Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur l'accès à la culture dans le cadre hospitalier et les projets artistiques dans les hôpitaux, Strasbourg le 5 février 2001.

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Circonstance : Premières rencontres européennes de la culture à l'hôpital à Strasbourg le 5 février 2001

Texte intégral

Madame le Maire, Chère Catherine
Madame la Ministre, Chère Dominique
Monsieur le Ministre, cher Chris
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Présidents du comité d'honneur,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier les artistes lyriques qui viennent de nous offrir une uvre d'Aperghis ainsi que les organisateurs de l'exposition Autoportraits. Ils ont ouvert ainsi nos débats par un geste artistique fort.
C'est un grand plaisir pour moi de prendre la parole. Après vous avoir écoutés, je souhaite remercier Chris Smith qui a tenu à nous accompagner dans cette grande manifestation européenne sur la culture à l'hôpital.
Nos deux gouvernements considèrent que l'accès à la culture de l'ensemble de la population est une priorité, et ce n'est pas étonnant que nous nous retrouvions sur le thème de la culture à l'hôpital, lieu d'une des exclusions les plus douloureuses surtout lorsqu'elle est durable. Je sais que, dans d'autres fonctions, vous vous êtes déjà personnellement investi sur ces sujets.
Vous avez, dans vos interventions, les uns et les autres parfaitement exprimé ce que l'art et la culture peuvent apporter au milieu hospitalier.
Ces rencontres, les premières du genre, témoignent de l'originalité et du sens profond de cette démarche qui se développe depuis une dizaine d'années.
Elles doivent être pour nous, et je livrerai quelques suggestions à cet égard, l'occasion d'aller plus loin sur ce chemin novateur. Je suis heureuse, de constater l'affluence à ces Rencontres Européennes, et de la diversité des participants, venus souvent de si loin. - dix-sept nationalités représentées. Qu'un thème comme la culture à l'hôpital puisse à ce point mobiliser, témoigne, au delà des murs de l'hôpital, d'une demande forte de culture et d'art de la part de nos concitoyens qui souhaitent des liens plus étroits entre l'art et la vie.
Tout cela, c'est d'abord aux artistes que nous le devons car ils ont souvent précédé l'engagement des gouvernements et des institutions.
En France, mais aussi dans d'autres pays, ce sont les artistes qui ont été présents dans les hôpitaux. Des associations comme le Rire Médecin, les Musicoliers, Enfance et Musique ont fait la preuve que l'artiste avait sa place à l'hôpital. En intervenant auprès des malades, ces musiciens, ces comédiens, ces plasticiens sont certes animés par le désir d'être utiles et impliqués dans la vie de la cité, mais je crois que c'est aussi et surtout la démarche artistique qui les motive. Une démarche qui garde ses exigences et ses spécificités. Et cette approche, cet échange me paraissent essentiels.
Les salles de spectacle ou d'exposition ne suffisent pas à l'expression de leur art. Ils éprouvent la nécessité d'être présents également dans des espaces où le rapport avec le public pourra prendre une dimension différente, inusitée et parfois dérangeante et toujours riche et féconde. Souvent les artistes expriment ce besoin d'être confrontés à d'autres situations que celles des lieux traditionnels de la culture. Ils sont nombreux à témoigner du rôle spécifique que joue leur intervention à l'hôpital dans le processus même de la création. Ici à Strasbourg, au cours de ces deux journées, certains d'entre eux, je crois, rendront compte de leur expérience.
Il sera très éclairant d'écouter les raisons pour lesquelles ils choisissent d'intervenir dans les hôpitaux, les chemins divers qui les y ont amenés, et ce que cela peut apporter, non seulement aux personnes qu'ils y rencontrent, mais à eux-mêmes, dans leur démarche de création.
Et puis, avec les artistes il y a les personnels des hôpitaux, personnels d'encadrement, médecins, infirmières, enseignants : la réussite d'un travail artistique à l'hôpital n'est possible qu'avec eux tous, par une collaboration étroite entre artistes et personnels soignants. Je tiens à saluer leur engagement, qui est indispensable. Eux aussi peuvent se sentir reclus par nécessité dans l'univers hospitalier et souhaiter comme les malades une présence culturelle qui ouvre sur le monde du dehors et qui fait que l'hôpital redevient une partie de la cité tout comme la cité fait partie intégrante de l'hôpital.
Les pouvoirs publics, aujourd'hui, entendent accompagner ce mouvement. Le rôle d'un ministère c'est de prendre en compte ces mouvements nés du terrain, de leur donner la reconnaissance dont ils ont besoin, et de les aider.
L'hôpital est dans la ville, un lieu où l'homme vit dans une autre relation avec le temps et avec lui-même. C'est peut-être parce qu'il est dans un moment de fragilité, de rupture avec le rythme ordinaire des actifs, qu'il peut s'ouvrir à des curiosités nouvelles, découvrir sa propre sensibilité et s'ouvrir à des relations parfois durables pour des rencontres esthétiques.
Nous avons travaillé sur ces questions depuis quelques années.
En 1998, Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture lançait aux côtés de Bernard Kouchner le programme " culture à l'hôpital ", exprimant ainsi la volonté des deux ministères et de dix grandes entreprises privées de développer les projets artistiques dans les hôpitaux.
Une relation nouvelle se créait alors avec le monde de l'entreprise : secteur public et secteur privé s'associaient pour cette opération - une démarche qui mérite d'être saluée, il faut le signaler, car inhabituelle en France sur ces sujets, mais qui s'est révélée très fructueuse comme en témoigne la présence aujourd'hui à nos côtés de plusieurs grandes entreprises, que je tiens à remercier de leur implication. L'année suivante, en 1999, les mêmes ministres se retrouvaient pour signer la première convention nationale entre les deux ministères.
