Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, sur l'appel au vote pour Lutte ouvrière aux élections municipales, afin de maintenir une force de défense des travailleurs au sein des conseils municipaux, Toulouse le 6 mars 2008.

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Circonstance : Meeting électoral, à Toulouse le 6 mars 2008

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Ma camarade Sandra Torremocha a parlé des enjeux locaux de ces élections municipales dans les villes où nous présentons des candidats soit sur des listes Lutte Ouvrière, soit sur des listes d'union avec le Parti Communiste, le Parti Socialiste et d'autres partis de gauche. Mais ces municipales étant les premières élections depuis l'accession de Sarkozy à la présidence, chacun sait qu'elles auront aussi une signification politique.
Eh bien, voter pour les candidats de Lutte Ouvrière, ce sera avant tout voter contre la droite et contribuer au désaveu qu'il faut infliger à Sarkozy et à son clan politique !
Toutes les réformes engagées par Sarkozy et les siens, dont ils sont si fiers et qu'ils présentent comme indispensables, sont des mesures destinées à rendre les riches encore plus riches, et les pauvres encore plus pauvres. C'est une politique de classe ouvertement affichée.
Malgré ses déclamations sur la « rupture », Sarkozy continue la politique menée avant lui par Chirac, Raffarin et Villepin. Mais il le fait d'une manière encore plus provocante. En affichant ses amitiés avec les milliardaires, en se faisant payer par des magnats capitalistes des voyages en jet privé et des vacances sur des yachts ou dans des hôtels de luxe, il dit clairement pour qui il gouverne.
Les deux mesures phares du début de son quinquennat résument toute sa politique. Quinze milliards d'euros de cadeaux fiscaux accordés aux possédants, surtout les plus riches, sur le budget de l'État. Cette somme aurait largement suffi pour combler le déficit de la Sécurité sociale, au nom duquel on a imposé les franchises médicales à des millions d'assurés sociaux, y compris les malades de longue durée et les handicapés. Ceux qui nous gouvernent savent que cette mesure, qui s'ajoute à d'autres mesures prises depuis des années, comme les déremboursements de médicaments, écartera de soins indispensables des centaines de milliers de familles démunies. Mais, sans honte et sans complexe, ils ont choisi de favoriser quelques milliers de possédants plutôt que les centaines de milliers les plus pauvres de la population. C'est un gouvernement d'assistanat, mais ceux qui sont « assistés », ce ne sont pas ceux qui en ont besoin. Les assistés de ce pays, ce sont les riches !
Et toutes les autres réformes du gouvernement sont à l'avenant.
Les unes visent à déblayer devant les patrons jusqu'au moindre obstacle qui gênerait l'intensification de l'exploitation. Les autres visent à consacrer aux grandes entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires et actionnaires, une part croissante du budget de l'État, quitte à priver des financements nécessaires les hôpitaux, l'Education nationale, les transports collectifs, c'est-à-dire les services publics utiles à toute la population.
C'est pour faciliter l'exploitation que le gouvernement démolit ce qui, dans la législation sociale, protège un peu les travailleurs. C'est pour cela qu'il rend les horaires de travail plus flexibles et les licenciements plus faciles. C'est pour cela qu'il s'efforce, en modifiant le code du travail, d'assouplir les contrats pour les rapprocher de plus en plus des contrats précaires. C'est pour cela qu'il s'en prend au droit de grève.
C'est pour pouvoir consacrer plus d'aides et de subventions aux grandes entreprises que le gouvernement supprime ou limite les heures d'ouvertures de la Poste, des guichets de la Sécurité Sociale, qu'il ferme des gares et des maternités de proximité. C'est pour cela qu'il s'en prend aux retraités en réduisant leur pension. Lorsqu'il augmente le nombre d'années de cotisation et repousse l'âge de la retraite, sous prétexte de combler le déficit de la caisse de retraite, le gouvernement sait parfaitement que cela n'incitera pas les grandes entreprises à donner du travail aux seniors. Des emplois, elles n'en donnent même pas à ceux qui sont en âge de travailler. Ce tour de passe-passe n'a pas d'autre but que de réduire les pensions.
Les confédérations syndicales ont appelé aujourd'hui à une journée de mobilisation pour réclamer la revalorisation immédiate des pensions. La moitié des pensionnés touchent moins de 1334 euros par mois. Et, surtout, plus de deux millions de retraités doivent survivre avec le minimum contributif qui s'élève à 579 euros par mois ! C'est scandaleux !
