Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Je voudrais vous dire tout le plaisir que j'ai avec Christine Lagarde et Michel Barnier de vous rencontrer. Il paraît qu'il n'est pas très courant qu'un Premier ministre vienne à Washington, c'est même la première fois depuis dix ans. Il y a à cela des raisons. D'abord un engagement de longue date que j'avais pris envers le président de l'American Jewish committee, avec lequel j'ai beaucoup travaillé, notamment comme ministre de l'Education, au moment où nous avions en France des soucis avec la remontée de l'antisémitisme, que nous avons d'ailleurs réussi à éradiquer. Et puis, l'autre raison, c'est la crise financière internationale qui, comme vous l'imaginez, nécessite une meilleure coordination de nos économies. Et donc, des contacts plus fréquents entre les Gouvernements.
C'est aussi pour moi l'occasion de poursuivre l'effort qui a été entrepris par Nicolas Sarkozy pour rapprocher la France et les Etats-Unis. Pour rapprocher le France et les Etats-Unis qui ne pouvaient pas rester longtemps sur un constat de désaccord, sur l'affaire irakienne, un désaccord qui demeure mais qui ne peut pas occulter la nature de notre relation avec les Etats-Unis. Nous sommes amis, nous sommes alliés, nous sommes partenaires, nous avons toujours été solidaires dans les grandes crises, quand l'essentiel était vraiment en jeu. Le président de la République a voulu resserrer les liens de cette relation franco-américaine, il a eu raison. J'imagine que ce n'est pas vous qui allez vous en plaindre, vous qui avez sans doute plus que d'autres souffert des tensions récentes.
Je veux quand même vous dire qu'on n'a pas seulement resserré les relations entre les Etats-Unis et la France pour vous faire plaisir, pour vous être agréable, mais aussi parce que nous sommes heureux de constater que la sympathie pour la France, aux Etats-Unis, n'a jamais été à un niveau aussi élevé qu'en ce moment. Tous les sondages que nous effectuons montrent que l'opinion que les Américains ont de la France, depuis un an, est à son meilleur niveau.
Vous y êtes évidemment pour beaucoup, puisque c'est vous qui êtes l'image de la France aux Etats-Unis. Vous êtes une communauté nombreuse - je ne sais pas combien, les chiffres varient - mais enfin au moins 220 ou 250.000. Une communauté bien intégrée, une communauté qui a participé massivement aux élections présidentielles, 40 % de participation à Washington. Je vous demande simplement de faire mieux en 2009 pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Je voulais simplement, en venant m'adresser à vous aujourd'hui, et après vous avoir dit toute ma gratitude pour le travail que vous faites, vous-mêmes, pour l'image de la France, pour son économie, pour sa culture, vous dire un tout petit mot de votre pays.
Cela fait un an, presque, dans quelques jours, que le président de la République a été élu, et je pense que dans les jours qui viennent, nous allons voir fleurir mille articles et commentaires sur le bilan. Sans doute les procureurs seront plus nombreux que les avocats. Moi, vous savez, je fais un peu de course automobile, je fais des courses d'endurance, quand on fait une course d'endurance, on ne fait pas le bilan au début de la course, on le fait plutôt à la fin.
Je voudrais rappeler au moment où ces bilans vont fleurir quelques évidences qui ont déjà été oubliées. D'abord, je voudrais rappeler le souffle qu'a représenté l'élection présidentielle, le souffle qu'a représenté l'élection d'un Président énergique, d'un Président imaginatif, et d'un Président convaincu. Je voudrais ensuite vous faire toucher du doigt les évolutions de la société française, et notamment de la société française au regard du changement et au regard de la réforme. Nous n'avons pas à rougir du travail que nous avons accompli depuis un an.
D'abord, nous avons débloqué la crise européenne avec le Traité de Lisbonne. Aujourd'hui, tout ça semble d'une très grande facilité, ça allait de soi, tout le monde l'aurait fait. La vérité c'est que le seul qui pouvait le faire c'était Nicolas Sarkozy, parce que c'était le seul qui, pendant sa campagne, avait clairement indiqué ce qu'il ferait. Un Traité simplifié, ratifié par le Parlement. Et si le président de la République n'avait pas eu le courage de prendre, alors que c'était un risque finalement politique, cette position dans la campagne présidentielle, je ne pense pas qu'aujourd'hui nous serions dans la même situation, et alors nous risquions d'aborder, vous l'imaginez, la présidence française en étant nous-mêmes à l'origine des blocages que nous n'aurions pas réussis à résoudre.
