Interview de M. Hervé de Charette, président délégué de l'UDF et ancien ministre des affaires étrangères, à RMC le 7 février 2001, sur l'élection d'Ariel Sharon en Israël, l'arrêt du processus de paix et la candidature de F. Bayrou à la présidence de la République.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle Vous avez été ministre des Affaires étrangères de 1995 à 1997, et vous avez un acteur efficace au Proche-Orient, on se souvient de vos navettes à l'époque entre le Liban, Israël et la Syrie, qui avaient duré des semaines et des semaines. Quel sentiment l'a emporté hier en Israël, pour provoquer le raz de marée qui a porté A. Sharon au pouvoir ?
- "La déception, la profonde déception qu'a provoqué la façon dont E. Barak a gouverné son pays. Après avoir annoncé la paix, monts et merveilles, des idées révolutionnaires, il a finalement pataugé dans une négociation qu'il n'a jamais su prendre réellement à bras le corps (...) On peut mettre en cause, à juste titre, l'incroyable pression de B. Clinton et de ses collaborateurs pour, à n'importe quel prix, n'importe quelle condition, obtenir un papier de paix avant le départ de Clinton. Cela a été tout à fait nuisible pour le résultat à atteindre. On peut aussi mettre en question certains excès palestiniens qui n'ont pas manqué pendant cette période. Et au fond, une certaine incapacité des dirigeants palestiniens à prendre des décisions. Au fond de tout, il y a le fait qu'E. Barak avait promis la paix et n'a pas su la négocier (...) Je ne crois pas qu'E. Barak ait été le politique du moment."
Conséquences pour la région ce matin ?
- "Il ne faut pas que les médias pensent que c'est à eux de tout diriger. Cela fait des mois que les médias mondiaux nous expliquent qu'il faut que ce soit A. Gore qui gagne, et ça a été Bush que les Américains ont choisi. Là, cela fait des semaines que les mêmes médias mondiaux nous expliquent qu'il faut absolument que ce soit Barak qui gagne. C'est regrettable, mais les Israéliens ont choisi un autre Premier ministre. Il faut s'incliner devant la volonté des peuples. C'est à eux de prendre leurs décisions, et en l'occurrence c'est A. Sharon. Certes, son passé pèse contre lui, ses récentes déclarations peuvent inquiéter ses voisins. Nous allons observer avec une grande attention et aussi avec beaucoup de disponibilité la période qui vient."
Un mot au délégué général de l'UDF que vous êtes : la nomination de B. Kouchner au ministère de la Santé, son retour au Gouvernement est une bonne nouvelle au moment où les professions de santé sont en colère ?
- "Vous savez, les professions de santé en ont marre d'être toujours maltraitées par les pouvoirs, quels qu'ils soient ..."
Monsieur Juppé en sait quelque chose...
-" Oui, absolument - ...à être utilisées comme une espèce de presse-citron pour supporter les conséquences de cette question permanente que les gouvernements ne savent pas régler : comment faire en sorte que la Sécurité sociale ne soit pas en permanence en déficit ? Il faudra, toujours et nécessairement, aux professions médicales et paramédicales en payer le prix."
Kouchner ?
- "Monsieur Kouchner... Bonne chance !"
Dîner hier soir entre le Président de la République et le président de votre formation, F. Bayrou. Ils ne s'étaient pas vus en tête-à-tête depuis le 18 mai dernier apparemment. "Entretien franc et chaleureux", a dit le président de l'UDF. Est-ce que cela veut dire que le Président, à votre avis, accepte finalement le principe que l'UDF ait son candidat ?
-"Il faut bien, c'est absolument nécessaire. Pour que l'opposition gagne la prochaine élection présidentielle, il faut que l'on accepte qu'il y ait deux équipes dans cette campagne. Celle du Président sortant et une autre. C'est ce que nous proposons. Si ceci est accepté, alors l'opposition s'organisera dans de bonnes conditions pour les échéances qui viennent. Sinon, il faut craindre le pire : que l'opposition perde."
Et vous qui avez soutenu J. Chirac, vous soutiendrez la campagne de F. Bayrou cette fois-ci ?
- "Pour l'instant, je suis dans l'UDF avec détermination, conviction, persuadé que c'est cette voie-là qui va nous faire gagner l'élection présidentielle que j'aborde, pour tout vous dire, avec beaucoup plus d'optimisme que des médias ou que beaucoup d'observateurs politiques."
Deux mots sur Paris : faut-il que J. Tiberi retire ses listes pour permettre à la droite de conserver Paris ?
- "Il faut que l'opposition toute entière manifeste sa détermination à garder Paris. L'homme autour duquel cette victoire peut s'organiser, il n'y en pas deux : c'est P. Séguin, puisque c'est lui qui conduit les listes de la majorité RPR-UDF-DL. Voilà. Maintenant, à monsieur Tiberi de prendre ses responsabilités."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 8 février 2001)