Ce sont les travailleurs encore en activité qui auront les moyens d'imposer, en même temps que l'augmentation générale de tous les salaires, l'augmentation conséquente de toutes les pensions de retraite !
Qui, dans les classes populaires, ne constate la montée de la pauvreté, même pour les salariés qui ont un emploi stable ? Le pouvoir d'achat s'effondre avec les hausses de prix. Tout augmente : l'essence, le gaz, le fuel domestique.
La hausse dont les conséquences sont souvent les plus dramatiques est celle des loyers. Parmi ceux qui n'ont d'autre domicile que la rue et dont le nombre est en augmentation rapide, un tiers sont des salariés. Des femmes et des hommes qui, même en travaillant, ne gagnent pas assez pour payer un loyer.
Dans ce pays, des centaines de milliers de familles populaires qui ont encore un toit au-dessus d'elles, vivent dans de véritables taudis, dans des logements délabrés, dans des HLM dégradés, parce qu'il n'y a pas de crédits pour leur entretien.
Et comment ne pas être révolté par cette hausse explosive des prix des produits alimentaires de base ? Toutes celles et tous ceux qui font leurs achats le constatent depuis plusieurs semaines.
Une enquête de l'Institut National de la Consommation, reprise par 60 millions de consommateurs, a chiffré les hausses de prix qui peuvent aller, pour certains produits aussi élémentaires que le yaourt, les spaghettis ou le jambon, jusqu'à 40 %, voire au-delà, sur certaines marques. Et tout cela en deux mois seulement.
Le ministère de l'Economie lui-même a lancé sa contre-enquête avec la volonté, sans doute, de minimiser les pourcentages des hausses. La télévision, complaisamment convoquée, a même montré la ministre Christine Lagarde en personne vérifier les prix dans une grande surface. Tout en affirmant que les pourcentages annoncés par 60 millions de consommateurs étaient exagérés, elle a bien été obligée de reconnaître que les hausses de prix étaient bien réelles et qu'elles étaient importantes.
Et, pendant que les prix augmentent, comme augmentent les profits des groupes capitalistes de l'agro-alimentaire ou de la distribution, les salaires, eux, n'augmentent pas, pas plus que les pensions de retraite ou d'invalidité, et les allocations pour les chômeurs ou les handicapés.
Et Sarkozy, dans son interview publiée dans Le Figaro d'aujourd'hui, a le culot d'affirmer : « l'élévation du niveau de vie est l'objectif central de mon action » ! Décidément, il n'en rate pas une, celui-là !
Alors oui, l'augmentation générale de tous les salaires, de toutes les allocations et de toutes les pensions de retraite est aujourd'hui une exigence vitale !
Mais ce qui se passe à propos des prix pose un autre problème, bien plus général. Les fabricants de produits alimentaires et les grandes chaînes de distribution se rejettent la responsabilité de ces hausses brutales des prix.
Fillon lui-même évoque la nécessité d'un contrôle. Il enverra, peut-être, une escouade d'inspecteurs de la répression des fraudes dans quelques supermarchés ou centrales d'achats pour faire du spectacle. Mais tout le monde sait que cela ne servira à rien. Car les supermarchés sont libres de fixer leurs prix comme ils veulent.
On nous dit que la hausse des prix alimentaires vient de la hausse des matières premières agricoles. Pour le blé, le maïs ou le soja, il est de notoriété publique, en effet, que ces hausses de prix sont dues, pour l'essentiel, à la spéculation, c'est-à-dire à l'achat de stocks de ces produits par des groupes capitalistes importants, capables de peser sur le marché mondial.
Mais comment les contrôler ? Comment les empêcher de nuire ?
Et comment ne pas combattre cette organisation économique où quelques grands groupes capitalistes, pour faire du profit supplémentaire, affament des populations entières ?
Pendant plusieurs jours, le Cameroun s'est embrasé par des émeutes de la faim. Il n'est pas le premier ni en Afrique ni ailleurs. Et il y en aura d'autres, car les hausses de prix, déjà dramatiques pour les familles les plus démunies même dans un pays développé comme la France, signifient, dans les pays pauvres, condamner à la famine une partie de la population !
