Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, à RTL le 5 mars 2008, sur la mise en examen de M. Gautier-Sauvagnac, l'IUMM et le MEDEF et le pouvoir d'achat.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, X. Bertrand.
 
R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.
 
Q.- L'IUMM a confirmé lundi que même si elle serait examinée, une prime serait bien versée à son ancien délégué général D. Gautier- Sauvagnac, mis en examen pour abus de confiance pour avoir versé 19 millions d'euros en liquide à des personnes dont il se refuse à dévoiler l'identité à la justice. Le principe même du versement d'une telle prime vous choque-t-il, X. Bertrand ?
 
R.- Il y a beaucoup de choses qui ont choqué dans cette affaire qui n'a cessé de faire la "une" de l'actualité...
 
Q.- Ce n'est pas beaucoup de choses, c'est : le versement de cette prime vous choque-t-il, X. Bertrand ?
 
R.- Il y a beaucoup de choses... Attendez, je vais y revenir. La première des choses, c'est qu'il y a tout d'abord l'affaire l'IUMM avec la justice, et c'est la justice qui doit apporter toutes les réponses à toutes les questions qui sont posées, le plus tôt sera le mieux. La deuxième chose, c'est qu'il y a eu l'affaire de cette prime de 1,5 million d'euros. Aussitôt, il y a eu beaucoup d'émotion. Je m'associe bien sûr à cette émotion. Le ministre des Relations sociales, normalement, n'a pas à intervenir, mais j'ai le droit d'avoir un point de vue et je l'exprime devant vous aujourd'hui. Maintenant l'autre aspect, c'est qu'il était important de prendre des décisions. Le bureau de l'IUMM l'a fait, ça va dans le bon sens. Maintenant, ça va être réexaminé, cette prime. Il faudra aussi qu'on tienne bien compte du contexte et de l'émotion, parce qu'il n'y a pas de capitalisme sans morale. Nous l'avons dit pendant la campagne. Je reste toujours sur cette même ligne. Bien évidemment, dans une entreprise, quand quelqu'un...
 
Q.- Le versement de la prime à D. Gautier-Sauvagnac est immoral ?
 
R.- Quand quelqu'un quitte une entreprise, en général, il y a une prime qui est versée. Mais là, ils doivent aussi bien tenir compte, je le répète, du contexte et de l'émotion suscitée. Parce qu'aujourd'hui dans notre pays, quand il y a des difficultés, quand il y a des difficultés salariales, personne ne peut comprendre que quelqu'un touche en partant 1,5 million d'euros... Ça représente combien d'années de salaires, ça représente combien d'années de Smic ? Donc, sur tous ces sujets, il y a, à la fois, le problème de l'IUMM, de son ancien président avec la justice et puis après il y a la question aussi du fonctionnement entre l'UIMM et le Medef. Maintenant, moi ma responsabilité, J.-M. Aphatie, c'est de mettre en place de nouvelles règles pour que de ce dossier on sorte par le haut.
 
Q.- De nouvelles règles, à quel propos ?
 
R.- De nouvelles règles...
 
Q.- Vous n'allez pas réorganiser le Medef, X. Bertrand ?
 
R.- Je n'ai pas l'intention de réorganiser le Medef. Ce qui se passe à l'intérieur du Medef regarde le Medef. Mais en revanche, ma responsabilité c'est de présenter en cette année 2008, un nouveau texte, un texte de loi qui amènera toutes les organisations à certifier leurs comptes pour qu'on ne puisse plus jamais constater ce type de dérive, qu'il n'y ait plus de sorties de capitaux sans que l'on sache exactement comment c'est sorti et où c'est arrivé. Qu'il y ait une traçabilité complète parce que la responsabilité du politique c'est d'éviter que de telles affaires ne resurgissent.
 
Q.- Vous l'avez dit, X. Bertrand, c'est la justice qui doit apporter la lumière. Or, D. Gautier-Sauvagnac refuse d'indiquer aux juges le nom des bénéficiaires et des versements en liquide qu'il a opérés durant des années : 19 millions d'euros en liquide distribués. En tant que ministre de la République, X. Bertrand, comment réagissez-vous à ce refus d'aider la justice ?
 
R.- Je vous l'ai dit...
 
Q.- Non... pas sur ce sujet.
 
R.- Vous connaissez précisément la réponse que je serai amené à vous faire...
 
Q.- Alors faites-la, maintenant...
 
R.- Parce qu'à partir du moment où la justice est saisie, c'est à elle de se prononcer...
 
Q.- Et que D. Gautier-Sauvagnac ne donne pas les noms vous choque pas...
 
R.- Qu'il faut apporter tout son concours à la justice c'est une évidence, J.- M. Aphatie. Et vous pensez exactement comme moi. Donc, vous êtes choqué... Mais maintenant, ma responsabilité...
 
Q.- Vous êtes choqué...
 
R.- Choqué ! Je vous l'ai dit, depuis le début.
 
Q.- Non, vous ne me l'avez pas dit encore...
 
R.- Si, je vous ai dit dans cette affaire, je l'ai dit, que ce soit les montants, la valse des millions, J.-M. Aphatie, qui ne serait pas choqué par cette valse des millions ? Mais qu'est-ce que vous attendez de moi, que je sois un commentateur de l'actualité ou que je sois un acteur des réformes qui s'imposent ? Et être acteur des réformes qui s'imposent, c'est de mettre en place un nouveau texte avec de nouvelles règles... Qu'on ne puisse plus voir sortir 19 millions d'euros, si c'est bien 19 millions d'euros dont il s'agit, et surtout que l'on sache précisément où ont été ces 19 millions d'euros. Cette nouvelle loi sur la certification des comptes va permettre aussi d'en sortir par le haut, et ça fera aussi du bien à tout le monde, pas de capitalisme sans morale.
 
