Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité à RTL le 17 mars 2008, sur les résultats du deuxième tour des élections municipales de 2008, le pouvoir d'achat et les retraites.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 J.-M. Aphatie.- Bonjour, X. Bertrand.
 
R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.
 
Q.- Quel mot choisissez-vous, ce matin : Bérézina ou raclée ?
 
R.- Ce qui est vrai, c'est que ces résultats ne sont pas bons pour nous. C'est le moins que l'on puisse dire. Je l'ai dit, hier : je ne suis pas satisfait de ces résultats. Ce n'est vraiment pas une victoire. Quand vous avez la perte d'autant de villes...
 
Q.- Si ce n'est vraiment pas une victoire, c'est...
 
R.-...et une perte de beaucoup plus de villes que celles qu'on a pu gagner. Il faut voir les choses très clairement. Nous avions gagné ces élections municipales en 2001. Là, effectivement, la gauche, hier, a remporté beaucoup plus de villes que nous ; et il faut maintenant surtout savoir comment lire ce résultat.
 
Q.- Si ce n'est point une victoire, X. Bertrand - vous l'avez dit comme ça -, c'est donc une défaite ?
 
R.- Quel est l'enjeu, ce matin ? C'est effectivement...
 
Q.- De nommer les choses pour que les choses soient claires...
 
R.- Je viens de vous le dire. On ne peut pas être satisfait du résultat d'hier. Certainement pas une victoire, quand vous avez autant de villes que vous perdez et si peu que vous gagnez.
 
Q.- Mais le mot "défaite" ne franchira pas vos lèvres !
 
R.- Je vais vous dire une chose. Les résultats d'hier ne m'ont pas fait plaisir. Alors est-ce qu'il faut ce matin particulièrement chercher à faire plaisir avec tel ou tel mot ? Ce n'est pas ça l'enjeu. L'enjeu, ce matin, c'est important de ne pas se tromper sur la lecture de ces élections. Il est très important maintenant de comprendre les résultats ; et ça, c'est aujourd'hui la responsabilité qui s'impose à chacun, à droite comme à gauche.
 
Q.- L'impatience ! Vous avez compris. Vous répétez ça depuis hier soir : les gens sont impatients ; ils veulent des résultats ; les réformes sont en place depuis quelques mois, mais elles n'ont pas porté leurs fruits. Enfin, on sait. C'est votre analyse, non, X. Bertrand ?
 
R.- Ce n'est pas seulement la mienne. J'ai le sentiment que c'est aussi celle des Français. Hier, on a eu beaucoup de chiffres, beaucoup de résultats. Il y a eu des sondages qui ont été donnés sur toutes les antennes et sur toutes les chaînes. Et les Français disent très clairement -mais à une très large majorité- qu'il n'y a pas de remise en cause des réformes. Ils veulent que ce pays se transforme, que la France soit transformée. Nous avons, nous, un mandat pour qu'en cinq ans, la France soit transformée, modernisée et aussi plus solidaire. Et il est évident qu'en dix mois, vous n'avez pas tous ces résultats. Certains résultats sont déjà là. Mais pas tous. Et ce que nous demandent aussi les Français, c'est qu'ils veulent que nous transformions les réformes en résultats concrets pour eux. Ce qui m'a marqué dans cette campagne, que ce soit à Saint-Quentin, dans la ville où j'étais candidat, où j'ai été élu la semaine dernière mais aussi avec tous les candidats que je suis allé soutenir, les Français nous disaient : les résultats, pour moi, c'est quand ? Je crois que c'est ça le véritable message. Voilà pourquoi il est important qu'on ne détourne pas le vote d'hier. C'était une élection municipale. On a voté pour le meilleur maire dans sa commune. Election importante avec un taux de participation quasiment aussi important que les fois précédentes, mais avec deux fois plus d'abstentionnistes qu'à une élection présidentielle. Ca n'était donc pas le match-retour de l'élection présidentielle.
 
Q.- Donc, rien ne va changer. La politique gouvernementale va continuer ?
 
R.- Ce n'est pas ce que je vous ai dit, J.-M. Aphatie. Je vous ai dit que ce qui est important pour les Français, c'est que non seulement les réformes continuent mais qu'ils aient bien la concrétisation de ces réformes. Il faut que les réformes se transforment en résultats. Regardez, quand on parle d'exigences ...
 
Q.- Il n'y a pas de changement dans le cap politique. Vous continuez ce que vous avez mis en oeuvre depuis dix mois ?
 
R.- Mais nous continuons ce que les Français ont voulu, voilà dix mois, parce qu'autrement, en France, vous trouvez toutes les excuses au conservatisme et au statu quo, parce que comme vous avez des élections intermédiaires, année après année - l'an prochain, des Européennes, l'année d'après, les régionales, l'année d'après, des cantonales - si effectivement, vous attendez d'avoir le résultat des élections intermédiaires pour agir, vous n'agissez plus. C'est peut-être ce qui a expliqué que pendant vingt ou trente ans, gauche et droite n'ont pas mené les réformes. Et qu'aujourd'hui, nous, nous sommes confrontés à une attente forte, comme jamais dans notre pays, parce que les Français veulent que ça bouge. Ils veulent que ça se voie et que ça se sente pour eux. Message complètement reçu avec des textes plus simples d'application et surtout des résultats plus rapides.
 