Mais les hausses de prix que l'on subit ici, en France, ne se limitent pas aux produits dont la matière de base est l'objet de spéculations. L'exemple de la viande de porc, comme celui des fruits ou des légumes, montre que, même lorsque les prix payés aux paysans producteurs n'augmentent pas, voire baissent, les prix payés par les consommateurs augmentent quand même.
Les producteurs de salades, en effet, ont organisé une manifestation pendant le salon de l'agriculture. Ils affirment, chiffres à l'appui, que « la rémunération nette du producteur est tombée à un niveau jamais atteint depuis ces vingt dernières années ». Le prix de production d'une tête de salade se situe entre 5 et 10 centimes d'euro et monte à 30 centimes avec les frais d'expédition. La salade est vendue dans les grandes surfaces entre 90 centimes et 1,30 euro.
Mais qui s'en met plein les poches, quitte à pousser des milliers de familles démunies à se nourrir de plus en plus mal ?
Les grandes entreprises de l'agro-alimentaire, les Danone, Nestlé, Unilever, les grandes charcuteries industrielles, rivalisent avec les grandes chaînes de distribution pour faire le maximum de profit des deux côtés. D'une part, elles grugent les consommateurs. D'autre part, elles payent à leurs ouvriers, à leurs employés, à leurs caissières, des salaires lamentables. Et ils ont bien raison de se battre pour des augmentations de salaires.
Ce qui apparaît particulièrement choquant pour les produits agro-alimentaires est vrai pour toute l'économie. Les grandes entreprises décident souverainement de ce qu'elles font, de leurs profits colossaux, sans que la société puisse contrôler d'où vient leur argent, à quoi il sert.
Tant qu'il en sera ainsi, tant que les grandes entreprises capitalistes décideront de tout, tant qu'elles peuvent augmenter leurs prix sans s'occuper des conséquences pour les plus démunis ; tant qu'elles peuvent décider de fermer une usine ici, d'en délocaliser une autre là, les travailleurs seront inévitablement poussés vers la misère.
C'est pourquoi nous affirmons et nous répétons depuis des années que la mesure essentielle que les travailleurs devront mettre en tête de leurs revendications et qu'ils devront imposer dès qu'il changeront le rapport de force en leur faveur, c'est d'imposer le contrôle par la population de la comptabilité des entreprises, et surtout des plus grandes.
Cela signifie contrôler au jour le jour l'argent qu'elles reçoivent et qu'elles dépensent, savoir à quoi et comment. Combien, ces super et hypermarchés par exemple imposent comme dessous-de-table, comme marges arrière, à leurs fournisseurs plus petits et plus faibles, producteurs paysans et artisans ? Quels sont les termes de leurs accords secrets avec des fournisseurs lorsqu'ils sont aussi puissants qu'eux pour voler ensemble les consommateurs ?
Nous disons et nous répétons que tout cela est possible et à la portée du monde du travail. Car toute opération commerciale, comme toute opération bancaire, passe entre les mains des travailleurs. Dans les hyper et supermarchés, toutes les recettes venant des clients passent entre les mains des caissières. Ce sont les employés de la comptabilité qui les totalisent. Ce sont des travailleurs qui produisent, qui déplacent les produits, qui les manipulent, qui les transforment. Bien sûr, chacun ne voit qu'une petite parcelle des opérations mais, en mettant ensemble ce que chacun sait, les travailleurs savent tout.
Aujourd'hui, les lois interdisent aux travailleurs de s'informer mutuellement de la marche de leur entreprise et, à plus forte raison, de centraliser leurs connaissances partielles, au nom du secret commercial, du secret industriel, du secret bancaire. On interdit même aux membres des comités d'entreprise de dévoiler le peu d'informations que les patrons veulent bien leur donner. Très souvent, les travailleurs d'une entreprise sont les derniers à apprendre un projet de réduction d'effectifs ou de fermeture d'usine, planifié parfois des mois, voire des années, à l'avance !
Mais les lois sur le secret des affaires peuvent être changées. Et, pour commencer, elles peuvent ne pas être respectées.
Car ce sont des lois iniques, contraires aux intérêts de la majorité de la société. Les lois sur le secret industriel, bancaire et commercial n'ont aucune autre raison d'être que de protéger aux yeux de la population les capitalistes, leur gangstérisme, leur prédation, leurs gaspillages.
