Texte intégral
Q - Vous êtes le premier secrétaire d'Etat aux anciens combattants a avoir hérité de la casquette de "ministre des réserves". Pourquoi avoir réuni ces deux domaines d'intervention ?
R - Il a existé dans le passé des périodes où le Secrétaire d'Etat aux anciens combattants était chargé, en outre, du dossier de la réserve militaire.
Aujourd'hui, la différence, fondamentale, réside dans la volonté du Président de la République et du Premier Ministre de confier au secrétaire d'Etat à la Défense deux grands champs de compétences: les anciens combattants et le lien armées-Nation. La réserve militaire est ainsi, avec le service national, au coeur de mes préoccupations.
Il s'agit là à l'évidence, de la part du Gouvernement, de la marque de l'attention et de l'intérêt qu'il porte à la réserve militaire et aux volontaires qui la composent.
Q - Quels sont les objectifs poursuivis, en terme d'effectifs et qu'attend aujourd'hui l'Etat d'un réserviste ?
R - Comme vous le savez, la suspension du service national et la mise sur pied d'une armée professionnelle s'étaient accompagnées d'une forte réduction du format. Les armées se sont centrées sur leur coeur de métier : les opérations. Le recours à la réserve est alors apparu comme la solution naturelle pour faire face à certaines situations, comme l'ont fait toutes les armées qui se sont professionnalisées.
Cette nouvelle réserve militaire, fondée sur le volontariat, se subdivise en deux composantes indissociables et perméables entre elles: la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne.
La première, prévue pour atteindre un effectif de 94000 volontaires en 2012, répond à un strict besoin d'emploi au sein des forces armées. Les réservistes leur apportent les compétences et les effectifs qui leur sont nécessaires pour remplir les missions qui leur sont confiées. Ils sont donc indispensables à l'engagement opérationnel de nos forces et l'actualité le démontre chaque jour.
Ainsi, des réservistes occupent partout, au quotidien, des postes essentiels, que ce soit sur les théâtres d'opération, au sein de nos forces pré positionnées ou en métropole.
Ainsi, entre autres, j'ai pu rencontrer les fusiliers marins de réserve de la Base navale de Toulon, à Mostar le peloton de l'arme du Train de l'armée de terre, composé exclusivement de réservistes; au Tchad, tout récemment, je me suis entretenu avec un des chirurgiens, réserviste, appartenant à l'antenne chirurgicale présente à N'Djamena. Des réservistes servent dans les unités que je viens de visiter à Dakar et à Libreville.
Mais les réservistes sont aussi présents sur le territoire national, dans les états-majors, dans les unités, sur les bases aériennes. Ils sont présents afin d'assurer la sécurité des Français dans le dispositif Vigipirate. De fait, ils participent à toutes les missions de leurs camarades d'active et dans les mêmes conditions. Savez vous qu'au mois de juillet dernier 2400 réservistes de la gendarmerie nationale étaient employés chaque jour ?
J'ajouterai que les réserves ont également un rôle irremplaçable à tenir dans le maintien du lien entre la Nation et ses armées, non seulement parce qu'elles se situent à la charnière du civil et du militaire, mais surtout parce que l'engagement des réservistes militaires, au service du pays et de leurs concitoyens, est un exemple.
Ce rayonnement des armées dans la Nation est une des missions que remplissent les réservistes citoyens. Elle est en outre plus particulièrement chargée de développer l'esprit de défense. Elle ne peut en aucun cas avoir d'activités relevant du domaine opérationnel, même à titre bénévole. En revanche, elle peut apporter un soutien permanent à l'armée d'active en matière de recrutement, de reconversion et de relations publiques
Q - Pourrait-on imaginer, comme cela se faisait il y a encore une trentaine d'années en France pour les dragueurs, d'armer un bâtiment de réservistes, à l'image de ce qui se fait par exemple au Canada, dans le domaine aujourd'hui très exigeant de l'action de l'état en mer ?
R - Aucun texte n'interdit à la Marine Nationale d'étudier une telle hypothèse. Ce n'est toutefois pas un sujet d'actualité.
Pour être efficace un tel emploi en équipage homogène supposerait que soit réunies des conditions impératives (disponibilité de plusieurs équipages, normes d'entraînement et contrôle de la formation, attributions spécifiques du commandement...).
Il existe toutefois déjà un exemple français de bâtiment armé uniquement par des réservistes. Certes ce n'est pas une unité de combat puisqu'il s'agit de l'Aventurière II, vedette de la Délégation générale à l'armement.
Q - La SNSM est à la recherche de personnels d'encadrement de tous niveaux aussi bien pour son siège que pour les stations, ne pourrait-on pas imaginer de mettre en place des ESR à son profit ?
R - L'impossibilité légale actuelle d'affecter des réservistes auprès de structures parapubliques de différentes natures n'a pas échappé au département de la Défense. La solution ne peut passer que par une modification de la loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense. Je puis vous indiquer qu'une réflexion sur ce sujet est en cours.
Q - La réserve est totalement méconnue de la grande majorité des jeunes et apparaît pour ceux qui en ont connaissance, comme compliquée et confuse à intégrer ? comment remédier à cette situation ?
R - Il y a deux aspects dans votre question. Le premier concerne la notoriété de la réserve militaire de l'armée professionnalisée. Il est vrai qu'en matière de communication, il faut en permanence "remettre l'ouvrage sur le métier". Pour autant il convient de souligner l'effort conséquent de promotion de la réserve militaire qui a été effectué auprès de tous les publics, les jeunes bien sûr, mais également le monde de l'entreprise : valorisation de la journée nationale du réserviste organisée chaque année, refonte du site Internet du Conseil supérieur de la réserve militaire, articles de presse dans les publications civiles, militaires et professionnelles, réalisation d'une campagne sur une grande chaîne de télévision à une heure de grande écoute, réalisation d'un clip vidéo tourné vers l'information des employeurs de réservistes, etc...
