Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP à La Chaîne Info le 9 avril 2008, sur le fonctionnement et la réorganisation de l'UMP.

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Texte intégral

C. Barbier.-  Hier soir à l'Elysée, le président de la République a reçu l'UMP. Ce matin, il rassemble les différentes composantes de sa majorité. Pourquoi faire ? S'agit-il de créer une sorte de confédération dépassant l'UMP ?
 
R.- Non, le président de la République s'intéresse fortement à la vie de sa majorité, et c'est normal : il en est en réalité le leader légitime par le suffrage universel.
 
Q.- Une confédération UMP avec plein d'alliés, ça vous fait peur ?
 
R.- Non, au contraire. D'abord, parce que l'UMP c'est quelque chose de clairement identifié, mais il y a d'autres sensibilités dans la majorité présidentielle, et donc, c'est un plus, ça s'ajoute. Il faut faire des additions dans la politique.
 
Q.- Il y a notamment dans cette addition des centristes, plusieurs types même de centristes.
 
R.- C'est vrai.
 
Q.- Quelle place souhaitez-vous pour eux ? Souhaitez-vous la création à l'intérieur de l'UMP d'un pôle centriste ?
 
R.- À l'intérieur de l'UMP, nous avons déjà un pôle centriste, puisque je vous rappelle que la fondation de l'UMP, c'est le rassemblement de la grande majorité de l'UDF, de Démocratie Libérale et du RPR. Donc, nous avons un grand pôle centriste. Mais je suis favorable au fait qu'il trouve l'expression de son identité plus fortement peut-être que nous ne l'avons vécue jusqu'à maintenant.
 
Q.- Un courant ?
 
R.- Les courants, c'est destructeur. Un courant c'est tous les inconvénients d'un parti politique sans en avoir les avantages. Parce que c'est quelque chose de trop étroit. Il ne faut pas construire des chapelles, il faut construire des cathédrales.
 
Q.- A côté de l'UMP, souhaitez-vous la reconstitution de l'ancienne UDF qui pourrait rassembler le Nouveau Centre, les gens de gauche qui se sont rapprochés des idées de N. Sarkozy et, éventuellement, les derniers transfuges du MoDem ?
 
R.- Si je veux respecter l'identité de nos alliés, ce n'est pas à moi de dire comment ils doivent s'organiser. Ce que je souhaite, c'est que leur expression, leur identité, soit clairement comprise et exprimée au regard de l'ensemble de la majorité.
 
Q.- Ce n'est pas le cas ? Vous trouvez le centriste "brouillon" ?
 
R.- Non, pas du tout. D'abord, il est en refondation. De ce point de vue-là, le Nouveau Centre c'est tous les anciens amis de F. Bayrou qui se sont regroupés ; ils sont en train de trouver leur assise, il faut leur laisser un peu de temps.
 
Q.- F. Bayrou, justement, n'a pas voté la motion de censure déposée hier par la gauche contre le Gouvernement. Est-ce l'occasion de tendre la main à F. Bayrou pour reprendre un dialogue ?
 
R.- Le dialogue a toujours été ouvert. Maintenant, il a été totalement infructueux jusqu'à maintenant.
 
Q.- Ce soir, l'UMP tient un bureau politique. Suspensions, sanctions ? Vous allez faire le ménage ? C'est une journée de purges après les municipales ?
 
R.- Non, c'est surtout une journée de réorganisation et de travail. Simplement, il y a une petite part consacrée à la discipline, parce que dans certains cas, très caractérisés, l'indiscipline a conduit à la perte de villes importantes. Je ne vais pas le dire ce matin, mais il y a des villes que nous avons perdues uniquement à cause de l'indiscipline.
 
Q.- Alors que cherchez-vous désormais ? A avoir un code de discipline que tout le monde signera ?
 
R.- A avoir une déontologie minimale. Il y a toujours eu une discipline, en réalité statutaire, mais appliquée avec beaucoup de laxisme. C'est-à-dire qu'après les élections, on passait l'éponge. Je préconise qu'au moins de manière symbolique, non pas de manière dramatique, mais quand même on marque le coup.
 
Q.- Bonne nouvelle pour les militants UMP : en 2010, ils vont choisir leurs têtes de liste aux régionales.
 
R.- Oui.
 
Q.- C'est la base qui prend le pouvoir ?
 
