Interview de MM. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement et Jean-Marie Le Guen, député socialiste, à Radio Classique le 17 mars 2008, sur les résultats, favorables à la gauche, des élections municipales, sur le taux d'abstention et sur la politique de réforme menée par Nicolas Sarkozy.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

O. Nahum, D. Jeambar et A. El Jabri.- O. Nahum : Ca pourrait vous surprendre, mais l'ambiance est assez détendue, voire même joyeuse dans ce studio.
 
R. Karoutchi : Joyeuse !
 
O. Nahum : Voilà, vous avez reconnu la faconde de Monsieur Karoutchi.
 
R. Karoutchi : Je n'ai rien dit encore.
 
O. Nahum : On vous a entendu, [monsieur le] ministre des Relations avec le Parlement. Leader de l'opposition au Conseil régional d'Ile de France. [Et puis] J.-M. Le Guen, député socialiste de Paris. (.../...) Allez, R. Karoutchi, alors soyons clairs, c'est une défaite pour la droite ?
 
R. Karoutchi : Je ne vais pas affirmer que c'est une victoire.
 
D. Jeambar : Non mais, prononcez quand même le mot défaite.
 
R. Karoutchi : Laissez-moi dire ! Je ne vais pas dire que c'est une victoire, d'abord parce que ce serait à l'égard de celles et ceux de nos élus qui se sont bien battus et qui ont perdu, ce serait totalement...
 
J.-M. Le Guen : ... et ils sont nombreux !
 
R. Karoutchi : ... ce sera votre tour tout à l'heure, J.-M. Le Guen, attendez votre tour.
 
O. Nahum : C'était Monsieur Le Guen.
 
R. Karoutchi : J'en ai pour vous aussi ! Mais, en revanche, faisons le bilan, le vrai bilan, pas le fait quand on égraine dans les soirées électorales, alors évidemment d'un...ou l'autre, on ne sait plus très bien, mais là le vrai bilan. Le vrai bilan, c'est quoi ? Une quarantaine de villes gagnées, des villes de plus de 30 000 habitants, gagnées par la gauche sur cette élection de 2008, globalement entre les deux tours. C'est, je me permets de le rappeler, l'image inverse, mais quasi exacte, de ce qui s'est passé en 2001 où la droite avait gagné, de mémoire 40 ou 41 villes de plus de 30 000 habitants.
 
O. Nahum : Donc, vous dites : « rééquilibrage ».
 
R. Karoutchi : Moi, je dis simplement que quand je prends 1995-2001, entre les deux élections, la droite avait gagné 50 villes de plus de 30 000 habitants. Et le résultat des courses, c'est que aujourd'hui, effectivement, il y a eu par la gauche la reprise de l'essentiel de ce que nous avions effectivement repris entre 1995 et 2001. Ca veut dire qu'il y a un rééquilibrage, ça veut dire qu'il y effectivement une impatience d'un certain nombre de nos électeurs qui se sont abstenus. Ca veut dire que l'abstention est un phénomène qui s'est accru en dix ans aux municipales pour être le plus fort cette fois-ci par rapport à 1959. Donc, on est vraiment dans une situation où il faut analyser calmement, paisiblement, il n'y a pas de vote sanction, sinon il y aurait eu un raz de marée, et un raz de marée y compris dans la mobilisation électorale de la gauche. Mais, mais, il y a un élément clair...
 
O. Nahum : ... une défaite en interrogation.
 
R. Karoutchi : Vous y tenez beaucoup !
 
O. Nahum : Non, non.
 
R. Karoutchi : Non, je maintiens que dans ces élections locales il y a des échecs locaux et un rééquilibrage national.
 
O. Nahum : Mais, Monsieur Le Guen, vous, vous allez nous dire qu'il y a défaite de la droite.
 
Ah ben, oui ! (.../...)
 
O. Nahum : Mais, avant de parler des conséquences, quand même, comment vous expliquez le fait, et vous l'avez dit , que votre électorat serait tellement mécontent de ce qui se passe qu'il a décidé de ne pas aller aux urnes et que ça permette éventuellement de faire basculer des villes ?
 
