Texte intégral
N. Iannetta et L. Bazin N. Iannetta : L'invité politique ce matin, c'est le secrétaire d'Etat à l'Emploi, L. Wauquiez. Quarante-et-une annuités, voilà. X. Bertrand et vous-mêmes avez dit, hier, "c'est non négociable", et les syndicats ont répondu, "c'est non" tout court. Comment on fait ?
D'abord, il faut expliquer pourquoi c'est non négociable, parce qu'en 2003, le principe avait déjà été acté.
N. Iannetta : A des conditions.
A des conditions qui étaient de dire : "est-ce que les choses ont changé ?". Or, les choses n'ont pas changé, elles se sont même plutôt dégradées.
L. Bazin : Il y avait une autre condition, c'était que l'emploi des seniors en France s'améliore.
Il y avait une autre condition qui était de dire qu'au niveau de l'emploi des seniors, il fallait qu'on mette en place un plan d'action et de ce point de vue c'est précisément pour ça que, hier, l'emploi des seniors était aussi au coeur dur rendez-vous.
N. Iannetta : Alors, ça, on va en reparler, mais sur le côté non négociable et les syndicats qui vous disent, "nous, c'est non, c'est même la peine d'en discuter, c'est non, on se réunit ce soir, on va décider d'un mot d'ordre", est-ce que vous craigniez la mobilisation ?
Je ne crains pas la mobilisation parce que je pense... Enfin, d'abord, oui, et c'est normal qu'à un moment, les partenaires sociaux, qu'il y ait aussi des points de tension, parce qu'il y a un moment où chacun assume ses responsabilités. Nous, nos responsabilités c'est de dire que si on ne fait rien à horizon 2012, c'est 11 milliards d'euros de déficit, le régime de retraite, ce qui veut dire qu'on arriverait à un stade où on mettrait en péril l'avenir de la retraite par répartition dans ce pays. Donc, ça, c'est de notre responsabilité. Après, et le Président de la République l'a très bien dit, on comprend bien que ce ne sont pas des décisions faciles, ni des décisions démagogiques, ni des décisions qui font plaisir.
L. Bazin : Alors, qu'est-ce qui est négociable ? Voilà ce qu'on veut entendre.
Alors, qu'est-ce qui est négociable et quels sont les points sur lesquels la table est totalement ouverte ? Précisément, le plan sur l'emploi des seniors. L'emploi des seniors , c'est un sujet qui est évidemment lié à la question des retraites parce qu'on ne peut pas à la fois allonger la durée de cotisations et se retrouver comme c'est aujourd'hui...
L. Bazin : ... et ne pas permettre aux gens de travailler 41,5 annuités ou 41 ou 42 après-demain.
N. Iannetta : Voilà, les mettre à la porte à 55 ans.
Exactement ! Or, la France là-dessus, il faut le dire, est victime d'une hypocrisie depuis plus de trente ans où on a exclu tacitement, et tout le monde confondu, les politiques, les partenaires sociaux, les entreprises, les seniors du marché de l'emploi parce que ça nous arrangeait.
N. Iannetta : On ne les considère même plus comme des demandeurs d'emploi à partir de 57 ans.
Exactement ! Et là, ce que je veux dire très solennellement -, on pourra peut-être revenir sur le détail des mesures -, c'est que la porte est totalement ouverte avec les partenaires sociaux. On a proposé un groupe de travail qui se mettra en place dans le courant du mois et pour avoir des séances de travail communes à partir de la première moitié du mois de juin, et on est totalement ouverts pour prendre des propositions de la part des partenaires sociaux sur cette question qui est un vrai défi de société. Donc, il y a un point sur lequel, c'est vrai, on dit, "on prend chacun nos responsabilités", mais il y a un terrain sur lequel la négociation reste totalement ouverte.
N. Iannetta : Alors, il y a une échéance que vous avez fixée, en dehors de 2012, c'est 2010, justement pour cet emploi des seniors. 2010, si les entreprises n'ont pas ouvert de négociations pour améliorer l'emploi des seniors dans leur secteur, il y aura des sanctions. On peut employer ce mot, "sanctions" ou pas ?
