Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau Centre dans "La Tribune" du 13 mars 2008, sur la poursuite des réformes après les élections municipales, notamment pour favoriser la croissance et augmenter le pouvoir d'achat.

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Média : La Tribune

Texte intégral

Q - Les résultats du premier tour des municipales sonnent-ils comme un avertissement pour la droite ?
R - Même s'il faut se mobiliser pour le second tour, ce n'est pas la catastrophe que l'on avait annoncé. Les résultats démontrent que les échecs sont liés à des situations locales et non à un bilan national. J'attire votre attention sur l'effondrement du vote d'extrême droite. Il y a peu, on se lamentait de voir notre pays subir cette influence néfaste. Grâce à l'élection de Nicolas Sarkozy, nous en sommes presque débarrassés. En revanche, je note la formation d'un électorat protestataire à gauche, avec le succès des candidats trotskistes. Je demande solennellement au PS d'accomplir le même travail républicain que nous. L'effondrement du vote d'extrême droite déplace vers le centre-droit le coeur stratégique de notre vie politique. Vous comprendrez que je suis serein en ce qui concerne l'avenir de mon parti, le Nouveau Centre, qui veut incarner l'UDF.
Q - Le chef de l'Etat vient d'affirmer qu'il "tiendra compte" du message des électeurs. Estimez-vous qu'il est nécessaire d'infléchir la politique engagée ?
R - Je ne sais qu'une chose : il n'y a pas de salut ailleurs que dans la réforme. La France décline lentement mais sûrement depuis 25 ans, les politiques l'ont mise sous perfusion afin que cela ne soit pas trop douloureux. Le président de la République a été élu sur un message de rupture. Les Français ne pardonneraient pas à la majorité qu'elle n'engage pas les réformes pour lesquelles elle a été élue.
Q - Ces élections ne doivent donc rien changer dans la conduite de la politique gouvernementale ?
R - Il faut à la fois continuer un rythme rapide des réformes, lié au quinquennat mais peut-être éviter l'accumulation chaque semaine d'annonces nouvelles. Si l'idée de mettre en route en même temps plusieurs chantiers me semble absolument nécessaire, il est utile de donner une lisibilité complète de l'action réformatrice et de remettre chaque réforme dans une perspective, pour que notre action ait du sens.
Q - Une cinquantaine de textes sont attendus au Parlement au printemps. N'est-ce pas trop ?
R - Le quinquennat, c'est un rythme court. Il y a quatre années utiles, la dernière année étant consacrée à sortir les décrets d'application des dernières lois votés. Il reste donc trois bonnes années pour réformer. Cela suppose un rythme très soutenu. La majorité doit avoir en perspective que les réformes finiront par porter leurs fruits au bout de deux ou trois ans. C'est ainsi que les pays occidentaux - Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis - ont mené leurs grandes périodes réformatrices. Si la majorité a comme perspective les élections de 2012, un timing serré s'impose.
Q - Les Français ont exprimé pendant la campagne des attentes sur le pouvoir d'achat. Le gouvernement doit-il en tenir compte ?
R - Pour notre formation politique, l'avenir passe par plus de liberté. La liberté, c'est le seul système qui gagne dans le monde. La seule réponse à la question du pouvoir d'achat est de permettre aux acteurs économiques de créer de la richesse, grâce à la liberté régulée par un nouveau contrat social qu'il nous faut bâtir. On résoudra le problème du pouvoir d'achat par la croissance. Nous faisons depuis 10 ans un point de croissance en moins que la moyenne des pays européens. Si nous avions eu le même taux de croissance que les pays européens, chaque salarié français depuis 1995 aurait en moyenne 5000 euros de salaire supplémentaire par an. Il faut aller chercher la croissance qui nous manque.
J'ai soutenu le rapport Attali. La suppression de certains monopoles est acceptable à condition qu'elle ne conduise pas à la spoliation. Il faut donc l'accompagner d'une indemnisation car il serait injuste que les personnes ayant travaillé dur pour rembourser l'achat de charges ou de licences, ne puissent pas retrouver leur capital.
Q - La faiblesse de la croissance pèse sur les finances publiques. Quelles sont vos priorités ?
R - La dépense publique est source de prélèvement obligatoire et le Nouveau Centre soutient activement le gouvernement sur la réforme de l'Etat. Il faut absolument faire le tri dans les collectivités locales. Nous soutenons la fusion entre les départements et la région. Nous voulons qu'enfin soit appliquée la suppression des compétences croisées En clair, quand une collectivité a une responsabilité, les autres collectivités ne doivent pas avoir le droit d'intervenir. Depuis 1982, on a créé 600.000 postes de fonctionnaires territoriaux. Dans le même temps, l'Etat n'a pas maigri mais a absorbé 200.000 postes de plus. La France est elle pour autant mieux administrée ?
Q - Etes-vous favorable à la TVA sociale ?
R - La réforme de l'assiette des cotisations sociales est une priorité pour dynamiser la croissance et l'emploi. On ne peut pas continuer à faire peser pour l'essentiel sur le travail le poids croissant de la dépense sociale. Nous préconisons de transférer les cotisations sur un panachage de plusieurs impôts : TVA, CSG et fiscalité environnementale, et d'autres...
Q - L'objectif de retrouver l'équilibre des comptes publics en 2012 est-il réalisable ?
R - Le Nouveau Centre va se battre au printemps, lors de la discussion de la révision constitutionnelle, pour que soit introduite dans la Constitution une disposition qui interdise de présenter un budget en déficit de fonctionnement, sauf circonstances exceptionnelles.
Propos recueillis par Delphine Girard source http://www.le-nouveaucentre.org, le 13 mars 2008