R. Karoutchi : Non, attendez, il faut comme toujours se rendre compte que beaucoup de communes, à gauche comme à droite d'ailleurs, dans les deux cas lorsqu'il y a eu des victoires, ont souvent basculé de quelques centaines voix, pas de... enfin, non, ça dépend où, mais il y a eu des villes... A Périgueux nous perdons, de mémoire, de 113 voix.
 
A. El Jabri : 113, oui.
 
R. Karoutchi : Donc, il y a des villes vraiment où le basculement est à peu de chose.
 
D. Jeambar : Et des villes que vous sauvez de très peu, par exemple Marseille.
 
R. Karoutchi : Non, mais d'accord...
 
O. Nahum : ... c'est dans les deux sens !
 
R. Karoutchi : Je dis que dans les deux sens, on a gagné ou perdu souvent à la marge. Il y a des villes où ça s'est fait très largement, souvent d'ailleurs celles du premier tour. Mais au deuxième tour, j'exclue quelques arrondissements parisiens, dont Monsieur Le Guen lui-même qui naturellement n'étant pas dans l'équilibre toujours, évidemment a voulu gagner largement, enfin passons...
 
O. Nahum : Oui, passons, comme vous dites. On écoutera la réponse de l'intéressé.
 
R. Karoutchi : Toujours est-il que...
 
O. Nahum : Donc, pourquoi votre électorat ne vient pas voter ? Vous avez parlé d'abstention. A. Santini dit même à l'Herald Tribune que votre électorat a voté « avec les pieds », ce que vous confirmez.
 
L'Herald Tribune, moi l'anglais... mais j'écoute avec intérêt A. Santini. Non mais, ce que je veux dire c'est qu'en réalité il nous a manqué deux, trois points d'abstentionnistes, d'électeurs de droite qui se sont réfugiés dans l'abstention, et moi je comprends mais on me dit : « est-ce que ce sont les électeurs populaires ? ». Oui et non, parce que l'abstention a été plus forte, y compris dans un certain nombre de quartiers bourgeois qui votaient traditionnellement pour nous. Donc, je crois qu'il y a un électorat de droite, une fraction de l'électorat de droite qui a voté N. Sarkozy en mai 2007 pour des réformes, pour une rupture, et qui dit « c'est vrai qu'il y a des réformes, mais ça va pas assez vite, c'est vrai qu'il y a une rupture mais ça va pas assez vite », et qui dit à l'arrivée, je simplifie : « qu'est-ce qui dans ma vie quotidienne a changé, en quoi ma vie personnelle a été modifiée ? ». Et ce sont des électeurs qui ont fait confiance à N. Sarkozy, qui sont impatients, qui souhaitent voir des résultats concrets de la politique gouvernementale et qui sur le coup, sans basculer à gauche, parce qu'en réalité le total des voix de gauche n'est évidemment pas supérieur à ce qu'il a été en 2007, du fait de l'abstention, etc. il a été surévalué, si je puis dire, mais il n'a pas augmenté. (.../...)
 
O. Nahum : Mais, si on analyse, effectivement, à l'échelon national ces élections, on ne cesse de dire que c'est un électorat qui n'est pas venu voter, qui aurait été, comment dirais-je malmené par le style présidentiel. Alors, est-ce à dire que c'est la faute de N. Sarkozy si vous avez perdu les municipales ? Réponse.
 
R. Karoutchi : Non, non, non ! Là, c'est vous qui interprétez puisque...
 
O. Nahum ... c'est ce qu'on entend dire ici et là.
 
R. Karoutchi : Ah, vous entendez...
 
O. Nahum : ... les éditorialistes...
 
R. Karoutchi : ... aïe, aïe, aïe !
 
D. Jeambar : Celui qui est en face de vous, d'ailleurs.
 
R. Karoutchi : Je vous ai déjà dit...
 
O. Nahum : ... Monsieur LECH aussi d'ailleurs.
 
R. Karoutchi : Je vous ai déjà dit de ne pas verser dans cette facilité-là.
 
O. Nahum : Alors, allez-y Monsieur Karoutchi !
 
J.-M. Le Guen : Corrigez-nous, Monsieur Karoutchi !
 
