Texte intégral
N. Demorand.- Un mot sur ce qui se passe dans une ville parmi des dizaines de milliers d'autres en France mais pas n'importe qu'elle ville, quel est votre point de vue sur la situation à Neuilly, fief des Sarkozy ?
R.- Bon, vu de Pau, on est un peu abasourdi devant ces rebondissements quotidiens inattendus d'une espèce de feuilleton, dont le vrai sujet est : "la cour" ; que se passe-t-il à "la cour" ? Qui est dans les cercles de pouvoir ? Qui est le favori ou la favorite ? Qui est disgracié et qui va être promu et qui va être jeté ? Ceci est profondément malsain, de même qu'il est profondément malsain de croire qu'une ville appartient à un homme ou à un clan, ou à un camp. Et qu'on veuille imposer de l'extérieur un certain nombre de solutions. Franchement, ce se passe beaucoup de Français écoutent ça avec... en n'en croyant pas leurs oreilles, et en se disant : mais, quand est-ce que ça va s'arrêter et où va-t-on aller ? Il y a là quelque chose qui traduit un climat interne qui est, me semble-t-il, un climat interne d'affrontements.
Q.- Donc, c'est plus qu'une crise dans une élection municipale locale ?
R.- Au premier abord, ça a des aspects comiques, et ensuite, quand on réfléchit, on se dit : mais tout ça c'est la présidence de la République, c'est l'Elysée, c'est les plus proches du président de la République, et ceux qui jouent un rôle très important dans l'équipe élyséenne. Il y a là quelque chose qui est d'une... Si j'osais, je vous dirais ceci : ça va plus vite que je ne l'imaginais. Vous savez, depuis le début, depuis le premier jour, et même depuis avant le premier jour, j'ai sur la nature de ce régime, la nature de ce pouvoir, des réserves qui sont très grandes, que j'ai exprimées, que beaucoup de mes amis n'ont pas comprises quand je les ai exprimées ; des inquiétudes et une analyse qui est une analyse sévère. Et pour la France, profondément troublée.
Q.- "Ça va plus vite que ce vous n'imaginiez", ça va où, d'après vous ?
R.- Ah ! Ça va à une crise, enfin, c'est une crise latente. C'est une crise latente du pouvoir, et c'est une crise latente à propos de laquelle il faut qu'en citoyens nous nous interrogions.
Q.- Vous êtes inquiet ?
R.- Je suis inquiet, pas inquiet. Je vois se réaliser sous mes yeux ce qui est quelque chose qui est profondément une atteinte à l'image de la France, c'est-à-dire un pouvoir qui donne de lui-même sa propre caricature, qui prête à sourire, si on veut ne pas être trop inquiet à chaque seconde. Et ceci est malsain. Ce pouvoir est en place depuis seulement huit ou neuf mois, et en huit ou neuf mois, regardez la dégringolade, le dérapage, le glissement. Et j'ai tout à fait conscience que beaucoup de Français se disent : mais maintenant, comment on peut en sortir, qu'est-ce qui peut se passer, où va-t-on aller à ce rythme ? Et donc, c'est à cela que je pense. Franchement, j'y pense sans le sentiment... sans satisfaction d'avoir eu raison mais j'y pense en me disant que, désormais, si on pense à l'avenir, si on regarde l'avenir, c'est à reconstruire qu'il va falloir songer.
Q.- Est-ce que le président de la République vous a convaincu hier soir lors de son allocution radiotélévisée sur l'Europe ?
R.- Bon. Il a fait un dépannage de la situation institutionnelle de l'Europe, et de cela, je donne acte. Sans satisfaction. Parce que, évidemment, si on se souvient de ce qu'avaient été les engagements - les engagements de la campagne présidentielle - beaucoup d'entre nous voulaient un traité simple, court, lisible, compréhensible par tous, dans lequel soient rappelés ou soient mis en place des principes nouveaux pour l'Europe qui seraient : place aux citoyens pour qu'une démocratie permette de faire entendre leur voix.
Q.- Les principes y sont, la rhétorique est un peu lourde.
