Texte intégral
« Le Monde à Paris » : quel beau nom pour un salon international ! « Le Monde à Paris » évoque spontanément la tradition et l'idéal universalistes de la France. Par son histoire et sa position géographique, notre pays a vocation à être un carrefour international, un lieu où se croisent et se mêlent les hommes, les cultures, les idées.
« Le Monde à Paris », cela résonne aussi comme une grande invitation au voyage pour tous les Français. Les professionnels des agences de voyage et des tour-opérateurs, présents en nombre aujourd'hui, participent pleinement à cette ouverture au monde et contribuent directement à une création de valeur-ajoutée, d'ores et déjà importante pour le pays et qui ne fera que croître à l'avenir.
Je suis venu vous porter un message fort : aux yeux du gouvernement, le tourisme est désormais un levier de croissance, un facteur de compétitivité et d'attractivité, une véritable industrie créatrice de valeur et d'emploi. Le rattachement de la direction du tourisme au ministère de l'économie et des Finances à Bercy est tout sauf anecdotique. C'est le signe d'une volonté forte de replacer le tourisme comme un secteur d'avenir et comme une priorité stratégique.
Cet engagement est une nécessité. La question qui nous est posée est la suivante : la France souhaite-t-elle réellement tirer les bénéfices d'un développement mondial qui, d'un point de vue historique, est de l'ordre du jamais vu ?
Vous avez, comme moi, appris à l'école qu'il y avait trois grands secteurs économiques.
Le secteur primaire agricole, le secteur secondaire industriel et le secteur tertiaire, composé principalement des services aux personnes et aux entreprises. Chacun de ces secteurs a au cours de l'histoire connu ses révolutions. La révolution agricole, qui a commencé au XVIIIe siècle et s'est prolongée jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, a permis aux pays occidentaux de voir s'éloigner le spectre des famines et a libéré de la main d'oeuvre pour les activités industrielles. L'industrie a elle-même connu ses deux révolutions au XIXe siècle. Mais le secteur des services a lui aussi connu sa révolution, celle des nouvelles technologies. Et cette révolution ne fait que commencer. Dès lors, nous pouvons nous poser une question : ne sommes-nous pas en train d'assister à l'émergence d'un secteur nouveau, distinct du secteur des services aux entreprises et aux personnes ? Un secteur quaternaire, qui serait composé de toutes les activités de loisirs, de divertissement, de communication, de voyages.
Cette nouvelle classification aurait un sens, tant ce secteur quaternaire est portée par des activités radicalement nouvelles : près de 20 % de nos dépenses annuelles sont constituées de biens et services qui n'existaient pas il y a 20 ans. Je pense aux biens et services technologiques : accès à internet, téléphonie mobile, jeux vidéo, DVD, appareils numériques pour photographier ou écouter de la musique, équipement informatique. Je pense aussi à des biens ou des services qui étaient réservé à une élite et qui désormais se démocratisent : les week-ends de trois jours hors de France, les dépenses de soins du corps (salons de beauté, spa, Thalasso), les activités de loisirs nouvelles (fitness, parcs d'attraction).
De la même manière que les progrès de la productivité agricole ont libéré de la main d'oeuvre pour l'industrie au XIXe siècle, de la même manière que la productivité de l'industrie a libéré de la main d'oeuvre pour le secteur des services, nous voyons depuis 30 ans que la hausse générale de la productivité, l'apparition des nouvelles technologies et la hausse de l'espérance de vie ont permis de libérer du temps pour de nouvelles activités fondées sur les loisirs, les voyages, la culture.
Au niveau mondial, la part des revenus consacrés aux voyages et au tourisme ne cesse de croître. Au-delà de l'enrichissement global que permet la mondialisation économique, les bouleversements géopolitiques majeurs connus depuis 20 ans ont également contribué à modifier le paysage en profondeur. Avant 1990, plus de 3 milliards d'individus vivaient dans des pays fermés. Outre la faiblesse de leurs revenus, les régimes politiques autoritaires et autarciques sous lesquels ils vivaient les empêchaient de rêver à tout voyage en dehors de leurs frontières. Aujourd'hui, les Russes, les habitants de l'Est de l'Europe, les Chinois veulent voir le vaste monde et s'adonner enfin à un plaisir qui leur a trop longtemps été interdit : celui de voyager, de découvrir, de rencontrer d'autres cultures, d'autres paysages, d'autres hommes. Leur appétit est d'autant plus féroce que leur pouvoir d'achat augmente à mesure que les régimes politiques se libéralisent. Ainsi, il n'y a rien de surprenant à apprendre que l'Organisation Mondiale du Tourisme prévoit une hausse de 80 % des flux touristiques d'ici 2020.