Q.- Où ont été ces 19 millions d'euros ? Pourquoi, demande B. Van Craeynest, qui est le président de la CGC, ne pas s'intéresser à certains parlementaires dont chacun sait, dit-il, que pendant des années, ils présentaient des amendements qui leur avaient été soigneusement rédigés par l'IUMM ? La suspicion va maintenant sur les parlementaires.
 
R.- Vous ne croyez pas que sur un dossier comme celui-ci, ça serait bien d'avoir quand même un maximum de transparence, de clarté et pas de confusion. Si quelqu'un a des informations, qu'il les porte à la connaissance de la justice. C'est ce que vous me demandiez ? Eh bien que chacun justement y contribue. Et sur un dossier comme celui-ci, moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'on sache tout de ce qui s'est passé et qu'on évite que ça se reproduise à l'avenir. Vous êtes bien d'accord que c'est ça ma responsabilité de ministre.
 
Q.- Demain, à l'appel des organisations syndicales, des retraités défileront dans les rues parce que l'augmentation des prix rogne leur pouvoir d'achat. Que pouvez-vous leur dire, X. Bertrand ?
 
R.- Ce que je dis depuis déjà plusieurs semaines, et je le redis, ici, officiellement : les pensions de retraite en 2008 n'augmenteront pas seulement de 1,1%.
 
Q.- Vous allez faire d'autres gestes ?
 
R.- Pourquoi ? Pourquoi ? Mais je l'ai déjà indiqué... Je suis désolé de vous dire ça n'est pas un scoop que je livre ce matin sur RTL...
 
Q.- Mais si vous le répétez, ça fait du bien... On ne cherche pas que des scoops sur RTL.
 
R.- Les pensions des retraités, je dis de l'ensemble des retraités, augmenteront plus que de 1,1%. Alors, pourquoi on a fixé 1,1% ? Parce que nous avons des règles qui existent et qui nous obligent à garantir le pouvoir d'achat des retraités, tenez-vous bien, pour les trois années qui viennent de s'écouler. Les trois années qui viennent de s'écouler, ce n'est pas ce qui intéresse les retraités. C'est les douze mois qui sont devant nous. Or, aujourd'hui, ni vous ni moi ne connaissons précisément le montant de l'inflation pour l'année 2008. Et la garantie du pouvoir d'achat, ça ne se fait pas sur un coin de table... C'est du sérieux. Il n'y a que quand nous connaîtrons précisément l'inflation pour 2008 que je pourrai garantir le montant des pensions qui viendra en plus des 1,1%. Quand est-ce qu'on va en parler ? Dans le cadre du rendez-vous retraites avec les partenaires sociaux à partir de la fin du mois de mars. Les pensions n'augmenteront pas de 1,1% en 2008 mais de plus. Et je n'oublie pas non plus les engagements qui ont été pris pour augmenter les pensions de réversion et le minimum vieillesse, +5% dès l'année 2008.
 
Q.- La cote de popularité de N. Sarkozy a encore chuté de cinq points. 41% d'opinions positives. Celle de F. Fillon gagne 9 à 66%. 25 points d'écart entre les deux hommes. Sondage Ifop - Paris Match. Tout va bien X. Bertrand ?
 
R.- Eh bien, ça montre plusieurs choses. La première c'est que les sondages ça ne doit pas constituer en quelque sorte notre feuille de route...
 
Q.- C'est de la langue de bois, ça...
 
R.- Ni notre feuille de route...
 
Q.- 25% entre le président de la République et le Premier ministre...
 
R.-...Ni notre feuille de route ni notre ligne bleu des Vosges. La vraie feuille de route, c'est le projet présidentiel de l'an dernier, le contrat passé avec les Français. Maintenant, je crois que ce qui est très important, c'est que le président de la République est le seul qui a la fois la légitimité et l'énergie pour transformer le pays et pour répondre aux questions des Français...
 
Q.- Et il est le moins populaire des deux.
 
R.- Mais vous savez, le sujet aujourd'hui, quand vous êtes engagé dans l'action, il ne s'agit pas de savoir si vous allez être à tant de pourcentage ou à tant de pourcentage. Le vrai sujet c'est de savoir si vous serez fidèle aux engagements pris devant les Français. Ca sera le cas. Cette fois-ci, nous n'oublierons aucun des engagements pris parce que j'ai bien l'intention, dans quatre ans quand je retournerai devant mes électeurs, de pouvoir les regarder la tête haute et de dire qu'on a tout tenu.
 
Q.- Le populaire F. Fillon cité dans le Canard Enchaîné de la semaine dernière : "Quand j'ai appris par L'Express que X. Bertrand appartenait à la franc-maçonnerie, je ne me suis pas étonné de le découvrir maçon ; mais franc, ça, ça m'en a bouché un coin".
 
R.- Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Que je ne suis pas commentateur des petites phrases ? Que je préfère être acteur des réformes ? C'est le cas, je préfère être acteur des réformes.
 
Q.- Mon souci, c'était de citer F. Fillon, et c'était X. Bertrand invité de RTL.
 
R.- Bonne journée J.-M. Aphatie.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 mars 2008