positions de principe qui sont apparemment absolument incompatibles. Cest le travail des négociateurs de réussir à commencer à travailler malgré cela et à réussir à aboutir. Et il y a déjà un résultat puisquils sont là, pas loin de nous.
M. Cook - Je suis daccord avec Hubert. Voyons le chemin que nous avons accompli. Les deux parties ont accepté de venir. Elles se sont réunies dans la même salle. Nous venons davoir une réunion douverture et cest là un véritable progrès. Mais au bout du compte, pour négocier la paix, il faut négocier avec ceux qui font la guerre. On ne peut pas parler de paix avec ses amis.
Q - Quand on parle dautonomie substantielle, on a limpression que les décisions, si décision il y a dans ces négociations, sont prises davance. Quelles sont les marges de négociations, sur quoi les négociateurs peuvent-ils dire oui ou non ?
R - M. Védrine - Lautonomie est un principe général, mais si vous observez la situation dans le monde, et notamment dans un certain nombre dendroits où des tragédies ont été réglées par cette approche, il y a une très grande diversité de formes dautonomie. Cest un champ pour la négociation, ainsi que ce qui a déjà été évoqué tout à lheure par Robin Cook en réponse à une question sur la période intérimaire. Mais, cest vrai que le Groupe de contact a pris ses responsabilités en proposant un corps de principes parce que ce nétait plus possible de laisser les choses comme elles étaient.
M. Cook - Pour préciser ce que jai dit tout à lheure, la République fédérale de Yougoslavie conserve la responsabilité en matière de politique étrangère, de défense, des douanes et du marché unique. Les autres responsabilités seront donc sous lautorité des assemblées, des communes et des représentations élues au Kossovo. Bien sûr, ces responsabilités peuvent être discutées plus avant par les différentes parties sagissant de la répartition, mais noubliez pas que cest un document qui est le résultat de trois mois dentretiens, qui nest pas simplement tombé du ciel, et donc cela reste des responsabilités qui peuvent être réglées par les parties, pas simplement par des navettes incessantes entre les villes.
Q - On dit quil y a des divergences de vues entre les dirigeants albanais. Pensez-vous que cela soit de nature à influer sur le succès de la conférence ?
R - M. Védrine - Cest un des multiples problèmes quil faut traiter, quil faut maîtriser, que les négociateurs doivent surmonter. Il y en a infiniment dautres. Et il y en a de chaque côté, il y a des problèmes quil faut arriver à maîtriser pour aboutir malgré tout.
M. Cook - Personne ne prétend que les choses seront faciles. Nous reconnaissons tous quil y a des problèmes. Limportant est de ne pas voir ces problèmes comme des obstacles, mais des défis que nous pouvons surmonter, mais cela suppose que chaque partie vienne avec de la bonne volonté pour surmonter ces défis et aboutir à une solution.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, février 1999)
Le président de la République française, M. Jacques Chirac, sest exprimé et sest adressé aux deux délégations, après quoi nous venons douvrir cette négociation en tant que co-présidents. Nous allons rester naturellement disponibles, attentifs, à chaque élément du déroulement de cette négociation et intervenir à tout moment. Jusquau dernier moment, avant cette ouverture, nous avons déjà eu en tant que co-présidents à surmonter un certain nombre de difficultés. Mais la pression internationale sans précédent sur cette question du Kossovo a en tout cas obtenu que cette négociation commence maintenant à Rambouillet.
Nous pensons que vous connaissez les textes des trois brèves allocutions qui viennent dêtre prononcées, donc nous sommes venus en complément répondre à vos questions.
M. Cook - Jajouterais à ce que vient de dire Hubert, jusquà présent, tout va bien. Nous sommes parvenus à trois étapes : nous sommes parvenus à une unanimité au sein du groupe de contact et de la communauté internationale pour rechercher et faire pression en faveur dun accord, nous avons obtenu lengagement des deux parties à participer et nous sommes parvenus à la situation où les deux partis sont en effet présentes. Nous avons ainsi surmonté le premier obstacle aux pourparlers qui était de faire en sorte que les deux parties puissent participer. Cet après-midi, les pourparlers ont démarré en bon ordre. La négociation ne sera pas facile, mais nous labordons avec une réelle détermination pour quelle aboutisse. Cest la meilleure possibilité quauront le peuple du Kossovo et de la République fédérale de Yougoslavie de parvenir à un accord et sa mise en oeuvre avec succès. Hubert Védrine et moi-même allons travailler en étroite collaboration avec les médiateurs afin que cette possibilité soit pleinement suivie deffets.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que le déploiement international doit être discuté au cours de cette conférence, si oui, comment ? Comment appréciez-vous le rôle que la Russie a joué et joue pour cette conférence ?
