Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Attention aux couacs !
R.- Pas de problème...
Q.- Attention aux couacs, parce que maintenant, j'imagine que quand vous allez participer à une émission de radio ou de télévision, vous faites très attention Fadela. On va regarder l'actualité et puis ensuite, nous entrerons dans votre sujet : les cités sensibles, les banlieues. Le président de la République part pour la Tunisie, estce qu'il doit dire un mot public sur les droits de l'homme en Tunisie ?
R.- Je pense que le président de la République saura faire ce qu'il a à faire et au moment où il le souhaitera en réalité.
Q.- Oui, mais vous souhaitez qu'il intervienne sur les droits de l'homme en Tunisie ?
R.- Je vais vous dire très franchement : je pense que notre pays, à travers le monde, représente justement, et brille justement par la question des droits de l'homme. Je crois que rien que le fait d'être présent dans un pays suffit largement à poser le débat sur la question des droits de l'homme.
Q.- Je dis ça parce que c'est vrai qu'on parle beaucoup du Tibet, on parle beaucoup de la Chine, on s'engage pour défendre les droits de l'homme en Chine, mais on oublie qu'en Tunisie, tout près de chez nous, là où on va passer nos vacances d'ailleurs, la liberté de la presse n'existe pas, la liberté d'opinion n'existe pas...
R.- Je suis assez partagée, je vais vous dire pourquoi...
Q.- Alors dites-moi pourquoi...
R.- Je vais vous dire pourquoi. Je ne sais pas si c'est partagé par l'ensemble, mais en tout cas c'est ma pensée.
Q.- Allez-y...
R.- Je pense que dans les pays du Maghreb en général, nous avons un gros problème, et on le sait tous, il y a la montée des islamistes. Et je pense qu'il ne faut pas ouvrir des feux tout le temps et partout, je crois, au contraire, qu'il faut aider les régimes qui existent tout de suite, qui sont aussi des régimes démocratiques, attention, et qui font un certain travail pour résister à cette montée fascisante, qu'il faut combattre parce qu'elle est à la porte de l'Europe. Et je crois qu'on gagnerait à être solidaires, justement, de ces régimes-là.
Q.- Bien. Faire travailler les seniors, c'est bien de vouloir faire travailler les seniors ?
R.- Ecoutez, autour de moi, je n'ai que des seniors qui veulent travailler...
Q.- Qui veulent travailler ?
R.- Oui, qui ont envie de continuer à être actifs. On est dans une situation où on parle de quatrième âge, et donc, du coup, partir à la retraite trop tôt, ça paraît bizarre, ils ont envie aussi...
Q.- Permettre le cumul retraite-salaire après le départ ?
R.- Oui, c'est ça aussi, augmenter son pouvoir d'achat.
Q.- Vous êtes totalement favorable ?
R.- Oui, en tout cas pour les personnes qui sont physiquement...
Q.- Il faut de l'audace, il faut aller plus loin ?
R.- Oui, mais moi je pense que la société évolue, il faut évoluer avec. Evidemment qu'il faut être sensible et attentif aux personnes les plus fragilisées, il faut tenir compte, justement, des personnes qui, peut-être, physiquement, ne peuvent, donc il faut mettre en place des dispositifs. Mais à côté de ça, je ne pense pas qu'il faille empêcher les gens qui ont envie de travailler et qui sont physiquement assez costauds pour y aller.
Q.- Quarante et un de cotisations, vous y êtes favorable ?
R.- Oui, j'y suis favorable mais je mettrais un bémol. Je suis en train de réfléchir en fait, je pense par exemple aux personnes qui travaillent, qui ont des métiers pénibles, j'y regarderai à deux fois. Mais sinon, globalement, je suis favorable à cette mesure, oui.
Q.- Bien. La loi de modernisation sociale (sic)- on vient tout doucement aux banlieues...
R.- Oui.
Q.- Vous voyez, j'aime votre liberté de ton. La loi de modernisation sociale (sic), on nous dit qu'il faut absolument, pour encourager la concurrence, faciliter la création de grandes surfaces. Le problème, c'est que dans les banlieues, les grandes surfaces, il y en a de moins en moins parce qu'elles ferment toutes.
R.- Oui, mais on est en train de se battre pour qu'elles reviennent et qu'elles s'installent...
