Texte intégral
Q - Au large de la Somalie, l'équipage du voilier Le Ponant toujours pris en otage par des pirates. Hervé Morin vient d'arriver. Alors priorité à l'actualité immédiate, le ministre de la Défense va nous dire tout de suite ce que ce matin, on sait en plus. (...) . Hervé Morin, bonjour.
R - Bonjour.
Q - Monsieur le Ministre, soyons directs et simples, qu'est-ce que cette nuit, ces dernières heures vous avez appris de plus sur cette prise en otage par des pirates de l'équipage du voilier Le Ponant ?
R - Ecoutez, nous continuons à suivre à distance le voilier qui a fait l'objet de cet acte de piraterie, Le Ponant, et je ne peux pas vous en dire plus dans la mesure où nous sommes toujours dans cette phase où les pirates continuent à naviguer et nous les suivons à distance, avec des moyens militaires qui nous permettent d'avoir une parfaite observation et connaissance de la situation.
Q - En ce moment précis, où est le voilier ?
R - Le voilier est au large des côtes, comme il l'était hier, dans les eaux territoriales somaliennes, et nous avons l'accord des autorités somaliennes pour suivre et poursuivre le bateau.
Q - Et où pensez-vous qu'il aille ?
R - Ecoutez, si vous pouviez nous le dire, nous serions heureux de le savoir parce qu'à deux reprises, nous avons pensé qu'il allait dans telle ou telle direction, et de toute évidence ce n'est pas le cas.
Q - C'est-à-dire qu'à un moment donné, vous avez cru qu'il allait vers une île qui sert très souvent de refuge aux pirates ?
R - Oui, c'est ce que l'on pensait. Mais on n'a pas de message des pirates nous indiquant quelles sont leurs revendications, s'il y a - comme en général - des demandes de rançon. Puisqu'il y a beaucoup de piraterie dans cette partie de l'Océan Indien, ce que l'on sait seulement c'est qu'en général, ils font les demandes de rançon ou des revendications diverses et variées lorsqu'ils sont arrivés au sol, lorsqu'ils sont arrivés à terre. Donc pour l'instant, la seule référence que nous avons c'est les dizaines d'actes de piraterie qui sont commis chaque année sur cette partie de l'Océan Indien.
Q - Mais hier vous disiez : "nous n'avons aucun contact avec les pirates", c'est toujours le cas, vous n'avez toujours pas de contact ?
R - Nous n'avons pas de contact réel avec les pirates, non.
Q - On a été très surpris tout même des images qu'on a vues longuement hier soir à la télévision, un immense voilier...
R - Je n'ai pas vu les images.
Q - Un immense voilier et puis à proximité deux petits canots, deux petites coquilles de noix. Est-ce que vraiment on peut imaginer que le piratage, l'assaut s'est fait à partir de ces deux petits canots ?
R - En général, ils le font à partir, en effet, de canots ou de bateaux rapides.
Q - Le "Journal du Dimanche" dit qu'il pourrait y avoir eu un bateau plus important...
R - Oui, peut-être mais...
Q - Et qu'on ne l'aurait toujours pas repéré, vous ne l'avez en tout cas pas repéré.
R - On ne sait pas comment cela se passe. Ce que l'on sait c'est qu'en général cela se fait à partir de petits bateaux rapides, peu importe les conditions d'ailleurs. J'allais dire, la problématique pour nous c'est qu'il y a un équipage avec 30 personnes dont 22 Français, et que cet équipage-là, nous devons à la fois faire en sorte d'assurer leur sécurité et de veiller à ce qu'ils puissent retrouver la liberté le plus rapidement possible.
Q - De ce qu'a dit hier le Premier ministre, nous privilégions la protection des personnes qui sont à bord, est-ce qu'il faut en déduire qu'il n'y aura pas d'opération de force ?
R - Ecoutez, de toute façon la décision sera prise au plus haut niveau de l'Etat, si une décision comme celle-ci venait à être prise. Dans l'état actuel des choses, ce genre de décision ne peut être prise qu'avec la certitude que cela se fera dans des conditions de sécurité qui préservent l'intégrité de l'équipage.
Q - Mais là, vous disiez que généralement les pirates commençaient à manifester leurs intentions à terre. Vous attendez que le bateau accoste pour intervenir ?