Dans notre pays, depuis des années, on estimait que la réduction du temps de travail était une solution au problème du chômage, et les débats tournaient autour de la réduction du temps de travail. Aujourd'hui, il y a toujours des débats mais les débats sont sur les heures supplémentaires. Ça veut dire quand même que, l'opinion des Français au regard de la situation économique internationale, a changé. Les Français se rendent compte que pour affronter la compétition il faut être plus compétitifs, que pour avoir de la croissance il faut augmenter le nombre des heures travaillées.
Souvenez-vous de la situation des universités françaises bloquées. Combien de gouvernements, de gauche comme de droite, ont tenté d'apporter une amélioration à la situation des universités françaises et ont dû renoncer devant le blocage immédiat. Nous avons fait voter à l'été un texte sur l'autonomie des universités, nous avons donné aux universités le choix de leur statut. Aujourd'hui, déjà 60 % des universités françaises ont opté pour le statut d'autonomie.
Regardez la question des grèves et de l'adaptation nécessaire des citoyens aux grèves. Nous sommes passés aujourd'hui à une situation où avec le vote d'un texte sur le service minimum dans les transports ou à l'école, c'est désormais l'inverse. C'est le service public qui doit s'adapter à la demande des citoyens. Regardez la réforme des régimes spéciaux de retraites, qu'on disait impossible, et qu'on avait repoussée, d'année en année, parce que l'on savait qu'elle occasionnerait des blocages considérables, elle est aujourd'hui derrière nous, elle est réalisée. Regardez la réforme de l'Etat que nous avons engagée, qui est certes difficile. Il s'agit pour nous de passer à l'audit toutes les organisations publiques, toutes les politiques publiques pour chercher non seulement les économies que nous pouvons faire puisque nous devons rechercher l'équilibre des comptes publics, mais aussi pour chercher à améliorer la qualité du service public qui est apportée à nos concitoyens.
Cette réforme de l'Etat est engagée, elle a un corollaire qui est la réduction du nombre des fonctionnaires, nous avons engagé cette politique, qui est une politique difficile, qui est une politique qui peut, ici ou là, susciter des interrogations et des oppositions, mais qui est une politique indispensable si l'on veut atteindre l'objectif d'équilibre des comptes publics que nous nous sommes fixés. Or cet objectif d'équilibre des comptes publics il est absolument incontournable. Nous sommes dans un pays qui n'a pas voté un budget en équilibre depuis 34 ans. Tous les Français qui ont moins de 34 ans pensent que ça marche comme cela. Et tout les Français qui ont plus de 34 ans se disent que, si ça a duré 34 ans ça durera bien encore quelques années. La vérité c'est que ça ne peut plus durer, parce qu'en trente-quatre ans, on a accumulé une dette qui pèse sur nos capacités d'investissement, qui pèse sur nos prélèvements obligatoires, qui est comme une sorte de boulet à la croissance de notre économie.
Regardez le dialogue social. Si vous lisez les journaux, vous avez l'impression qu'il y a une grande crispation un peu partout. Mais regardez d'un peu plus près les choses : les organisations syndicales ont signé un accord sur la réforme du contrat de travail, qui permet en particulier de mettre fin à un contrat de travail de gré à gré. C'est la première fois depuis les années 60 que des organisations syndicales acceptent de négocier et surtout de se mettre d'accord sur une réforme du contrat de travail. Les mêmes organisations syndicales viennent de se mettre d'accord sur une réforme de la représentativité syndicale qui va conduire en particulier à ouvrir les élections professionnelles à toute candidature, alors que vous savez que jusqu'à maintenant, elles étaient réservées aux cinq organisations syndicales dont la liste avait été fixée une fois pour toutes au début des années 60.
Cette position commune des syndicats sur la représentativité va nous permettre d'avoir des organisations syndicales plus fortes, plus représentatives. Elle va sans doute conduire à des mouvements de regroupement des organisations actuelles, et elle va nous permettre dès l'été de franchir une étape fondamentale dans la libération de notre économie, puisque nous allons pouvoir proposer à l'Assemblée nationale et au Sénat le vote d'un texte qui permettra la négociation dans l'entreprise des heures supplémentaires, de leur nombre, de leur coût, c'est-à-dire en réalité la négociation dans l'entreprise entre le chef d'entreprise et ses salariés de la question du temps de travail. Voilà la vérité sur la situation qui est celle de notre pays aujourd'hui.
