Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à La Chaîne info le 12 mars 2008, sur les alliances du MoDem après le premier tour des élections municipales, la position du Président de la République, les résultats de personnalités et le cumul des mandats.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Les jeux sont faits pour la composition des listes en vue du second tour des municipales, dimanche. Compte tenu
de l'attitude du MoDem, le considérez-vous désormais comme un parti de gauche ?
R.- Le MoDem est un parti tout à fait étrange, une sorte de girouette, opportuniste, protestataire. Ce que je crois, c'est
que lorsqu'on assume un engagement politique, il faut que les électeurs sachent où l'on est, ce que l'on veut, avec qui on va
s'aller. On a vu que le MoDem s'est allié à Aubagne avec les communistes. On a vu...
Q.- F. Bayrou a désavoué ce choix, mais il a validé les autres !
R.- Mais alors à Marseille ? A Marseille, il y a de l'extrême gauche dans la liste avec laquelle le MoDem a voulu fusionner.
Donc, il n'y a aucune lecture lisible. Il y a une sorte de confusion qui est un vrai problème, qui a des relents de IVème
République d'ailleurs, où on ne sait pas ce qui va se passer au dernier moment. C'est une alliance de couloir. On rentre dans
le couloir, on croit que le MoDem va aller avec la droite et le centre et puis on sort du couloir, c'est le contraire. C'est
vraiment quelque chose qui est très préoccupant.
Q.- En clair, en conséquence, quel est votre souhait pour la ville de Pau : la victoire du PS ? La victoire du socialiste
soutenu par l'UMP ? Là aussi, cela fait aussi opportuniste et girouette l'attitude de l'UMP à Pau, de soutenir le maire
sortant socialiste ou bien la victoire quand même de F. Bayrou.
R.- Je souhaite que les électeurs s'expriment en toute liberté et cela sera la décision des électeurs qui sera la bonne.
Q.- Et l'UMP ne soutient plus personne !
R.- L'UMP a noué une alliance avec le maire sortant.
Q.- Socialiste. Etrange aussi !
R.- C'était une stratégie d'ouverture qui a été choisie comme tel.
Q.- Vous voulez la peau de Bayrou pour la présidentielle 2012 ?
R.- Ce n'est pas une question de peau, je viens de l'expliquer, ni de peau qu'a eu, ni de la ville de Pau. C'est une question
de clarté des engagements avant le premier tour. Il faut savoir s'il y a eu une ouverture, avant le premier tour, que l'on
aura un projet qui sera un projet où tout le monde est d'accord sur le projet communal, sur le projet urbain. Mais on ne peut
pas, entre les deux tours, dans la confusion, avoir des attitudes de retournement de posture, d'alliance. La plupart des
électeurs du MoDem portent des projets qui sont très proches de ceux de la droite et du centre. Et ils se retrouvent dans un
nombre de cas importants, majoritaires dans le pays, où le MoDem est venu soutenir en dernière minute des listes de gauche,
d'extrême gauche, des listes communistes, des listes où figurent de toute façon tous ces partis dont on sait bien que les
projets sont généralement fondés sur une hausse de la dépense publique...
Q.- F. Hollande prône le contraire ! Il a donné des consignes.
R.- ....des choix qui ne sont pas les nôtres.
Q.- Pas de dépenses, pas d'impôts, a dit F. Hollande !
R.- C'est exactement le contraire de ce qu'il avait dit, lorsque peu de temps après l'annonce de sa candidature, S. Royal
avait annoncé la couleur et que F. Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, avait expliqué qu'il fallait surtout ne
pas baisser les impôts et les augmenter.
Q.- Votre allié, le Nouveau centre, vous accuse d'avoir fait quand même la danse du ventre devant le MoDem, c'est vrai ?
R.- Il n'y a pas de danse du ventre. Il y a simplement des projets qui s'inscrivent dans les principes, les valeurs que nous
défendons. Et ces principes et ces valeurs sont ceux que les électeurs du MoDem partagent, en tout cas c'est ce que nous
pensons. Et la confusion d'aujourd'hui vient annuler ces espérances et ces certitudes.
Q.- Comment expliquez-vous que dans de nombreuses villes - Reims, Paris dans le 7ème ou le 15ème, Versailles, Neuilly - les
dissidents UMP on eu la faveur des électeurs ? Il y a un problème avec l'étiquette UMP ?