Q.- Mais qu'est-ce que vous allez faire pour qu'elles reviennent et pour qu'elles s'installent ?
R.- D'abord, il faut sécuriser les quartiers, la réalité elle est là, les personnes qui partent, les petits commerces aussi qui s'installent et qui ne restent pas, c'est parce qu'il n'y a pas de sécurité dans certains endroits, pas partout...
Q.- Oui, pas partout.
R.- Attention à l'amalgame. Donc, je pense qu'il faut d'abord passer par la sécurisation des espaces pour permettre...
Q.- Mais on fait comment, la sécurisation ?
R.- Les unités territoriales qui ont été mises en place participent justement à sécuriser ces secteurs...
Q.- La police de proximité...
R.- Appelons-la comme on veut, mais en tout cas, l'unité territoriale, l'essentiel, c'est qu'elle soit présente.
Q.- Personne ne veut en parler mais c'est comme ça, il y a des mots qui fâchent maintenant dans ce monde dans lequel on vit : "rigueur", "police de proximité" ...
R.- Non, j'ai toujours dit "je veux que la police"... la police, c'est un service public et les gens des cités méritent autant que les autres.
Q.- Evidemment ! Avant d'aborder votre plan, Beethoven, vous souhaitez qu'on interdise l'usage de Beethoven ?
R.- Complètement.
Q.- Oui, complètement ?
R.- Ben oui !
Q.- Ce sont des appareils à ultrasons destinés à faire fuir les jeunes...
R.- Oui, faire fuir la jeunesse.
Q.- Vous demandez une interdiction ?
R.- Ah oui ! Moi, je suis pour l'interdiction. Je pense qu'à un moment donné, mettre en place ce type d'outil, c'est bizarre quand même, c'est une drôle de société quand même. Je pense qu'on a les moyens de pouvoir plutôt dialoguer avec la jeunesse et de leur dire..., de leur mettre des cadres, des règles, plutôt que d'aller chercher des outils qui font peur, parce que je pense qu'on est dans des dérives. Moi, ça me heurte moi, voilà, ça me heurte beaucoup.
Q.- Je le sens. Vous avez regardé N. Sarkozy jeudi soir ?
R.- Bien sûr.
Q.- Franchement, vous n'étiez pas à un spectacle vous jeudi soir ?
R.- Non, pas du tout.
Q.- Parce que d'autres y étaient... question toute simple : est-ce que vous avez constaté que le président de la République n'avait pas dit un mot sur les banlieues ?
R.- Oui, j'ai constaté mais cela ne m'a pas heurtée.
Q.- Cela ne vous a pas heurtée, pourquoi ?
R.- Non. D'abord, parce qu'il a abordé beaucoup de sujets...
Q.- Parce que moi je me souviens la promesse de campagne de N. Sarkozy...
R.- Mais vous ne me laissez même pas terminer !
Q.- Allez-y Fadela, allez-y, pardon !
R.- D'abord, parce qu'il a abordé beaucoup de sujets, et je pense que le président de la République a voulu rassurer les Français et les Françaises, d'abord sur les réformes qui vont continuer, et puis surtout, aussi, sur la politique du pouvoir d'achat. Je pense que ça, c'était primordial, et je trouve qu'il a très bien réussi et il a très bien parlé, il a très bien rassuré.
Q.- Vous êtes totalement d'accord avec tout ce qu'il a dit, donc, jeudi soir ?
R.- Non, pas tout, pas tout, tout, tout...
Q.- C'est-à-dire ? Sur quel terrain, vous n'êtes pas tout à fait d'accord ?
R.- J'aurais souhaité qu'il parle un petit peu des quartiers, dans le sens où il nous dise que ça avance bien et qu'il soutient bien le programme pour les banlieues. Mais ça, c'est personnel, c'est un peu ma sensibilité, ma susceptibilité de femme qui n'est pas encore tout à fait politique.
Q.- Pas tout à fait politique, est-ce que vous le deviendrez ? Ça, nous verrons...
R.- Ça, c'est l'opinion qui jugera.
Q.- Promesse de campagne de N. Sarkozy : mettre en place un véritable plan Marshall afin de se concentrer sur la formation et l'emploi de 250.000 jeunes de banlieue, c'était sa promesse. Alors, vous nous annoncez votre plan, 45.000 jeunes sont concernés.
R.- 45.000 pour le contrat autonomie. A côté de ça, on a...