Et qui ne se souvient du slogan électoral de Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus » ? Un slogan cynique qui ne pouvait sortir que de la bouche d'un larbin des riches, qui n'imagine même pas ce que c'est de s'user au travail sur une chaîne de production ou devant une caisse de supermarché et d'avoir un salaire tellement minable qu'on n'arrive pas à s'en sortir.
Mais, en plus, aujourd'hui, avec toutes les grandes entreprises, riches pourtant, qui ferment des usines ou qui licencient, comment les travailleurs mis à la porte n'auraient-ils pas la rage au coeur en entendant ce slogan provocateur ? Comment peuvent l'entendre ceux d'ArcelorMittal, à Gandrange, de Michelin-Kléber à Toul, de Miko en Champagne-Ardennes ou de Total-Arkema à Villers-Saint-Paul ? Et combien d'autres grandes entreprises comme Peugeot-Citroën réduisent leurs effectifs et mettent à la porte leurs intérimaires même lorsqu'elles ne procèdent pas à des licenciements collectifs ? Ici même, dans la région, vous savez bien que, malgré le contrat mirobolant avec le ministère de la défense des États-Unis dont se vante le gouvernement, le plan Power 8 n'a pas été annulé et, donc, n'a pas été écartée la menace de la suppression de 10 000 emplois au total, dont 4 000 dans la région de Toulouse.
Comment ceux qui ont été mis dehors pourraient-ils travailler plus alors qu'ils n'ont plus de travail du tout ?
Pourtant, depuis ce matin, les ministres concernés n'arrêtent pas de nous bombarder de chiffres bidons pour faire croire que le chômage baisse ou, même, qu'il n'a pas été aussi bas depuis longtemps. Et de se vanter des créations d'emplois, notamment dans les services ou dans l'aide à la personne. Comme si la création d'un emploi précaire, à temps partiel, avec un salaire dérisoire, compensait la suppression d'un emploi en CDI chez ArcelorMittal ou à EADS !
Avec la montée des profits, les actionnaires deviennent de plus en plus riches. Ils ont de quoi rémunérer largement les PDG et les hauts cadres de leurs entreprises, qui sont devenus les dirigeants d'entreprise les mieux payés d'Europe. Ils ont de quoi offrir des parachutes dorés aux grands commis de leurs organismes patronaux.
Denis Gautier-Sauvagnac, ex-président de la fédération patronale de la métallurgie, a été pris, il y a quelques mois, la main dans le sac d'une affaire de corruption. Devant le scandale que cela a suscité, cette fédération patronale a estimé plus prudent de se séparer de lui. Mais voilà qu'éclate un second scandale quand il se révèle que ce licencié de luxe a touché une indemnité de départ d'un million et demi d'euros, probablement pour tenir sa langue. Une somme qui représente quand même cinq années de son salaire confortable pour quinze ans d'ancienneté ! Et à cette indemnité de départ, s'ajoutait l'engagement de la fédération de la métallurgie de prendre en charge le montant de toutes les conséquences financières de ses démêlés avec la justice. Petit détail supplémentaire : Gautier-Sauvagnac a gardé un poste dans l'organisation patronale, rétribué à 20 000 euros par mois !
Voilà au moins un licencié qui n'est pas malheureux !
Cette affaire n'a éclaté au grand jour qu'en raison d'une guerre interne aux institutions patronales entre la direction du Medef et celle de l'Union patronale de la métallurgie. Peut-être que, devant le scandale que son affaire a provoqué, Gautier-Sauvagnac touchera un peu moins que ce qu'il avait escompté !
Bien sûr, la guerre que se mènent deux clans patronaux est le cadet de nos soucis.
Infiniment plus importante est, pour les travailleurs, la guerre permanente menée par le grand patronat, toutes factions confondues, contre les travailleurs. Et pour tout dire, il est assez honteux d'entendre certains dirigeants syndicaux s'aligner derrière le parti de Sarkozy, l'UMP, et vanter les interventions de Parisot comme une opération mains propres, destinée à moraliser les pratiques patronales. Comme si cela changeait quelque chose pour les travailleurs que le Medef soit dirigé par tel clan ou par tel autre ! Comme s'il y avait une façon morale, propre, d'exploiter les travailleurs.