Dans le même temps, la société de loisirs dans les pays occidentaux ne fera que se renforcer, sous l'effet de l'élévation générale du niveau d'éducation, qui renforce le goût pour les voyages, des progrès techniques dans les domaines des transports, des besoins toujours plus grands de tisser des liens d'affaires dans le cadre de foires, de salons et de congrès internationaux mais aussi de la baisse du nombre de conflits armés et de l'ouverture de nombreuses destinations, qui contribuent à étoffer l'offre touristique mondiale.
Et la France, dans tout cela ?
La France a battu en 2007 un record historique. Pour la première fois depuis que les statistiques internationales existent, un pays a accueilli plus de 80 millions de visiteurs ! Avec ce beau résultat, la France confirme son premier rang mondial pour le nombre de visiteurs accueillis. Nous restons également sur le podium mondial pour les recettes enregistrées, derrière les Etats-Unis, indétrônables à court terme et l'Espagne, qui a récemment accru considérablement ses recettes touristiques.
Mais ces statistiques, telle la langue d'Esope, peuvent être la meilleure comme la pire chose du monde.
La meilleure si elle permet de convaincre les Français de notre force et de notre potentiel en matière touristique. Et la pire des choses si nous étions tentés de considérer ces chiffres comme un oreiller moelleux sur lequel nous pourrions nous endormir en paix.
Car la réalité est plus nuancée et moins rose qu'il n'y paraît. La France se positionne seulement à la neuvième place mondiale pour les recettes par visiteurs et, selon une étude toute récente du World Economic Forum, elle se place en dixième position pour la compétitivité touristique. La même étude révèle que la France est même la dernière de la classe pour « la perception des enjeux touristiques ». Ce résultat m'interpelle. Il montre que nous ne pourrons pas concevoir de développement à long terme si nous ne sommes pas capables de mobiliser davantage l'opinion publique, les média et les décideurs sur les thématiques touristiques. La France enregistre encore un certain nombre de points noirs, aussi bien du point de vue de ses actifs - le manque d'hôtels de grande dimension est un exemple flagrant - que de la perception des touristes étrangers, notamment en matière de qualité d'accueil. Enfin, il existe un grand scandale français : le taux de non-départ en vacances, c''est-à-dire la part des Français qui ne partent jamais en vacances, reste stable depuis vingt-cinq ans. Pour les citoyens les plus modestes et notamment les salariés peu qualifiés, les pouvoirs publics ont créé du temps libre sans mettre en face les revenus qui permettaient d'en profiter. De fait, nous avons accru une forme de ségrégation sociale insupportable.
Ce premier tour d'horizon sur nos performances globales nous montre le chemin qui reste à parcourir.
Il me semble essentiel que la France du tourisme, ses professionnels, ses acteurs publics mais également le grand public, soient en mesure de partager des objectifs ambitieux et clairement annoncés.
J'estime que nous devons nous fixer comme ambition de passer du 1-3-9 au 1-2-3 :
- La France doit bien entendu rester numéro 1 pour le nombre de visiteurs accueillis
- Elle doit devenir numéro 2 mondial pour les recettes touristiques enregistrées, en repassant devant l'Espagne
- Pour se faire, elle doit viser la troisième place mondiale pour les recettes par touriste.
Au-delà des classements, il nous faudra communiquer sur une ambition chiffrée parlante pour le grand public : le chiffre de 100 millions de touristes en 2015 est une ambition à la fois réaliste et mobilisatrice.
Une stratégie suppose de fixer des objectifs, c'est chose faite.
