Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les réformes engagées au sein du ministère de la Défense, à Paris le 1er avril 2008.

Prononcé le 1er avril 2008

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Circonstance : Colloque "Les Echos", à Paris le 1er avril 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Vous le savez, le ministère de la Défense est en train d'engager une réforme d'une ampleur telle que nous n'en avons pas connue depuis vingt ou trente ans.
Quel que soit l'état des finances publiques, la réforme est nécessaire. Tout nous pousse à nous réformer. Il y a l'évolution et l'accroissement des menaces et des risques, qui nécessitent que nos armées s'adaptent à de nouvelles missions. Il y a aussi l'état très difficile des finances du pays depuis vingt-cinq ans. Il y a enfin la situation propre de nos armées. Les besoins financiers de la Défense, sur la trajectoire actuelle, nous entraîneraient vers une augmentation très forte, ce qui va devoir entraîner des choix, et aussi la nécessité d'une réforme de l'organisation de notre ministère.
Le président de la République l'a encore dit il y a dix jours à Cherbourg lors de la présentation du SNLE Le Terrible : nous sommes confrontés à des difficultés sérieuses de financement et le modèle d'armée 2015 est obsolète et inatteignable. Je le cite, les perspectives financières de la Défense pour atteindre le modèle d'armée 2015 "représentent un mur".
En effet, l'état des lieux du ministère que j'ai lancé à mon arrivée a montré que les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013, dans le cadre de la programmation actuelle, seraient en moyenne supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts de 2003 à 2007. La moyenne annuelle devrait passer de 15,5 milliards d'euros à presque 22 milliards, et il nous aurait fallu 3 milliards d'euros supplémentaires dès 2009. Cette augmentation de nos besoins financiers est due à la montée en puissance simultanée de la phase de production de plusieurs grands programmes (Barracuda, FREMM, Rafale, VBCI, M51, A400M, NH90, satellites...) au cours des années à venir. Comment pourrions-nous demander à nos compatriotes un tel effort supplémentaire alors que de lourds besoins de financement existent dans de nombreux secteurs importants - la recherche, la santé, les retraites... ? Nous devons donc retrouver nous-mêmes des marges de manoeuvre, pour assurer l'équipement des forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil.
Un autre élément nous pousse à la réforme, c'est que nous avons un système trop dispersé, cloisonné, trop en tuyau d'orgue, qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité. Les forces armées ne travaillent pas encore assez ensemble. C'est que la professionnalisation n'est pas allée jusqu'au bout : on n'en a pas tiré toutes les conséquences sur notre organisation, la réduction s'est faite de manière homothétique et c'est normal, car l'effort de la professionnalisation était déjà un effort gigantesque. Aujourd'hui, il nous faut donc parachever la réforme, la mener à son terme.
Le président a également réaffirmé que le budget de la Défense ne baisserait pas et resterait le deuxième budget de l'Etat. Cet effort important que le pays consent pour assurer sa défense, nous oblige. Il nous oblige notamment à faire en sorte que chaque euro dépensé le soit de la façon la plus efficace possible ; c'est pour moi une exigence civique. Il nous oblige également à nous réformer. C'est pourquoi je vais mener une grande réforme de l'organisation du ministère.
Dans ces conditions, il faut évidemment orienter les flux de financement disponibles vers les capacités opérationnelles, dont l'équipement des forces fait partie, et obtenir un meilleur rendement du soutien.
Voici notre calendrier de marche. Le 4 avril, nous présenterons la réforme au conseil de modernisation des politiques publiques, présidé par le président de la République. Mes arbitrages sont rendus. Le 8 avril, je présenterai l'ensemble de la réforme aux patrons de régiment et aux directeurs du ministère, puis devant les commissions de la Défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. En mai, nous disposerons des conclusions du Livre Blanc. En juin, j'annoncerai les mesures de réorganisation territoriale. Enfin, à l'automne, sera discutée au Parlement la loi de programmation militaire.
Cette réforme concernera en particulier la fonction armement, qui représente le tiers du budget du ministère. Permettez-moi de vous en présenter les grandes lignes.
I. La fonction armement dans ce contexte : la réforme de l'organisation du ministère
1. La DGA
La DGA avait concentré l'attention et fait l'objet des réflexions d'un grand nombre d'experts de la défense lors de la campagne électorale : la dérive du coût de certains programmes, nos performances moyennes à l'exportation dans un marché pourtant dynamique, amenaient de nombreux avis autorisés à proposer une réforme radicale. Leurs recommandations penchaient en moyenne plutôt pour la transformation de la DGA en agence, car comme toujours en France quand quelque chose ne va pas, on décide de créer une structure ou de la changer. Or c'est au contraire un rapprochement de la DGA du ministère qui sera opéré.