Nous sommes en train de passer - alors c'est long, c'est difficile, il y a des crispations - mais nous sommes en train de passer d'une culture de l'affrontement à celle du compromis social que beaucoup d'autres pays déjà en Europe ont adoptée depuis longtemps. Voilà la réalité. Nous allons poursuivre nos efforts, avec une loi de modernisation de l'économie que Christine Lagarde doit présenter devant le Parlement dans quelques jours, et qui vise notamment à mettre plus de concurrence dans l'économie française, à créer une grande autorité indépendante de la concurrence qui va supprimer toutes les organisations qui existaient jusqu'à maintenant, et renforcer la concurrence dans notre pays, notamment dans la grande distribution, permettre la négociabilité des prix. Nous allons aider les entreprises, et en particulier les petites et moyennes entreprises, à se développer en réduisant les délais de paiement, en supprimant les effets de seuil qui conduisent si souvent des chefs d'entreprises français à ne pas grandir pour ne pas avoir à affronter les conséquences de ces effets de seuil.
Et puis, nous allons débattre dans quelques jours d'une grande réforme de nos institutions, qui fait l'objet de grands débats dans notre pays, et qui vise tout simplement à donner un peu plus de pouvoir au Parlement pour que les institutions de la République française soient en harmonie avec le temps présent. La société française de 2008 n'est pas exactement la société française de 1958. Et là où nous avions besoin d'un gouvernement fort et d'un Parlement faible. Nous avons aujourd'hui besoin d'un rééquilibrage, simplement parce que les Français, qui sont plus informés, qui sont plus éduqués, qui voient comment fonctionnent les démocraties autour d'eux, ne peuvent plus accepter l'idée que leur Parlement n'ait aucun pouvoir sur son ordre du jour, n'ait pas finalement la possibilité de retranscrire les débats qui sont ceux de la société française, et c'est justement parce que les débats de la société française ne sont pas suffisamment relayés au Parlement que les Français sont souvent tentés de manifester et de protester d'une autre façon. On va voir si la majorité, l'opposition sont capables de faire un petit bout de chemin ensemble pour modifier les institutions de la Ve République dans ce sens. C'est nécessaire puisqu'il faut une majorité des 3/5 pour changer nos institutions. Ce que nous proposons, c'est plus de pouvoir pour le Parlement, ce sont des pouvoirs plus encadrés pour le président de la République, en particulier s'agissant des nominations à des postes de responsabilité importants ou des nominations dans les autorités indépendantes. Là encore, nous sommes une des seules grande démocratie dans le monde où le président de la République peut, quasiment tout seul, nommer à des responsabilités qui sont des responsabilités qui sont censées être indépendantes du pouvoir politique, du pouvoir exécutif. Voilà. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités. J'espère que c'est cet esprit là qui l'emportera.
Alors, bien entendu, il y a de l'impatience, il y a des doutes. Je pense que nous sommes entre deux époques, nous sommes entre deux France. Il y a d'un côté la France d'autrefois, qui se libère peut-être seulement progressivement de ses certitudes et de ses habitudes, et puis il y a la France de demain, qui commence tout juste à se dessiner. Toute transition entraîne des crispations. La vérité, c'est qu'on ne change pas un grand et un vieux pays comme le nôtre en une année ; on ne va pas à la conquête du plein emploi, de la croissance, de la remise en ordre des finances publiques sans durée, sans ténacité, sans courage. Là aussi, réfléchissez ! Connaissez-vous un grand pays moderne ou l'on change de gouvernement et donc de politique plusieurs fois entre deux élections ? Dans toutes les grandes démocraties, c'est à peu près la même équipe qui conduit la politique jusqu'à ce que des résultats tangibles puissent être obtenus. Alors, je vous voulais vous dire cela, pour que vous ayez une autre vision, un autre son de cloche de la situation politique dans votre pays. Je ne veux pas dire du tout que les médias ne donnent pas une bonne image de ce qui se passe en France. Simplement, ils ont leur vision et moi, j'ai la mienne, que je voulais vous transmettre. Je voudrais, pour finir, vous remercier, vous redire à quel point vous incarnez une part de la France. Vous la portez avec fierté et avec générosité, et ma confiance va à vous ce soir comme elle va à tous ceux qui prolongent à l'étranger les héritages et les succès de notre pays.