R - M. Cook - Si vous entendez par-là un déploiement des forces sur le terrain, cela suppose en premier la réalisation dun règlement politique. Cest donc là le premier point à obtenir. La Russie est pleinement engagée dans la poursuite de ces pourparlers. Je me suis entretenu avec le ministre russe des Affaires étrangères ce matin, de même quHubert, qui apporte son plein soutien à ces négociations. La Russie fait partie de la troïka des Ambassadeurs avec des représentants de la Russie, des Etats-Unis et de lUnion européenne qui vont donc travailler ensemble comme équipe.
M. Védrine - Sur la question du déploiement, je confirme quelle sera examinée le moment venu en liaison avec la possibilité datteindre un accord politique. Sur la Russie, elle est un partenaire très important du Groupe de contact, elle a été pleinement engagée dans tout le processus qui a conduit à cette réunion de Rambouillet et nous avons pu vérifier encore tout à lheure quelle avait lintention de participer pleinement à la recherche de la solution.
Q - Monsieur le Ministre, lopinion albanaise et lopinion mondiale en général, attendent beaucoup de cette conférence. Pourquoi ne la-t-on pas organisée, il y a un an, au lieu déviter cette tragédie au Kossovo ? Le groupe de contact et lOTAN en ont les moyens. Peut-on dire ce soir quaprès la conférence de Rambouillet, il ny aura plus dimages terribles de la tragédie du Kossovo ?
R - M. Védrine - Lobjectif de la conférence de Rambouillet, telle que la voulu le Groupe de contact, est précisément de sortir du cycle sans fin des tragédies. Nous avons appelé les deux parties à venir à cette réunion, elles sont venues, donc je veux penser quelles sont venues parce quelles partagent cet objectif.
Q - Jai entendu dire que certaines délégations nont pas pu venir avec tous leurs conseillers, et par ailleurs, un certain nombre de sujets leur ont été imposés comme sujet de discussion par la communauté internationale, est-ce le cas ?
R - M. Védrine - Sur le second point, un format a dû être défini pour chaque délégation, ne serait-ce que pour des raisons de place et pour que les négociations puissent être efficaces et directes. Les deux parties avaient prévu à lorigine des délégations trop nombreuses et les deux parties se sont adaptées aux conditions que nous avons fixées pour cette négociation. Quant aux sujets de discussion, le Groupe de contact, au fil des semaines, a, en effet, élaboré un certain nombre de principes fondamentaux qui forment le coeur de la solution possible. Cest autour de ces principes centraux que la discussion doit permettre de compléter et de préciser ce qui nest pas encore réglé.
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi M. Milosevic nest-il pas venu aujourdhui à cette Conférence internationale pour le Kossovo ? Comme vous le savez, M. Karadjic a dit que M. Milosevic na pas été en dehors de la Yougoslavie depuis deux ou trois ans.
R - M. Védrine - Cette rencontre de Rambouillet na pas été convoquée, ni organisée au niveau des chefs dEtat.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de pression internationale. Quel genre de pression internationale allez-vous exercer sur les deux parties afin de parvenir à une solution ? Est-ce dune pression militaire dont on peut parler le moment venu ?
R - M. Cook - Soyons clairs, nous avons convoqué les deux parties pour quelles soient présentes dans un délai de sept jours. Ce délai de sept jours a été respecté, et donc, la pression de la communauté internationale est bien présente afin daboutir à un règlement. Il est prévu que les deux parties sattellent immédiatement à la tâche. Elles ont donc sept jours afin daboutir à un accord. Nous allons faire le point au bout de sept jours avec nos collègues du Groupe de contact, et sil y a lieu, avec lautorité du Conseil de sécurité, de lOSCE et de lOTAN, nous appuierons ces négociations avec de la pression internationale pour que ces négociations aboutissent.