En effet, à mon arrivée, j'ai souhaité réfléchir de façon posée et sans a priori. Il était clair pour moi qu'il fallait réformer le processus armement, mais je ne voulais pas partir de la solution pour définir le problème. Une agence, pourquoi pas, mais pour quoi faire ?
Je suis fermement convaincu que le marché de l'armement n'est pas un marché comme les autres :
- l'Etat est le principal client de son industrie de défense et, pour une part importante des programmes que nous n'exportons pas, comme le nucléaire, le seul client ;
- la quasi-totalité des programmes sont à la pointe de la technique et n'existent pas au moment de la commande : nous achetons des prototypes et non des armements existants. Nous les concevons, les développons puis les fabriquons ;
- enfin, le libre accès à la technologie est une condition de l'indépendance et de notre capacité à réaliser ces programmes.
Je suis donc parvenu à la conclusion que le ministère de la Défense ne peut pas se comporter en simple acheteur, qu'il doit mener une politique industrielle et que celle-ci est absolument indissociable de la réalisation des achats d'équipements. C'est aussi la conclusion à laquelle est arrivé Jean-Martin Folz, qui a présidé aux travaux de la Commission du Livre Blanc sur les questions industrielles.
Une agence ne pouvait pas accueillir la définition de la politique industrielle, puisque c'est une responsabilité régalienne ; la transformation de la DGA en agence aurait donc conduit à scinder la conduite des projets de celle de la politique industrielle, ce qui aurait mis l'une et l'autre de ces missions dans une position impossible.
A contrario, quel était le problème de la DGA ?
La capacité du DGA, de la DGA, des femmes et des hommes qui la composent à gérer les programmes n'est pas en cause, et je tiens à leur rendre hommage pour leurs réalisations passées et actuelles ; le maintien et le développement de leur technicité sont l'une des conditions de la réussite. Il suffisait d'être à la présentation du Terrible pour s'en rendre compte.
Le problème que nous avons à traiter, c'est de faire le meilleur usage possible des deniers publics pour équiper nos forces.
Plus qu'une réforme de structure, c'est le processus de prise de décision qu'il faut modifier, plus que la gestion des programmes d'armement. Il faut que le ministre ait le contrôle sur la définition des priorités, et que les décisions sensibles lui remontent au fur et à mesure de la conduite du programme, et pas seulement dans sa phase finale et de développement ; au moment de l'industrialisation, mais aussi tout au long de la vie du programme et de ses adaptations. Cela semble évident, mais j'ai quand même le sentiment que les procédures actuelles doivent être réformées pour bien le garantir.
Tout est lié. Il n'y a pas une phase d'expression des besoins et de conception d'une part, et la phase industrielle d'autre part. Compte tenu de la longueur des programmes, plusieurs décennies, le politique doit avoir la main sur l'ensemble, et pour moi l'agence nous éloignerait encore.
Ce n'était pas en éloignant la DGA du ministre que les choix allaient davantage lui revenir.
Pour toutes ces raisons, j'ai souhaité, après avoir pesé sans a priori les avantages et inconvénients de chaque solution, que la DGA soit rapprochée du ministre et des autres entités du ministère, et qu'elle quitte le fonctionnement d'agence vers lequel elle allait.
Le déroulement des programmes d'armement sera par ailleurs amélioré par la création d'un comité ministériel d'investissement, que je présiderai et qui regroupera les instances existantes, dont la compétence est trop partielle. Ce comité me permettra d'assurer un suivi régulier des opérations majeures, éclairé par l'avis des grands responsables du ministère. Nous renforcerons également la compétence financière et économique de la direction des Affaires financières et de la DGA. Une même équipe de programme intégré suivra le programme tout au long de sa préparation, et au sein de cette équipe, le pilotage sera transféré de l'EMA à la DGA lors d'un franchissement de phase de la phase de la conception à la phase industrielle.
Enfin, les programmes d'armement devront intégrer, au-delà du coût d'acquisition, le coût de possession, mais aussi le coût de destruction. On ne peut pas notamment s'exonérer pour notre budget de prendre en compte le coût du MCO (maintien en conditions opérationnelles).