Bien sûr ! Je l'assume complètement. Je voudrais expliquer pourquoi, au niveau des cotisations sur les retraites et de l'allongement de la durée de cotisations, on demande un effort aux salariés. Cet effort, il doit être partagé. L'effort qu'on demande de l'autre côté aux entreprises, c'est de s'investir vraiment sur tout ce qui est l'emploi des seniors.
N. Iannetta : "Ce n'est pas possible, vous répond L. Parisot, et 2010 c'est trop tôt".
On va en reparler. Quels sont les efforts qu'on a demandés aux entreprises ? Le premier qu'on leur a dit, c'est qu'avant elles utilisaient des préretraites, très commodes, vous faites sortir les gens au fur et à mesure, comme ça vous rajeunissez votre pyramide des âges au sein de votre entreprise. On a taxé à mort les préretraites pour sortir de cet outil de gestion des ressources humaines qui aboutit à des massacres. Moi, je l'ai vu quand je suis allé à Lille, on a des gens qui se sont retrouvés sur le carreau à 56, 57 ans, 58 ans...
L. Bazin : ... vous avez passé une journée à l'Unedic, aux Assedic.
N. Iannetta : Oui, presque incognito, il paraît.
Oui, enfin, en tout cas j'ai essayé de faire ça effectivement sans plein de caméras tout autour, en prenant le temps, pendant une journée de comprendre ce qu'était le parcours d'un demandeur d'emploi, et j'ai notamment rencontré un demandeur d'emploi senior qui m'explique que tout simplement pour lui quand il présente son CV, c'est même pas la peine. Quand il y a 58 ans dessus, il n'y a plus personne qui regarde. Donc, d'abord, ce qu'on a fait sur les entreprises : taxer les préretraites. La deuxième chose, c'est qu'on augmente les cotisations retraites et ça, c'est dès cette année pour assurer l'équilibre financier du régime. Et le troisième, c'est qu'il y a ce que vous évoquez, on laisse uniquement un an et demi pour signer des accords de branches et à l'arrivée, il y aura des sanctions. Donc, l'effort est bien réparti, on demande effectivement un effort sur 41 ans, mais on demande aussi un effort aux entreprises qui est très clair.
N. Iannetta : Mais quand L. Parisot vous dit, "ce n'est pas possible, c'est trop tôt", le MEDEF ne veut pas ?
Cela fait dix ans qu'on nous dit sur l'emploi des seniors, "laissez-nous un peu de temps, ne vous inquiétez pas, on va finir par faire quelque chose". Ça suffit !
N. Iannetta : Donc, vous dites à L. Parisot : "c'est trop tard".
Non, on dit juste, maintenant...
N. Iannetta : ... "ça y est ! Maintenant, il faut aller !".
On dit : "maintenant, ça suffit !". Et je voudrais prendre des exemples pour qu'on comprenne de quoi on parle. Avant, la logique, et c'est cette révolution culturelle qu'il faut que l'on fasse, par exemple commercial. Un commercial, c'est nécessairement quelqu'un qui a entre 30 et 40 ans. Il y a des entreprises qui fonctionnent différemment. Atoll et Grand Optical, qui font par exemple les verres sur la presbytie, ils se sont aperçus que, au contraire, les gens préféraient avoir, quand on a un certain âge, avoir un commercial qui comprend ce que vous vous avez, quels sont vos problèmes. Et donc, ils ont fait un plan de recrutement pour conserver des commerciaux qui sont des commerciaux seniors. ça marche très bien, c'est un bon accord de gestion des ressources humaines. C'est typiquement ce que je veux voir développer sur le terrain systématiquement. Deuxième exemple : Air France. Ils ont mis en place des accords de tutorat pour faire en sorte que leurs personnels qui sont seniors puissent transmettre l'expérience aux jeunes qui rentrent dans l'entreprise. C'est cela que je veux voir dans les têtes, c'est-à-dire on ne force pas les entreprises à prendre des seniors, il faut que tout le monde comprenne que c'est une chance d'avoir des seniors dans une entreprise.