R. Karoutchi : Oh, je ne me permettrais pas, Monsieur Le Guen, surtout que je suis presque d'accord sur un certain nombre de points que vient d'aborder J.-M. Le Guen, donc on va finir par trouver des convergences.
 
O. Nahum : Alors, N. Sarkozy, style en cause ?
 
R. Karoutchi : Non, non, non, moi je crois qu'il faut être sérieux, les électeurs de droite qui ne sont pas allés voter aux élections municipales, il y deux possibilités : il y a celles et ceux que les équipes locales pour des raisons diverses n'ont pas mobilisées soit parce qu'elles ne faisaient pas l'unanimité, bon, ça, il y a des éléments locaux...
 
O. Nahum : ... dissensions.
 
R. Karoutchi : Il y a eu beaucoup de dissidences, à droite comme à gauche, à vrai dire.
 
 J.-M. Le Guen : Oui, oui.
 
R. Karoutchi : Mais bon, il y a eu beaucoup de dissidences, etc., on n'a pas toujours réussi à faire le plein au deuxième tour, on l'a payé dans un certain nombre de communes, Reims, Asnières, un certain nombre de villes où la division du premier tour explique souvent l'échec du deuxième. Et puis, il y a une deuxième raison, que j'évoquais tout à l'heure, le côté impatience. Et je voudrais dire à J.-M. Le Guen, l'analyse ce n'est pas de dire : « il y en a qui disent : on n'est pas allés assez à droite ou on n'est pas allés assez à fond à droite », non, ce n'est pas ça le souci, ce n'est pas d'aller à droite, c'est de dire que lorsqu'on fait des réformes, il faut qu'elles soient constamment comprises, lisibles. Lorsqu'on fait des réformes il faut que des résultats concrets transparaissent dans la vie quotidienne des Français le plus rapidement possible parce que les gens voient bien qu'il y a plein de réformes,  voient bien qu'on fait des réformes au Parlement, mais il se disent : « dans ma vie quotidienne, qu'est-ce que j'ai maintenant ? ».
 
D. Jeambar : Monsieur Karoutchi, ça renvoie vraiment à la personne du président de la République parce que c'est lui qui porte tout depuis dix mois, c'est lui qui a mis en oeuvre une pratique nouvelle de la présidence de la République, c'est lui qui a défendu ces réformes.
 
R. Karoutchi : Et il a raison.
 
D. Jeambar : Pardonnez-moi, c'est lui qui avait mis au centre de sa campagne la progression du pouvoir d'achat. O. Nahum : Le pouvoir d'achat comme voeu. D. Jeambar : C'est lui qui a balayé cette question d'un revers de main au début de l'année dans sa conférence de presse. Donc, vous ne pouvez pas nier que cette élection soulève une question qui est : « est-ce que ce n'est pas un vote sanction contre le Chef de l'Etat ? ».
 
R. Karoutchi : Non, non.
 
O. Nahum : R. Karoutchi, on attend votre réponse impatiemment, mais pour lui laisser le temps de s'exprimer, marquons une pause et prenons connaissance des nouvelles du jour.
 
R. Karoutchi : Allons, bon ! En fait, taisez-vous, quoi, c'est ça ?
 
O. Nahum : Le retour de R. Karoutchi et J.-M. Le Guen. Vous savez, on doit bien vivre.
 
J.-M. Le Guen : Laissez faire le marché, R. Karoutchi !
 
[Pause]
 
O. Nahum : Avant ce rappel des nouvelles, effectivement, Denis vous interpellait en disant : « Finalement, c'est N. Sarkozy qui porte les réformes ». Est-ce que quand même ça ne renvoie pas, finalement, au titre présidentiel et à la façon qu'il y a eu de porter ces dites réformes ?
 