Une stratégie suppose aussi de déterminer des moyens d'action pour atteindre ces objectifs. Comment évoluera la demande mondiale d'ici une dizaine d'années ? Quelles seront les attentes de nos visiteurs ? Quelle France voudra-t-on et devra-t-on leur vendre ?
C'est pour répondre à ces questions que j'ai missionné les services de Bercy ainsi qu'un cabinet international de conseil en stratégie, le Boston Consulting Group, afin de travailler sur ce que doit être l'offre touristique française d'ici 2020. J'ai également mobilisé des professionnels et des entrepreneurs du monde du tourisme, au sein d'un comité stratégique. La conclusion de nos travaux sera présentée lors des assises du tourisme, les 18 et 19 juin, sous la forme d'un plan stratégique appelé « Destination France 2020 ». Je souhaite vous associer fortement à cette démarche. Vous serez invités à participer à l'élaboration des conclusions, via le site internet des assises du tourisme, qui sera conçu de manière à pouvoir recueillir les propositions et les commentaires des professionnels que vous êtes sur le plan stratégique. Ce grand rendez-vous des assises ne pourra être un succès que si l'ensemble de la famille du tourisme en France est réunie et participe activement.
Dès à présent, quelques grandes orientations ressortent clairement. La première d'entre elles est l'évolution de la structure de la demande touristique mondiale. Les pays qui constitueront demain nos principaux viviers de visiteurs sont la Chine, la Brésil, la Russie et dans une moindre mesure l'Inde, les pays du Golfe et les pays de l'Est de l'Europe.
La France devra clairement valoriser la richesse et la diversité de son offre, sans être tentée de se placer sur les mêmes créneaux que les nouvelles destinations touristiques bon marché qui profitent d'une main d'oeuvre peu chère. Nous devrons développer une offre de qualité, tournée vers la satisfaction et la compréhension du client, le bien-être et l'art de vivre.
L'offre touristique française devra poursuivre sa montée en gamme. Cela va se traduire très concrètement, dès cette année, par la réforme du classement des hébergements touristiques. Il faut en finir avec l'époque où un hôtel, pour obtenir un classement deux étoiles, devait proposer dans son hall d'accueil une cabine téléphonique fermée, mais ne se voyait imposer aucune contrainte en matière d'hygiène, de qualité d'accueil ou d'accès aux nouvelles technologies. Notre vieux système des étoiles est trop rigide et particulièrement illisible pour nos hôtes étrangers.
S'il y a une conviction que les participants de ce salon partagent, quelle que soit leur nationalité, c'est probablement le fait que le tourisme ne se résume pas à des échanges économiques ou financiers. Le tourisme permet de découvrir les richesses de notre planète, il permet de s'enrichir au contact d'autres cultures, d'autres manières de penser. S'il est vrai que les voyages forment la jeunesse, c'est que chaque expérience dans une contrée étrangère est un petit voyage initiatique. J'ai eu la chance dans ma jeunesse de faire mon service militaire dans la marine et de découvrir les mers et les terres du monde entier. Cette expérience m'a marqué et je souhaite que les jeunes de France, que les jeunes d'Europe puissent aussi avoir cette chance.
Les professionnels de l'outgoing jouent naturellement un rôle pour permettre aux Français de découvrir le monde. Il n'y a d'ailleurs pas d'opposition fondamentale entre le fait de vouloir accueillir plus de touristes et le fait de promouvoir les vacances des Français. Traditionnellement, les pays les plus ouverts pour la réception de visiteurs étrangers sont aussi ceux dont les citoyens sont ouverts au monde :
- 80 % des Français voyagent en France : s'agit-il d'outgoing ou de réceptif ? Les deux bien entendu.
- Je ne veux pas compartimenter les métiers. Même si le tourisme englobe des métiers très différents, je considère qu'il existe réellement une grande famille du tourisme, dont les acteurs sont interdépendants.
- Les grands entrepreneurs français des dernières décennies ont inventé des concepts qui sont aux frontières du réceptif et de l'outgoing : Pierre et vacances, Accor, Club Med sont à la fois des entreprises qui envoient des Français à l'étranger et qui accueillent des visiteurs sur le territoire français, de métropole ou d'outre-mer.