R.- C'est surtout la légitimité démocratique qui s'exprime. Et là aussi, c'est un moyen de lutter contre l'indiscipline. Dès lors que le candidat investi est investi par l'ensemble des adhérents dans le ressort concerné - pour les régionales, c'est-à-dire la région - dès lors que c'est ainsi, il a plus de force. Et à mon avis, c'est plus dissuasif à l'égard des candidatures sauvages parce qu'elles n'ont pas beaucoup de chance à ce moment-là.
 
Q.- Vous le disiez à l'instant, c'est une journée aussi de réorganisation, avec un nouvel organigramme, deux adjoints à vos côtés...
 
R.- Oui.
 
Q.- X. Bertrand, N. Kosciusko-Morizet. C'est vous qui les avez choisis ou c'est N. Sarkozy ?
 
R.- Ça s'est fait en accord avec le président de la République.
 
Q.- Alors, c'est vous qui avez proposé, c'est lui qui a suggéré ?
 
R.- On en a discuté, et l'idée du Président, que je partage totalement, c'est que pour mieux soutenir le Gouvernement, l'UMP a besoin d'être davantage en osmose avec lui. Nous avons toujours eu des ministres dans la direction du parti, toujours. Mais nous voulons qu'ils soient encore plus - ce n'est pas facile d'ailleurs pour eux, parce qu'ils ont un partage de responsabilité, mais nous voulons qu'ils soient davantage - impliqués dans la prise de décisions, pour que nous-mêmes nous soyons investis de leurs soucis, de leur manière de voir la chose gouvernementale et que nous soyons mieux à même de la défendre, de la vendre, de l'expliquer à l'opinion.
 
Q.- Mais il y a une méthode simple, classique : le chef de la majorité, le Premier ministre, est aussi le chef du parti ?
 
R.- Bien sûr, il est le chef de la majorité.
 
Q.- Ah ! Mais au parti, il n'a pas son mot à dire ?
 
R.- Non...Je pense qu'il ne peut...c'est un petit problème qu'il soit le chef de... Si, il a son mot à dire, il présidera le bureau politique ce soir, alors il a son mot à dire naturellement. Mais je pense qu'il est plus large que le parti. Comme vous le disiez à l'instant, la majorité présidentielle c'est l'UMP plus nos alliés. Et donc, le Premier ministre est d'une certaine manière le chef de tout ça, de manière institutionnelle.
 
Q.- "J'aurais préféré un électrochoc à la tête de l'UMP", ce n'est pas moi qui le dis, c'est D. de Villepin qui l'a déclaré dimanche. Que répondez-vous ?
 
R.- Il dit que ça marchait mieux quand il était Premier ministre. Je lui dis d'abord que quand il était Premier ministre, il y avait 260.000 adhérents, que maintenant il y en a 380.0000. Donc, ça ne marche pas si mal, 50 % de plus. Et que je suis ravi...
 
Q.- C'est quoi "un électrochoc" ?
 
R.- Je ne sais pas, je ne veux même pas chercher ce que c'est parce que c'est une notion médicale...
 
Q.- C'est un traitement pour les fous, oui...
 
R.- Et donc, je ne commenterai pas. Mais ce que je veux dire à D. de Villepin, c'est que je suis très heureux qu'il s'intéresse à la vie de notre mouvement, et surtout à l'expression du suffrage universel. C'est une bonne nouvelle.
 
Q.- Il pourrait être candidat aux régionales ? Il pourrait aller devant les militants, vous l'encouragez ?
 
R.- S'il voulait bien se faire élire, ça serait effectivement une grande novation.
 
Q.- N. Kosciusko-Morizet, la toute nouvelle secrétaire générale adjointe, est critiquée par les députés UMP et leur chef de groupe, J.-F. Copé, pour avoir facilité l'adoption d'amendements issus de la gauche dans la discussion sur les OGM. A-t-elle fauté ?
 
R.- La position du Gouvernement à ce moment-là n'a pas été très claire et a jeté un peu de perturbation. Le Premier ministre lui-même a rappelé que le Gouvernement était très attaché à l'équilibre du texte. Et J.-F. Copé a fait un travail formidable d'organisation du groupe sur un débat qui n'est pas toujours très clair, et c'est peut-être un moment de fatigue ou de confusion qui a expliqué un flottement au moment de la tenue de la séance.
 
Q.- Elle dit que c'est plutôt le groupe UMP qui n'était pas très clair...
 