R. Karoutchi : Non, parce que, je veux dire à D. Jeambar la chose suivante, là, très sérieusement : un, nous sommes dans un pays où gauche/droite depuis 25 ans nous avons beaucoup de mal à faire des réformes profondes, vraiment, mais au-delà de tout. Par conséquent, lorsque dans la campagne présidentielle, N. Sarkozy a dit : « Je vais les porter moi-même », ça voulait dire en clair, il faut que le Président soit acteur pour qu'enfin ces réformes se fassent. Donc, très logiquement, N. Sarkozy les porte les réformes, les annonce, les porte, les impulse. Ensuite, il y a par définition - mais c'est le temps politique qui n'est pas forcément le temps médiatique, qui n'est pas forcément le temps de l'opinion - il y a la mise en oeuvre politique, gouvernementale, parlementaire, etc. Et nous sommes dans un pays et avec une opinion publique qui est de plus en plus - alors le mot impatiente a été beaucoup utilisé - disons ce que l'on veut, mais c'est vrai que les gens, et je comprends, se disent : « nous, on nous dit il va y avoir rupture, il va y avoir amélioration du pouvoir d'achat, il va y avoir réforme des retraites, il va y avoir..., on veut tout de suite ». Moi, j'ai quand même des souvenirs, lorsque N. Sarkozy en novembre, de mémoire, fait un 20 heures pour dire un certain nombre de choses, qu'il devait passer par la loi, donc par le Parlement et qui donc prennent le temps nécessaire même si c'est en urgence, ça met quand même plusieurs mois, en réalité. Bon, très franchement, moi j'avais des gens qui deux jours après me demandaient : mais est-ce que c'était applicable immédiatement ? Alors, évidemment, il faut quand même que la loi se fasse, que les choses se fassent. Moi, je crois qu'il y a impulsion nécessaire et un rôle d'acteur nécessaire de la part du Président, sinon les réformes, je vous le dis, Monsieur Jeambar, sinon les réformes vont avoir beaucoup de mal à se faire parce que dans ce pays, dès que vous réformez, à gauche comme à droite, les gens bloquent, il y a des contrepouvoirs, il y a des contrepoids. Il faut donc une impulsion présidentielle. Et c'est à nous, au Gouvernement, au Parlement, de faire en sorte que ça aille plus rapidement...
 
J.-M. Le Guen : ...mais, ce n'est pas l'action de N. Sarkozy, c'est vraiment le problème...
 
R. Karoutchi : ...et de faire en sorte qu'on puisse avoir des résultats.
 
J.-M. Le Guen : C'est le problème, pour être vraiment très sérieux à un moment ou à un autre, l'activisme présidentiel ne s'est pas concentré sur les principales réformes, dont éventuellement ce pays a besoin. (.../...)
 
O. Nahum : R. Karoutchi, juste une question d'Anissa, justement, sur l'attitude gouvernementale et vous allez répondre, vous allez voir. A. El Jabri : Justement, puisque vous parlez de temps de pédagogie, J.-P. Raffarin il y a quelques minutes a dit que « le Gouvernement devait corriger le tir sur un certain nombre de points ». Alors, justement, est-ce qu'il y quelque chose à faire là-dessus ? O. Nahum : Est-ce que vous partagez son avis, d'abord ?
 
R. Karoutchi : Attendez...
 
O. Nahum : ... non, non, mais d'abord sur les propos...
 
R. Karoutchi : Alors, je vais vous faire une réponse globale.
 
A. El Jabri : Exactement, c'était le but.
 
R. Karoutchi : Non, non, ne m'empêchez pas de répondre à Monsieur Le Guen.
 
O. Nahum : Mais bien sûr, sinon au aurait invité Monsieur Raffarin. A. El Jabri : Et à Monsieur Raffarin du coup, par la même occasion.
 
J.-M. Le Guen : Sans que ce soit forcément la même chose !
 