Q - Pouvez-vous nous donner des détails sur ces fameux principes fondamentaux dont vous parlez, les grandes lignes posées par le groupe de contact ? Et les deux délégations se sont-elles finalement mises daccord sur la façon dont se dérouleront les discussions ? Y aura-t-il des discussions directes entre les deux délégations ?
R - M. Védrine - Sur les principes, je ne peux pas précisément entrer dans le détail parce que je me préserve toutes les possibilités pour les négociations davancer et de conclure. Mais, je vous rappelle que nous avons proposé un projet dautonomie substantielle qui est un terme déjà en lui-même très parlant. Cela veut dire une autonomie allant très loin dans le cadre du respect des frontières internationales existantes et reconnues. Quant à la méthode, toutes les méthodes seront bonnes dès lors quelles permettront davancer.
M. Cook - Jajoute simplement que le document cadre qui a été élaboré na pas été élaboré loin de Belgrade dans une salle vide. Il a fait lobjet de consultations intensives avec les deux parties. Les trois quart de la solution sont déjà en place dans ce document cadre. Mais nous avons assez fait de consultations navette. Afin daccomplir le travail et de combler les 25 % du fossé restant, il faut réunir les deux parties, ce qui explique lobjet de cette rencontre.
Q - Le première partie de la question concerne la tenue dans deux mois du sommet de lOTAN à Washington, sagit-il là dun objectif en vue de ce sommet ou sagit-il véritablement, comme la indiqué le Président Chirac dans son allocution, de parvenir à une véritable stabilité dans la région ? A supposer quun accord soit obtenu cette fois-ci, que va-t-il se passer au bout des trois ans, va-t-il y avoir un deuxième Rambouillet afin de parvenir à lindépendance du Kossovo ?
R - M. Védrine - Sur le premier point, vous avez pu constater que cest en faisant travailler dans le même sens toutes les institutions et toutes les organisations internationales que la communauté internationale a repris linitiative dans cette tragédie du Kossovo. Et parmi les différentes organisations, il y a lOTAN. Même si la ligne politique générale a été fixée dans le Groupe de contact. Tout cela na pas de rapport particulier avec la table dun sommet. Toutes les organisations ont des sommets réguliers. Il ny a pas de liens entre les deux choses. Sur le second point : quest-ce qui se passe au bout dun certain temps ? Eh bien, cest précisément lobjet de la négociation. Donc, on ne peut pas vous répondre aujourdhui, ce soir, en tant que co-présidents. Mais cet effort immense de tout le monde a pour objet darriver à une solution politique.
M. Cook - En effet, je ne peux pas vous dire sil y aura un Rambouillet 2, mais le déploiement de nos efforts suppose que lon aboutisse à un succès pour obtenir un accord intérimaire et cest dans ce sens que nos efforts doivent être orientés.
Q - Vous parlez du document cadre où il est fait état dautonomie, dauto-administration du Kossovo qui sont des termes forts, est-ce que cela suppose à terme une indépendance du Kossovo ?
R - M. Cook - Il sagit de nos efforts qui sont là pour montrer limportance de parvenir à un accord intérimaire avec des pouvoirs qui sont donc dévolus aux assemblées et aux communes à léchelon local pour assurer leur propre défense, leur propre marché unique et ce dans le cadre de leur propre autorité du parlement. Ainsi, ce sont bien des mots très forts qui sont employés à dessein. Ce document en effet prévoit la dévolution de droits très démocratiques pour assurer la protection des communautés avec leur propre langue, leur propre culture pour rendre le Kossovo encore plus démocratique au niveau de ces communes. Seuls ceux qui sont contre le processus démocratique devraient sopposer à cet accord.
Q - Sagissant dun déploiement international, le déploiement de troupes éventuel se ferait dans un délai de jours ou de semaines et, précisément concernant ce déploiement, est-ce que les Européens sont satisfaits des garanties américaines données dans le cas dun éventuel déploiement ?
R - M. Védrine - Je crois quil est positif de constater que plusieurs pays très importants, en Europe et les Etats-Unis, ont déjà exprimé une disponibilité dans ce sens et une disponibilité convergente. Mais rien nest encore négocié, rien nest encore décidé.
M. Cook - Nous avons engagé nos plans de circonstance et nous essaierons de faire en sorte que, si les plans se déroulent comme prévu, cet intervalle soit le plus court possible. Bien sûr, si les deux parties parviennent à un accord demain, nous serons pris au dépourvu, mais cest un problème que nous envisagerons agréablement, quand les pourparlers seront terminés.