L. Bazin : Mais on sanctionnera celles qui s'en séparent trop tôt. Disons ça comme ça !
Exactement ! Parce qu'il y a un moment où il faut siffler la fin de la récréation.
L. Bazin : Il y a un certain nombre de points, on va les voir un peu plus vite, pardon. D'abord, et c'est important, la CGT en parle fort, est-ce que vous êtes pour le déplafonnement du cumul emploi/retraite ? Le déplafonnement, aujourd'hui, c'est simple : on a travaillé pour un salaire donné, on a une retraite donnée, on peut au bout de six mois reprendre un emploi mais le total retraite et emploi ne doit pas dépasser ce que vous gagniez avant.
Alors, au niveau du cumul emploi/retraite, c'est un des choix importants qui ont été faits par le Président de la République, c'est de dire on libéralise, c'est-à-dire on donne de la liberté de choix. Vous avez le choix soit de faire effectivement du cumul emploi/retraite. On va simplifier, aujourd'hui, vous l'évoquez, il y a plein de règles, il faut attendre six mois pour pouvoir retravailler dans la même entreprise, etc., on va simplifier, simplicité de choix complète. La deuxième option qu'on va ouvrir, c'est qu'aujourd'hui, si vous travaillez plus longtemps, cela n'a quasiment aucun impact sur votre niveau de pension et de retraite. Là, chaque année de plus que vous ferez - c'est une proposition, on peut encore en discuter avec les partenaires sociaux -, on a améliorera votre pension de 5 % chaque année. Au bout de trois ans, par exemple, de plus, ça fait +15 % au niveau de votre retraite. Ça commence à devenir vraiment intéressant.
N. Iannetta : Oui, mais vous entendez ce que disent aussi les syndicats, ils disent : "le seul moyen de vivre décemment c'est donc de cumuler un emploi avec sa retraite". Eux, ils disent : "quand on a travaillé toute sa vie on a le droit à une retraite décente". Augmentez les retraites, Monsieur Wauquiez.
C'est bien pour ça que, sur le cumul emploi/retraite, je ne veux pax l'ouvrir pour des gens qui n'ont pas réussi à boucler leur retraite. Pourquoi ? Parce que sinon qu'est-ce qu'on va voir se développer ? On va voir se développer le système...
L. Bazin : ... on va avoir des salariés retraités de 75 ans.
Exactement.
N. Iannetta : Eh oui ! C'est un risque. L. Bazin : Comme aux Etats-Unis.
Et on va voir se développer le système britannique où vous avez une retraite de misère et du coup vous êtes obligé de travailler à côté, et je ne veux pas que ce cumul emploi/retraite devienne un palliatif à cette situation-là. Donc, il faut quand même bien encadrer.
L. Bazin : Cela doit être encadré et limité. La pénibilité, c'est un dossier très important. Cela fait trois ans, X. Bertrand l'a rappelé, hier, que les syndicats travaillent dessus. Même plus. L. Bazin : Il a dit hier, "on siffle la fin de - c'était pas une récréation, en l'occurrence -, mais de la discussion, et on prendra nos responsabilités". Qu'est-ce que ça veut dire en termes d'emploi ?
D'abord, il faut bien avoir en tête la réalité, c'est qu'il y a certains secteurs où vous pouvez travailler plus longtemps, apparemment en politique on peut durer très longtemps, selon certains.
N. Iannetta : Oui, on en connaît beaucoup.
Il y a des domaines qui sont beaucoup plus durs. Quand vous êtes maçon en Haute-Loire à partir de 50-55 ans, surtout si vous avez commencé tard, ça devient très dur. Donc, les accords sur la pénibilité, effectivement, les partenaires sociaux visiblement ont beaucoup de mal à aboutir. Cela fait trois ans qu'on en parle.
L. Bazin : Donc, qu'est-ce que vous allez faire ?
Donc, le discours très clair et le choix très clair fait par X. Bertrand, hier, c'est de dire, "il reste un mois, vous avez un dernier rendez-vous, qu'on respecte, qui est fin mai".
