Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique, à "iTélé" le 14 mars 2008, sur le résultat du premier tour des élections municipales et cantonales, et notamment sur l'importance de la position du MoDem pour le second tour.

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Média : I-télévision

Texte intégral

T. Joubert.- Nous recevons ce matin le secrétaire d'Etat à la Fonction publique, également le maire d'Issy-les-Moulineaux. A. Santini, bonjour. Réélu. Maire réélu dès le premier tour.

R.- Oui.

Q.- Ca s'est bien passé donc dimanche dernier.

R.- Pas mal !

Q.- Vous êtes tranquille pour dimanche prochain.

R.- Heureusement !

Q.- Vous pouvez fumer tranquillement votre cigare dimanche pour ce second tour des élections. Vous avez craint quand même avant le premier tour cette alliance PS/MoDem qui se dessinait dans cette ville ?

R.- Chez moi, non. Non, non, ils ont réussi à se présenter côte à côte et comme ça on a pu trancher, 56 % dès le premier tour c'est pas mal.

Q.- Ils rêvaient de vous faire trébucher quand même.

R.- Je crois même qu'ils ne s'occupaient que de cela et c'est une grande erreur parce que on l'a dit, répété, les Français choisissaient leur maire. C'est presque un problème de vie privée. Je vous donne un exemple, j'avais les machines à voter. Quelle innovation !

Q.- Les fameuses machines à voter d'Issy-les-Moulineaux, on en avait parlé pendant la présidentielle.

R.- Oui, oh la, la ! Mais surtout à Issy-les-Moulineaux. Il y avait 89 villes qui en avaient mais Issy-les-Moulineaux c'était formidable, comme c'est une ville Internet reconnue, comme nous avons toutes les grandes sociétés d'informatique et d'Internet, il fallait évidemment en parler. Et alors, on a entendu, vraiment, se déverser un tombereau d'inepties obscurantistes, etc. En Amazonie, au Brésil, on vote avec des machines à voter, il y a 20 % d'analphabètes, mais en France il doit en avoir au moins 40 pour refuser. Et alors, je regardais comment ça se passait, ça se passait d'ailleurs bien, et il y avait un jeune homme, j'ai cru que c'était un assesseur, donc je lui dis : « Bonjour, monsieur, vous êtes pour qui ici ? ». Il dit : « Je suis pour la gauche, Monsieur, mais je vote pour vous », comme ça, carrément, sans scrupules.

Q.- Donc, enjeu local, c'est ce que vous êtes en train de nous expliquer.

R.- Bien sûr, mais bien sûr !

Q.- Ce qui signifie qu'il n'y a aucun vote sanction, selon vous, dans les urnes.

R.- Mais, regardez les sondages de ce matin, dans Le Figaro. Les gens disent à 30 %, « oui, je vais sanctionner le Gouvernement », 30 % ! Quand vous pensez que les deux tiers des ministres sont élus dès le premier tour, que le Premier ministre a une cote qui fait pâlir ses prédécesseurs, où est la sanction ? On a voulu tirer la veste pour dire : « attention, il y a des choses qui ne vont pas encore ». Les gens demandent finalement plus de réformes, ils sont un peu déçus qu'on n'aille pas assez vite, que les résultats - mais au bout de dix mois, qu'est-ce que vous voulez avoir comme résultat ? - ne sont pas encore au rendez-vous. Voilà ce qu'il faut bien comprendre. Certains disent : « ah, le comportement du Président de la République ». Mais comme ça, vous voyez, mais ils ne remettent pas en cause leur vote fondamental des présidentielles et des législatives.

Q.- « Des élections locales constituent toujours un enjeu national », vous vous souvenez qui a dit ça ?

R.- Je crois que c'est N. Sarkozy.

Q.- C'est N. Sarkozy.

R.- Mais il a raison.

Q.- Alors, qu'est-ce qui se passe ? Vous êtes en train de nous expliquer qu'il n'y a pas de vote sanction, qu'il n'y a pas de vote national, alors que le Président se présentait les municipales de cette manière.

R.- Mais, il nous a dit encore au Conseil des ministres, il a dit qu'il entendrait le pays et c'est très bien ça. Dostoïevski disait : « une fleur qui pousse dans mon pays en plein hiver, c'est de la politique », et N. Sarkozy est un vrai politique. Il est évident qu'il faudra tirer [des leçons] dans les appels qui ont été émis, mais il ne faut pas non plus hurler à la catastrophe, au tsunami.