2. Le Comité ministériel d'investissement (CMI)
Je l'ai dit, le vrai sujet, c'est le processus de décision. Il faut s'assurer que les bonnes questions ont été posées. Il n'est pas normal que le coût des programmes augmente au fil du temps parce que les spécifications s'accumulent, sans qu'elles ne soient jamais remises en cause. Il n'est pas normal que la programmation soit faite sur des premières estimations financières exagérément optimistes : quand vient l'heure du devis, on est obligé d'étaler les autres programmes d'armement pour faire face à l'augmentation de la ressource financière nécessaire.
Pour cela, il faut trois choses :
- créer le débat, pour que l'analyse de la valeur ait bien lieu, que les spécifications et leur cohérence soient passées au crible de plusieurs yeux ; comment avoir le meilleur produit pour nos armées, sans oublier sa capacité à être exportable ;
- renforcer l'expertise économique et surtout partager l'information au sein du ministère, pour vérifier la pertinence des estimations autant que la soutenabilité financière d'ensemble. Il y aura donc un renforcement de la DAF.
- Il faut enfin que le coût du programme dans son lancement intègre le coût d'acquisition, le coût d'utilisation, voire son coût de destruction.
C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un comité ministériel d'investissement :
- je le présiderai,
- il se réunira pour les décisions structurantes ou qui font l'objet d'un désaccord entre le CEMA, le DGA ou le SGA (DAF),
- il permettra la clarification des responsabilités de chacun de ces piliers du ministère : le CEMA s'agissant du besoin, le DGA s'agissant de la faisabilité (coûts, délais, performances) et le SGA s'agissant de la soutenabilité financière.
La mise en place du CMI s'effectuera dans les prochaines semaines.
En outre, pour clarifier encore la responsabilité de chaque acteur, j'ai décidé qu'il y aurait pour chaque décision un responsable bien identifié : l'EMA prendra le pilotage de l'équipe de programme intégrée pour le stade de préparation, la DGA prendra le relais pour le lancement du programme.
3. Balard
L'administration centrale du ministère sera regroupée sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, dans un immeuble à l'image d'une armée moderne, qui constituera une vitrine architecturale pour Paris, donc pour la France. Ce projet constituera un formidable levier de modernisation pour le ministère, qu'il s'agisse de l'organisation fonctionnelle ou des conditions matérielles mises à disposition de son personnel.
Cette colocalisation permettra également d'intensifier le dialogue entre les grands responsables du ministère, que ce soit entre eux, entre le ministre et chacun d'eux ou tous ensemble. Celle-ci s'entend pour les états-majors d'armée et l'EMA, mais aussi pour le DGA et le SGA autour du ministre. J'ai créé le Comité exécutif, véritable instance de gouvernance du ministère, je viens de parler du CMI : il faut naturellement aussi que le dialogue s'intensifie au niveau des équipes. La DGA sera donc à Balard, pour ce qui est nécessaire pour notre travail commun.
II. Les conséquences industrielles
1. La BITD (Base industrielle et technologique de défense), part intégrante de la posture de défense
L'industrie fait partie intégrante de notre posture de défense. C'est une évidence, tant c'est la conclusion d'une analyse pragmatique de l'histoire passée et des rapports de force actuels entre les pays et entre les économies. C'est l'intérêt de notre défense et c'est l'intérêt de notre pays, car c'est une industrie stratégique.
La position de la France dans le domaine des équipements de défense et de sécurité lui donne une puissance et une capacité politique sans commune mesure avec sa taille. Je veux souligner le caractère unique en Europe du tissu de compétences complexes que la France a développé au fil des ans et des programmes d'armement. Cela nous vaut d'appartenir au petit club des pays capables de concevoir et de produire tous les systèmes d'armes de défense et de sécurité, en allant du fusil au missile nucléaire. Ces pays ne sont pas nombreux, ils sont quatre ; et les trois autres - Etats-Unis, Russie et Chine - sont des géants par rapport à nous.
Mais cet avantage n'est pas absolument garanti, et les voies pour maintenir notre rang demandent de la volonté et du courage. Il nous faut absolument maintenir nos capacités, par quatre voies.
2. Premier axe : le financement de l'innovation
Malgré les contraintes budgétaires fortes, je resterai extrêmement vigilant sur la question de la charge des bureaux d'études et du maintien des compétences. Il serait irresponsable de laisser perdre les compétences acquises par des années d'effort financier : elles font partie de notre patrimoine immatériel, et à ce titre elles doivent être entretenues, sans compter que les compétences perdues seraient très coûteuses à reconquérir, sinon impossibles - je pense au nucléaire.