L. Bazin : Et après, qu'est-ce qui se passe ?
Et après, "si jamais vous n'avez pas conclu d'accord, le gouvernement prend ses responsabilités et fera lui-même un accord".
L. Bazin : Donc il y aura un projet de loi sur la pénibilité si les syndicats ne tombent pas d'accord le mois prochain ?
En tout état de cause, on veut que la pénibilité devienne un sujet concret, et plus seulement un sujet de négociation, avant le début de l'été.
N. Iannetta : La fusion ANPE-Unedic, il va falloir la mettre en place maintenant sur le terrain. Est-ce que vous tenez sur ces fameuses conditions pour accepter un emploi pour les chômeurs ?
Alors, c'est intéressant et d'ailleurs c'est bien de le remettre en perspective comme ça. On fait la fusion ANPE-Assedic, ce n'est pas seulement mettre un toit administratif par-dessus deux administrations, c'est faire en sorte qu'on améliore le service public de l'emploi, que vous ayez dès le premier mois un vrai entretien, que ce soit toujours la même personne qui vous suive. Des choses aussi concrètes, parce que je m'en suis rendu compte en y allant, que mettre à disposition un ordinateur dans lequel vous pouvez faire des candidatures avec des emails, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas dans les ANPE-Assedic, avoir une vraie offre de formation, parfois un coach pour vous accompagner.
N. Iannetta : Une fois qu'on a tout ça, on est obligé d'accepter les offres qu'on nous propose, c'est ça que vous êtes en train de nous dire ?
Non.
N. Iannetta : On vous met tout à disposition, donc soyez sympa !...
Ce que je suis en train de dire, c'est que je veux renforcer l'accompagnement du demandeur d'emploi, faire du sur mesure. Donc on va renforcer l'accompagnement du service public de l'emploi, mais la contrepartie, c'est que j'ai aussi besoin qu'il y ait des engagements dans les deux sens qui soient pris et que quand on met une offre, qui est une offre raisonnable d'emploi, le demandeur d'emploi l'accepte.
L. Bazin : J'ai une dernière question, c'est un cas très concret, ça va se passer aujourd'hui au comité d'entreprise de Peugeot Motocycles. Peugeot Motocyles, c'est encore deux usines en France, une à Dannemarie et l'autre à Mandeure, le Doubs et le Haut-Rhin. Voilà ce que dit le patron de Peugeot Motocycles à ses salariés : "j'ai l'occasion de délocaliser à Taiwan pour 10 % de moins en coût de production. Je suis d'accord pour maintenir les usines ici à condition que vous renonciez à onze jours de RTT". Est-ce que c'est une façon de faire ?
C'est très difficile de juger ce genre de chose a priori. J'ai envie de dire que là...
L. Bazin : ...Sur le principe ?
Non, je voudrais voir l'accord directement, mais je vais vous donner une réponse quand même. Je trouve que sur le principe, le fait de dire qu'on préfère garder les emplois plutôt que les RTT, ça me semble plutôt quelque chose de bon sens. Mais là où j'allume quand même une petite lampe rouge, attention à ce que ça ne devienne pas un chantage. Il faut vraiment que ce soit sur des bases qui soient très étayées...
L. Bazin : Pardon, mais la limite est quand même...
...Elle est très ténue.
L. Bazin : ... Etroite, ténue.
C'est bien pour ça qu'il faut voir l'accord, la réalité de ce qui est derrière. Est-ce que c'est juste un coup de bluff, est-ce que c'est, au contraire, quelque chose qui est très sérieux ?
L. Bazin : Mais donc, sur le principe, l'idée qu'on demande à un salarié de renoncer à ce qui peut être considéré par certains comme acquis, la réduction du temps de travail, les 35 heures, même si ce n'est pas 35 heures effectives, c'est une annualisation du temps de travail pour garder son emploi, c'est un principe que vous validez ?