Q.- Pour le contrat autonomie, oui mais c'est le contrat majeur...
R.- Oui, mais à côté de ça, on a...
Q.- 38 % des 16-25 ans, vous le savez mieux que moi, sont au chômage dans les banlieues, 38 % ! Alors vous mettez en place ce contrat qui va concerner 45.000 jeunes, c'est très simple, j'explique mais vous allez expliquer beaucoup mieux que moi, vous allez compléter et surtout me corriger si je dis des bêtises...
R.- D'accord.
Q.- C'est très simple, je suis un jeune de banlieue, je ne sais pas trop bien m'exprimer, je ne sais pas présenter mon CV, je ne sais pas me présenter. Quelqu'un me prend en charge pendant six mois, me "coache" en quelque sorte, et ensuite me conduit chez un employeur et m'accompagne, c'est ça l'idée ?
R.- L'idée c'est ça, c'est-à-dire qu'en fait, on a... Vous l'avez souligné, il y a trop de jeunes qui sont en situation de demande d'emploi dans les quartiers, nous avons deux fois plus de chômage dans nos cités. L'idée, en fait, c'est d'être extrêmement volontaire et efficace, et donc le contrat autonomie a été mis en place pour 45.000 jeunes sur une période de trois ans. Il concerne des jeunes de moins de 26 ans, voire peut-être 30 ans aussi, suivant les situations. Et l'idée, en fait, c'est que nous avons donc des organismes de placement, des contrats avec organismes de placement publics ou privés avec le jeune. Ce n'est pas un contrat aidé...
Q.- C'est-à-dire le jeune est pris en main par...
R.- Il est pris en charge totalement.
Q.-...Par une société, qu'elle soit privée ou publique ?
R.- Voilà, exactement. Il est pris en charge pour être "coaché", pour réapprendre les codes de l'entreprise, etc., et pour être placé. Une fois qu'il est placé...
Q.- Les codes de l'entreprise, c'est-à-dire apprendre à se présenter, apprendre à être poli, apprendre à rédiger un CV, apprendre à travailler, apprendre à s'exprimer correctement.
R.- Oui. Mais l'idée nouvelle c'est que là, pour le coup, on était dans une logique d'obligation de moyens, et aujourd'hui on est vraiment dans une logique d'obligation de résultat. Je m'explique : on a beaucoup de jeunes qui ne sont pas inscrits à l'ANPE, et donc ils vont aller...
Q.- Mais dites-moi, c'est un échec monumental de l'ANPE et de l'Education nationale ça, non ?
R.- Non, je pense que c'est beaucoup plus compliqué. Ce serait trop facile pour moi de dire ça, en réalité, parce que moi je suis passée par ces périodes-là, donc je sais exactement comment ça se passe, je pense que c'est beaucoup plus difficile. Les missions locales et les ANPE font un vrai travail, le problème c'est que nous avons des gamins qui échappent complètement à tous les dispositifs. Et donc, il faut aller les chercher dans les cages d'escalier. Je sais que des fois, ça amuse certains, "obligation de résultat"...
Q.-...Les tirer par le bras et leur dire "viens avec moi !" ?
R.- Non, non, ça ne se passe pas comme ça. Il faut qu'on soit présent au coeur des cités pour aller les chercher, parce que ce sont des jeunes qui, souvent, ont perdu espoir en l'avenir, et donc ils ne se projettent pas, ni dans un travail ni dans une formation pour ceux qui n'ont pas de qualification. Donc l'idée, c'est vraiment d'aller les chercher là où ils sont, de les faire rentrer dans ce dispositif et puis d'arriver à faire en sorte, une fois placés, de les suivre pendant six mois pour éviter qu'ils ressortent. Et donc, on est vraiment extrêmement volontaristes là. Moi, j'ai la volonté, la détermination, avec le président de la République et tout le Gouvernement, à diviser par deux le chômage dans les quartiers. Et paradoxalement, nous sommes dans une situation où vous avez des métiers en tension dans notre pays, c'est-à-dire que vous avez des entreprises qui n'arrivent pas, en réalité, à pourvoir justement les marchés parce qu'elles n'ont pas de main-d'oeuvre, elles manquent de main-d'oeuvre. Donc il va falloir rapprocher cette jeunesse des quartiers aussi avec les métiers qui sont en tension.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 avril 2008
R.- Pas de problème...
