Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le projet Louvre 2020, l'accueil et l'accès aux jeunes publics, Paris le 4 février 2008.

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Circonstance : Présentation du projet et des grands travaux Louvre 2020 à Paris le 4 février 2008

Texte intégral


C'est un très grand plaisir pour moi de présenter aujourd'hui à vos côtés le projet « Louvre 2020 ».
Le Louvre est, depuis ses origines, plus qu'un reflet, un véritable personnage de notre Histoire, dont il porte les traces dans ses pierres et dans ses collections. Royal sous François 1er et Henri IV, conquérant sous Napoléon, martyr de la Commune, universaliste et ouvert à tous à la fin du XXe siècle, il a incarné et continue d'incarner les siècles qu'il traverse.
Et en voyant aujourd'hui le Louvre attirer plus de 8 millions de visiteurs par an, du monde entier, en le voyant grandir, étendre ses ailes, au sein de son Palais, dans son parc, mais aussi hors de ses murs, à Lens, en voyant son expertise scientifique sollicitée jusqu'à Abou Dabi, nous avons bien du mal, je le crois, à penser sérieusement, avec certain Cassandre, que le XXIe siècle sera celui du déclin de la culture française.
Depuis le lancement du Grand Louvre, ce musée a en effet entamé une mutation spectaculaire, qui en a fait un fer de lance de la politique culturelle française, un laboratoire de la modernité de nos musées nationaux.
Aujourd'hui, nous ouvrons un nouveau chapitre de son histoire. Nous avons défini ensemble, avec Henri Loyrette et ses équipes, quatre grands axes de développement, qui répondent à mes yeux aux enjeux de la politique muséale du XXIe siècle. Je ne rentrerai pas dans le détail de chacun des chantiers lancés, Henri Loyrette vous les expliquera dans un instant.
Le premier défi concerne l'accueil des publics.
Si le but aujourd'hui est toujours d'accueillir plus de visiteurs, il est surtout de les accueillir mieux.
La fréquentation des musées est en forte augmentation, et tous les indicateurs montrent que cette tendance est appelée à se poursuivre. Les musées nationaux ont ainsi accueilli près de 24 millions de visiteurs en 2007, soit une augmentation de près de 9 millions depuis 2002. Le Louvre atteint un niveau record avec 8,3 millions de visiteurs, soit une augmentation de 60% depuis 2001.
Cette accélération extrêmement rapide, dont nous ne pouvons que nous réjouir, a cependant des conséquences lourdes sur la qualité des visites et sur le travail des agents. Elle nous invite à une meilleure intelligence de l'accueil, pour que succès ne rime pas avec saturation.
Accueillir mieux, c'est tout d'abord maîtriser les flux de nouveaux visiteurs, et veiller à donner à chacun les clés de compréhension des oeuvres, tout au long de son parcours. C'est le grand projet Pyramide, qui repense cet espace phare du Grand Louvre, conçu à l'origine pour une fréquentation de seulement 4,5 millions de visiteurs.
Accueillir mieux, c'est aussi accueillir en toute sécurité : la réalisation du schéma directeur Sécurité-incendie est un impératif pour le Louvre.
Accueillir mieux, c'est enfin adapter les structures, l'information et l'offre culturelle aux personnes en situation de handicap, et je tiens à souligner le caractère tout à fait exemplaire de la politique que le Louvre mène depuis maintenant près de vingt ans pour faciliter la visite de ces publics.
Cette politique prendra une nouvelle ampleur dans le cadre du Louvre 2020.
Le deuxième défi est de susciter la curiosité et l'intérêt du jeune public.
Vous le savez, j'ai présenté mercredi dernier au Conseil des ministres un plan pour l'éducation artistique et culturelle, qui mobilisera tous les établissements scolaires mais aussi tous les établissements publics sous tutelle de ce ministère. Nos musées sont des manuels d'histoire et d'histoire des arts à eux tout seuls. A nous d'en rendre les chapitres lisibles et compréhensibles par tous. A nous de les rendre plus attractifs, plus familiers, d'en faire des lieux d'enrichissement, de découverte, et tout simplement de plaisir.