Non, je ne valide pas sur le principe précisément, parce que je pense que c'est vraiment quelque chose et une approche qui doit être très pragmatique. En Allemagne, ils font ce genre de chose. Attention à ce que cela ne donne pas lieu quand même à un dumping où on tire artificiellement les salaires vers le bas.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 avril 2008
D'abord, il faut expliquer pourquoi c'est non négociable, parce qu'en 2003, le principe avait déjà été acté.
N. Iannetta : A des conditions.
A des conditions qui étaient de dire : "est-ce que les choses ont changé ?". Or, les choses n'ont pas changé, elles se sont même plutôt dégradées.
L. Bazin : Il y avait une autre condition, c'était que l'emploi des seniors en France s'améliore.
Il y avait une autre condition qui était de dire qu'au niveau de l'emploi des seniors, il fallait qu'on mette en place un plan d'action et de ce point de vue c'est précisément pour ça que, hier, l'emploi des seniors était aussi au coeur dur rendez-vous.
N. Iannetta : Alors, ça, on va en reparler, mais sur le côté non négociable et les syndicats qui vous disent, "nous, c'est non, c'est même la peine d'en discuter, c'est non, on se réunit ce soir, on va décider d'un mot d'ordre", est-ce que vous craigniez la mobilisation ?
Je ne crains pas la mobilisation parce que je pense... Enfin, d'abord, oui, et c'est normal qu'à un moment, les partenaires sociaux, qu'il y ait aussi des points de tension, parce qu'il y a un moment où chacun assume ses responsabilités. Nous, nos responsabilités c'est de dire que si on ne fait rien à horizon 2012, c'est 11 milliards d'euros de déficit, le régime de retraite, ce qui veut dire qu'on arriverait à un stade où on mettrait en péril l'avenir de la retraite par répartition dans ce pays. Donc, ça, c'est de notre responsabilité. Après, et le Président de la République l'a très bien dit, on comprend bien que ce ne sont pas des décisions faciles, ni des décisions démagogiques, ni des décisions qui font plaisir.
L. Bazin : Alors, qu'est-ce qui est négociable ? Voilà ce qu'on veut entendre.
Alors, qu'est-ce qui est négociable et quels sont les points sur lesquels la table est totalement ouverte ? Précisément, le plan sur l'emploi des seniors. L'emploi des seniors , c'est un sujet qui est évidemment lié à la question des retraites parce qu'on ne peut pas à la fois allonger la durée de cotisations et se retrouver comme c'est aujourd'hui...
L. Bazin : ... et ne pas permettre aux gens de travailler 41,5 annuités ou 41 ou 42 après-demain.
N. Iannetta : Voilà, les mettre à la porte à 55 ans.
Exactement ! Or, la France là-dessus, il faut le dire, est victime d'une hypocrisie depuis plus de trente ans où on a exclu tacitement, et tout le monde confondu, les politiques, les partenaires sociaux, les entreprises, les seniors du marché de l'emploi parce que ça nous arrangeait.
N. Iannetta : On ne les considère même plus comme des demandeurs d'emploi à partir de 57 ans.
Exactement ! Et là, ce que je veux dire très solennellement -, on pourra peut-être revenir sur le détail des mesures -, c'est que la porte est totalement ouverte avec les partenaires sociaux. On a proposé un groupe de travail qui se mettra en place dans le courant du mois et pour avoir des séances de travail communes à partir de la première moitié du mois de juin, et on est totalement ouverts pour prendre des propositions de la part des partenaires sociaux sur cette question qui est un vrai défi de société. Donc, il y a un point sur lequel, c'est vrai, on dit, "on prend chacun nos responsabilités", mais il y a un terrain sur lequel la négociation reste totalement ouverte.
N. Iannetta : Alors, il y a une échéance que vous avez fixée, en dehors de 2012, c'est 2010, justement pour cet emploi des seniors. 2010, si les entreprises n'ont pas ouvert de négociations pour améliorer l'emploi des seniors dans leur secteur, il y aura des sanctions. On peut employer ce mot, "sanctions" ou pas ?