L'affaire Gautier-Sauvagnac est une saleté patronale de plus, mais elle n'est qu'une petite goutte d'eau dans l'océan de ce que coûte, à la société, la gestion capitaliste de l'économie.
Mais, on le voit, seuls les patrons et les actionnaires tirent bénéfice des profits élevés des entreprises !
Les principaux responsables de la montée de la pauvreté, ce sont ces grands groupes industriels et financiers qui dominent l'économie de ce pays, qui font la pluie et le beau temps et qui commandent derrière les ministres. Malgré la crise bancaire, ces grands groupes capitalistes annoncent, les uns après les autres, des profits faramineux pour 2007.
Ces profits, dont on ose nous dire qu'ils sont indispensables à la bonne marche de l'économie, ne sont utiles ni aux travailleurs ni à la société.
Et c'est même pire que cela. Cela fait bien des années que le grand patronat n'utilise pas ou utilise très peu ses profits pour faire des investissements productifs et pour créer des emplois. La production ne rapportant pas assez à leur gré, les entreprises placent une partie croissante de leurs profits sur les marchés financiers.
On impose aux travailleurs des conditions de travail de plus en plus dures qui les usent, qui les vieillissent avant l'âge, quand elles ne les poussent pas au suicide. On bloque les salaires. On impose, au nom de la compétitivité, de plus en plus de travail et de plus en plus mal payé. Tout cela pour que les profits réalisés soient joués à la roulette de la spéculation financière, avec pour conséquence cette crise financière qui a commencé à l'été 2007 et qui n'est manifestement pas terminée.
Nous ne savons pas plus que les dirigeants de l'économie si l'actuelle crise financière se traduira par des banques en faillite, des usines fermées, des queues devant les soupes populaires comme dans les années 1930. Mais cette crise, même si elle reste limitée à ce qu'elle est, représente un gâchis formidable pour la société. Combien de besoins élémentaires de combien de millions de gens aurait-on pu satisfaire avec les dizaines, les centaines de milliards de dollars partis dans la fumée de la spéculation ? Combien de logements dignes de ce nom aurait-on pu construire, combien d'écoles, d'hôpitaux, de dispensaires ? Combien de régions sous-développées de la planète auraient-on pu équiper en infrastructures ? Combien de femmes, d'hommes, d'enfants auraient-on pu sauver de la sous-alimentation et de la faim ?
Voilà pourquoi, pour notre part, nous continuons à nous revendiquer des idées communistes. Le système capitaliste, basé sur la propriété privée des moyens de production, sur l'exploitation, sur le marché, sur la concurrence, sur la recherche du profit, n'est pas seulement injuste. Il est aussi irrationnel, incapable de permettre à l'humanité un progrès à la mesure des possibilités scientifiques et techniques.
La perspective que nous entendons incarner, c'est celle qui vise à renverser le capitalisme et à le remplacer par un système économique et social plus juste et plus rationnel. Et nous avons la conviction que la classe ouvrière reste la seule classe sociale qui a potentiellement les moyens d'aller jusqu'au bout de la transformation sociale : exproprier le grand capital et jeter les fondements d'une organisation économique nouvelle.
Mais, pour que la classe ouvrière puisse, le moment venu, s'emparer de ce programme, il faut qu'existe un parti ouvrier révolutionnaire qui le défende et le fasse connaître aux travailleurs. Non pas un parti fourre-tout, un peu altermondialiste, un peu écologiste, un peu féministe, un peu solidaire des peuples opprimés, mais un parti communiste révolutionnaire se revendiquant de cette filiation d'idées qui ont été incarnées, dans le passé, par Marx, Engels, Rosa Luxemburg, Lénine et Trotsky.
Il faut que la classe ouvrière se redonne un parti comme l'étaient, chacun à son tour, le Parti socialiste et le Parti communiste, à leurs origines respectives. Bien sûr, la classe ouvrière, la classe sociale de ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre et qui n'exploitent personne, n'est plus la même qu'il y a un siècle ou plus. Elle s'est élargie. Elle s'est diversifiée. Elle n'est plus constituée, pour l'essentiel, des seuls ouvriers manuels. L'évolution économique a fait apparaître bien d'autres catégories qui font partie du monde du travail et qui font fonctionner l'économie d'aujourd'hui. Aux ouvriers des grandes entreprises de production, à ceux du bâtiment et des travaux publics, aux cheminots, se sont ajoutés les employés de banque, d'assurance et d'administration, les techniciens, les chimistes, les ingénieurs, les informaticiens, les agents d'EDF et GDF, ceux de la DDE qui entretiennent routes et autoroutes.