R - Non, pas forcément, peut-être que les choses peuvent se dérouler plus simplement. Donc voyons comment les choses évoluent, continuons à suivre ce bateau pour être en mesure de pouvoir nouer les contacts ou mener telle ou telle opération en fonction de la situation.
Q - Mais les intentions des pirates sont à votre avis de toute évidence mafieuses ? Elles ne sont pas d'une autre nature, politique ?
R - Nous n'en savons rien puisque nous n'avons pas eu...
Q - Les familles en vous écoutant Monsieur le Ministre...
R - ...la moindre revendication.
Q - J'imagine leur angoisse.
R - Oui, bien sûr mais vous savez, on n'a pas affaire à des institutions organisées ou des revendications classiques, comme on peut en avoir dans telle ou telle partie du monde. Il s'agit avant tout de la piraterie.
Q - L'actualité toujours prime, surtout lorsqu'elle prend cette tournure. Mais c'est vrai que cette semaine, vous allez d'abord comme ministre de la Défense devoir commencer à appliquer aux armées les mesures d'économie annoncées...
R - Il n'y a pas de mesures d'économie...
Q - On va en parler, et puis cette semaine le gouvernement va devoir aussi répondre à la motion de censure sur la décision d'envoyer en Afghanistan 700 soldats supplémentaires. Il n'y a pas d'économie, la décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, elle ne va pas s'appliquer à l'armée ?
R - Si, elle s'applique à l'armée, mais ce que je conteste c'est l'idée que - comme j'ai pu le lire dans un certain nombre de journaux - la Défense serait au pain sec ou subirait une restriction de ses crédits. Nous allons maintenir l'effort de défense, nous avons l'obligation de nous adapter pour trois raisons.
La première, la Défense doit s'adapter parce qu'une Défense qui ne s'adapte pas c'est une Défense qui n'est pas en mesure, à court ou moyen terme, d'assurer la sécurité et les intérêts du pays. On a connu cela dans l'histoire, et nous avons besoin en permanence d'adapter notre outil de défense parce que, entre la chute du mur de Berlin, le début des années 90 et ce qu'est le monde aujourd'hui, cela n'est plus la même chose. Et donc, nous devons en permanence nous adapter. On ne peut pas à la fois dire "il y a des menaces liées à la prolifération nucléaire" et ne pas en tirer des conséquences sur les équipements, l'adaptation de notre outil de défense, cela c'est la première raison.
La deuxième raison, c'est que l'on a eu un énorme effort qui a été celui de la professionnalisation. Mais nous n'en avons pas tiré les conséquences ou pas totalement sur l'organisation et la gouvernance du ministère. Il faut mutualiser, supprimer les doublons, les duplications de services, avoir un système d'administration général et de soutien qui tire les conséquences de cet énorme effort que fut la professionnalisation, c'est la deuxième raison.
Et la troisième raison, c'est que nous sommes en train de mener un énorme effort d'équipement de nos forces, puisque tous nos grands programmes sont en cours de renouvellement : les bateaux, les avions, la dissuasion, tout est en renouvellement. Et nous avons besoin de marge de manoeuvre, nous avons besoin de deux à trois milliards d'euros supplémentaires. Il n'y a pas un militaire en France qui pourrait concevoir que la France consacre la totalité de ses nouveaux moyens budgétaires uniquement à la Défense. Il y a la problématique du handicap, de la dépendance, de l'Alzheimer, de l'université, de la recherche. Et donc, nous devons trouver des marges de manoeuvre en nous-mêmes, et ces marges de manoeuvre c'est celles qui vont nous permettre de pouvoir continuer à améliorer la condition militaire et équiper nos forces. Voilà pourquoi, nous allons mener non pas des économies pour réduire l'effort de défense, mais des économies pour faire en sorte qu'on puisse être à la hauteur des enjeux qui sont les nôtres.
Q - Et c'est pour cela que pour les économies comme l'annoncent plusieurs journaux et notamment il y a encore quelques jours "Libération"...
R - Mais...
Q - Une trentaine de garnisons qui vont fermer, il va y avoir une dizaine de régiments qui vont être dissous. Est-ce que vous le démentez?