Q.- Attention aux couacs, parce que maintenant, j'imagine que quand vous allez participer à une émission de radio ou de télévision, vous faites très attention Fadela. On va regarder l'actualité et puis ensuite, nous entrerons dans votre sujet : les cités sensibles, les banlieues. Le président de la République part pour la Tunisie, estce qu'il doit dire un mot public sur les droits de l'homme en Tunisie ?
R.- Je pense que le président de la République saura faire ce qu'il a à faire et au moment où il le souhaitera en réalité.
Q.- Oui, mais vous souhaitez qu'il intervienne sur les droits de l'homme en Tunisie ?
R.- Je vais vous dire très franchement : je pense que notre pays, à travers le monde, représente justement, et brille justement par la question des droits de l'homme. Je crois que rien que le fait d'être présent dans un pays suffit largement à poser le débat sur la question des droits de l'homme.
Q.- Je dis ça parce que c'est vrai qu'on parle beaucoup du Tibet, on parle beaucoup de la Chine, on s'engage pour défendre les droits de l'homme en Chine, mais on oublie qu'en Tunisie, tout près de chez nous, là où on va passer nos vacances d'ailleurs, la liberté de la presse n'existe pas, la liberté d'opinion n'existe pas...
R.- Je suis assez partagée, je vais vous dire pourquoi...
Q.- Alors dites-moi pourquoi...
R.- Je vais vous dire pourquoi. Je ne sais pas si c'est partagé par l'ensemble, mais en tout cas c'est ma pensée.
Q.- Allez-y...
R.- Je pense que dans les pays du Maghreb en général, nous avons un gros problème, et on le sait tous, il y a la montée des islamistes. Et je pense qu'il ne faut pas ouvrir des feux tout le temps et partout, je crois, au contraire, qu'il faut aider les régimes qui existent tout de suite, qui sont aussi des régimes démocratiques, attention, et qui font un certain travail pour résister à cette montée fascisante, qu'il faut combattre parce qu'elle est à la porte de l'Europe. Et je crois qu'on gagnerait à être solidaires, justement, de ces régimes-là.
Q.- Bien. Faire travailler les seniors, c'est bien de vouloir faire travailler les seniors ?
R.- Ecoutez, autour de moi, je n'ai que des seniors qui veulent travailler...
Q.- Qui veulent travailler ?
R.- Oui, qui ont envie de continuer à être actifs. On est dans une situation où on parle de quatrième âge, et donc, du coup, partir à la retraite trop tôt, ça paraît bizarre, ils ont envie aussi...
Q.- Permettre le cumul retraite-salaire après le départ ?
R.- Oui, c'est ça aussi, augmenter son pouvoir d'achat.
Q.- Vous êtes totalement favorable ?
R.- Oui, en tout cas pour les personnes qui sont physiquement...
Q.- Il faut de l'audace, il faut aller plus loin ?
R.- Oui, mais moi je pense que la société évolue, il faut évoluer avec. Evidemment qu'il faut être sensible et attentif aux personnes les plus fragilisées, il faut tenir compte, justement, des personnes qui, peut-être, physiquement, ne peuvent, donc il faut mettre en place des dispositifs. Mais à côté de ça, je ne pense pas qu'il faille empêcher les gens qui ont envie de travailler et qui sont physiquement assez costauds pour y aller.
Q.- Quarante et un de cotisations, vous y êtes favorable ?
R.- Oui, j'y suis favorable mais je mettrais un bémol. Je suis en train de réfléchir en fait, je pense par exemple aux personnes qui travaillent, qui ont des métiers pénibles, j'y regarderai à deux fois. Mais sinon, globalement, je suis favorable à cette mesure, oui.
Q.- Bien. La loi de modernisation sociale (sic)- on vient tout doucement aux banlieues...
R.- Oui.
Q.- Vous voyez, j'aime votre liberté de ton. La loi de modernisation sociale (sic), on nous dit qu'il faut absolument, pour encourager la concurrence, faciliter la création de grandes surfaces. Le problème, c'est que dans les banlieues, les grandes surfaces, il y en a de moins en moins parce qu'elles ferment toutes.
R.- Oui, mais on est en train de se battre pour qu'elles reviennent et qu'elles s'installent...
Q.- Mais qu'est-ce que vous allez faire pour qu'elles reviennent et pour qu'elles s'installent ?
