Texte intégral
R. Duchemin.- « La question du jour », [questions] plutôt au pluriel ce matin, c'est au Haut commissaire aux solidarités actives qu'on va les poser. Bonjour M. Hirsch. Bonjour. Merci d'être en direct avec nous sur France Info. Le Plan « Espoir banlieue », c'est aujourd'hui, on le sait, que F. Amara va en donner les grands contours. Mais avant, je voudrais votre réaction, c'était il y a un an, l'Abbé Pierre nous quittait, c'était le personnage préféré des Français. Vous êtes, je crois, en déplacement dans un centre Emmaüs. C'était un symbole, l'Abbé Pierre, il est irremplaçable ?
R.- C'est plus qu'un symbole, c'est un des personnages les plus marquants de la deuxième moitié du XXème siècle. C'est effectivement, il est resté le personnage préféré des Français, un modèle. Et puis ce qu'il lègue est absolument extraordinaire. Il a secoué des millions de Français, il a secoué des gouvernements successifs, il a lancé des communautés, il a lancé un mouvement, il a montré l'exemple, il a montré que l'on ne pouvait pas se reposer en paix tant qu'il y avait tant de pauvreté dans ce pays, il a lancé des tas de choses, il a vraiment transformé la France.
Q.- Et aujourd'hui, c'est difficile de reprendre le flambeau derrière lui ?
R.- Demandez aux responsables d'Emmaüs, je ne pense pas qu'ils trouvent que c'est difficile, je pense que les responsables d'Emmaüs ils savent que l'Abbé Pierre a tracé la voie. L'Abbé Pierre, il disait : « Je veux être contagieux ». Il a été contagieux, c'est des dizaines de milliers de personnes, il y a une force considérable chez celles et ceux qu'il a poussés à s'engager, à militer, chez les dizaines de milliers de compagnons qui sont passés par les communautés. Moi, je dis souvent que l'Abbé Pierre il a fait le plus dur, c'est-à-dire qu'il a commencé à secouer, il a montré que c'était possible, il a montré que l'on pouvait donner de l'espoir, faire travailler, aider à s'en sortir les gens qui étaient mis au rebut de la société, et donc normalement il devrait rester le plus facile, c'est-à-dire à nous autres personnes ordinaires, d'essayer de faire en sorte que ça devienne la règle générale et non plus l'exception devant laquelle on s'incline.
Q.- M. Hirsch, l'actualité ce matin c'est évidemment le Plan « Espoir banlieue ». F. Amara se rend à Vaulx-en-Velin pour en tracer les contours. Pour savoir ce qu'il y a vraiment dedans, il va falloir attendre puisque c'est N. Sarkozy qui va le présenter au début février - on va y revenir bien sûr. Mais dites-moi, qu'est-ce qu'il est allé faire, hier, d'après vous, N. Sarkozy, en banlieue, à Sartrouville ? Pourquoi ne pas plutôt accompagner F. Amara aujourd'hui ?
R.- Ce qu'il est allé faire à Sartrouville ? Le président de la République va régulièrement dans les villes, dans les ports, au contact des personnes.
Q.- Très peu en banlieue. C'est la première fois, en tout cas depuis qu'il est entré à l'Elysée, et certains disent ce matin : « c'est pour faire remonter sa cote de popularité ».
R.- Ecoutez ! Moi, je ne suis pas au courant des cotes de popularité. Je sais qu'il y a trois mois, il est allé dans la banlieue de Dijon, dans un centre d'insertion. Je pense que... là, vous me parliez de symbole, à propos de l'Abbé Pierre, c'est des vrais symboles, la symbolique de savoir si on est sorti de la ville ou pas, ça me paraît totalement dérisoire par rapport aux enjeux. C'est quoi l'enjeu derrière ça ? Sur la politique de la ville, sur la banlieue, sur les jeunes, sur l'emploi des jeunes, ça fait effectivement, là aussi, 20 ans ou 25 ans qu'on se casse les dents. Donc, c'est assez normal que, élaborer des programmes, élaborer des plans, ça n'aille pas de soi, ça demande de l'imagination, de l'énergie, de la mobilisation politique, de la montée en puissance et ça ne sera jamais facile.
Q.- Alors, le Plan « Espoir banlieue », puisque c'est son nom, à votre avis, vous qui êtes expert en la matière, c'est une nécessité pour lutter, finalement, contre une forme d'exclusion sociale ?
R.- Mais vous n'avez qu'à écouter les personnes qui vivent dans les quartiers dits difficiles, ils en ont marre...
Q.- Mais les personnes... voilà, qui vivent dans ces quartiers-là disent aussi : « On nous propose des plans, puis des plans, puis des plans, puis on ne voit rien changer ».
R.- C'est justement pour ça que les solutions ne sortent pas d'un chapeau, c'est pour ça que ce n'est pas un plan avec une énumération de mesures qu'il faut, c'est une stratégie. Je veux dire, moi, vous savez très bien ce pourquoi on plaide et je pense que c'est de dire que plutôt que d'annoncer de manière spectaculaire, des milliards, des mesures, c'est de se dire : qu'est-ce qui peut, sur certains quartiers, avoir enfin un impact réel en terme de résultat, pour montrer et redonner l'espoir aux autres. Ce n'est pas de saupoudrer partout, c'est de se dire qu'il y a des méthodes en matière de désenclavement, en matière d'emploi des jeunes, en matière de lien social, pour montrer qu'effectivement, là où on comptait 40 % de chômage chez les jeunes, on peut le faire diminuer considérablement, et donner de l'espoir et donner de la méthode pour les autres. C'est là-dessus que l'on travaille. Nous, on a essayé d'injecter, avec une...quelque chose en matière de santé, quelque chose en matière d'emploi des jeunes et... Moi, ce que je trouve dans les critiques, c'est que justement on essaie de pousser dans un coin, là où justement on ne veut pas aller, c'est-à-dire que l'on essaie de pousser vers un plan miracle, alors que ce qui se travaille, c'est plutôt des programmes en profondeur. Donc, je pense que quelquefois il faut savoir attendre, attendre huit jours ou quinze jours de plus, pour savoir ce qui sera dans le plan. Ce n'est pas un drame, c'est ridicule. Ça fait 20 ou 25 ans que l'on essaie justement de ne pas tomber dans les ornières. Alors, c'est intéressant de savoir d'où viennent les critiques, pour essayer de ne pas tomber dedans.
Q.- Eh bien on va attendre justement, puisque N. Sarkozy le dévoilera le 8 février prochain. Merci M. Hirsch d'avoir été en direct, ce matin, avec nous, sur France Info.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 janvier 2008