R.- Les élections municipales ce sont des élections locales, ce sont des questions de projets locaux, de problèmes locaux, de
personnalités locales et c'est comme cela qu'il faut lire ces résultats.
Q.- Justement, le 8 janvier le président de la République disait : "je vais m'engager dans la campagne. C'est des élections
municipales politisées comme toutes les élections". Et puis hier à Toulon, il a dit que ça ne regardait pas le Président, les
élections municipales, qu'elles étaient locales. Y a-t-il eu erreur de stratégie de l'UMP dans cette campagne ?
R.- Personnellement, je pense et j'ai toujours pensé qu'il y a, à la fois, des enjeux locaux majeurs et que dans les grandes
villes, l'étiquette compte, bien sûr, parce qu'il y a une connotation politique. Donc, c'est ni oui ni non. C'est une vérité
qui est inexacte dans les petites communes mais qui comporte une part de vérité dans les grandes villes.
Q.- Le Président n'a pas été assez clair dès le début ? Il aurait dû le dire dès le début : ces municipales... ?
R.- Mais ne mélangeons pas la politique nationale et les enjeux locaux.
Q.- Il l'a un peu mélangé !
R.- D'ailleurs, c'est ce qu'a fait le Parti socialiste en disant : "voter pour les élections locales, vous aurez des
résultats sur la politique nationale". Cela ne se passera pas comme cela. On vote pour un maire qu'on élit pendant six ans,
qui va décliner une politique locale, répondre à nos problèmes locaux, influer sur la fiscalité locale et cela ne changera
rien du tout aux élections politiques qui ont eu lieu la semaine dernière, qui ont voté pour que le Président Sarkozy et sa
majorité, le Gouvernement puissent conduire d'importantes réformes, absolument indispensables, que les Français appellent
toujours de leurs voeux.
Q.- Il s'en mêle quand même des municipales. Quand il promet des renforts policiers à Marseille, quand il vient parler
d'immigration dans le sud de la France, c'est l'atout des grosses ficelles électorales qu'utilise le chef de l'Etat !
R.- Non, cela ce sont des questions qui sont des questions régaliennes qui relèvent tout à fait d'une politique de l'Etat.
Q.- Cela tombe bien les policiers à Marseille juste avant le deuxième tout !
R.- C'est normal que cette action en faveur de la sécurité qui est un des résultats d'ores et déjà évident de l'action de N.
Sarkozy et du Gouvernement soit rappelée, c'est vrai. On ne peut pas supporter d'entendre nier les réalités. Les réformes qui
ont été conduites depuis le début de la législature sont considérables. Et les résultats obtenus dans un certain nombre de
domaine notamment la lutte contre l'immigration clandestine et la sécurité sont remarquables.
Q.- Le Président dit "je tiendrais compte quand même des municipales dans mon action". Cela veut dire quoi ? Cela veut dire
qu'il faut quand même freiner un peu les réformes ? Il a trop bousculé le pays ?
R.- Le Président est constamment en train d'observer ce qui se passe dans le pays. Il est tout à fait normal qu'il dise que
rien ne lui échappe, qu'il est indifférent à rien de ce qui se passe dans le pays, c'est normal.
Q.- Par exemple, un ministre battu doit quitter le Gouvernement. Cela c'est prendre acte !
R.- Non, mais attendez ! Alors parlons des ministres. Vous avez vu que le premier tour a apporté un succès majeur.
Q.- 14 élus ou réélus !
R.- 14 ministres élus ou réélus dès le premier tour. Deux qui conquièrent, qui ont conquis des villes sur la gauche.
Q.- Chaumont et le Puy-en-Velay.
R.- Et permettez-moi de parler des députés UMP dont 130 ont été réélus, lorsqu'ils étaient candidats, dès le premier tour. Ce
qui fait 60 % des députés candidats aux municipales. Ce qui est considérable !
Q.- Vous ne m'avez pas répondu sur le remaniement. Un ministre battu doit-il quitter le Gouvernement ?
R.- Personnellement, je ne pense pas que cela ait un rapport. Non. L'action, l'engagement national, cela n'est pas la même
chose que conduire une collectivité locale.