R.- Je crois que le...D'abord, le groupe UMP est un groupe qui débat, il est là pour ça, ce n'est pas une caserne, il y a un bouillonnement créatif, c'est la vie, il faut que ça vive. Mais en même temps, quand on est en séance, il faut que le Gouvernement ait une position lisible, claire, et que les parlementaires acceptent, sauf cas de conscience, et ça peut arriver d'ailleurs, sur tous les sujets. Mais d'une manière générale, il faut que les parlementaires acceptent un minimum de discipline de vote.
 
Q.- Réforme des institutions dans les tuyaux. Le président de la République ne veut plus de référendum automatique, en cas de nouvelle adhésion à l'Union européenne notamment. Si la Turquie doit entrer dans l'Union européenne, il n'y aura pas de référendum devant le peuple français. Vous le désapprouvez ?
 
R.- C'est un vrai sujet de préoccupation.
 
Q.- Vous, vous restez attaché à cette idée de référendum automatique ?
 
R.- Non... Voilà... Le Président n'exclut pas le référendum...
 
Q.- Mais ce n'est pas automatique...
 
R.-...mais il n'est plus, mais il ne serait plus automatique. A mon avis, c'est un sujet de préoccupation, on peut en débattre.
 
Q.- "Le Président pourrait s'exprimer devant le Parlement mais pas à sa guise", c'est la nouvelle attitude des socialistes depuis hier soir vis-à-vis des institutions. Est-ce un pas dans le bon sens ?
 
R.- Oui, c'est un pas dans le bon sens.
 
Q.- Donc, les parlementaires pourraient inviter le Président, il ne viendrait que sur invitation ?
 
R.- Je suis sensible au fait que les socialistes aient évolué sur cette position. C'est d'ailleurs raisonnable. Et la position qu'ils avaient jusqu'alors paraissait un peu politicienne. C'est une avancée dans le débat, je la salue.
 
Q.- Fin de la carte "famille nombreuse" à la SNCF, difficultés à mettre en place du Revenu de solidarité active, non remplacement des fonctionnaires, hausse du gaz... N. Sarkozy dit : "le social est en partie responsable du déficit et de la dette, faisons attention". C'est la rigueur ? ! Ça, c'es la rigueur !
 
R.- Non, ça n'est pas la rigueur. La rigueur ce serait des prélèvements supplémentaires, en termes d'impôts, en termes de cotisations sociales.
 
Q.- Les avantages sociaux en moins, ce n'est pas la rigueur ?
 
R.- Attendez...Ce n'es pas nécessairement les avantages sociaux. C'est l'Etat qui ne prend pas en charge. Mais la SNCF, par exemple... C'est aussi un élément de loyauté, de la compétitivité, de la concurrence au regard de l'Europe. C'est-à-dire qu'en réalité la SNCF est subventionnée, faisait l'objet d'une subvention déguisée. Donc, la SNCF peut et doit, à mon avis d'ailleurs, prendre en charge un certain nombre d'avantages pour ses usagers, et notamment dans une optique familiale. Oui, elle peut le faire et elle doit le faire.
 
Q.- Un sénateur UMP propose de rassembler dans une même collectivité Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne. Donc, de dissoudre votre département, les Hauts-de-Seine, le plus riche, dans un ensemble plus grand. C'est le "Grand Paris", ça, vous êtes pour ?
 
R.- Je suis pour le "Grand Paris", mais en même temps, je me pose une question très simple sur Paris : pourquoi Paris est la seule ville de France, la seule ville de France, à ne pas avoir utilisé la loi sur l'intercommunalité qui est pourtant une loi de gauche ? Pourquoi il n'y a pas de communauté urbaine à Paris, alors que toutes les grandes métropoles sont dans des communautés urbaines ?
 
Q.- Si toutes les communes se touchent, il faudrait faire une immense intercommunalité intra régionale...
 
R.- Non, comme ça se passe d'ailleurs partout ailleurs, ça se passe sur la base du volontarisme. Dès qu'on s'engage dans le processus, ça se fait avec des volontaires. R.- C'est le cas à Toulouse, c'est le cas à Lille, c'est le cas à Marseille, c'est le cas à Strasbourg, partout il y a des communautés urbaines. Pourquoi M. Delanoë refuse-t-il, systématiquement, depuis qu'il est là de - on ne l'a fait avant non plus d'ailleurs, mais pourquoi refuse-t-il systématiquement - de faire une communauté urbaine ?
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 avril 2008