O. Nahum : On a bien compris !
 
R. Karoutchi : Bon, Monsieur Le Guen, cessez de mettre du désordre dans cette émission.
 
O. Nahum : Allez, reprenons notre sérieux.
 
R. Karoutchi : Alors, premier point...
 
O. Nahum : ... Corriger le tir ou pas ?
 
R Karoutchi : Je ne partage naturellement pas du tout votre avis sur ce que vous appelez les cadeaux, comme on l'a beaucoup entendu, du mois de juillet. Je rappelle que sur les quelque 13 milliards d'euros, la moitié, la moitié, c'est-à-dire 6,5 milliards d'euros n'allaient qu'aux heures supplémentaires. Les heures supplémentaires ce n'est pas pour une partie restreinte de riches qui se promènent sur les plages des Bahamas.
 
J.-M. Le Guen : De ce point de vue, ce n'est pas faux.
 
R. Karoutchi : Eh ben alors ?
 
J.-M. Le Guen : Mais justement, c'est du travail supplémentaire pour du profit supplémentaire.
 
R. Karoutchi : Laissez parler Monsieur Le Guen. Une fois de plus, la gauche essaie de nous empêcher de parler, donc elle va nous laisser parler pour dire que 6,5 milliards sur les heures supplémentaires c'est à destination de millions d'ouvriers, d'employés, de cadres, qui eux, je rappelle quand même qu'au mois de décembre, nous avons distribué près de 50 millions d'heures supplémentaires dans le cadre de ce texte. Cela veut dire quand même que plein de gens ont commencé à voir sur leurs fiches de paie les heures supplémentaires, en bas de leurs fiches. Donc, le pouvoir d'achat ce n'est pas facile mais c'est vrai qu'on commence à en voir des effets concrets. Mais les gens veulent le voir plus vite et je comprends.
 
O. Nahum : Donc, est-ce qu'il faut corriger le tir, ce que dit Monsieur Raffarin ?
 
R. Karoutchi : Non, ce qu'il faut par rapport à ce que dit J.-P. Raffarin, ce qu'il faut c'est que naturellement, par exemple je prends le cas des retraites, problème important, Monsieur Le Guen est tout à fait ravissant et sympathique de dire...
 
O. Nahum :... ravissant !
 
R. Karoutchi : Oui, de dire « Vous ne faites pas, etc. », comme la gauche sur les retraites...
 
J.-M. Le Guen : Je n'ai pas dit ça.
 
R. Karoutchi : Sur les retraites, la gauche a fait beaucoup de colloques et beaucoup de livres blancs et rien du tout en action, bon. Donc forcément, ça n'est pas facile, on l'a fait pour les régimes spéciaux, il va y avoir d'ailleurs, là, au printemps, au mois de mai, un rendez-vous "Retraites" au Parlement d'ailleurs, et au Gouvernement, pour refaire l'équilibre, pour savoir cinq ans après la loi de 2003 comment on fait, comment on réforme, comment on accroît ce qu'on appelle, je n'aime pas beaucoup le terme, mais les petites retraites, les pensions de réversion, etc. Et là-dessus, il faut qu'on fasse un vrai effort à la fois...
 
O. Nahum : de pédagogie ?
 
R. Karoutchi : Non, d'abord un vrai effort matériel. Le président de la République s'était engagé à dire : « les petites retraites et les pensions de réversion seront augmentées de 25 % au cours du mandat ». Donc il y a un effort matériel à faire, là. Et un effort, ensuite, d'explications sur comment on sauve le système de retraite globalement. Pour répondre à J.-P. Raffarin, c'est, par exemple - ça un des exemples d'inflexion, - ce qu'il faut c'est non pas changer les réformes, elles sont absolument indispensables pour le bien des gens, pas pour se faire plaisir à droite, pour le bien des gens, mais il faut que nous allions peut-être plus vite dans l'application, qu'on explique davantage et surtout que le président de la République dise clairement aux Français quel est le cap global, qu'est-ce qu'on veut faire pour la France et pour les Français dans l'année, dans les deux ans, dans les cinq ans.
 
A. El Jabri : Le cap global et plus parlé tous les jours du quotidien.
 
R. Karoutchi : Ah, non, je ne dis pas... il ne faut pas changer les choses. Vous savez, moi, je crois que...
 
J.-M. Le Guen : Le prix du poisson, vous pensez que c'est de l'ordre de l'intervention du président de la République, quand on dit des bêtises sur le prix du poisson ?
 