R.- D'abord, il faut sécuriser les quartiers, la réalité elle est là, les personnes qui partent, les petits commerces aussi qui s'installent et qui ne restent pas, c'est parce qu'il n'y a pas de sécurité dans certains endroits, pas partout...
Q.- Oui, pas partout.
R.- Attention à l'amalgame. Donc, je pense qu'il faut d'abord passer par la sécurisation des espaces pour permettre...
Q.- Mais on fait comment, la sécurisation ?
R.- Les unités territoriales qui ont été mises en place participent justement à sécuriser ces secteurs...
Q.- La police de proximité...
R.- Appelons-la comme on veut, mais en tout cas, l'unité territoriale, l'essentiel, c'est qu'elle soit présente.
Q.- Personne ne veut en parler mais c'est comme ça, il y a des mots qui fâchent maintenant dans ce monde dans lequel on vit : "rigueur", "police de proximité" ...
R.- Non, j'ai toujours dit "je veux que la police"... la police, c'est un service public et les gens des cités méritent autant que les autres.
Q.- Evidemment ! Avant d'aborder votre plan, Beethoven, vous souhaitez qu'on interdise l'usage de Beethoven ?
R.- Complètement.
Q.- Oui, complètement ?
R.- Ben oui !
Q.- Ce sont des appareils à ultrasons destinés à faire fuir les jeunes...
R.- Oui, faire fuir la jeunesse.
Q.- Vous demandez une interdiction ?
R.- Ah oui ! Moi, je suis pour l'interdiction. Je pense qu'à un moment donné, mettre en place ce type d'outil, c'est bizarre quand même, c'est une drôle de société quand même. Je pense qu'on a les moyens de pouvoir plutôt dialoguer avec la jeunesse et de leur dire..., de leur mettre des cadres, des règles, plutôt que d'aller chercher des outils qui font peur, parce que je pense qu'on est dans des dérives. Moi, ça me heurte moi, voilà, ça me heurte beaucoup.
Q.- Je le sens. Vous avez regardé N. Sarkozy jeudi soir ?
R.- Bien sûr.
Q.- Franchement, vous n'étiez pas à un spectacle vous jeudi soir ?
R.- Non, pas du tout.
Q.- Parce que d'autres y étaient... question toute simple : est-ce que vous avez constaté que le président de la République n'avait pas dit un mot sur les banlieues ?
R.- Oui, j'ai constaté mais cela ne m'a pas heurtée.
Q.- Cela ne vous a pas heurtée, pourquoi ?
R.- Non. D'abord, parce qu'il a abordé beaucoup de sujets...
Q.- Parce que moi je me souviens la promesse de campagne de N. Sarkozy...
R.- Mais vous ne me laissez même pas terminer !
Q.- Allez-y Fadela, allez-y, pardon !
R.- D'abord, parce qu'il a abordé beaucoup de sujets, et je pense que le président de la République a voulu rassurer les Français et les Françaises, d'abord sur les réformes qui vont continuer, et puis surtout, aussi, sur la politique du pouvoir d'achat. Je pense que ça, c'était primordial, et je trouve qu'il a très bien réussi et il a très bien parlé, il a très bien rassuré.
Q.- Vous êtes totalement d'accord avec tout ce qu'il a dit, donc, jeudi soir ?
R.- Non, pas tout, pas tout, tout, tout...
Q.- C'est-à-dire ? Sur quel terrain, vous n'êtes pas tout à fait d'accord ?
R.- J'aurais souhaité qu'il parle un petit peu des quartiers, dans le sens où il nous dise que ça avance bien et qu'il soutient bien le programme pour les banlieues. Mais ça, c'est personnel, c'est un peu ma sensibilité, ma susceptibilité de femme qui n'est pas encore tout à fait politique.
Q.- Pas tout à fait politique, est-ce que vous le deviendrez ? Ça, nous verrons...
R.- Ça, c'est l'opinion qui jugera.
Q.- Promesse de campagne de N. Sarkozy : mettre en place un véritable plan Marshall afin de se concentrer sur la formation et l'emploi de 250.000 jeunes de banlieue, c'était sa promesse. Alors, vous nous annoncez votre plan, 45.000 jeunes sont concernés.
R.- 45.000 pour le contrat autonomie. A côté de ça, on a...