Bien sûr ! Je l'assume complètement. Je voudrais expliquer pourquoi, au niveau des cotisations sur les retraites et de l'allongement de la durée de cotisations, on demande un effort aux salariés. Cet effort, il doit être partagé. L'effort qu'on demande de l'autre côté aux entreprises, c'est de s'investir vraiment sur tout ce qui est l'emploi des seniors.
N. Iannetta : "Ce n'est pas possible, vous répond L. Parisot, et 2010 c'est trop tôt".
On va en reparler. Quels sont les efforts qu'on a demandés aux entreprises ? Le premier qu'on leur a dit, c'est qu'avant elles utilisaient des préretraites, très commodes, vous faites sortir les gens au fur et à mesure, comme ça vous rajeunissez votre pyramide des âges au sein de votre entreprise. On a taxé à mort les préretraites pour sortir de cet outil de gestion des ressources humaines qui aboutit à des massacres. Moi, je l'ai vu quand je suis allé à Lille, on a des gens qui se sont retrouvés sur le carreau à 56, 57 ans, 58 ans...
L. Bazin : ... vous avez passé une journée à l'Unedic, aux Assedic.
N. Iannetta : Oui, presque incognito, il paraît.
Oui, enfin, en tout cas j'ai essayé de faire ça effectivement sans plein de caméras tout autour, en prenant le temps, pendant une journée de comprendre ce qu'était le parcours d'un demandeur d'emploi, et j'ai notamment rencontré un demandeur d'emploi senior qui m'explique que tout simplement pour lui quand il présente son CV, c'est même pas la peine. Quand il y a 58 ans dessus, il n'y a plus personne qui regarde. Donc, d'abord, ce qu'on a fait sur les entreprises : taxer les préretraites. La deuxième chose, c'est qu'on augmente les cotisations retraites et ça, c'est dès cette année pour assurer l'équilibre financier du régime. Et le troisième, c'est qu'il y a ce que vous évoquez, on laisse uniquement un an et demi pour signer des accords de branches et à l'arrivée, il y aura des sanctions. Donc, l'effort est bien réparti, on demande effectivement un effort sur 41 ans, mais on demande aussi un effort aux entreprises qui est très clair.
N. Iannetta : Mais quand L. Parisot vous dit, "ce n'est pas possible, c'est trop tôt", le MEDEF ne veut pas ?
Cela fait dix ans qu'on nous dit sur l'emploi des seniors, "laissez-nous un peu de temps, ne vous inquiétez pas, on va finir par faire quelque chose". Ça suffit !
N. Iannetta : Donc, vous dites à L. Parisot : "c'est trop tard".
Non, on dit juste, maintenant...
N. Iannetta : ... "ça y est ! Maintenant, il faut aller !".
On dit : "maintenant, ça suffit !". Et je voudrais prendre des exemples pour qu'on comprenne de quoi on parle. Avant, la logique, et c'est cette révolution culturelle qu'il faut que l'on fasse, par exemple commercial. Un commercial, c'est nécessairement quelqu'un qui a entre 30 et 40 ans. Il y a des entreprises qui fonctionnent différemment. Atoll et Grand Optical, qui font par exemple les verres sur la presbytie, ils se sont aperçus que, au contraire, les gens préféraient avoir, quand on a un certain âge, avoir un commercial qui comprend ce que vous vous avez, quels sont vos problèmes. Et donc, ils ont fait un plan de recrutement pour conserver des commerciaux qui sont des commerciaux seniors. ça marche très bien, c'est un bon accord de gestion des ressources humaines. C'est typiquement ce que je veux voir développer sur le terrain systématiquement. Deuxième exemple : Air France. Ils ont mis en place des accords de tutorat pour faire en sorte que leurs personnels qui sont seniors puissent transmettre l'expérience aux jeunes qui rentrent dans l'entreprise. C'est cela que je veux voir dans les têtes, c'est-à-dire on ne force pas les entreprises à prendre des seniors, il faut que tout le monde comprenne que c'est une chance d'avoir des seniors dans une entreprise.
L. Bazin : Mais on sanctionnera celles qui s'en séparent trop tôt. Disons ça comme ça !
Exactement ! Parce qu'il y a un moment où il faut siffler la fin de la récréation.