Permettez-moi, pour conclure, de dire avec vous au fond, et du fond du coeur, vive la France, vive l'Amérique, vive l'amitié franco-américaine.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 mai 2008
Mes chers amis,
Je voudrais vous dire tout le plaisir que j'ai avec Christine Lagarde et Michel Barnier de vous rencontrer. Il paraît qu'il n'est pas très courant qu'un Premier ministre vienne à Washington, c'est même la première fois depuis dix ans. Il y a à cela des raisons. D'abord un engagement de longue date que j'avais pris envers le président de l'American Jewish committee, avec lequel j'ai beaucoup travaillé, notamment comme ministre de l'Education, au moment où nous avions en France des soucis avec la remontée de l'antisémitisme, que nous avons d'ailleurs réussi à éradiquer. Et puis, l'autre raison, c'est la crise financière internationale qui, comme vous l'imaginez, nécessite une meilleure coordination de nos économies. Et donc, des contacts plus fréquents entre les Gouvernements.
C'est aussi pour moi l'occasion de poursuivre l'effort qui a été entrepris par Nicolas Sarkozy pour rapprocher la France et les Etats-Unis. Pour rapprocher le France et les Etats-Unis qui ne pouvaient pas rester longtemps sur un constat de désaccord, sur l'affaire irakienne, un désaccord qui demeure mais qui ne peut pas occulter la nature de notre relation avec les Etats-Unis. Nous sommes amis, nous sommes alliés, nous sommes partenaires, nous avons toujours été solidaires dans les grandes crises, quand l'essentiel était vraiment en jeu. Le président de la République a voulu resserrer les liens de cette relation franco-américaine, il a eu raison. J'imagine que ce n'est pas vous qui allez vous en plaindre, vous qui avez sans doute plus que d'autres souffert des tensions récentes.
Je veux quand même vous dire qu'on n'a pas seulement resserré les relations entre les Etats-Unis et la France pour vous faire plaisir, pour vous être agréable, mais aussi parce que nous sommes heureux de constater que la sympathie pour la France, aux Etats-Unis, n'a jamais été à un niveau aussi élevé qu'en ce moment. Tous les sondages que nous effectuons montrent que l'opinion que les Américains ont de la France, depuis un an, est à son meilleur niveau.
Vous y êtes évidemment pour beaucoup, puisque c'est vous qui êtes l'image de la France aux Etats-Unis. Vous êtes une communauté nombreuse - je ne sais pas combien, les chiffres varient - mais enfin au moins 220 ou 250.000. Une communauté bien intégrée, une communauté qui a participé massivement aux élections présidentielles, 40 % de participation à Washington. Je vous demande simplement de faire mieux en 2009 pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Je voulais simplement, en venant m'adresser à vous aujourd'hui, et après vous avoir dit toute ma gratitude pour le travail que vous faites, vous-mêmes, pour l'image de la France, pour son économie, pour sa culture, vous dire un tout petit mot de votre pays.
Cela fait un an, presque, dans quelques jours, que le président de la République a été élu, et je pense que dans les jours qui viennent, nous allons voir fleurir mille articles et commentaires sur le bilan. Sans doute les procureurs seront plus nombreux que les avocats. Moi, vous savez, je fais un peu de course automobile, je fais des courses d'endurance, quand on fait une course d'endurance, on ne fait pas le bilan au début de la course, on le fait plutôt à la fin.
Je voudrais rappeler au moment où ces bilans vont fleurir quelques évidences qui ont déjà été oubliées. D'abord, je voudrais rappeler le souffle qu'a représenté l'élection présidentielle, le souffle qu'a représenté l'élection d'un Président énergique, d'un Président imaginatif, et d'un Président convaincu. Je voudrais ensuite vous faire toucher du doigt les évolutions de la société française, et notamment de la société française au regard du changement et au regard de la réforme. Nous n'avons pas à rougir du travail que nous avons accompli depuis un an.
D'abord, nous avons débloqué la crise européenne avec le Traité de Lisbonne. Aujourd'hui, tout ça semble d'une très grande facilité, ça allait de soi, tout le monde l'aurait fait. La vérité c'est que le seul qui pouvait le faire c'était Nicolas Sarkozy, parce que c'était le seul qui, pendant sa campagne, avait clairement indiqué ce qu'il ferait. Un Traité simplifié, ratifié par le Parlement. Et si le président de la République n'avait pas eu le courage de prendre, alors que c'était un risque finalement politique, cette position dans la campagne présidentielle, je ne pense pas qu'aujourd'hui nous serions dans la même situation, et alors nous risquions d'aborder, vous l'imaginez, la présidence française en étant nous-mêmes à l'origine des blocages que nous n'aurions pas réussis à résoudre.