R.- Oui. Disons que pour la mécanique, ça va à peu près : on va sans doute, si ça arrive à son terme, voter un peu plus facilement sur un plus grand nombre de sujets. Il y aura une autorité d'organisation, un Président pour l'Europe. Du point de la mécanique, disons que ça va à peu près. Du point de vue de l'esprit européen, il n'y a rien, et en particulier le fait que le texte soit incompréhensible par tout citoyen autre qu'un docteur en droit européen, ceci est une pénalisation de l'idée européenne, et cela ne permettra pas en tout cas que la voix des citoyens se fasse entendre sur les grands sujets - je pense à la crise financière qu'on est en train de vivre et qui va peut-être connaître de nouveaux épisodes. La voix des citoyens ne peut pas se faire entendre pour obtenir ce qu'ils souhaitent, c'est-à-dire une autorité politique capable de faire respecter un certain nombre de règles à la surface de la planète.
Q.- Quand vous parlez de nouveaux épisodes pour la crise financière, vous pensez à quoi exactement, F. Bayrou ?
R.- Il se trouve que... Vous savez, nous avons vécu la crise de ce qu'on appelle les subprimes, c'est-à-dire les banques avaient prêté à des foyers insolvables. Et ils avaient répandu comme cela des prêts, ils se sont ensuite découverts impossibles à rembourser, et comme il y en avait à peu près dans toutes les banques, cela a provoqué la crise que vous savez. C'est le premier épisode. Il y a un deuxième épisode qui se prépare, qu'on essaye de conjurer sans doute - les banques - mais qu'on va avoir beaucoup de mal à conjurer : c'est ce qu'on appelle la crise des rehausseurs de crédits, c'est-à-dire des établissements bancaires qui se servent de leur surface financière pour garantir des prêts à des taux plus bas à des établissements qui n'auraient pas, eux, des épaules pour emprunter aussi peu cher. Il se trouve qu'on dit, comme vous savez, que ces rehausseurs de crédits vont avoir besoin de peut-être 100 milliards de dollars pour établir leur équilibre. C'est-à-dire une crise plus grave que la crise de subprimes qu'on a vécue.
Q.- Encore une question rapide sur l'Europe : est-ce que la ligne, on va dire, tenue ou portée par H. Guaino, qui est une ligne plutôt souverainiste et assez critique sur l'Europe, et la ligne du secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, J.-P. Jouyet, qui est plutôt une ligne classique et europhile vous semblent compatibles ?
R.- Vous savez bien qu'il y a un conflit très lourd au sein des cercles de pouvoir entre ces deux lignes-là. M. Giscard d'Estaing a d'ailleurs dit que ça n'était pas compatible longtemps. Pour moi, ce que je crois, c'est que la France n'aura de rôle respecté et moteur en Europe que si elle est capable de remettre de l'ordre chez elle.
Q.- C'est du désordre, là ?
R.- C'est le désordre : c'est le désordre dans le pouvoir, c'est le désordre dans l'image que les gouvernants donnent, et c'est aussi le désordre dans les affaires. Vous savez qu'on a fait le choix, dès les premières semaines du nouveau mandat, de dépenser de l'argent qu'on n'avait pas pour le donner en particulier à une clientèle électorale, et qu'aujourd'hui, on se trouve dans un déséquilibre aggravé des finances publiques, et ce déséquilibre il n'est pas pour l'ensemble de l'Europe quelque chose d'acceptable, ce qui fait que l'influence de la France tout le monde la regarde malheureusement d'un air goguenard.
Q.- Et c'est un peu le désordre au MoDem aussi, non, F. Bayrou ?
R.- Pas du tout.
Q.- Ah bon ! ?
R.- Si vous aviez, hier, assisté à la réunion que nous avons tenue, c'était au contraire presque émouvant, tant c'était encourageant de voir des centaines et centaines - d'ailleurs ça a été écrit, je crois, à peu près partout - des centaines et centaines de têtes de liste nouvelles, des femmes et des hommes vraiment extrêmement costauds, engagés, s'exprimant avec beaucoup de force, pour dire qu'ils avaient conscience de porter un mouvement politique nouveau. Alors, ce n'est pas facile...
Q.- Un mouvement qui agit d'une façon à Paris, d'une autre à Lyon, d'une troisième à Marseille, d'une quatrième à Bordeaux, d'une cinquième à Dijon...
R.- Non, pas du tout. D'abord, excusez-moi, mais les Parisiens, les Marseillais, les Lyonnais, les Dijonnais et les Palois ce sont des citoyens qui ont envie qu'on se décide pour les élections municipales sur des considérations locales. Locales. Les élections municipales sont des élections municipales : on va élire un maire et on va élire une équipe. Et ils trouvent tout à fait normal et légitime que ces maires et ces équipes se constituent selon le climat politique local et les sensibilités politiques locales. Mais pour le reste, dans les villes que vous avez citées, Paris, Lyon, Marseille - et Pau - nous avons une démarche politique originale, indépendante.