Et puis il y en a tant d'autres qui vivent de leurs seuls salaires insuffisants et qui, tous, remplissent des rôles utiles à la vie sociale : du personnel hospitalier à celui de l'Education nationale en passant par les postiers. Et font partie intégrante de la classe ouvrière ceux aussi que la folie du système capitaliste a écartés de la production et a transformés en chômeurs. Comme en font partie les anciens travailleurs aujourd'hui à la retraite.
Notre raison d'être fondamentale est d'oeuvrer pour la renaissance d'un parti que la classe ouvrière, telle qu'elle est aujourd'hui, reconnaisse comme le sien et qui incarne la perspective de la transformation radicale du système économique et social.
Alors, bien sûr, Sarkozy n'est pas responsable du fonctionnement de ce système économique. Mais lui comme ceux qui l'entourent sont des exécutants serviles des grands groupes capitalistes.
Pour leur servir la soupe, il est prêt à pressurer toujours plus les plus démunis, les chômeurs, les retraités.
Nous sommes de celles et de ceux qui pensent que, pour changer les choses, pour faire reculer le patronat et ses valets politiques du gouvernement, il faudra des luttes sociales importantes, explosives et qui, en entraînant la majorité des travailleurs de ce pays, pourraient faire peur au grand patronat, mais lui faire vraiment peur.
Les travailleurs ne peuvent pas continuer à subir les licenciements, les fermetures d'entreprise. Ils ne peuvent pas attendre que leur pouvoir d'achat s'écroule. Ils ne peuvent pas observer, résignés, qu'on allonge les horaires de travail, qu'on repousse l'âge de la retraite et qu'on diminue leurs pensions. Malgré la pression du chômage, leurs forces sont intactes. Ce sont eux qui font marcher l'économie. Les profits extravagants des grandes entreprises viennent exclusivement de leur exploitation.
Alors oui, j'ai la conviction qu'il y aura une explosion sociale, et ce n'est pas la petite personne de Sarkozy, même entourée par son armada de flatteurs serviles, qui pourra l'arrêter !
Les élections municipales offrent cependant une occasion à l'électorat populaire d'exprimer son opinion. Il faut dire à Sarkozy que ses simagrées ne passent pas. Il faut dire que ses amitiés avec les milliardaires, son dédain pour ceux qui s'appauvrissent même en travaillant plus et son arrogance envers les démunis soulèvent l'écoeurement des classes populaires à l'égard de la droite qui nous gouverne.
Personne n'ignore que la gestion municipale est enfermée dans d'étroites limites. Aucune municipalité ne peut échapper à la dictature des grands groupes industriels et financiers.
Aucune municipalité ne peut empêcher une entreprise de fermer. Pourtant, dans les deux cas, les conséquences en seront dramatiques, d'abord pour les travailleurs mis à la porte et pour leur famille, mais aussi pour toute la population de ces deux villes, et sans doute au-delà.
Aucune municipalité ne peut, non plus, suppléer aux défaillances de l'État lui-même. Elle ne peut s'opposer à la dégradation des services publics alors, pourtant, que c'est au niveau de la commune que se manifestent les conséquences de la fermeture d'un bureau de poste, de la suppression de classes ou de postes d'enseignants.
Et puis, la préfecture, c'est-à-dire le gouvernement, a le pouvoir d'annuler les décisions d'un conseil municipal qui ne lui plaisent pas.
Mais, à l'intérieur de ces étroites limites, la municipalité peut faire des choix différents : s'occuper davantage des logements sociaux, favoriser l'équipement des quartiers populaires plutôt que du centre-ville. Des cantines scolaires aux aides sociales en passant par les subventions aux associations, il existe nombre de domaines où la municipalité est amenée à faire des choix. Ils peuvent être plus ou moins favorables aux classes laborieuses. Et elle peut, surtout, se comporter de telle façon que les salariés, les retraités, les chômeurs, puissent avoir de bonnes raisons de penser qu'ils trouvent du côté de la municipalité des gens qui comprennent leurs problèmes et qui essaient de trouver des solutions.