Q.- Alors justement, A. Juppé brillamment réélu se considère, il le dit lui-même, "disqualifié pour les responsabilités
suprêmes de manière définitive". Vous partagez cet avis ?
R.- Cela, c'est l'analyse personnelle d'A. Juppé dont je m'honore d'être un des amis. Son parcours est remarquable à tout
point de vue, l'homme est exceptionnel. Il a fait pour Bordeaux comme jamais on a fait pour une ville. Il a décidé de ce
choix. Il l'adit d'ailleurs lui-même pourquoi il faisait ainsi. C'est une histoire très forte avec Bordeaux. Et puis il a dit
que c'était sa position actuelle - j'ai cru lire cela dans un papier.
Q.- Vous l'appelez à ne pas tourner le dos aux responsabilités nationales ? Vous avez besoin de lui à l'UMP à Paris ?
R.- Je me garderais bien de lui donner des conseils à A. Juppé. Je pense que de toute façon, ce qu'il apporte aux débats par
sa réflexion, son intelligence et sa clairvoyance est considérable. La France a besoin de tout le monde. D'ailleurs A. Juppé
est une personnalité du centre droit, il y a d'autres personnalités de qualité. Il faut utiliser toutes les intelligences,
toutes les compétences dans le débat ou plus. Mais cela c'est une affaire de choix personnel de ces personnalités politiques.
Q.- A partir du 25 mars, le Parlement reprendra ses travaux. Vous avez été brillamment élu comme Président de l'Assemblée
nationale. Le Président du groupe UMP, aussi, J.-F. Copé, à Meaux. Est-ce que vous réclamez du coup beaucoup plus de pouvoir
pour cette cheville ouvrière qu'est le groupe UMP et la présidence UMP de l'Assemblée nationale ?
R.- La réforme institutionnelle voulue par le président de la République, qui est en train de se concrétiser, puisque nous
allons l'examiner et la voter, je l'espère de tout mon coeur, pendant cette session qui s'ouvre - il y aura des travaux qui
vont reprendre dans une dizaine de jours - donne l'occasion d'offrir au Parlement et pas seulement au groupe majoritaire ou à
je ne sais quel parti de l'Assemblée nationale, une place considérable. C'est un rééquilibrage de nos institutions en faveur
du Parlement, des parlementaires, c'est-à-dire de ceux qui légitimement représentent le peuple, les citoyens. Et c'est une
chance voulue par le président de la République. Il nous faut maintenant la concrétiser en adoptant cette réforme.
Q.- Il suggère, le Président, un débat annuel sur l'immigration à l'Assemblée nationale. Vous êtes prêt à tenir ce débat ?
R.- Le Parlement, l'Assemblée nationale, c'est le lieu où l'on doit débattre de tout. Et d'ailleurs dans la réforme, cela
sera facilité.
Q.- Quels textes de réforme voulez-vous examiner en priorité à l'Assemblée nationale ?
R.- Le calendrier est déjà inscrit en pointillé...
Q.- Ce n'est pas le votre, c'est celui du Premier ministre, vous avez peut être votre mot à dire.
R.- Non, ce que je voudrais vraiment, c'est que la réforme institutionnelle soit conduite et adoptée, comme le Gouvernement
d'ailleurs le souhaite, avant les vacances d'été. Cela, c'est pour moi très, très important, parce que c'est un changement
qui se fait au bénéfice des parlementaires, au bénéfice du débat démocratique, qui redonnera beaucoup, beaucoup, plus de
pouvoir au Parlement, va rééquilibrer les pouvoirs entre le président de la République, qui accepte et qui le veut, et le
Parlement.
Q.- Et vous êtes prêt dans ce débat institutionnel à lâcher sur le cumul des mandats ? Mandat unique : on est député et rien
d'autre, alors qu'on a vu beaucoup de députés maires.
R.- C'est une question passionnante la question du mandat unique. Majoritairement, les observateurs pensent qu'il faudrait un
mandat unique. Lorsque l'on est élu, on se rend bien compte qu'il faut la proximité et la responsabilité nationale. Il faudra
de toute façon sur ce point nuancer, peut-être supprimer la possibilité d'être président d'un EPCI, d'une intercommunalité et
d'être parlementaire. Mais c'est un travail qui devra être approfondi.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 mars 2008