Q.- Pas de désordre donc au MoDem...
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 février 2008
R.- Bon, vu de Pau, on est un peu abasourdi devant ces rebondissements quotidiens inattendus d'une espèce de feuilleton, dont le vrai sujet est : "la cour" ; que se passe-t-il à "la cour" ? Qui est dans les cercles de pouvoir ? Qui est le favori ou la favorite ? Qui est disgracié et qui va être promu et qui va être jeté ? Ceci est profondément malsain, de même qu'il est profondément malsain de croire qu'une ville appartient à un homme ou à un clan, ou à un camp. Et qu'on veuille imposer de l'extérieur un certain nombre de solutions. Franchement, ce se passe beaucoup de Français écoutent ça avec... en n'en croyant pas leurs oreilles, et en se disant : mais, quand est-ce que ça va s'arrêter et où va-t-on aller ? Il y a là quelque chose qui traduit un climat interne qui est, me semble-t-il, un climat interne d'affrontements.
Q.- Donc, c'est plus qu'une crise dans une élection municipale locale ?
R.- Au premier abord, ça a des aspects comiques, et ensuite, quand on réfléchit, on se dit : mais tout ça c'est la présidence de la République, c'est l'Elysée, c'est les plus proches du président de la République, et ceux qui jouent un rôle très important dans l'équipe élyséenne. Il y a là quelque chose qui est d'une... Si j'osais, je vous dirais ceci : ça va plus vite que je ne l'imaginais. Vous savez, depuis le début, depuis le premier jour, et même depuis avant le premier jour, j'ai sur la nature de ce régime, la nature de ce pouvoir, des réserves qui sont très grandes, que j'ai exprimées, que beaucoup de mes amis n'ont pas comprises quand je les ai exprimées ; des inquiétudes et une analyse qui est une analyse sévère. Et pour la France, profondément troublée.
Q.- "Ça va plus vite que ce vous n'imaginiez", ça va où, d'après vous ?
R.- Ah ! Ça va à une crise, enfin, c'est une crise latente. C'est une crise latente du pouvoir, et c'est une crise latente à propos de laquelle il faut qu'en citoyens nous nous interrogions.
Q.- Vous êtes inquiet ?
R.- Je suis inquiet, pas inquiet. Je vois se réaliser sous mes yeux ce qui est quelque chose qui est profondément une atteinte à l'image de la France, c'est-à-dire un pouvoir qui donne de lui-même sa propre caricature, qui prête à sourire, si on veut ne pas être trop inquiet à chaque seconde. Et ceci est malsain. Ce pouvoir est en place depuis seulement huit ou neuf mois, et en huit ou neuf mois, regardez la dégringolade, le dérapage, le glissement. Et j'ai tout à fait conscience que beaucoup de Français se disent : mais maintenant, comment on peut en sortir, qu'est-ce qui peut se passer, où va-t-on aller à ce rythme ? Et donc, c'est à cela que je pense. Franchement, j'y pense sans le sentiment... sans satisfaction d'avoir eu raison mais j'y pense en me disant que, désormais, si on pense à l'avenir, si on regarde l'avenir, c'est à reconstruire qu'il va falloir songer.
Q.- Est-ce que le président de la République vous a convaincu hier soir lors de son allocution radiotélévisée sur l'Europe ?
R.- Bon. Il a fait un dépannage de la situation institutionnelle de l'Europe, et de cela, je donne acte. Sans satisfaction. Parce que, évidemment, si on se souvient de ce qu'avaient été les engagements - les engagements de la campagne présidentielle - beaucoup d'entre nous voulaient un traité simple, court, lisible, compréhensible par tous, dans lequel soient rappelés ou soient mis en place des principes nouveaux pour l'Europe qui seraient : place aux citoyens pour qu'une démocratie permette de faire entendre leur voix.
Q.- Les principes y sont, la rhétorique est un peu lourde.
R.- Oui. Disons que pour la mécanique, ça va à peu près : on va sans doute, si ça arrive à son terme, voter un peu plus facilement sur un plus grand nombre de sujets. Il y aura une autorité d'organisation, un Président pour l'Europe. Du point de la mécanique, disons que ça va à peu près. Du point de vue de l'esprit européen, il n'y a rien, et en particulier le fait que le texte soit incompréhensible par tout citoyen autre qu'un docteur en droit européen, ceci est une pénalisation de l'idée européenne, et cela ne permettra pas en tout cas que la voix des citoyens se fasse entendre sur les grands sujets - je pense à la crise financière qu'on est en train de vivre et qui va peut-être connaître de nouveaux épisodes. La voix des citoyens ne peut pas se faire entendre pour obtenir ce qu'ils souhaitent, c'est-à-dire une autorité politique capable de faire respecter un certain nombre de règles à la surface de la planète.