Pour cela, nous devons faire preuve d'imagination, et je suis très heureuse que le Louvre fasse une nouvelle fois figure de précurseur, avec deux projets pédagogiques tout à fait inédits : un espace de préparation à la visite dans le Pavillon de Flore, qui donnera le mode d'emploi de ce musée, dont la dimension et la taille pourraient impressionner voire décourager ; et, dans le pavillon Sully, un parcours chronologique qui plongera les visiteurs dans l'histoire du palais et du jardin.
Enfin, comment parler de pédagogie et de transmission sans évoquer les possibilités offertes par le numérique ? Après le formidable succès de son site internet, le Louvre va proposer un véritable « Louvre 2.0 » qui rendra ses trésors accessibles à tous en quelques clics.
Troisième défi : une meilleure mise en valeur des espaces et des collections.
Même ceux qui sont déjà familiers du Louvre n'ont pas fini d'être surpris par la variété de ses collections : grâce à de nouvelles approches muséographiques, le public pourra redécouvrir la cohérence des ensembles du mobilier XVIIIe, la richesse des peintures françaises et anglaises du XVIIIe et du XIXe siècles et enfin la qualité exceptionnelle des antiquités grecques, étrusques et romaines.
Dans le même esprit, la rénovation du jardin des Tuileries permettra de redonner un nouveau visage à cet espace familier et tant apprécié des Parisiens, mais offre aussi de nouvelles perspectives au Palais dans son ensemble.
Le quatrième défi, c'est le rayonnement et l'ouverture.
Ouverture, tout d'abord, sur le territoire français : le Louvre est notre plus grand musée national, il est donc légitime qu'il mette ses collections et son savoir-faire au service des autres musées, à travers des expositions ou des dépôts d'oeuvres dans toute la France. J'ai évoqué tout à l'heure le projet « hors les murs » du Louvre à Lens. Il s'inscrit complètement dans cette logique de partage. Je tiens d'ailleurs à saluer le différentes collectivités territoriales du Nord-Pas-de-Calais qui se sont investies dans ce projet avec beaucoup d'enthousiasme.
Ouverture, ensuite, du Louvre sur le monde, conformément à sa vocation universelle. Cette vocation, c'est celle d'un musée qui doit à la fois présenter la richesse des civilisations du monde - c'est le sens du projet du département des Arts de l'Islam - ; et porter l'image des cultures française et occidentale au-delà de nos frontières : c'est bien évidemment le projet emblématique du Louvre Abou Dabi, mais ce sont aussi tous les partenariats noués par le Louvre, notamment aux Etats-Unis, avec Atlanta, en Corée, au Japon, ou encore en Australie. Ils témoignent du rayonnement international de nos musées, que j'entends favoriser.
Je laisserai le soin à Henri Loyrette d'expliquer plus en détails ces grands chantiers, qui dessinent l'avenir du premier musée du monde.
Mais avant cela, je voudrais vous annoncer les derniers développements d'un projet qui concerne bien évidemment le Louvre, mais qui intéresse aussi l'activité de toutes nos institutions nationales. Ce projet, c'est celui du Pôle de réserves, de restauration et de recherche des musées. Nous l'avons conçu pour encourager l'excellence française dans les domaines de l'expertise scientifique, muséographique et technique, de la recherche et de l'innovation.
Les musées français jouent aujourd'hui la course en tête sur ce terrain, et exportent leur savoir-faire aux quatre coins du monde.
Le Pôle de réserves, de restauration et de recherche rassemblera en un lieu unique toute une série d'activités, anciennes et nouvelles, au service des musées et de leur rayonnement.
Centre de réserves, il protègera enfin, de façon pérenne, les oeuvres situées dans les grands musées de bord de Seine, menacés depuis des années par les risques de crue. Cela concerne notamment le Louvre, le musée d'Orsay, le musée des arts décoratifs, le musée de l'Orangerie et l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts.
Centre pour la restauration, le récolement et l'étude des collections, il comportera des équipements et des services d'analyse et de restauration sans équivalent dans le monde.
Centre de recherches enfin, il accueillera les scientifiques, français et étrangers, qui souhaiteront étudier les oeuvres conservées dans ces réserves.
Il s'agit là d'un formidable projet collectif qui offrira des perspectives inédites à notre réseau muséal. Ce centre sera situé en région parisienne, nous souhaitons ouvrir un dialogue avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France qui pourraient être intéressées par l'implantation d'un tel équipement.
Sa réalisation sera financée notamment grâce aux contreparties financières du projet du Louvre Abou Dabi.