R - Je ne démens rien puisque rien n'est décidé. Mais bien entendu qu'il y aura des fermetures, des dissolutions, etc..., mais dès lors que vous voulez faire des économies... je vais vous donner un exemple concret, parce que ces choses militaires ne sont pas forcément connues de tout le monde. Je prends l'exemple d'un régiment moyen de l'Armée de terre, c'est un régiment de 1.000 hommes avec ce qu'on appelle une compagnie de soutien, c'est-à-dire une compagnie qui fait de l'administration générale, les ressources humaines, etc..., et quatre compagnies de combat. Nous allons densifier les unités, c'est-à-dire avoir plus de compagnies de combat pour une même compagnie de soutien. Pourquoi ? Pour faire des liens de productivité et pour faire en sorte qu'on mette nos moyens dans l'opérationnel. Ce n'est pas un affaiblissement de la Défense. Moi je suis ministre de la Défense, le président de la République est chef des Armées, nous avons une obligation morale majeure, que d'ailleurs les Français ne nous pardonneraient pas de ne pas avoir, c'est celle d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays, faire en sorte qu'on ait nos voies d'approvisionnement qui soient protégées. Cette obligation-là fait que nous devons prendre les mesures nous permettant de pouvoir le maintenir. Nous ne sommes pas, comme le dit le président de la République, chargés de faire de l'aménagement du territoire, nous sommes chargés d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays...
Q - Cela, c'est pour les villes qui vont perdre leur garnison.
R - Mais cela n'empêche pas que l'on puisse avoir une réflexion d'aménagement du territoire quand on prend des décisions. Mais nous avons besoin de faire en sorte d'avoir une meilleure gouvernance, une meilleure administration du système. Et cette meilleure gouvernance et administration passeront en effet par un certain nombre de fermetures. Dans deux mois, nous ne l'annoncerons que fin juin.
Q - L'Afghanistan Hervé Morin, hier matin j'interrogeais à mon avis le plus grand spécialiste français sur l'Afghanistan, Olivier Roy, sur votre décision d'envoyer des soldats supplémentaires qui doit, selon vous, s'accompagner d'un changement de stratégie de l'OTAN pour qu'il ne s'agisse pas seulement de combattre, de construire. Mais Olivier Roy dit qu'il faudrait effectivement un projet politique, mais il constate comme chercheur, comme observateur que les Américains ne sont pas du tout sur cette ligne, toujours attachés à leur idée de lutte globale contre le terrorisme, et les Américains continuent à penser que tous les Taliban sont des Ben Laden. Donc, il n'y aura pas de nouvelle stratégie.
R - Ecoutez, ce sont les conditions que nous avons posées, que le président de la République a posées par un courrier qu'il a envoyé à l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement, qu'à ce courrier la réponse a été positive, qu'il y aura en effet une approche globale. Cette approche globale elle concernera la gouvernance, ce qu'on appelle "l'afghanisation", c'est ce que nous réclamions depuis six ou neuf mois, c'est-à-dire l'idée que, progressivement, les Afghans puissent prendre en responsabilité un certain nombre de districts et de secteurs. L'idée d'avoir une lutte réelle et efficace contre l'opium, 92 % des exportations d'opium dans le monde proviennent d'Afghanistan...
Q - Non mais tout cela, c'est votre idée, êtes-vous sûr que ce soit celle des Américains ?
R - Eh bien, c'est celle que les membres de l'Alliance ont décidée cette semaine et, bien entendu, cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais je me permets de vous faire observer que l'idée de partir c'est quoi ? C'est faire revenir Al Qaïda et les Taliban au pouvoir avec ce que cela représentait, ce serait la pire des choses pour notre sécurité et ce serait (si je puis dire) l'incapacité des démocraties à faire en sorte que ce pays et les Afghans puissent avoir des conditions de vie qui ressemblent de près ou de loin à ce que l'on peut attendre d'hommes et de femmes au XXIème siècle. Je crois que tout cela mérite d'être pesé, et donc nous avons l'obligation d'être là-bas, c'est notre sécurité et c'est l'intérêt. Et nous n'avons pas à faire de l'Afghanistan la nouvelle base terroriste, la base arrière du terrorisme mondial avec des hommes et des femmes qui ne respectent ni la culture, ni la démocratie, ni la condition de vie des femmes, ni l'éducation, ni rien de tout cela.Source http://www.defense.gouv.fr, le 9 avril 2008
R - Bonjour.