Q.- Ce deuxième tour des municipales est donc marqué par cette danse du Centre : un coup à gauche, un coup à droite. On parle évidemment du MoDem.

R.- Un coup partout même, même avec les communistes.

Q.- Même avec les communistes à Aubagne. Est-ce que vous arrivez, vous, à comprendre la stratégie du MoDem et de F. Bayrou ?

R.- Ecoutez, nous avons tellement compris la stratégie que nous sommes partis dès le mois de décembre, quand j'ai été voir...

Q.-... vous vous étiez engagé pour N. Sarkozy pendant la campagne.

R.- Bien sûr ! Parce que quand F. Bayrou n'a pas répondu à ma question : « que fais-tu au deuxième tour ? » que par « je serai au deuxième tour », bon ben j'ai compris que tout était classé, que le schéma était ossifié et que seul comptait le destin présidentiel d'un homme par rapport à un parti, par rapport à une philosophie. La philosophie centriste des chrétiens démocrates, des sociaux-démocrates, tout cela n'a aucune importance. Et on le voit bien aujourd'hui, bientôt le MoDem ce sera Monsieur Bayrou et Madame de Sarnez pour un avenir encore indéterminé. Les députés ont bien fait de rejoindre N. Sarkozy et aujourd'hui on voit bien dans les villes où l'engagement a été clair par rapport à nos amis de l'UMP, dont nous sommes les alliés naturels depuis toujours, depuis la Libération, eh bien les choses sont parfaitement claires.

Q.- Alors, du coup, les alliances entre l'UMP et le MoDem, il paraît que ça a eu le don d'en agacer certains au Nouveau centre, on parlait de trahison.

R.- Mais, certains chez nous, au Nouveau centre, effectivement, ont dit : « tiens, on est en train d'aller chercher les ouvriers de la 11e heure », voilà, bon. Si ça se passe bien, si c'est sincère, très bien. Mais si on est en train ostensiblement de récupérer quelques points pour sauver quelques sièges, c'est vrai que ça nous choquerait un peu. Le Président de la République a mis les choses au point.

Q.- Il a poussé un coup de gueule mercredi en Conseil des ministres.

R.- Un petit coup de gueule.

Q.- Petit coup de gueule ! Qu'est-ce qu'il a dit ?

R.- Je ne peux pas en parler, mais vous l'avez répété...

Q.- C'est quoi ? Laisser Bayrou là où il est, quoi ?

R.- Mais moi, il m'a fait rire en tant que "tintinophile" parce qu'il a parlé de sparadrap, vous savez le Capitaine Haddock, n'est-ce pas. Le sparadrap c'est bien, c'est amusant, ça laisse les choses à leur place. Mais si aujourd'hui le rôle de F. Bayrou et du MoDem c'est de faire chuter des gens de l'UMP, comme ça été le cas lors des législatives, eh bien je dis qu'il vaut mieux arrêter parce qu'il n'y a plus de stratégie politique, il n'y a plus d'idée politique.

Q.- C'est la guerre entre le Nouveau centre et F. Bayrou.

R.- Non, ce n'est pas la guerre, nous avons... il a quitté l'UDF, il a trahi l'UDF, donc aujourd'hui il faut que les gens qui ont voté pour le MoDem au premier tour reviennent dans notre famille politique. Nous n'avons jamais, nous, quitté les idéaux de l'UDF.

Q.- Alors, on lit dans la presse du jour : « ça va être dur pour le second tour pour la majorité présidentielle ». Il y a des sondages qui sont alarmants, P. Devedjian, J.-P. Raffarin sonnent un petit peu l'alarme. Il n'y aurait pas un petit peu un excès d'inquiétude même pour appeler à la mobilisation ? Est-ce que la majorité présidentielle n'a pas besoin de mobiliser ses troupes ?