Faire progresser le taux de départ en vacances doit également devenir une priorité du gouvernement dans les années à venir. Avec la réforme du chèque vacances, nous entendons ouvrir le système à ceux qui en sont actuellement exclus ; je pense par exemple aux salariés des PME. La réforme des chèques vacances doit aussi permettre de dégager des ressources pour offrir des loisirs à des populations trop souvent marginalisées, comme les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées modestes ou les familles monoparentales aux revenus modestes.
Concrètement, la réglementation de la vente de voyages va évoluer dans les mois à venir
Le secteur a déjà connu des bouleversements importants, lié notamment à l'apparition de nouveaux canaux de distribution comme internet.
Suite aux déclarations de Christine Lagarde sur la réglementation de la vente de voyage et compte-tenu des contraintes réglementaires communautaires qui s'imposent à nous, j'ai décidé de rassembler toutes les parties prenantes, publiques et privées, pour constituer un comité de pilotage sur ces questions essentielles. Ce comité sera réuni au Ministère de l'Economie et des Finances dès le mois d'avril.
Je veux enfin, je terminerai par ce point, que l'activité touristique rime résolument avec les notions de créativité et d'innovation. Je suis convaincu que nous avons en France et en Europe, peut-être même au sein de cette salle, les ressources pour faire émerger une nouvelle génération d'entrepreneurs, une génération qui a l'instar des Gérard Brémond, Paul Dubrule et Gérard Pélisson, Jacques Maillot, Georges Colson, René-Marc Chikli etc. saura inventer des concepts nouveaux et aller au bout de ses rêves entrepreneuriaux.
C'est ainsi que je conçois le rôle de l'Etat. Dans le domaine du tourisme, les pouvoirs publics doivent devenir des catalyseurs, des organes de pilotage stratégique, pour permettre aux acteurs de donner le meilleur d'eux-mêmes.
A vous voir et vous entendre, je ne suis pas inquiet pour l'avenir du tourisme en France. Je vous félicite d'avoir su accueillir avec autant de chaleur le monde à Paris et je vous fais la promesse de rester résolument à vos côtés pour tous les chantiers à venir.
Je vous remercie et vous souhaite le meilleur pour l'avenir.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 14 mars 2008
« Le Monde à Paris », cela résonne aussi comme une grande invitation au voyage pour tous les Français. Les professionnels des agences de voyage et des tour-opérateurs, présents en nombre aujourd'hui, participent pleinement à cette ouverture au monde et contribuent directement à une création de valeur-ajoutée, d'ores et déjà importante pour le pays et qui ne fera que croître à l'avenir.
Je suis venu vous porter un message fort : aux yeux du gouvernement, le tourisme est désormais un levier de croissance, un facteur de compétitivité et d'attractivité, une véritable industrie créatrice de valeur et d'emploi. Le rattachement de la direction du tourisme au ministère de l'économie et des Finances à Bercy est tout sauf anecdotique. C'est le signe d'une volonté forte de replacer le tourisme comme un secteur d'avenir et comme une priorité stratégique.
Cet engagement est une nécessité. La question qui nous est posée est la suivante : la France souhaite-t-elle réellement tirer les bénéfices d'un développement mondial qui, d'un point de vue historique, est de l'ordre du jamais vu ?
Vous avez, comme moi, appris à l'école qu'il y avait trois grands secteurs économiques.
Le secteur primaire agricole, le secteur secondaire industriel et le secteur tertiaire, composé principalement des services aux personnes et aux entreprises. Chacun de ces secteurs a au cours de l'histoire connu ses révolutions. La révolution agricole, qui a commencé au XVIIIe siècle et s'est prolongée jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, a permis aux pays occidentaux de voir s'éloigner le spectre des famines et a libéré de la main d'oeuvre pour les activités industrielles. L'industrie a elle-même connu ses deux révolutions au XIXe siècle. Mais le secteur des services a lui aussi connu sa révolution, celle des nouvelles technologies. Et cette révolution ne fait que commencer. Dès lors, nous pouvons nous poser une question : ne sommes-nous pas en train d'assister à l'émergence d'un secteur nouveau, distinct du secteur des services aux entreprises et aux personnes ? Un secteur quaternaire, qui serait composé de toutes les activités de loisirs, de divertissement, de communication, de voyages.