Q.- Pour le contrat autonomie, oui mais c'est le contrat majeur...
R.- Oui, mais à côté de ça, on a...
Q.- 38 % des 16-25 ans, vous le savez mieux que moi, sont au chômage dans les banlieues, 38 % ! Alors vous mettez en place ce contrat qui va concerner 45.000 jeunes, c'est très simple, j'explique mais vous allez expliquer beaucoup mieux que moi, vous allez compléter et surtout me corriger si je dis des bêtises...
R.- D'accord.
Q.- C'est très simple, je suis un jeune de banlieue, je ne sais pas trop bien m'exprimer, je ne sais pas présenter mon CV, je ne sais pas me présenter. Quelqu'un me prend en charge pendant six mois, me "coache" en quelque sorte, et ensuite me conduit chez un employeur et m'accompagne, c'est ça l'idée ?
R.- L'idée c'est ça, c'est-à-dire qu'en fait, on a... Vous l'avez souligné, il y a trop de jeunes qui sont en situation de demande d'emploi dans les quartiers, nous avons deux fois plus de chômage dans nos cités. L'idée, en fait, c'est d'être extrêmement volontaire et efficace, et donc le contrat autonomie a été mis en place pour 45.000 jeunes sur une période de trois ans. Il concerne des jeunes de moins de 26 ans, voire peut-être 30 ans aussi, suivant les situations. Et l'idée, en fait, c'est que nous avons donc des organismes de placement, des contrats avec organismes de placement publics ou privés avec le jeune. Ce n'est pas un contrat aidé...
Q.- C'est-à-dire le jeune est pris en main par...
R.- Il est pris en charge totalement.
Q.-...Par une société, qu'elle soit privée ou publique ?
R.- Voilà, exactement. Il est pris en charge pour être "coaché", pour réapprendre les codes de l'entreprise, etc., et pour être placé. Une fois qu'il est placé...
Q.- Les codes de l'entreprise, c'est-à-dire apprendre à se présenter, apprendre à être poli, apprendre à rédiger un CV, apprendre à travailler, apprendre à s'exprimer correctement.
R.- Oui. Mais l'idée nouvelle c'est que là, pour le coup, on était dans une logique d'obligation de moyens, et aujourd'hui on est vraiment dans une logique d'obligation de résultat. Je m'explique : on a beaucoup de jeunes qui ne sont pas inscrits à l'ANPE, et donc ils vont aller...
Q.- Mais dites-moi, c'est un échec monumental de l'ANPE et de l'Education nationale ça, non ?
R.- Non, je pense que c'est beaucoup plus compliqué. Ce serait trop facile pour moi de dire ça, en réalité, parce que moi je suis passée par ces périodes-là, donc je sais exactement comment ça se passe, je pense que c'est beaucoup plus difficile. Les missions locales et les ANPE font un vrai travail, le problème c'est que nous avons des gamins qui échappent complètement à tous les dispositifs. Et donc, il faut aller les chercher dans les cages d'escalier. Je sais que des fois, ça amuse certains, "obligation de résultat"...
Q.-...Les tirer par le bras et leur dire "viens avec moi !" ?
R.- Non, non, ça ne se passe pas comme ça. Il faut qu'on soit présent au coeur des cités pour aller les chercher, parce que ce sont des jeunes qui, souvent, ont perdu espoir en l'avenir, et donc ils ne se projettent pas, ni dans un travail ni dans une formation pour ceux qui n'ont pas de qualification. Donc l'idée, c'est vraiment d'aller les chercher là où ils sont, de les faire rentrer dans ce dispositif et puis d'arriver à faire en sorte, une fois placés, de les suivre pendant six mois pour éviter qu'ils ressortent. Et donc, on est vraiment extrêmement volontaristes là. Moi, j'ai la volonté, la détermination, avec le président de la République et tout le Gouvernement, à diviser par deux le chômage dans les quartiers. Et paradoxalement, nous sommes dans une situation où vous avez des métiers en tension dans notre pays, c'est-à-dire que vous avez des entreprises qui n'arrivent pas, en réalité, à pourvoir justement les marchés parce qu'elles n'ont pas de main-d'oeuvre, elles manquent de main-d'oeuvre. Donc il va falloir rapprocher cette jeunesse des quartiers aussi avec les métiers qui sont en tension.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 avril 2008