Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau Centre, dans "Paris Normandie" du 4 mars 2008, sur son souhait de réunification de la Normandie, le pouvoir d'achat des artisans, la carte judiciaire dans l'Eure et la mutualisation des services de l'armée

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  • Hervé Morin - Ministre de la défense et président du Nouveau Centre

Texte intégral

Q - La réunification de la Normandie. Où en êtes-vous dans votre réflexion ?
R - "J'ai vu que les socialistes étaient enfin pour#! Mon calendrier, c'est de faire en sorte qu'on fasse un référendum en 2009, un an avant la prochaine élection régionale" lance celui qui se bat depuis plusieurs années pour la réunification. A la tête de la liste UDF aux régionales de 2004, Hervé Morin en avait fait l'un de ses principaux thèmes de campagne et le 26 novembre 2006, il lançait le Serment d'Épaignes, un engagement solennel pris dans sa ville par des élus de Normandie appelant à l'organisation d'un référendum demandant la réunification. "Je compte mettre cela sur la table dans les mois qui viennent pour que le parlement puisse voter l'organisation de ce référendum. Il faut que j'arrive à convaincre la majorité."

Q - Quelles solutions pour améliorer les ressources des artisans, leur pouvoir d'achat ?
R - J'ai toujours défendu l'idée qu'il faudra, notamment pour les PME et les artisans, réviser en profondeur les conditions de financement de la protection sociale, qu'il nous faut réfléchir à un panel qui permette de réduire massivement les cotisations sociales. Panel de ressources (fiscalité environnementale, CSG, TVA...) car pour financer la protection sociale, il ne peut s'agir que d'un seul impôt. C'est ce qui permettra de créer de l'emploi, notamment chez les artisans, les commerçants...
Sur les augmentations de prix, la situation monopolistique ou de cartels avec les grands groupes de la distribution, pose un problème de concurrence. Avec la hausse des matières premières, les industriels en ont probablement profité pour refaire leur marge et la distribution en a profité aussi... Sur certains produits, le prix du lait, c'est 10 % de la constitution du prix, le packaging et le marketing représentent parfois près de 60 % du prix du produit final.
L'augmentation des prix des matières premières n'explique pas à elle seule un bond de 40 ou de 50 % d'un prix !

Q - Y a-t-il une réflexion en cours sur la qualité de la valeur travail. L'Etat n'a-t-il pas quelque chose à faire pour que les gens soient bien dans leur travail ?
R - Il ne faut pas tout attendre de l'Etat. Je sais que c'est lié à la construction de la France par l'Etat et je me refuse à jeter aux orties son rôle primordial. Au moment de la mise en place des 35 h, j'ai rencontré des patrons et des syndicalistes en Allemagne. Quand nous avons dit au patron de leur syndicat de la métallurgie que la France allait appliquer une loi selon laquelle pour tout le monde, quelque soit l'activité professionnelle, on allait passer aux 35 h, il nous a répondu#: vous êtes fou parce que dans l'hôtellerie, l'agriculture, la métallurgie ou le commerce, les conditions, les rythmes d'activité ne sont pas les mêmes. Et la question est là sur toute une catégorie de sujets. L'Etat doit jouer un rôle de protection sur les grandes règles et aussi laisser la main aux partenaires sociaux. Comme on a mis l'Etat partout, on a étouffé une certaine capacité à créer d'autres solidarités. Le système d'Etat est forcément efficace pour le plus grand nombre et très peu performant pour les gens qui n'entrent pas dans ces cadres.