Dans notre pays, depuis des années, on estimait que la réduction du temps de travail était une solution au problème du chômage, et les débats tournaient autour de la réduction du temps de travail. Aujourd'hui, il y a toujours des débats mais les débats sont sur les heures supplémentaires. Ça veut dire quand même que, l'opinion des Français au regard de la situation économique internationale, a changé. Les Français se rendent compte que pour affronter la compétition il faut être plus compétitifs, que pour avoir de la croissance il faut augmenter le nombre des heures travaillées.
Souvenez-vous de la situation des universités françaises bloquées. Combien de gouvernements, de gauche comme de droite, ont tenté d'apporter une amélioration à la situation des universités françaises et ont dû renoncer devant le blocage immédiat. Nous avons fait voter à l'été un texte sur l'autonomie des universités, nous avons donné aux universités le choix de leur statut. Aujourd'hui, déjà 60 % des universités françaises ont opté pour le statut d'autonomie.
Regardez la question des grèves et de l'adaptation nécessaire des citoyens aux grèves. Nous sommes passés aujourd'hui à une situation où avec le vote d'un texte sur le service minimum dans les transports ou à l'école, c'est désormais l'inverse. C'est le service public qui doit s'adapter à la demande des citoyens. Regardez la réforme des régimes spéciaux de retraites, qu'on disait impossible, et qu'on avait repoussée, d'année en année, parce que l'on savait qu'elle occasionnerait des blocages considérables, elle est aujourd'hui derrière nous, elle est réalisée. Regardez la réforme de l'Etat que nous avons engagée, qui est certes difficile. Il s'agit pour nous de passer à l'audit toutes les organisations publiques, toutes les politiques publiques pour chercher non seulement les économies que nous pouvons faire puisque nous devons rechercher l'équilibre des comptes publics, mais aussi pour chercher à améliorer la qualité du service public qui est apportée à nos concitoyens.
Cette réforme de l'Etat est engagée, elle a un corollaire qui est la réduction du nombre des fonctionnaires, nous avons engagé cette politique, qui est une politique difficile, qui est une politique qui peut, ici ou là, susciter des interrogations et des oppositions, mais qui est une politique indispensable si l'on veut atteindre l'objectif d'équilibre des comptes publics que nous nous sommes fixés. Or cet objectif d'équilibre des comptes publics il est absolument incontournable. Nous sommes dans un pays qui n'a pas voté un budget en équilibre depuis 34 ans. Tous les Français qui ont moins de 34 ans pensent que ça marche comme cela. Et tout les Français qui ont plus de 34 ans se disent que, si ça a duré 34 ans ça durera bien encore quelques années. La vérité c'est que ça ne peut plus durer, parce qu'en trente-quatre ans, on a accumulé une dette qui pèse sur nos capacités d'investissement, qui pèse sur nos prélèvements obligatoires, qui est comme une sorte de boulet à la croissance de notre économie.
Regardez le dialogue social. Si vous lisez les journaux, vous avez l'impression qu'il y a une grande crispation un peu partout. Mais regardez d'un peu plus près les choses : les organisations syndicales ont signé un accord sur la réforme du contrat de travail, qui permet en particulier de mettre fin à un contrat de travail de gré à gré. C'est la première fois depuis les années 60 que des organisations syndicales acceptent de négocier et surtout de se mettre d'accord sur une réforme du contrat de travail. Les mêmes organisations syndicales viennent de se mettre d'accord sur une réforme de la représentativité syndicale qui va conduire en particulier à ouvrir les élections professionnelles à toute candidature, alors que vous savez que jusqu'à maintenant, elles étaient réservées aux cinq organisations syndicales dont la liste avait été fixée une fois pour toutes au début des années 60.
Cette position commune des syndicats sur la représentativité va nous permettre d'avoir des organisations syndicales plus fortes, plus représentatives. Elle va sans doute conduire à des mouvements de regroupement des organisations actuelles, et elle va nous permettre dès l'été de franchir une étape fondamentale dans la libération de notre économie, puisque nous allons pouvoir proposer à l'Assemblée nationale et au Sénat le vote d'un texte qui permettra la négociation dans l'entreprise des heures supplémentaires, de leur nombre, de leur coût, c'est-à-dire en réalité la négociation dans l'entreprise entre le chef d'entreprise et ses salariés de la question du temps de travail. Voilà la vérité sur la situation qui est celle de notre pays aujourd'hui.