L. Bazin : Il y a un certain nombre de points, on va les voir un peu plus vite, pardon. D'abord, et c'est important, la CGT en parle fort, est-ce que vous êtes pour le déplafonnement du cumul emploi/retraite ? Le déplafonnement, aujourd'hui, c'est simple : on a travaillé pour un salaire donné, on a une retraite donnée, on peut au bout de six mois reprendre un emploi mais le total retraite et emploi ne doit pas dépasser ce que vous gagniez avant.
Alors, au niveau du cumul emploi/retraite, c'est un des choix importants qui ont été faits par le Président de la République, c'est de dire on libéralise, c'est-à-dire on donne de la liberté de choix. Vous avez le choix soit de faire effectivement du cumul emploi/retraite. On va simplifier, aujourd'hui, vous l'évoquez, il y a plein de règles, il faut attendre six mois pour pouvoir retravailler dans la même entreprise, etc., on va simplifier, simplicité de choix complète. La deuxième option qu'on va ouvrir, c'est qu'aujourd'hui, si vous travaillez plus longtemps, cela n'a quasiment aucun impact sur votre niveau de pension et de retraite. Là, chaque année de plus que vous ferez - c'est une proposition, on peut encore en discuter avec les partenaires sociaux -, on a améliorera votre pension de 5 % chaque année. Au bout de trois ans, par exemple, de plus, ça fait +15 % au niveau de votre retraite. Ça commence à devenir vraiment intéressant.
N. Iannetta : Oui, mais vous entendez ce que disent aussi les syndicats, ils disent : "le seul moyen de vivre décemment c'est donc de cumuler un emploi avec sa retraite". Eux, ils disent : "quand on a travaillé toute sa vie on a le droit à une retraite décente". Augmentez les retraites, Monsieur Wauquiez.
C'est bien pour ça que, sur le cumul emploi/retraite, je ne veux pax l'ouvrir pour des gens qui n'ont pas réussi à boucler leur retraite. Pourquoi ? Parce que sinon qu'est-ce qu'on va voir se développer ? On va voir se développer le système...
L. Bazin : ... on va avoir des salariés retraités de 75 ans.
Exactement.
N. Iannetta : Eh oui ! C'est un risque. L. Bazin : Comme aux Etats-Unis.
Et on va voir se développer le système britannique où vous avez une retraite de misère et du coup vous êtes obligé de travailler à côté, et je ne veux pas que ce cumul emploi/retraite devienne un palliatif à cette situation-là. Donc, il faut quand même bien encadrer.
L. Bazin : Cela doit être encadré et limité. La pénibilité, c'est un dossier très important. Cela fait trois ans, X. Bertrand l'a rappelé, hier, que les syndicats travaillent dessus. Même plus. L. Bazin : Il a dit hier, "on siffle la fin de - c'était pas une récréation, en l'occurrence -, mais de la discussion, et on prendra nos responsabilités". Qu'est-ce que ça veut dire en termes d'emploi ?
D'abord, il faut bien avoir en tête la réalité, c'est qu'il y a certains secteurs où vous pouvez travailler plus longtemps, apparemment en politique on peut durer très longtemps, selon certains.
N. Iannetta : Oui, on en connaît beaucoup.
Il y a des domaines qui sont beaucoup plus durs. Quand vous êtes maçon en Haute-Loire à partir de 50-55 ans, surtout si vous avez commencé tard, ça devient très dur. Donc, les accords sur la pénibilité, effectivement, les partenaires sociaux visiblement ont beaucoup de mal à aboutir. Cela fait trois ans qu'on en parle.
L. Bazin : Donc, qu'est-ce que vous allez faire ?
Donc, le discours très clair et le choix très clair fait par X. Bertrand, hier, c'est de dire, "il reste un mois, vous avez un dernier rendez-vous, qu'on respecte, qui est fin mai".
L. Bazin : Et après, qu'est-ce qui se passe ?
Et après, "si jamais vous n'avez pas conclu d'accord, le gouvernement prend ses responsabilités et fera lui-même un accord".