Q - Comment justifiez-vous la fermeture du tribunal de Bernay. Auriez-vous pu peser plus contre cette décision ?
R - J'ai appris la mesure avant qu'elle ne soit annoncée. J'ai rencontré longuement Rachida Dati et son cabinet et j'ai tout fait pour empêcher cela. J'avais quasiment obtenu gain de cause. La seule condition qui m'était demandée, c'était d'obtenir du bâtonnier d'Evreux que le barreau d'Evreux ne considère pas comme un scandale le fait qu'on maintienne le TGI de Bernay car comme vous le savez, certains ont toujours considéré à Evreux que le tribunal de grande instance de Bernay n'avait pas sa place. Il faut dire les choses ! Trente minutes après que je l'ai appelé, il a dénoncé par voie de presse le fait que le TGI de Bernay serait maintenu à cause de moi. Je ne l'ai pas oublié. On a sauvé l'essentiel du tribunal et maintenu 60 % de l'activité de Bernay. Il nous reste le conseil des prud'hommes, les affaires familiales et civiles. On a raccroché le tribunal de commerce, qui était à Pont-Audemer. Le tribunal de Bernay conservera une activité de proximité. J'aurai préféré, bien entendu, que demeure le tribunal de grande instance.

Q - En matière d'histoire des conflits, comment entretenir le devoir de mémoire, tandis que les témoins vivants disparaissent progressivement ?
R - Beaucoup de choses sont faites. J'étais avec le ministre de la Défense suisse qui me disait#: il y a un endroit formidable en Normandie, c'est le Mémorial de la Paix où j'ai emmené mes enfants, et les plages de Normandie. Il y a l'effort fait par le ministère de la Défense et par les collectivités. On vient de faire un investissement colossal qui est l'Historial du Général de Gaulle sous les Invalides, avec 45 ou 50 Meuros consacrés.
Il est un moyen important à la disposition de Français. Il y a aussi l'action menée par les associations... C'est l'effort de tous je crois... Le Mémorial comme l'Historial, c'est bien pour des jeunes grâce aux techniques audiovisuelles, mais c'est plus compliqué de leur faire dire quelque chose à travers un dépôt de gerbes au monument aux morts. Il faut donc être inventif par rapport aux jeunes...

Q - S'agissant d'un enfant portant la mémoire d'un enfant juif ?
R - J'ai constaté que le sujet était en train d'évoluer. C'est bien de faire en sorte que l'école soit un lieu qui participe à la mémoire collective. Qu'on trouve des moyens pour qu'on fixe plus l'attention des enfants.

Q - Quelles sont aujourd'hui les capacités de défense de la France ?
R - Un livre blanc, qui fixera la politique de défense du pays pour les quinze ou vingt ans qui viennent, sortira en avril. Nous sommes lancés dans une grande réorganisation du Ministère pour aller vers la mutualisation, supprimer les doublons et les duplications de services, pour aller vers l'interarmées. Aujourd'hui, quand un Puma de l'armée de terre, à peu près identique au Puma de l'armée de l'air, se pose sur une base de l'armée de l'air, eh bien les mécanos de l'armée de l'air ne peuvent pas réparer. La mutualisation des services est nécessaire. Il faut privilégier le collectif sans supprimer les cultures d'armée. C'est une exigence de défense.
Dans les menaces qu'on peut rencontrer, il peut y avoir des déstabilisations majeures sur des zones du monde avec des conséquences sur notre propre sécurité. Si on considère que la prolifération nucléaire est une menace pour notre pays, vous voyez bien qu'on doit faire des efforts sur la connaissance et l'anticipation. En revanche, le mur de Berlin est tombé, le Pacte de Varsovie n'existe plus... est-ce qu'on a besoin d'autant de blindés et de régiments d'artillerie ? Cet effort d'adaptation doit être permanent. Dans le même temps, on ne peut concevoir, au moment de l'arbitrage budgétaire en septembre prochain, que la totalité des ressources budgétaires nouvelles du pays (3 milliards d'euros) aille à la défense. Personne ne comprendrait. Il faut donc faire un effort sur les duplications, et aussi sur les effectifs pour nous équiper et améliorer la condition militaire.
Propos recueillis par Christophe PRETEUX et Marc BRAUN

source http://www.le-nouveaucentre.org, le 10 mars 2008