Q - Pensez-vous que le Monténégro sera le seul perdant de cette conférence ? LUnion européenne peut-elle garantir quil ny aura pas un tel résultat pour le Monténégro ?
R - M. Cook - Les principes dont parle le Monténégro ont été pleinement explicités et appliqués. Le Monténégro na absolument rien à craindre de résultats qui pourraient sortir de cette conférence et qui iraient à son encontre.
M. Védrine - Je voudrais ajouter sur le Monténégro quà mon sens la poursuite de la tragédie au Kossovo est beaucoup plus menaçante que la perspective dune solution. Et je dirais après Robin quaucun pays du groupe de contact, et surtout pas nous, ne rechercheront une solution qui puisse comporter un préjudice quelconque pour le Monténégro.
Q - Dans les jours qui ont précédé louverture de la conférence, la partie yougoslave a répété avec insistance quelle refuserait de traiter avec larmée de libération du Kossovo quelle qualifie dorganisation terroriste. De quelle manière les médiateurs ont-ils lintention de surmonter ce problème et quel sens aurait un accord auquel larmée de libération du Kossovo ne serait pas partie ?
R - M. Védrine - Vous avez certainement observé dans tous les conflits de ce type, quau moment où sapproche la négociation, chaque partie rappelle avec une particulière fermeté des positions de principe qui sont apparemment absolument incompatibles. Cest le travail des négociateurs de réussir à commencer à travailler malgré cela et à réussir à aboutir. Et il y a déjà un résultat puisquils sont là, pas loin de nous.
M. Cook - Je suis daccord avec Hubert. Voyons le chemin que nous avons accompli. Les deux parties ont accepté de venir. Elles se sont réunies dans la même salle. Nous venons davoir une réunion douverture et cest là un véritable progrès. Mais au bout du compte, pour négocier la paix, il faut négocier avec ceux qui font la guerre. On ne peut pas parler de paix avec ses amis.
Q - Quand on parle dautonomie substantielle, on a limpression que les décisions, si décision il y a dans ces négociations, sont prises davance. Quelles sont les marges de négociations, sur quoi les négociateurs peuvent-ils dire oui ou non ?
R - M. Védrine - Lautonomie est un principe général, mais si vous observez la situation dans le monde, et notamment dans un certain nombre dendroits où des tragédies ont été réglées par cette approche, il y a une très grande diversité de formes dautonomie. Cest un champ pour la négociation, ainsi que ce qui a déjà été évoqué tout à lheure par Robin Cook en réponse à une question sur la période intérimaire. Mais, cest vrai que le Groupe de contact a pris ses responsabilités en proposant un corps de principes parce que ce nétait plus possible de laisser les choses comme elles étaient.
M. Cook - Pour préciser ce que jai dit tout à lheure, la République fédérale de Yougoslavie conserve la responsabilité en matière de politique étrangère, de défense, des douanes et du marché unique. Les autres responsabilités seront donc sous lautorité des assemblées, des communes et des représentations élues au Kossovo. Bien sûr, ces responsabilités peuvent être discutées plus avant par les différentes parties sagissant de la répartition, mais noubliez pas que cest un document qui est le résultat de trois mois dentretiens, qui nest pas simplement tombé du ciel, et donc cela reste des responsabilités qui peuvent être réglées par les parties, pas simplement par des navettes incessantes entre les villes.
Q - On dit quil y a des divergences de vues entre les dirigeants albanais. Pensez-vous que cela soit de nature à influer sur le succès de la conférence ?
R - M. Védrine - Cest un des multiples problèmes quil faut traiter, quil faut maîtriser, que les négociateurs doivent surmonter. Il y en a infiniment dautres. Et il y en a de chaque côté, il y a des problèmes quil faut arriver à maîtriser pour aboutir malgré tout.
M. Cook - Personne ne prétend que les choses seront faciles. Nous reconnaissons tous quil y a des problèmes. Limportant est de ne pas voir ces problèmes comme des obstacles, mais des défis que nous pouvons surmonter, mais cela suppose que chaque partie vienne avec de la bonne volonté pour surmonter ces défis et aboutir à une solution.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, février 1999)