Cette nouvelle classification aurait un sens, tant ce secteur quaternaire est portée par des activités radicalement nouvelles : près de 20 % de nos dépenses annuelles sont constituées de biens et services qui n'existaient pas il y a 20 ans. Je pense aux biens et services technologiques : accès à internet, téléphonie mobile, jeux vidéo, DVD, appareils numériques pour photographier ou écouter de la musique, équipement informatique. Je pense aussi à des biens ou des services qui étaient réservé à une élite et qui désormais se démocratisent : les week-ends de trois jours hors de France, les dépenses de soins du corps (salons de beauté, spa, Thalasso), les activités de loisirs nouvelles (fitness, parcs d'attraction).
De la même manière que les progrès de la productivité agricole ont libéré de la main d'oeuvre pour l'industrie au XIXe siècle, de la même manière que la productivité de l'industrie a libéré de la main d'oeuvre pour le secteur des services, nous voyons depuis 30 ans que la hausse générale de la productivité, l'apparition des nouvelles technologies et la hausse de l'espérance de vie ont permis de libérer du temps pour de nouvelles activités fondées sur les loisirs, les voyages, la culture.
Au niveau mondial, la part des revenus consacrés aux voyages et au tourisme ne cesse de croître. Au-delà de l'enrichissement global que permet la mondialisation économique, les bouleversements géopolitiques majeurs connus depuis 20 ans ont également contribué à modifier le paysage en profondeur. Avant 1990, plus de 3 milliards d'individus vivaient dans des pays fermés. Outre la faiblesse de leurs revenus, les régimes politiques autoritaires et autarciques sous lesquels ils vivaient les empêchaient de rêver à tout voyage en dehors de leurs frontières. Aujourd'hui, les Russes, les habitants de l'Est de l'Europe, les Chinois veulent voir le vaste monde et s'adonner enfin à un plaisir qui leur a trop longtemps été interdit : celui de voyager, de découvrir, de rencontrer d'autres cultures, d'autres paysages, d'autres hommes. Leur appétit est d'autant plus féroce que leur pouvoir d'achat augmente à mesure que les régimes politiques se libéralisent. Ainsi, il n'y a rien de surprenant à apprendre que l'Organisation Mondiale du Tourisme prévoit une hausse de 80 % des flux touristiques d'ici 2020.
Dans le même temps, la société de loisirs dans les pays occidentaux ne fera que se renforcer, sous l'effet de l'élévation générale du niveau d'éducation, qui renforce le goût pour les voyages, des progrès techniques dans les domaines des transports, des besoins toujours plus grands de tisser des liens d'affaires dans le cadre de foires, de salons et de congrès internationaux mais aussi de la baisse du nombre de conflits armés et de l'ouverture de nombreuses destinations, qui contribuent à étoffer l'offre touristique mondiale.
Et la France, dans tout cela ?
La France a battu en 2007 un record historique. Pour la première fois depuis que les statistiques internationales existent, un pays a accueilli plus de 80 millions de visiteurs ! Avec ce beau résultat, la France confirme son premier rang mondial pour le nombre de visiteurs accueillis. Nous restons également sur le podium mondial pour les recettes enregistrées, derrière les Etats-Unis, indétrônables à court terme et l'Espagne, qui a récemment accru considérablement ses recettes touristiques.
Mais ces statistiques, telle la langue d'Esope, peuvent être la meilleure comme la pire chose du monde.
La meilleure si elle permet de convaincre les Français de notre force et de notre potentiel en matière touristique. Et la pire des choses si nous étions tentés de considérer ces chiffres comme un oreiller moelleux sur lequel nous pourrions nous endormir en paix.