Q.- F. Hollande vous précédait tout à l'heure, X. Bertrand, et il disait : "Il faut augmenter rapidement les petites retraites". Et il y a quelques semaines, N. Sarkozy a dit : "Il y aura une prime de 200 euros qui sera versée". Alors quand ?
 
R.- Nous n'avons pas attendu F. Hollande.
 
Q.- Quand, Xavier Bertrand, ceci sera mis en place ?
 
R.- La prime, elle est à la fin du mois de mars. Et c'est aussi à la fin du mois de mars qu'on connaîtra précisément le montant de l'inflation pour 2008 et que nous saurons de combien nous devons aller plus loin que les 1,1% d'augmentation. Mais vous savez, nous n'avons pas attendu que le Parti socialiste se réveille sur ces sujets parce que sur le sujet des retraites, c'est nous-mêmes qui en avons parlé pendant la campagne électorale. Et quand on dit qu'on va augmenter le minimum vieillesse de 25% en cinq ans, nous avons été les seuls à le dire, et nous le ferons. Mais ça n'est pas parce qu'aujourd'hui, le Parti Socialiste fait assaut de démagogie et qu'il découvre le sujet des retraites qu'ils vont devenir crédibles pour autant.
 
Q.- Question du pouvoir d'achat. F. Hollande disait : "Augmentation immédiate du Smic".
 
Mais nous l'avons augmenté en juillet et la loi précise même que si l'inflation est importante, on fera avant le 1er juillet. La preuve...
 
Q.- Vous le ferez avant le 1er juillet ?
 
R.- Mais si l'inflation est plus importante : oui. On n'a pas attendu que F. Hollande découvre le sujet du pouvoir d'achat. On a de la part du Parti socialiste, je le pense, la volonté de faire dire à ce scrutin ce que les Français n'ont pas voulu dire. On a un Parti socialiste, aujourd'hui, qui n'a toujours pas de leader et un Parti socialiste qui, à défaut d'avoir une proposition nouvelle par jour sur le pouvoir d'achat, a un candidat nouveau par jour pour la tête du PS.
 
Q.- Il y aura une augmentation du Smic avant le 1er juillet. C'est ce que vous dites, X. Bertrand ?
 
R.- Si l'inflation... J.-M. Aphatie... Mais d'ailleurs, je ne vous livre pas un scoop. C'est les textes, c'est la loi. Alors, si F. Hollande... si l'inflation est supérieure aux prévisions, dans ces cas-là, vous avez des rattrapages automatiques. Donc, si F. Hollande découvre, ce matin, la loi concernant l'indexation du Smic, très bien pour lui ! Mais seulement, encore une fois, en la matière, nous n'avons pas attendu : ni nos résultats des élections, ni les déclarations de F. Hollande là-dessus. D'ailleurs, s'il y avait des propositions du Parti socialiste en matière de pouvoir d'achat, ça se saurait. Et j'ai même le sentiment que l'an dernier, le résultat n'aurait pas été celui-là ; mais je pense que la crédibilité n'est pas du côté du PS.
 
Q.- En voulez-vous à F. Bayrou, ce matin, X. Bertrand ?
 
R.- Oui, j'ai le sentiment qu'on a la confirmation de l'échec de sa stratégie. Les Français, vous savez en politique, aiment bien savoir où vous habitez, où habitent les leaders politiques. Quelles sont vos convictions. On s'aperçoit que le MoDem, aujourd'hui, n'a pas fait gagner la droite à Toulouse. Le MoDem n'a pas fait gagner aussi la gauche à Marseille et que les alliances à la carte, ça amène à une impasse.
 
Q.- Faut-il que les athlètes français, X. Bertrand, participent aux Jeux Olympiques de Pékin, comme si rien ne se passait au Tibet ?
 
R.- Il y a deux choses : par principe, je n'aime pas le boycott. Et je crois même que le Dalaï Lama a lui-même indiqué qu'il ne fallait pas boycotter ces Jeux Olympiques pour ne pas lui-même pénaliser le peuple chinois. Je crois que ce sont ses propos.
 
Q.- Qu'est-ce qu'il faut faire ?
 
R.- Maintenant, il ne s'agit certainement pas de fermer les yeux sur ce qui se passe au Tibet, d'être insensible. Je crois qu'il y a aussi des moyens d'action qui sont engagés de façon internationale ; mais je pense que le boycott de l'Olympisme n'est certainement pas la meilleure solution. Mais je vous le dis : là encore une fois, le Dalaï Lama l'a dit bien mieux que moi et avant moi.
 
Q.- X. Bertrand, ministre du Travail, qui n'a pas dit, pas qualifié la journée d'hier, mais on l'a fait pour lui.
 
R.- Mais je vous ai dit ce que j'en pensais !
 
C. Hondelatte : Vous auriez aimé qu'il dise le mot "défaite", c'est ça ?
 
Q.- Ah, il ne l'a pas dit !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 mars 2008