C'est pourquoi, malgré la pression des besoins financiers entraînés par les livraisons, je ne relâcherai pas l'effort sur les crédits de R&T, qui est déjà à un niveau historiquement bas.
3. Deuxième axe : le soutien aux exportations
Le second volet porte sur le soutien aux exportations. Vous connaissez mieux que moi leur intérêt pour le pays : elles permettent aux industriels de limiter leur dépendance au client national et de faire vivre leur outil, en termes de capacités de production ou de bureaux d'études. Mais, tandis que le marché mondial de l'armement est plutôt en progression depuis plusieurs années, la part de marché relative de la France diminue. Les choses vont s'inverser, car je crois que nous nous en occupons, chacun à sa place, et avec un vrai dialogue entre nous tous, un vrai travail d'équipe.
J'ai présenté, en décembre dernier, ma stratégie de relance des exportations d'armement. Elle vise à moderniser et simplifier l'action du ministère en matière de contrôle, mais aussi à dynamiser les mécanismes de soutien.
Elle se décline en deux volets :
1/ la simplification et la fluidification des mesures de contrôle,
2/ la dynamisation des mécanismes de soutien.
1/ Nous sommes en train de simplifier, de moderniser et de fluidifier les procédures de contrôle. C'est-à-dire :
- Généraliser la dématérialisation des procédures de contrôle ;
- Réduire les délais de traitement des demandes d'exportations, en utilisant davantage la procédure accélérée ;
- Alléger et faciliter les démarches des industriels : depuis l'été 2007, les agréments préalables "négociation" et "vente" sont fusionnés. De plus, les agréments préalables globaux sont désormais systématiquement privilégiés ;
- Faciliter les échanges avec nos partenaires européens et alliés, à travers l'utilisation des procédures globales. Cette démarche permettra de fluidifier les échanges de composants entre filiales européennes d'un même groupe industriel ;
- Refondre la liste de classement des matériels de guerre, ce qui permettra de supprimer les distorsions de concurrence entre les industriels français et leurs concurrents européens.
Depuis l'été 2007, un premier bilan des mesures mises en place indique une nette amélioration des indicateurs mis en place par le ministère de la défense :
- La dématérialisation du traitement des dossiers par l'administration est passée de 29 % en mai 2007 à 85 % en février 2008 ;
- La dématérialisation des demandes déposées par les industriels est passée de 3 % en mai 2007 à près de 20 % en février 2008 ;
- Les délais de traitement des agréments préalables traités en procédure continue est descendue de 57 jours en mai 2007 à 22 jours en février 2008 ;
- Le taux d'ajournements mensuels de demandes d'agréments préalables a chuté de 26 % en mai 2007 à 6 % en février 2008.
2/ Nous sommes également en train de dynamiser les mécanismes de soutien aux exportations, ce qui passe par :
- La mise en oeuvre d'un Plan national stratégique de soutien aux exportations. Ce projet, que j'avais relancé dès l'été 2007, a été réalisé par les services du Ministère de la défense, avec des contributions du MAEE et de Bercy. Il vient d'être validé par la CIEDES. Le PNSED établit, entre autres, une liste de priorités géographiques et sectorielles ;
- Renforcer le dispositif de soutien du ministère de la Défense ;
- Réorganiser et dynamiser les actions de vente et de cession d'équipements d'occasion.
4. Troisième axe : le soutien aux PME
Je suis très attaché à ce que le ministère de la Défense améliore les conditions d'accès des PME à la commande publique qu'il gère. En effet :
- c'est une priorité du gouvernement, et le ministère de la Défense, premier investisseur public en France, est un acteur indispensable dans cette démarche ;
- je suis personnellement convaincu que ce sont les PME qui génèrent une grande partie de l'emploi, le dynamisme économique et aussi l'innovation, grâce à la réactivité inhérente aux petites structures ;
- c'est bien sûr l'intérêt du ministère que de créer les conditions qui permettront aux PME de se développer : qu'elles soient fournisseurs directs ou qu'elles participent à des programmes d'armement conduits par de grands industriels, les PME sont des fournisseurs de technologie incontournables pour le ministère. Ce ne sont pas des partenaires de seconde zone, c'est donc notre intérêt mutuel que de rendre ce partenariat aussi fructueux que possible.