Si vous envoyez des militants de Lutte Ouvrière au conseil municipal, je peux vous garantir qu'ils y seront les représentants des intérêts sociaux et politiques des exploités, des chômeurs, des retraités et des plus démunis. Ils feront au conseil municipal ce qu'ils ont toujours fait en militant. Ils appuieront ce qui est favorable aux travailleurs. Ils critiqueront ce qui ne l'est pas. Ils s'engagent à soutenir et à relayer, au sein du conseil municipal, les luttes de ceux qui défendent leurs conditions de vie et de travail, travailleurs en grève, Français ou immigrés, mal logés qui luttent, usagers qui refusent la dégradation des transports, des écoles et des services publics.
Et puis, il n'y a pas que ce qui se passe au sein des conseils municipaux. Cela compte évidemment, mais l'activité d'un parti militant se fait aussi dans les quartiers, dans la rue, dans les HLM.
Dans le passé, les partis ouvriers étaient présents dans les quartiers populaires et ils y développaient une activité politique.
Bien des problèmes dans les quartiers populaires, les incivilités, l'individualisme, le communautarisme, sont fondamentalement dus aux défaillances de l'État, de l'Education nationale à qui on supprime des moyens, et plus encore à tout le système économique et social dans lequel nous vivons. Mais, lorsque le mouvement ouvrier était présent dans les quartiers populaires, il parvenait dans une certaine mesure à suppléer à ces manques. Oh, non pas au nom de la morale de la classe possédante ! Mais au nom des valeurs du mouvement ouvrier lui-même. A commencer par la solidarité, par l'action collective. Bien des problèmes locaux peuvent être résolus sans qu'aucune administration s'en mêle, par les initiatives de la population elle-même.
Il y a, bien sûr, dans les quartiers populaires des associations qui essaient d'améliorer les choses en faveur de la population pauvre, sur le plan éducatif, sur le plan culturel et bien d'autres, concrètement, sur le terrain. C'est tant mieux ! Nous sommes solidaires de toutes ces associations, comme de tous ceux qui expriment les exigences ou les revendications des plus démunis dans tel ou tel domaine spécifique, comme celles qui luttent pour le droit au logement ou qui défendent la dignité et les droits des travailleurs immigrés.
Mais, à côté de l'activité de toutes ces associations dont chacune agit dans son domaine, il est important qu'une politique représentant les intérêts des classes exploitées soit également présente dans les quartiers populaires.
Comme je l'ai rappelé, à Lutte Ouvrière, nous avons fait le choix de militer sur le terrain politique dans la perspective d'une transformation radicale de la société.
Les travailleurs peuvent découvrir les idées politiques, les perspectives communistes dans leurs quartiers comme dans leurs entreprises. Ils peuvent, aussi, y faire l'apprentissage de l'action collective.
Bien sûr, un quartier même populaire ou une cité HLM ne sont pas assimilables à une entreprise. Les travailleurs y sont mélangés avec d'autres catégories et, surtout, c'est dans les entreprises que les travailleurs sont directement opposés à leurs exploiteurs, et c'est là que peut se déployer leur puissance sociale.
Tous ceux qui ont vécu une grève un tant soit peu importante et durable savent que, par delà les revendications avancées et la satisfaction obtenue, une grève est une école formidable pour tous ceux qui y ont participé.
Eh bien, une cité HLM ou un quartier populaire peuvent devenir, aussi, des lieux d'apprentissage de l'action collective. Les partis ouvriers savaient le faire à plus grande échelle autrefois, ne serait-ce qu'en s'opposant collectivement à une expulsion injustifiée ou encore en venant en aide aux grévistes d'une entreprise voisine.
Eh bien, nous contribuerons de toutes nos forces à ce que renaisse le sens de la solidarité propre aux classes laborieuses. Nous contribuerons à ce que renaisse le goût de l'action collective.
Bien sûr, il n'y a pas besoin de conseillers municipaux pour mener une propagande communiste, ni pour mener des actions collectives dans un quartier. Et avec ou sans conseillers municipaux, nous avons bien l'intention de mener cette activité, à la mesure de nos forces. Mais un conseiller municipal peut être un point d'appui.
Les conseillers municipaux Lutte Ouvrière seront ces points d'appui.
Alors, travailleuses, travailleurs, camarades et amis, votez et faites voter contre la droite et envoyez dans les conseils municipaux des militants de Lutte Ouvrière !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 10 mars 2008