Q - Monsieur le Ministre, soyons directs et simples, qu'est-ce que cette nuit, ces dernières heures vous avez appris de plus sur cette prise en otage par des pirates de l'équipage du voilier Le Ponant ?
R - Ecoutez, nous continuons à suivre à distance le voilier qui a fait l'objet de cet acte de piraterie, Le Ponant, et je ne peux pas vous en dire plus dans la mesure où nous sommes toujours dans cette phase où les pirates continuent à naviguer et nous les suivons à distance, avec des moyens militaires qui nous permettent d'avoir une parfaite observation et connaissance de la situation.
Q - En ce moment précis, où est le voilier ?
R - Le voilier est au large des côtes, comme il l'était hier, dans les eaux territoriales somaliennes, et nous avons l'accord des autorités somaliennes pour suivre et poursuivre le bateau.
Q - Et où pensez-vous qu'il aille ?
R - Ecoutez, si vous pouviez nous le dire, nous serions heureux de le savoir parce qu'à deux reprises, nous avons pensé qu'il allait dans telle ou telle direction, et de toute évidence ce n'est pas le cas.
Q - C'est-à-dire qu'à un moment donné, vous avez cru qu'il allait vers une île qui sert très souvent de refuge aux pirates ?
R - Oui, c'est ce que l'on pensait. Mais on n'a pas de message des pirates nous indiquant quelles sont leurs revendications, s'il y a - comme en général - des demandes de rançon. Puisqu'il y a beaucoup de piraterie dans cette partie de l'Océan Indien, ce que l'on sait seulement c'est qu'en général, ils font les demandes de rançon ou des revendications diverses et variées lorsqu'ils sont arrivés au sol, lorsqu'ils sont arrivés à terre. Donc pour l'instant, la seule référence que nous avons c'est les dizaines d'actes de piraterie qui sont commis chaque année sur cette partie de l'Océan Indien.
Q - Mais hier vous disiez : "nous n'avons aucun contact avec les pirates", c'est toujours le cas, vous n'avez toujours pas de contact ?
R - Nous n'avons pas de contact réel avec les pirates, non.
Q - On a été très surpris tout même des images qu'on a vues longuement hier soir à la télévision, un immense voilier...
R - Je n'ai pas vu les images.
Q - Un immense voilier et puis à proximité deux petits canots, deux petites coquilles de noix. Est-ce que vraiment on peut imaginer que le piratage, l'assaut s'est fait à partir de ces deux petits canots ?
R - En général, ils le font à partir, en effet, de canots ou de bateaux rapides.
Q - Le "Journal du Dimanche" dit qu'il pourrait y avoir eu un bateau plus important...
R - Oui, peut-être mais...
Q - Et qu'on ne l'aurait toujours pas repéré, vous ne l'avez en tout cas pas repéré.
R - On ne sait pas comment cela se passe. Ce que l'on sait c'est qu'en général cela se fait à partir de petits bateaux rapides, peu importe les conditions d'ailleurs. J'allais dire, la problématique pour nous c'est qu'il y a un équipage avec 30 personnes dont 22 Français, et que cet équipage-là, nous devons à la fois faire en sorte d'assurer leur sécurité et de veiller à ce qu'ils puissent retrouver la liberté le plus rapidement possible.
Q - De ce qu'a dit hier le Premier ministre, nous privilégions la protection des personnes qui sont à bord, est-ce qu'il faut en déduire qu'il n'y aura pas d'opération de force ?
R - Ecoutez, de toute façon la décision sera prise au plus haut niveau de l'Etat, si une décision comme celle-ci venait à être prise. Dans l'état actuel des choses, ce genre de décision ne peut être prise qu'avec la certitude que cela se fera dans des conditions de sécurité qui préservent l'intégrité de l'équipage.
Q - Mais là, vous disiez que généralement les pirates commençaient à manifester leurs intentions à terre. Vous attendez que le bateau accoste pour intervenir ?