Q.- Quand vous parlez de nouveaux épisodes pour la crise financière, vous pensez à quoi exactement, F. Bayrou ?
R.- Il se trouve que... Vous savez, nous avons vécu la crise de ce qu'on appelle les subprimes, c'est-à-dire les banques avaient prêté à des foyers insolvables. Et ils avaient répandu comme cela des prêts, ils se sont ensuite découverts impossibles à rembourser, et comme il y en avait à peu près dans toutes les banques, cela a provoqué la crise que vous savez. C'est le premier épisode. Il y a un deuxième épisode qui se prépare, qu'on essaye de conjurer sans doute - les banques - mais qu'on va avoir beaucoup de mal à conjurer : c'est ce qu'on appelle la crise des rehausseurs de crédits, c'est-à-dire des établissements bancaires qui se servent de leur surface financière pour garantir des prêts à des taux plus bas à des établissements qui n'auraient pas, eux, des épaules pour emprunter aussi peu cher. Il se trouve qu'on dit, comme vous savez, que ces rehausseurs de crédits vont avoir besoin de peut-être 100 milliards de dollars pour établir leur équilibre. C'est-à-dire une crise plus grave que la crise de subprimes qu'on a vécue.
Q.- Encore une question rapide sur l'Europe : est-ce que la ligne, on va dire, tenue ou portée par H. Guaino, qui est une ligne plutôt souverainiste et assez critique sur l'Europe, et la ligne du secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, J.-P. Jouyet, qui est plutôt une ligne classique et europhile vous semblent compatibles ?
R.- Vous savez bien qu'il y a un conflit très lourd au sein des cercles de pouvoir entre ces deux lignes-là. M. Giscard d'Estaing a d'ailleurs dit que ça n'était pas compatible longtemps. Pour moi, ce que je crois, c'est que la France n'aura de rôle respecté et moteur en Europe que si elle est capable de remettre de l'ordre chez elle.
Q.- C'est du désordre, là ?
R.- C'est le désordre : c'est le désordre dans le pouvoir, c'est le désordre dans l'image que les gouvernants donnent, et c'est aussi le désordre dans les affaires. Vous savez qu'on a fait le choix, dès les premières semaines du nouveau mandat, de dépenser de l'argent qu'on n'avait pas pour le donner en particulier à une clientèle électorale, et qu'aujourd'hui, on se trouve dans un déséquilibre aggravé des finances publiques, et ce déséquilibre il n'est pas pour l'ensemble de l'Europe quelque chose d'acceptable, ce qui fait que l'influence de la France tout le monde la regarde malheureusement d'un air goguenard.
Q.- Et c'est un peu le désordre au MoDem aussi, non, F. Bayrou ?
R.- Pas du tout.
Q.- Ah bon ! ?
R.- Si vous aviez, hier, assisté à la réunion que nous avons tenue, c'était au contraire presque émouvant, tant c'était encourageant de voir des centaines et centaines - d'ailleurs ça a été écrit, je crois, à peu près partout - des centaines et centaines de têtes de liste nouvelles, des femmes et des hommes vraiment extrêmement costauds, engagés, s'exprimant avec beaucoup de force, pour dire qu'ils avaient conscience de porter un mouvement politique nouveau. Alors, ce n'est pas facile...
Q.- Un mouvement qui agit d'une façon à Paris, d'une autre à Lyon, d'une troisième à Marseille, d'une quatrième à Bordeaux, d'une cinquième à Dijon...
R.- Non, pas du tout. D'abord, excusez-moi, mais les Parisiens, les Marseillais, les Lyonnais, les Dijonnais et les Palois ce sont des citoyens qui ont envie qu'on se décide pour les élections municipales sur des considérations locales. Locales. Les élections municipales sont des élections municipales : on va élire un maire et on va élire une équipe. Et ils trouvent tout à fait normal et légitime que ces maires et ces équipes se constituent selon le climat politique local et les sensibilités politiques locales. Mais pour le reste, dans les villes que vous avez citées, Paris, Lyon, Marseille - et Pau - nous avons une démarche politique originale, indépendante.
Q.- Pas de désordre donc au MoDem...
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 février 2008