Car la réalité est plus nuancée et moins rose qu'il n'y paraît. La France se positionne seulement à la neuvième place mondiale pour les recettes par visiteurs et, selon une étude toute récente du World Economic Forum, elle se place en dixième position pour la compétitivité touristique. La même étude révèle que la France est même la dernière de la classe pour « la perception des enjeux touristiques ». Ce résultat m'interpelle. Il montre que nous ne pourrons pas concevoir de développement à long terme si nous ne sommes pas capables de mobiliser davantage l'opinion publique, les média et les décideurs sur les thématiques touristiques. La France enregistre encore un certain nombre de points noirs, aussi bien du point de vue de ses actifs - le manque d'hôtels de grande dimension est un exemple flagrant - que de la perception des touristes étrangers, notamment en matière de qualité d'accueil. Enfin, il existe un grand scandale français : le taux de non-départ en vacances, c''est-à-dire la part des Français qui ne partent jamais en vacances, reste stable depuis vingt-cinq ans. Pour les citoyens les plus modestes et notamment les salariés peu qualifiés, les pouvoirs publics ont créé du temps libre sans mettre en face les revenus qui permettaient d'en profiter. De fait, nous avons accru une forme de ségrégation sociale insupportable.
Ce premier tour d'horizon sur nos performances globales nous montre le chemin qui reste à parcourir.
Il me semble essentiel que la France du tourisme, ses professionnels, ses acteurs publics mais également le grand public, soient en mesure de partager des objectifs ambitieux et clairement annoncés.
J'estime que nous devons nous fixer comme ambition de passer du 1-3-9 au 1-2-3 :
- La France doit bien entendu rester numéro 1 pour le nombre de visiteurs accueillis
- Elle doit devenir numéro 2 mondial pour les recettes touristiques enregistrées, en repassant devant l'Espagne
- Pour se faire, elle doit viser la troisième place mondiale pour les recettes par touriste.
Au-delà des classements, il nous faudra communiquer sur une ambition chiffrée parlante pour le grand public : le chiffre de 100 millions de touristes en 2015 est une ambition à la fois réaliste et mobilisatrice.
Une stratégie suppose de fixer des objectifs, c'est chose faite.
Une stratégie suppose aussi de déterminer des moyens d'action pour atteindre ces objectifs. Comment évoluera la demande mondiale d'ici une dizaine d'années ? Quelles seront les attentes de nos visiteurs ? Quelle France voudra-t-on et devra-t-on leur vendre ?
C'est pour répondre à ces questions que j'ai missionné les services de Bercy ainsi qu'un cabinet international de conseil en stratégie, le Boston Consulting Group, afin de travailler sur ce que doit être l'offre touristique française d'ici 2020. J'ai également mobilisé des professionnels et des entrepreneurs du monde du tourisme, au sein d'un comité stratégique. La conclusion de nos travaux sera présentée lors des assises du tourisme, les 18 et 19 juin, sous la forme d'un plan stratégique appelé « Destination France 2020 ». Je souhaite vous associer fortement à cette démarche. Vous serez invités à participer à l'élaboration des conclusions, via le site internet des assises du tourisme, qui sera conçu de manière à pouvoir recueillir les propositions et les commentaires des professionnels que vous êtes sur le plan stratégique. Ce grand rendez-vous des assises ne pourra être un succès que si l'ensemble de la famille du tourisme en France est réunie et participe activement.
Dès à présent, quelques grandes orientations ressortent clairement. La première d'entre elles est l'évolution de la structure de la demande touristique mondiale. Les pays qui constitueront demain nos principaux viviers de visiteurs sont la Chine, la Brésil, la Russie et dans une moindre mesure l'Inde, les pays du Golfe et les pays de l'Est de l'Europe.
La France devra clairement valoriser la richesse et la diversité de son offre, sans être tentée de se placer sur les mêmes créneaux que les nouvelles destinations touristiques bon marché qui profitent d'une main d'oeuvre peu chère. Nous devrons développer une offre de qualité, tournée vers la satisfaction et la compréhension du client, le bien-être et l'art de vivre.
L'offre touristique française devra poursuivre sa montée en gamme. Cela va se traduire très concrètement, dès cette année, par la réforme du classement des hébergements touristiques. Il faut en finir avec l'époque où un hôtel, pour obtenir un classement deux étoiles, devait proposer dans son hall d'accueil une cabine téléphonique fermée, mais ne se voyait imposer aucune contrainte en matière d'hygiène, de qualité d'accueil ou d'accès aux nouvelles technologies. Notre vieux système des étoiles est trop rigide et particulièrement illisible pour nos hôtes étrangers.