Et que dit-elle cette convention ? Elle pose les bases de la rencontre entre le milieu hospitalier et le milieu culturel, en favorisant de véritables échanges entre l'hôpital et son environnement culturel .: Ainsi s'impose aujourd'hui la notion de jumelage, c'est-à-dire le partenariat construit entre un hôpital et un théâtre, ici un musée, là une bibliothèque ou un monument historique proches. Ces jumelages s'accompagnent d'un projet artistique au sein de l'hôpital, pour lequel l'équipement culturel extérieur joue un rôle de conseil ou plus directement d'opérateur intervenant.
Cette idée de jumelage remporte un véritable succès : plus d'une centaine existent aujourd'hui, concernant toutes les disciplines artistiques et tous les types d'établissements de soins, dans de nombreuses régions. Beaucoup de leurs responsables sont présents ici aujourd'hui.
J'ai pu constater par moi-même, lors d'un déplacement rapide à l'hôpital Robert-Debré dans le 19ème arrondissement de Paris, la force et la qualité de cet engagement, qu'il s'agisse du travail accompli dans le cadre du jumelage avec la Galerie du Jeu de paume à l'occasion de l'exposition Chaissac ou de l'atelier de percussions qu'anime l'association Musique et Santé avec la Cité de la Musique.
Je peux citer également la démarche de l'écrivaine Sophie Rostaing à l'hôpital de Bayonne et le travail de collecte et de restitution de la parole par une compagnie théâtrale qui y a été effectué, de façon à ce que soient exprimés " le dit et le non-dit " de la vie hospitalière ou bien encore le travail de José Montalvo à l'hôpital de la Verrière.
Enfin, parce qu'il me faut me limiter à quelques exemples, je tiens à saluer le travail accompli par le Centre des monuments nationaux, ici en Alsace, à partir de la découverte du Château du Haut-Koeningsbourg. A travers cette belle idée de " la découverte du secret de la fenêtre ", de l'intérieur et de l'extérieur, avec les enfants hospitalisés à Colmar et à Sélestat qui sont invités à une exploration, par le récit, l'écriture, la musique et les arts plastiques qui va du Moyen-Age à aujourd'hui.
La lecture, activité très importante à l'hôpital, est elle aussi très prisée : la convention détermine les normes qui prévalent à l'installation de vraies bibliothèques avec de vrais bibliothécaires dans les hôpitaux, et elle encourage les relations entre les bibliothèques d'hôpitaux et les bibliothèques municipales. Autant les bibliothèques d'hôpitaux ont su se mettre en réseau, autant les relations avec les bibliothèques municipales restent encore largement à bâtir.
Aucune politique culturelle ne peut réussir si elle n'est pas accompagnée par des professionnels : c'est une vraie question pour l'hôpital, où, jusqu'à peu, il n'existait pas de personnel qualifié pour coordonner les projets culturels.
La convention répond à cette difficulté en instaurant la fonction de responsable culturel hospitalier. C'est un nouveau métier, dont la création répond aux besoins nouveaux, aux ambitions nouvelles de notre société. Quatre-vingts responsables culturels hospitaliers ont été formés en deux ans, beaucoup d'ailleurs sont dans cette salle et je les félicite de s'être engagés dans cette nouvelle fonction aux contours, encore en gestation, mais certainement riche d'avenir.
Les grandes lignes sont donc posées et les résultats visibles : il faut qu'aujourd'hui nous puissions poursuivre l'action, l'amplifier, pour rendre habituelle et familière la présence de l'art à l'hôpital.
Je pense que nous avons tous intérêt à mieux diffuser, mieux faire connaître la richesse des interventions en milieu hospitalier. Ces Rencontres de Strasbourg vont, largement y contribuer.
Dans leur prolongement, je propose que soit organisée chaque année, en France mais aussi dans les pays qui en seraient d'accord, des journées de l'art à l'hôpital : donner l'occasion aux très nombreux projets culturels dans les hôpitaux de se faire largement connaître dans leurs murs et hors de leurs murs. Ces journées pourraient se tenir au printemps, au moment où les projets, initiés à l'automne, arrivent à maturité dans les établissements hospitaliers. Je pense qu'une telle initiative, qui pourrait se concrétiser à partir de 2002, serait de nature à donner une réelle reconnaissance aux artistes, aux responsables culturels, au personnel soignant impliqués dans ces projets aujourd'hui insuffisamment connus.
Je suis consciente également de la nécessité de faire en sorte que ces projets trouvent leur financement. C'est pourquoi, j'ai demandé aux directions régionales des affaires culturelles, qui comme vous le savez, sont chargées du suivi de ces programmes spécifiques, d'être particulièrement attentives aux projets culturels et artistiques dans les hôpitaux et de les soutenir financièrement autant que possible.
Par ailleurs, je leur demanderai également, à l'exemple de certains d'entre eux, en Picardie, en Rhône-Alpes ou en Midi-Pyrénées, de négocier, avec les agences régionales de l'hospitalisation, des conventions qui permettent d'assurer un financement commun.
Je voudrais pour terminer, remercier et féliciter les artistes qui nous accompagnent et qui, je le redis, nous ont souvent précédé dans ces actions. Je salue aujourd'hui avec plaisir l'action de Mathilde Monnier, Helena Vassilieva, Jane Birkin, Howard Buten, Nicolas Frize, José Montalvo, Serge Hureau et tant d'autres ici présents, et je cède la parole aux deux Présidents du comité d'honneur, M. Peter Senior et M. Didier Sicard.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 février 2001)