R.- J'étais hier à Vanves où les gens ont beaucoup voté, c'est la ville où on a le plus voté, et comme par hasard c'est la ville où nettement mon ami B. Gauducheau avec I. Debré sont clairement en tête. Cette ville a été perdue à deux voix en 95, parce que les gens avaient moins voté. Incontestablement, si tous nos électeurs, ceux qui ont voté aux présidentielles, aux législatives, se décident à voter, il y aura d'extraordinaires surprises dans les sondages, et nous avons des exemples de villes qui ne tiennent qu'à la participation. Je suis persuadé que pendant la journée, quand on regardera le taux de participation, on saura si l'UMP et le Nouveau centre ont regagné des points ou si au contraire il y a un désintérêt. Paris est quand même un exemple. Où est la mobilisation à Paris avec le plus faible taux d'abstention ? Quand on pense que depuis 59, c'est la première fois qu'on vote si peu aux municipales.

Q.- Et un remaniement ministériel, alors, après les municipales, c'est prévu ?

R.- Je crois que non, mais vous savez...

Q.- F. Fillon est contre, et vous ?

R.- Ouf ! Moi, je suis secrétaire d'Etat à la Fonction publique, poste très difficile...

Q.- Est-ce que vous êtes sûr de garder votre portefeuille après le second tour ?

R.- Mais, je ne suis sûr de rien, mais il faut l'accepter. Le président de la République nous dit régulièrement : « Personne ne vous oblige à être ministre, des tas de gens voudraient être à votre place ». Il a parfaitement raison. J'oubliais - c'est ce que je dis aujourd'hui à ceux qui vont être élus adjoints dans nos communes demain ou la semaine prochaine - personne ne les oblige à être adjoints. C'est une exigence qu'ils s'imposent à eux-mêmes. Pour les ministres, c'est encore plus de responsabilités et vraiment tous les ministres ont été pratiquement réélus dès le premier tour.

Q.- Et quand on est ministre, on ne cherche jamais à sauver au maximum sa place, à conserver sa place au maximum ?

R.- Ecoutez, moi, je connais N. Sarkozy depuis toujours, à Neuilly, dans les Hauts de Seine, il fait ce qu'il décide mais il est très loyal, il l'annonce. Quand il a quelque chose à dire, il le dit, ce n'est pas du faux-fuyant. Je reconnais qu'avec E. Woerth et moi, nous avons eu droit à des compliments à un récent Conseil des ministres sur le dialogue mené. Hier, Force ouvrière a signé les accords de la fonction publique...

Q.- Voilà, ça, les dialogues avec les syndicats de la fonction publique.

R.- Cinquième syndicat qui signe sur huit. Nous sommes partis pour un livre blanc, nous appliquerons les instructions du président de la République pour réformer la fonction publique avec l'appui de la fonction publique, en respectant les fonctionnaires. Je crois que c'est vraiment très bien. On n'a pas à passer brutalement, nous devons négocier à chaque fois, nous le faisons avec un sens de l'écoute, je crois, que le Président nous a inculqué puisque lui-même reçoit les syndicats.

Q.- Vous êtes sûr de rester au Gouvernement aussi malgré votre mise en examen, fin février ? Je rappelle que vous avez été mis en examen pour prise illégale d'intérêt, faux et usage de faux, détournement de fonds publics.

R.- C'est-à-dire que j'ai signé cette facture dont on avait dit : « Vu. Bon à payer pour 120 000 euros ». Les électeurs ont déjà répondu en partie.

Q.- La juge aussi a répondu en partie, vous avez des mots très, très durs contre la juge, une petite juge qui vous cherche des noises.

R.- Non, non, non, vous confondez, j'ai envoyé un démenti formel à ce qui a été écrit. Ca c'était une opération de presse, j'ai d'ailleurs envoyé une lettre à C. Barbier...

Q.- Le patron de L'Express.

R.-...Parce que faire un numéro spécial, n'est-ce pas sur Issy-les- Moulineaux, j'ai trouvé que c'était un peu méprisable, quand L'Express est en mauvaise situation financière.

Q.- Vous êtes persuadé que tout se terminera par un non-lieu de toute manière ?

R.- Je ne suis persuadé de rien, mais je sais que, et les électeurs savent, que je n'ai rien commis de grave.

Q.- Et il n'y a pas de raison de démissionner, donc, comme d'autres ministres mis en examen ont pu le faire auparavant.

R.- Absolument pas !

Q.- C'est bien de faire de la prévision ! Merci beaucoup à vous d'avoir été avec nous sur ce plateau.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 mars 2008