Ce projet a été initié, vous le savez, par mon prédécesseur Renaud Donnedieu de Vabres. Il a fait l'objet d'un accord intergouvernemental signé le 6 mars 2007, que j'ai eu l'honneur de défendre devant le Parlement en octobre dernier. J'ai souhaité conforter cette initiative parce qu'elle marque à mes yeux la forte attractivité de nos musées et le rayonnement de nos équipes scientifiques. Dès mon arrivée rue de Valois, j'ai veillé à ce que la création de l'agence France-Muséums se fasse dans les meilleures conditions. Et Henri Loyrette ainsi que Marc Ladreit de Lacharrière, le président du conseil d'administration à qui je rends un chaleureux hommage, peuvent en témoigner. Les statuts de l'agence, signés dès juillet 2007, lui ont permis de se mettre immédiatement au travail. Un premier projet scientifique et culturel, validé par le conseil scientifique présidé par Henri Loyrette, a été remis aux partenaires émiriens. Il fait actuellement l'objet de discussions avec les Emiriens. J'ai tenu à me rendre sur place au début de cette année pour témoigner de mon attachement à ce projet et m'assurer de son bon déroulement.
Lors de cette visite, la convention qui régit les relations entre France-muséums et son agence partenaire émirienne pour les trente années à venir a été signée. Je suis ensuite retournée à Abou Dabi pour présenter au Président de la République les avancées de ce projet, lors de son voyage officiel dans le Golfe.
Cette opération exceptionnelle montre combien nos institutions culturelles savent être innovantes et peuvent mobiliser de nouvelles ressources pour leur développement.
A ces nouvelles ressources, et en premier lieu celles qui sont issues de l'aventure d'Abou Dabi, je veux offrir un cadre juridique innovant, à la fois souple pour ses utilisateurs - comme le Louvre - et attractif pour les donateurs. Nous examinons donc en ce moment, avec les ministres du Budget et des Finances, la création d'un outil spécifique, le fonds de dotation, dont le capital serait inaliénable et dont seuls les intérêts viendraient financer les projets d'une institution culturelle, de façon pérenne.
Pour financer tous les projets novateurs que portent nos établissements, l'Etat continuera à s'engager pleinement à leurs côtés, comme il le fait déjà. Pour autant, cet effort des pouvoirs publics n'est pas exclusif de la recherche active de financements complémentaires innovants.
Le fonds de dotation est un exemple, la recherche de mécénat en est un autre et je sais que le Louvre connaît, en la matière, des résultats exceptionnels. Nous fêterons cette année les 5 ans de la loi sur le mécénat que Jean-Jacques Aillagon a fait adopter en 2003 et je compte prochainement prendre des initiatives fortes dans ce domaine.
C'est ainsi que nous démultiplierons notre impact, en faveur du dynamisme et de l'ouverture de nos musées. C'est un nouvel élan que nous appelons de nos voeux, et le Louvre 2020 l'incarne avec force.
Nous avons, je pense, tous en mémoire ce fameux passage de L'Assommoir de Zola, qui décrit avec un humour féroce la déambulation des tout jeunes époux Gervaise et Coupeau dans les allées d'un Louvre poussiéreux, presque hostile, hanté seulement par des érudits et des copistes. Un labyrinthe - je cite - de « salles désertes, froides, garnies seulement de vitrines sévères où s'alignaient une quantité innombrable de pots cassés et de bonshommes très laids ». Un musée refermé sur lui-même, qui gardait jalousement le secret de ses collections et le mystère de ses trésors. « C'est bête de ne pas écrire le sujet sur les cadres », se lamentait Gervaise, perplexe devant les Noces de Cana.
Cette scène paraît bien exotique, 130 ans plus tard ! Aujourd'hui le Louvre n'est plus un mausolée, mais une agora, un véritable lieu de vie et d'échanges, toujours plus accueillant, toujours plus soucieux de transmettre et de partager ses richesses, de donner des clés pour mieux les comprendre, de porter l'excellence de ses savoir-faire hors de ses frontières.
Merci, cher Henri Loyrette, de défendre ces projets avec tout le dynamisme, l'enthousiasme et l'audace que nous connaissons. Je vous cède maintenant la parole, pour une présentation plus précise des grands chantiers du Louvre 2020.source http://www.culture.gouv.fr, le 12 février 2008