Nous sommes en train de passer - alors c'est long, c'est difficile, il y a des crispations - mais nous sommes en train de passer d'une culture de l'affrontement à celle du compromis social que beaucoup d'autres pays déjà en Europe ont adoptée depuis longtemps. Voilà la réalité. Nous allons poursuivre nos efforts, avec une loi de modernisation de l'économie que Christine Lagarde doit présenter devant le Parlement dans quelques jours, et qui vise notamment à mettre plus de concurrence dans l'économie française, à créer une grande autorité indépendante de la concurrence qui va supprimer toutes les organisations qui existaient jusqu'à maintenant, et renforcer la concurrence dans notre pays, notamment dans la grande distribution, permettre la négociabilité des prix. Nous allons aider les entreprises, et en particulier les petites et moyennes entreprises, à se développer en réduisant les délais de paiement, en supprimant les effets de seuil qui conduisent si souvent des chefs d'entreprises français à ne pas grandir pour ne pas avoir à affronter les conséquences de ces effets de seuil.
Et puis, nous allons débattre dans quelques jours d'une grande réforme de nos institutions, qui fait l'objet de grands débats dans notre pays, et qui vise tout simplement à donner un peu plus de pouvoir au Parlement pour que les institutions de la République française soient en harmonie avec le temps présent. La société française de 2008 n'est pas exactement la société française de 1958. Et là où nous avions besoin d'un gouvernement fort et d'un Parlement faible. Nous avons aujourd'hui besoin d'un rééquilibrage, simplement parce que les Français, qui sont plus informés, qui sont plus éduqués, qui voient comment fonctionnent les démocraties autour d'eux, ne peuvent plus accepter l'idée que leur Parlement n'ait aucun pouvoir sur son ordre du jour, n'ait pas finalement la possibilité de retranscrire les débats qui sont ceux de la société française, et c'est justement parce que les débats de la société française ne sont pas suffisamment relayés au Parlement que les Français sont souvent tentés de manifester et de protester d'une autre façon. On va voir si la majorité, l'opposition sont capables de faire un petit bout de chemin ensemble pour modifier les institutions de la Ve République dans ce sens. C'est nécessaire puisqu'il faut une majorité des 3/5 pour changer nos institutions. Ce que nous proposons, c'est plus de pouvoir pour le Parlement, ce sont des pouvoirs plus encadrés pour le président de la République, en particulier s'agissant des nominations à des postes de responsabilité importants ou des nominations dans les autorités indépendantes. Là encore, nous sommes une des seules grande démocratie dans le monde où le président de la République peut, quasiment tout seul, nommer à des responsabilités qui sont des responsabilités qui sont censées être indépendantes du pouvoir politique, du pouvoir exécutif. Voilà. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités. J'espère que c'est cet esprit là qui l'emportera.
Alors, bien entendu, il y a de l'impatience, il y a des doutes. Je pense que nous sommes entre deux époques, nous sommes entre deux France. Il y a d'un côté la France d'autrefois, qui se libère peut-être seulement progressivement de ses certitudes et de ses habitudes, et puis il y a la France de demain, qui commence tout juste à se dessiner. Toute transition entraîne des crispations. La vérité, c'est qu'on ne change pas un grand et un vieux pays comme le nôtre en une année ; on ne va pas à la conquête du plein emploi, de la croissance, de la remise en ordre des finances publiques sans durée, sans ténacité, sans courage. Là aussi, réfléchissez ! Connaissez-vous un grand pays moderne ou l'on change de gouvernement et donc de politique plusieurs fois entre deux élections ? Dans toutes les grandes démocraties, c'est à peu près la même équipe qui conduit la politique jusqu'à ce que des résultats tangibles puissent être obtenus. Alors, je vous voulais vous dire cela, pour que vous ayez une autre vision, un autre son de cloche de la situation politique dans votre pays. Je ne veux pas dire du tout que les médias ne donnent pas une bonne image de ce qui se passe en France. Simplement, ils ont leur vision et moi, j'ai la mienne, que je voulais vous transmettre. Je voudrais, pour finir, vous remercier, vous redire à quel point vous incarnez une part de la France. Vous la portez avec fierté et avec générosité, et ma confiance va à vous ce soir comme elle va à tous ceux qui prolongent à l'étranger les héritages et les succès de notre pays.
Permettez-moi, pour conclure, de dire avec vous au fond, et du fond du coeur, vive la France, vive l'Amérique, vive l'amitié franco-américaine.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 mai 2008