L. Bazin : Donc il y aura un projet de loi sur la pénibilité si les syndicats ne tombent pas d'accord le mois prochain ?
En tout état de cause, on veut que la pénibilité devienne un sujet concret, et plus seulement un sujet de négociation, avant le début de l'été.
N. Iannetta : La fusion ANPE-Unedic, il va falloir la mettre en place maintenant sur le terrain. Est-ce que vous tenez sur ces fameuses conditions pour accepter un emploi pour les chômeurs ?
Alors, c'est intéressant et d'ailleurs c'est bien de le remettre en perspective comme ça. On fait la fusion ANPE-Assedic, ce n'est pas seulement mettre un toit administratif par-dessus deux administrations, c'est faire en sorte qu'on améliore le service public de l'emploi, que vous ayez dès le premier mois un vrai entretien, que ce soit toujours la même personne qui vous suive. Des choses aussi concrètes, parce que je m'en suis rendu compte en y allant, que mettre à disposition un ordinateur dans lequel vous pouvez faire des candidatures avec des emails, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas dans les ANPE-Assedic, avoir une vraie offre de formation, parfois un coach pour vous accompagner.
N. Iannetta : Une fois qu'on a tout ça, on est obligé d'accepter les offres qu'on nous propose, c'est ça que vous êtes en train de nous dire ?
Non.
N. Iannetta : On vous met tout à disposition, donc soyez sympa !...
Ce que je suis en train de dire, c'est que je veux renforcer l'accompagnement du demandeur d'emploi, faire du sur mesure. Donc on va renforcer l'accompagnement du service public de l'emploi, mais la contrepartie, c'est que j'ai aussi besoin qu'il y ait des engagements dans les deux sens qui soient pris et que quand on met une offre, qui est une offre raisonnable d'emploi, le demandeur d'emploi l'accepte.
L. Bazin : J'ai une dernière question, c'est un cas très concret, ça va se passer aujourd'hui au comité d'entreprise de Peugeot Motocycles. Peugeot Motocyles, c'est encore deux usines en France, une à Dannemarie et l'autre à Mandeure, le Doubs et le Haut-Rhin. Voilà ce que dit le patron de Peugeot Motocycles à ses salariés : "j'ai l'occasion de délocaliser à Taiwan pour 10 % de moins en coût de production. Je suis d'accord pour maintenir les usines ici à condition que vous renonciez à onze jours de RTT". Est-ce que c'est une façon de faire ?
C'est très difficile de juger ce genre de chose a priori. J'ai envie de dire que là...
L. Bazin : ...Sur le principe ?
Non, je voudrais voir l'accord directement, mais je vais vous donner une réponse quand même. Je trouve que sur le principe, le fait de dire qu'on préfère garder les emplois plutôt que les RTT, ça me semble plutôt quelque chose de bon sens. Mais là où j'allume quand même une petite lampe rouge, attention à ce que ça ne devienne pas un chantage. Il faut vraiment que ce soit sur des bases qui soient très étayées...
L. Bazin : Pardon, mais la limite est quand même...
...Elle est très ténue.
L. Bazin : ... Etroite, ténue.
C'est bien pour ça qu'il faut voir l'accord, la réalité de ce qui est derrière. Est-ce que c'est juste un coup de bluff, est-ce que c'est, au contraire, quelque chose qui est très sérieux ?
L. Bazin : Mais donc, sur le principe, l'idée qu'on demande à un salarié de renoncer à ce qui peut être considéré par certains comme acquis, la réduction du temps de travail, les 35 heures, même si ce n'est pas 35 heures effectives, c'est une annualisation du temps de travail pour garder son emploi, c'est un principe que vous validez ?
Non, je ne valide pas sur le principe précisément, parce que je pense que c'est vraiment quelque chose et une approche qui doit être très pragmatique. En Allemagne, ils font ce genre de chose. Attention à ce que cela ne donne pas lieu quand même à un dumping où on tire artificiellement les salaires vers le bas.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 avril 2008