R - Non, pas forcément, peut-être que les choses peuvent se dérouler plus simplement. Donc voyons comment les choses évoluent, continuons à suivre ce bateau pour être en mesure de pouvoir nouer les contacts ou mener telle ou telle opération en fonction de la situation.
Q - Mais les intentions des pirates sont à votre avis de toute évidence mafieuses ? Elles ne sont pas d'une autre nature, politique ?
R - Nous n'en savons rien puisque nous n'avons pas eu...
Q - Les familles en vous écoutant Monsieur le Ministre...
R - ...la moindre revendication.
Q - J'imagine leur angoisse.
R - Oui, bien sûr mais vous savez, on n'a pas affaire à des institutions organisées ou des revendications classiques, comme on peut en avoir dans telle ou telle partie du monde. Il s'agit avant tout de la piraterie.
Q - L'actualité toujours prime, surtout lorsqu'elle prend cette tournure. Mais c'est vrai que cette semaine, vous allez d'abord comme ministre de la Défense devoir commencer à appliquer aux armées les mesures d'économie annoncées...
R - Il n'y a pas de mesures d'économie...
Q - On va en parler, et puis cette semaine le gouvernement va devoir aussi répondre à la motion de censure sur la décision d'envoyer en Afghanistan 700 soldats supplémentaires. Il n'y a pas d'économie, la décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, elle ne va pas s'appliquer à l'armée ?
R - Si, elle s'applique à l'armée, mais ce que je conteste c'est l'idée que - comme j'ai pu le lire dans un certain nombre de journaux - la Défense serait au pain sec ou subirait une restriction de ses crédits. Nous allons maintenir l'effort de défense, nous avons l'obligation de nous adapter pour trois raisons.
La première, la Défense doit s'adapter parce qu'une Défense qui ne s'adapte pas c'est une Défense qui n'est pas en mesure, à court ou moyen terme, d'assurer la sécurité et les intérêts du pays. On a connu cela dans l'histoire, et nous avons besoin en permanence d'adapter notre outil de défense parce que, entre la chute du mur de Berlin, le début des années 90 et ce qu'est le monde aujourd'hui, cela n'est plus la même chose. Et donc, nous devons en permanence nous adapter. On ne peut pas à la fois dire "il y a des menaces liées à la prolifération nucléaire" et ne pas en tirer des conséquences sur les équipements, l'adaptation de notre outil de défense, cela c'est la première raison.
La deuxième raison, c'est que l'on a eu un énorme effort qui a été celui de la professionnalisation. Mais nous n'en avons pas tiré les conséquences ou pas totalement sur l'organisation et la gouvernance du ministère. Il faut mutualiser, supprimer les doublons, les duplications de services, avoir un système d'administration général et de soutien qui tire les conséquences de cet énorme effort que fut la professionnalisation, c'est la deuxième raison.
Et la troisième raison, c'est que nous sommes en train de mener un énorme effort d'équipement de nos forces, puisque tous nos grands programmes sont en cours de renouvellement : les bateaux, les avions, la dissuasion, tout est en renouvellement. Et nous avons besoin de marge de manoeuvre, nous avons besoin de deux à trois milliards d'euros supplémentaires. Il n'y a pas un militaire en France qui pourrait concevoir que la France consacre la totalité de ses nouveaux moyens budgétaires uniquement à la Défense. Il y a la problématique du handicap, de la dépendance, de l'Alzheimer, de l'université, de la recherche. Et donc, nous devons trouver des marges de manoeuvre en nous-mêmes, et ces marges de manoeuvre c'est celles qui vont nous permettre de pouvoir continuer à améliorer la condition militaire et équiper nos forces. Voilà pourquoi, nous allons mener non pas des économies pour réduire l'effort de défense, mais des économies pour faire en sorte qu'on puisse être à la hauteur des enjeux qui sont les nôtres.
Q - Et c'est pour cela que pour les économies comme l'annoncent plusieurs journaux et notamment il y a encore quelques jours "Libération"...
R - Mais...
Q - Une trentaine de garnisons qui vont fermer, il va y avoir une dizaine de régiments qui vont être dissous. Est-ce que vous le démentez?