L'édition par la Documentation française en 2007 d'un ouvrage sur la réserve militaire, véritable petit guide pratique, doit permettre de mieux faire connaître les moyens d'accéder à la réserve militaire et le statut des réservistes.
Au total, nous n'enregistrons actuellement aucune difficulté de recrutement initial au sein de la réserve opérationnelle.
Le second aspect touche aux conditions d'administration et de gestion des réservistes et il convient effectivement de corriger les errements de gestion, d'alléger les contraintes administratives, de supprimer les pesanteurs toujours trop nombreuses, pénalisants et relevés à juste titre par nos volontaires. Les états-majors et directions se préoccupent de cet aspect des choses. Elles vont en s'améliorant : le tableau d'avancement dans la réserve opérationnelle n'a-t-il pas été publié en décembre 2007, quatre mois plus tôt que ces dernières années ? Mais il reste encore du travail dans ce domaine. Le rôle du politique est de veiller à ce que cela soit fait.
Q - Pouvez-vous nous faire un point sur les conventions signées entre le Ministère de la défense et les entreprises ? Combien en compte-t-on, quelles sont les entreprises signataires, qu'apportent concrètement ces conventions concernant la disponibilité du réserviste, les salaires, le retour pour l'entreprise...
R - Nous avons vu que le recours au volontariat est devenu un des principes de la réserve militaire. Quel que soit leur statut (salarié, fonctionnaire, artisan, profession libérale, etc...) ces réservistes volontaires sont à l'interface entre la société civile et les armées. Leur activité militaire, qui est nécessairement prise au moins pour partie sur leur temps de travail, ne doit pas mettre en péril leur activité civile ni hypothéquer leurs relations avec leurs employeurs. C'est pourquoi la loi a d'une part clarifié les rapports entre réservistes opérationnels et employeurs et, d'autre part, mis en place les instruments permettant un véritable partenariat entre la Défense et l'entreprise.
Les conventions de soutien à la politique de la réserve militaire concrétisent l'adhésion des employeurs à des mesures allant au-delà de ce que la loi impose en matière de disponibilité, de réactivité et de garantie de rémunération. Les 125 conventions signées aujourd'hui et celles, aussi nombreuses, en cours d'élaboration sont autant de cas d'espèce et il serait fastidieux d'en détailler les attendus, mais, par définition, toutes visent à favoriser les conditions d'exercice des activités militaires des réservistes opérationnels.
Le crédit d'impôt, la prise en compte au titre du droit individuel à la formation des formations duales dispensées au réserviste dans son affectation, la reconnaissance de la plus value que représente le réserviste dans l'entreprise, l'attribution du label de partenaire de la Défense, l'accès à des stages intéressant l'entreprise effectués par la Défense sont autant de mesures d'accompagnement qui viennent faciliter le dialogue confiant qui s'instaure progressivement avec l'entreprise, dans toutes ses composantes.
Un réseau se met en place sous l'égide du Conseil supérieur de la réserve militaire qui a la responsabilité de ce partenariat. Ce partenariat est dans une dynamique très positive. Je vous rappellerai qu'il y a trois ans, seules trois conventions existaient et qu'en 2007 le Conseil supérieur de la réserve militaire a activement participé à "Planète PME".
Q - De nombreux réservistes accomplissent aujourd'hui leur période de réserve sur leur temps de vacances ou de RTT devant la réticence de certains employeurs à en reconnaître l'utilité et le sérieux...
R - Il restera toujours des réservistes qui, par conviction personnelle, continueront à effectuer leurs activités militaires sur leurs temps de vacances, mais nous savons depuis l'enquête publiée en 2005 que 52 % des réservistes effectuent toutes leurs journées de réserve sur leur temps de travail et 80 % d'entre eux en effectuent les trois quarts dans les mêmes conditions. Cette enquête sur les "réservistes opérationnels aujourd'hui", réalisée sous forme de questionnaires adressés à un panel de 12000 réservistes, est très complète et fournit des repères socio-démographiques essentiels sur notre réserve opérationnelle.
Q - Vous avez été reconnu, le 18 décembre dernier, comme capitaine de vaisseau de réserve lors d'une cérémonie de remise de sabre à l'Etat-major de la Marine. Pourquoi la Marine et que représente pour vous cet engagement ?
R - Pour moi, avoir été reçu comme capitaine de vaisseau de la réserve citoyenne de la Marine Nationale est d'abord et surtout un honneur et un bonheur.
Pour aller plus loin, je vous dirai que depuis plus de trois siècles, la "Royale" est une composante essentielle de l'action internationale et de la défense de la France. Les forces navales ont directement été impliquées, d'une manière ou d'une autre, dans toutes les opérations militaires récentes. Dans ce monde où la paix est si fragile je sais que la Marine est là, garante de nos intérêts vitaux et son engagement sert tout à la fois la grandeur et la permanence de la France.
Les Français sont fiers de leur Marine et ils ont raison de l'être, les marins sont fiers de ce qu'ils font au service de la France, en rejoignant la réserve citoyenne de leur armée, je voulais aussi leur dire qu'ils peuvent compter sur moi, comme peuvent y compter tous nos soldats, aviateurs et gendarmes, qu'ils soient d'active ou de réserve, le choix du coeur n'excluant pas les autres composantes de nos forces armées que j'associe sans restriction à ce message d'admiration, de confiance et de solidarité.
source http://www.defense.gouv.fr, le 22 février 2008