C'est pourquoi le 30 août dernier j'ai reçu une vingtaine de dirigeants de PME intervenant dans les marchés d'armement, pour les écouter. Après trois mois de concertation entre les administrations, les PME et leurs représentants, j'ai élaboré un plan de 20 mesures concrètes et pragmatiques. Ces mesures visent à améliorer l'information des PME sur les marchés de défense, à leur en faciliter l'accès, directement mais aussi en sous-traitance, et à leur faire conquérir de nouveaux marchés à l'exportation.
D'ailleurs, nous partageons cette priorité avec nos collègues britanniques et, avec Des Browne, nous avons signé pas plus tard que la semaine dernière lors de la visite d'Etat une déclaration commune pour renforcer l'implication des PME de chaque pays dans la recherche en amont, et pour lancer un appel à projets à leur intention. 100 millions d'euros sont prévus pour ce plan (50 chacun).
5. Dernier axe, peut-être le plus important, l'Europe
Il nous faut mettre en oeuvre rapidement une stratégie européenne de Base industrielle et technologique de défense, pour développer en Europe une industrie de défense compétitive, au service d'un marché européen des équipements de défense plus transparent et plus fluide. A ce titre, j'ai confié au député Yves Fromion une mission portant sur le renforcement de la capacité européenne en matière d'industrie de défense, ce qui passe par la facilitation des transferts intracommunautaires de composants et d'équipements d'armement. C'est une priorité de la Présidence française : un vrai marché commun de l'industrie d'armement, et nous la partageons avec les Britanniques. Je crois que cela sera un des succès de la Présidence française. Je suis très optimiste.
Une autre responsabilité de l'Etat et des Etats est de favoriser la consolidation de l'industrie européenne de défense. Cette consolidation est tout à fait nécessaire et urgente, car les Etats n'ont plus du tout les moyens de maintenir chacun un tissu industriel complet par leur seule commande. Cela signifie également une consolidation européenne du marché de l'armement, et notamment rechercher davantage de programmes en coopération. Nous le ferons sur les satellites ; nous devons le faire sur d'autres.
a) La commande d'abord. Le président de la République l'a souligné au Bourget : les Etats européens, avec des budgets contraints, ne peuvent plus financer, je le cite, "5 programmes de missiles sol-air, 3 programmes d'avions de combat, 6 programmes de sous-marins d'attaque et une vingtaine de programmes de blindés". Rechercher davantage de programmes communs est une nécessité pour les Etats, pour faire face à leurs contraintes budgétaires. Nous avons des instruments pour cela : l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), l'Agence européenne de défense (AED) ; il faut mieux les exploiter.
L'Agence européenne de défense joue un rôle clé pour que les Européens dépensent mieux et plus. Elle doit être le catalyseur des réflexions et des investissements des Européens. Je souhaite que les membres de l'AED s'engagent à lui donner la capacité de piloter un véritable processus de génération de programmes d'équipements militaires, pour qu'elle devienne la pépinière des programmes d'armement en coopération européenne. L'Agence doit initier des projets d'équipement en s'assurant qu'ils ne débouchent pas sur autant de configurations qu'il y a de pays participants.
L'OCCAR doit être pleinement intégrée à cet effort de rationalisation. Dans le cadre de la Présidence française de l'UE, je souhaite que l'OCCAR devienne le bras exécutif de l'AED. Une fois défini au sein de l'Agence, un programme pourrait être immédiatement transféré à l'OCCAR qui en assurerait la gestion et la conduite. Il me semble que nous pourrons ainsi tirer le meilleur profit des instruments dont nous disposons. Là aussi, je suis optimiste au vu des conversations avec nos amis britanniques. Ils évoluent beaucoup.
b) L'industrie elle-même : la coopération européenne sur des programmes butte trop souvent sur des considérations industrielles nationales. Dans nos coopérations, la règle du juste retour est un poison : elle complique les montages - je ne donnerai pas d'exemples, mais vous les connaissez tous -, et loin de favoriser les regroupements, elle favorise la création de filières nationales. Cela va à l'encontre des intérêts bien compris de l'industrie européenne.
Bien sûr, il est normal que les Etats se préoccupent des compétences de leur base industrielle. Mais nous ne pourrons réellement progresser en appréciant ce juste retour opération par opération ; d'autre part, il faut à présent que les Etats européens acceptent l'interdépendance.
A cet égard, nous avons réalisé de réelles avancées avec nos collègues britanniques la semaine dernière :
- nous sommes convenus d'une stratégie industrielle pour les armes complexes, afin d'élaborer des programmes communs en utilisant de façon plus efficace nos capacités respectives,
- nous avons signé un accord pour encourager les investissements croisés dans le secteur de la défense et éliminer les obstacles potentiels.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008