R - Je ne démens rien puisque rien n'est décidé. Mais bien entendu qu'il y aura des fermetures, des dissolutions, etc..., mais dès lors que vous voulez faire des économies... je vais vous donner un exemple concret, parce que ces choses militaires ne sont pas forcément connues de tout le monde. Je prends l'exemple d'un régiment moyen de l'Armée de terre, c'est un régiment de 1.000 hommes avec ce qu'on appelle une compagnie de soutien, c'est-à-dire une compagnie qui fait de l'administration générale, les ressources humaines, etc..., et quatre compagnies de combat. Nous allons densifier les unités, c'est-à-dire avoir plus de compagnies de combat pour une même compagnie de soutien. Pourquoi ? Pour faire des liens de productivité et pour faire en sorte qu'on mette nos moyens dans l'opérationnel. Ce n'est pas un affaiblissement de la Défense. Moi je suis ministre de la Défense, le président de la République est chef des Armées, nous avons une obligation morale majeure, que d'ailleurs les Français ne nous pardonneraient pas de ne pas avoir, c'est celle d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays, faire en sorte qu'on ait nos voies d'approvisionnement qui soient protégées. Cette obligation-là fait que nous devons prendre les mesures nous permettant de pouvoir le maintenir. Nous ne sommes pas, comme le dit le président de la République, chargés de faire de l'aménagement du territoire, nous sommes chargés d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays...
Q - Cela, c'est pour les villes qui vont perdre leur garnison.
R - Mais cela n'empêche pas que l'on puisse avoir une réflexion d'aménagement du territoire quand on prend des décisions. Mais nous avons besoin de faire en sorte d'avoir une meilleure gouvernance, une meilleure administration du système. Et cette meilleure gouvernance et administration passeront en effet par un certain nombre de fermetures. Dans deux mois, nous ne l'annoncerons que fin juin.
Q - L'Afghanistan Hervé Morin, hier matin j'interrogeais à mon avis le plus grand spécialiste français sur l'Afghanistan, Olivier Roy, sur votre décision d'envoyer des soldats supplémentaires qui doit, selon vous, s'accompagner d'un changement de stratégie de l'OTAN pour qu'il ne s'agisse pas seulement de combattre, de construire. Mais Olivier Roy dit qu'il faudrait effectivement un projet politique, mais il constate comme chercheur, comme observateur que les Américains ne sont pas du tout sur cette ligne, toujours attachés à leur idée de lutte globale contre le terrorisme, et les Américains continuent à penser que tous les Taliban sont des Ben Laden. Donc, il n'y aura pas de nouvelle stratégie.
R - Ecoutez, ce sont les conditions que nous avons posées, que le président de la République a posées par un courrier qu'il a envoyé à l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement, qu'à ce courrier la réponse a été positive, qu'il y aura en effet une approche globale. Cette approche globale elle concernera la gouvernance, ce qu'on appelle "l'afghanisation", c'est ce que nous réclamions depuis six ou neuf mois, c'est-à-dire l'idée que, progressivement, les Afghans puissent prendre en responsabilité un certain nombre de districts et de secteurs. L'idée d'avoir une lutte réelle et efficace contre l'opium, 92 % des exportations d'opium dans le monde proviennent d'Afghanistan...
Q - Non mais tout cela, c'est votre idée, êtes-vous sûr que ce soit celle des Américains ?
R - Eh bien, c'est celle que les membres de l'Alliance ont décidée cette semaine et, bien entendu, cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais je me permets de vous faire observer que l'idée de partir c'est quoi ? C'est faire revenir Al Qaïda et les Taliban au pouvoir avec ce que cela représentait, ce serait la pire des choses pour notre sécurité et ce serait (si je puis dire) l'incapacité des démocraties à faire en sorte que ce pays et les Afghans puissent avoir des conditions de vie qui ressemblent de près ou de loin à ce que l'on peut attendre d'hommes et de femmes au XXIème siècle. Je crois que tout cela mérite d'être pesé, et donc nous avons l'obligation d'être là-bas, c'est notre sécurité et c'est l'intérêt. Et nous n'avons pas à faire de l'Afghanistan la nouvelle base terroriste, la base arrière du terrorisme mondial avec des hommes et des femmes qui ne respectent ni la culture, ni la démocratie, ni la condition de vie des femmes, ni l'éducation, ni rien de tout cela.Source http://www.defense.gouv.fr, le 9 avril 2008