R. Karoutchi : Non, mais, Monsieur Le Guen... non, on ne dit pas des bêtises sur le prix du poisson. Arrêtez !
 
J.-M. Le Guen : Eh ben, alors !
 
R. Karoutchi : Non mais, sincèrement, le problème, essayer de me faire croire que parce que N. Sarkozy est allé à Gandrange ou est allé rencontrer des pêcheurs, ça nous a fait perdre des voix à Saint-Nazaire ou ailleurs, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça du tout.
 
O. Nahum : Le lien est...
 
R. Karoutchi : ... Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Les gens ont besoin d'un chef de l'Etat extraordinairement actif. C'est pour ça qu'ils l'ont élu, mais ils ont besoin aussi d'avoir plus rapidement des résultats concrets. Ils en ont déjà, mais ils en veulent plus et ils veulent de la lisibilité constante, voilà, donc plus d'explications. (.../...)
 
O. Nahum : Monsieur Karoutchi, justement, face à cette récession.
 
R. Karoutchi : Là-dessus, moi, je veux dire que justement, et j'espère et on verra ce que fera le groupe socialiste à l'Assemblée et au Sénat, vous dites, Monsieur Le Guen, et on est presque d'accord sur le point de départ, et je suis d'accord avec Monsieur Jeambar, c'est évident qu'avec un pétrole à 110 $, qu'avec les éléments de crise financière, qu'avec le ralentissement de l'activité économique, en tout cas en Occident, l'environnement international n'est pas prodigieusement favorable. On ne peut pas dire !
 
D. Jeambar : C'est le moins qu'on puisse dire !
 
R. Karoutchi : C'est le moins qu'on puisse dire ! Ca veut dire, et j'entends bien Monsieur Le Guen qui dit : « oui, il y a vrai un problème de compétitivité dans le cadre de la mondialisation, etc. », mais c'est bien pour ça qu'il faut faire un certain nombre de réformes. Au-delà du fait de savoir si c'est Untel ou untel, sincèrement, on va présenter devant le Parlement un texte sur la modernisation de l'économie. C'est un texte qui fera débat, qui sera un texte lourd mais qui va être un texte par lequel on souhaite faire en sorte qu'un certain nombre de freins à la compétitivité, sans remettre du tout en cause les droits sociaux, les acquis sociaux classiques, mais que ce texte permette de lever un certain nombre de freins à la croissance. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous conscients, et le président de la République le premier...
 
J.-M. Le Guen : Est-ce que vous voulez toucher à l'ISF ?
 
R. Karoutchi : Attendez ! Nous sommes tous conscients, et le Président de la République le premier....
 
O. Nahum : Question de Monsieur Le Guen : est-ce que vous allez aujourd'hui toucher à l'ISF ?
 
R. Karoutchi : Dans le texte sur la modernisation de l'économie, de mémoire, je n'ai pas encore le texte définitif, il n'y a rien sur l'ISF, donc ne créez pas de polémiques qui ne sont pas mises en avant. Non, je vous dis seulement, il faut lever un certain nombre de freins à la croissance pour retrouver de la compétitivité, parce que retrouver de la compétitivité c'est effectivement sauver de l'emploi en France. Donc, on va se battre. De la manière que vous aurez un texte sur l'intéressement, sur la participation, parce qu'on est absolument convaincus que ça aussi ça peut être....
 
J.-M. Le Guen : Mais, c'est une cautère sur des jambes de bois !
 
R. Karoutchi : Cela peut être un plus dans le pouvoir d'achat. Et, pour dire à Monsieur Le Guen, le président de la République lui-même a évoqué, et pas qu'une fois, le fait qu'à un moment donné - et on verra comment ça peut se traduire - on fasse un lien entre par exemple les allègements de charges et le comportement des entreprises qui bénéficient de ces allégements de charges par rapport à leur politique salariale. Ca, ce sont des éléments forts.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 mars 2008