S'il y a une conviction que les participants de ce salon partagent, quelle que soit leur nationalité, c'est probablement le fait que le tourisme ne se résume pas à des échanges économiques ou financiers. Le tourisme permet de découvrir les richesses de notre planète, il permet de s'enrichir au contact d'autres cultures, d'autres manières de penser. S'il est vrai que les voyages forment la jeunesse, c'est que chaque expérience dans une contrée étrangère est un petit voyage initiatique. J'ai eu la chance dans ma jeunesse de faire mon service militaire dans la marine et de découvrir les mers et les terres du monde entier. Cette expérience m'a marqué et je souhaite que les jeunes de France, que les jeunes d'Europe puissent aussi avoir cette chance.
Les professionnels de l'outgoing jouent naturellement un rôle pour permettre aux Français de découvrir le monde. Il n'y a d'ailleurs pas d'opposition fondamentale entre le fait de vouloir accueillir plus de touristes et le fait de promouvoir les vacances des Français. Traditionnellement, les pays les plus ouverts pour la réception de visiteurs étrangers sont aussi ceux dont les citoyens sont ouverts au monde :
- 80 % des Français voyagent en France : s'agit-il d'outgoing ou de réceptif ? Les deux bien entendu.
- Je ne veux pas compartimenter les métiers. Même si le tourisme englobe des métiers très différents, je considère qu'il existe réellement une grande famille du tourisme, dont les acteurs sont interdépendants.
- Les grands entrepreneurs français des dernières décennies ont inventé des concepts qui sont aux frontières du réceptif et de l'outgoing : Pierre et vacances, Accor, Club Med sont à la fois des entreprises qui envoient des Français à l'étranger et qui accueillent des visiteurs sur le territoire français, de métropole ou d'outre-mer.
Faire progresser le taux de départ en vacances doit également devenir une priorité du gouvernement dans les années à venir. Avec la réforme du chèque vacances, nous entendons ouvrir le système à ceux qui en sont actuellement exclus ; je pense par exemple aux salariés des PME. La réforme des chèques vacances doit aussi permettre de dégager des ressources pour offrir des loisirs à des populations trop souvent marginalisées, comme les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées modestes ou les familles monoparentales aux revenus modestes.
Concrètement, la réglementation de la vente de voyages va évoluer dans les mois à venir
Le secteur a déjà connu des bouleversements importants, lié notamment à l'apparition de nouveaux canaux de distribution comme internet.
Suite aux déclarations de Christine Lagarde sur la réglementation de la vente de voyage et compte-tenu des contraintes réglementaires communautaires qui s'imposent à nous, j'ai décidé de rassembler toutes les parties prenantes, publiques et privées, pour constituer un comité de pilotage sur ces questions essentielles. Ce comité sera réuni au Ministère de l'Economie et des Finances dès le mois d'avril.
Je veux enfin, je terminerai par ce point, que l'activité touristique rime résolument avec les notions de créativité et d'innovation. Je suis convaincu que nous avons en France et en Europe, peut-être même au sein de cette salle, les ressources pour faire émerger une nouvelle génération d'entrepreneurs, une génération qui a l'instar des Gérard Brémond, Paul Dubrule et Gérard Pélisson, Jacques Maillot, Georges Colson, René-Marc Chikli etc. saura inventer des concepts nouveaux et aller au bout de ses rêves entrepreneuriaux.
C'est ainsi que je conçois le rôle de l'Etat. Dans le domaine du tourisme, les pouvoirs publics doivent devenir des catalyseurs, des organes de pilotage stratégique, pour permettre aux acteurs de donner le meilleur d'eux-mêmes.
A vous voir et vous entendre, je ne suis pas inquiet pour l'avenir du tourisme en France. Je vous félicite d'avoir su accueillir avec autant de chaleur le monde à Paris et je vous fais la promesse de rester résolument à vos côtés pour tous les chantiers à venir.
Je vous remercie et vous souhaite le meilleur pour l'avenir.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 14 mars 2008