Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les questions de l'aide française et internationale en Birmanie, du nucléaire iranien, de la crise libanaise et du Proche-Orient, de l'insécurité alimentaire, de l'Irak, de la Chine et du Tibet, des otages en Colombie, de l'accord euro-serbe sur les visas et de la mission Eulex au Kosovo, des relations de l'Union européenne et de l'OTAN avec la Russie, Paris le 6 mai 2008.

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Chers Amis, bonjour.
Il y aurait plusieurs façons d'être exhaustifs. Je pourrais vous dire que le 10 mai aura lieu le référendum en Birmanie, qui, pour l'heure, n'est pas repoussé sauf dans certaines zones affectées par la catastrophe. Que le 11 mai est la date fixée pour les élections en Serbie ; c'est très important. Et, le 13 mai, se tiendra la dix neuvième séance qui devrait mener aux élections au Liban. Il y a donc une petite succession de dates qui est intéressante.
Si vous le voulez bien, je commence par la Birmanie.
Les derniers chiffres, que je ne voudrais pas déformer parce qu'ils sont, hélas catastrophiques, font état de 15.000 morts, de 30.000 disparus, de 100.000 personnes déplacées et d'un million de personnes sans-abri.
Bien sûr, vous savez comme moi que les chiffres des catastrophes sont, heureusement et en général, plus élevés que la catastrophe elle-même. Cependant, parfois et surtout dans un pays comme celui-là, les chiffres peuvent être proches de la réalité. Je serais donc très heureux que les chiffres annoncés soient plus importants que la réalité, mais ils sont tout de même énormes.
Vous le savez, ce pays est composé de 48 millions d'habitants ; un million de personnes déplacées, c'est déjà pas mal, surtout dans la situation de communication catastrophique dans lequel se trouve la Birmanie. Evidemment, concernant le réseau routier, les déplacements sont très difficiles, sinon impossibles. La Birmanie aurait accepté l'aide internationale dans la mesure où ils la distribueraient eux-mêmes, ce qui n'est pas une bonne manière, compte tenu de notre opinion fondée sur les moyens qu'emploierait le gouvernement birman pour la distribuer. Ceci ne donne pas confiance à la communauté internationale, bien entendu. Ils n'ont pas accepté l'aide directe et ils n'ont pas accepté le personnel que nous leur proposons.
Pour ce qui nous concerne, il y a quatre ONG engagées. C'est un avantage et c'est à eux que nous adresserons directement notre aide ou, en tout cas, l'argent. Il s'agit d'Action contre la Faim, de Médecins du monde, d'Aide médicale internationale et de la Croix Rouge française. Nous avons donc quatre ONG, sur place, à travers lesquelles l'aide pourrait se déployer, d'autant plus que les Français qui sont là-bas sont déjà à l'oeuvre.
Pour l'heure, nous avons offert 200 000 euros et les Etats-Unis 250 000 dollars. Cela ne paraît pas suffisant et représente peu, en effet, mais nous n'avons pas vraiment confiance en l'utilisation de l'argent que nous enverrions, un peu au hasard, dans les ministères birmans. L'Union européenne a proposé deux millions d'euros, dont 25 % qui émanent de la France comme vous le savez. La Thaïlande, quant à elle, a proposé 400 000 dollars.
J'ai proposé que l'aide française qui est prête... Il y a une cellule de crise, ici, avec le ministère de la Défense et avec le ministère de l'Intérieur. Je vous donne d'ailleurs le numéro de cette cellule : 01 43 17 86 86. C'est le numéro de notre cellule, activée, qui s'est déjà réunie hier et encore ce matin. La protection civile française est en alerte et pourrait se rendre sur place au plus vite mais, encore une fois, tout ceci n'est pas autorisé.
Les moyens français qui sont à notre disposition sont importants puisqu'un exercice était prévu avec les Indiens, à proximité de la Birmanie, et qu'il y a là-bas des bateaux français et des hélicoptères.
Pour le moment, tout cela ne peut pas être activé et il nous est impossible de participer aux secours qui, eux-mêmes, comme vous le savez, sont très mesurés sur place.
Je suis évidemment prêt à répondre à toutes vos questions, dans l'ordre chronologique. Je vous rappelle que le référendum prévu en Birmanie, le 10 mai, continue théoriquement d'être programmé à cette date, sauf dans quelques zones très particulièrement dévastées. Le 11 mai auront lieu les élections serbes et je suis très heureux de pouvoir vous annoncer officiellement, puisque cela vient d'être publié, que 17 pays européens ont été d'accord, à la demande de la France, pour assurer la gratuité des visas pour les Serbes. Il y aura peut-être quelques restrictions car au terme des accords de Schengen et de la position de la Commission, il semblerait que 80 % seulement de la population serbe pourrait bénéficier de cette gratuité. Nous avons commencé la semaine dernière et pour la France, c'est gratuit.
Ce qui est intéressant, c'est qu'en dehors de notre pays, l'Allemagne, la Slovénie, l'Autriche, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, la Slovaquie, la Suède et la république tchèque sont d'accord pour cette gratuité.
J'ajoute que cette mesure de gratuité des visas fait suite à la signature, mardi dernier à Bruxelles, de l'accord de stabilisation et d'association. j'espère que tout cela constituera un encouragement très fort pour que les Serbes comprennent que leur place est dans l'Union européenne et que l'indépendance du Kosovo n'est pas une défaite pour eux, au contraire, c'est une possibilité ouverte pour gagner ce qu'est leur espace naturel, l'Union européenne.
Concernant le Liban, nous en parlerons peut-être plus tard, puisque j'ai choisi ce crible un peu particulier. D'ailleurs, dans ce crible un peu particulier, je vous signale que demain aura lieu la transmission des pouvoirs entre M. Poutine et M. Medvedev à qui je souhaite une bonne présidence. Avant la fin du mois, accompagné de Jean-Pierre Jouyet, je serai en Russie pour les visiter.
Il y a également quelques événements dont je souhaite vous entretenir avant de répondre à vos questions. Le déplacement en Amérique latine, bien sûr, mais aussi l'insécurité alimentaire et le doublement de l'aide de la France. Je voudrais également évoquer la proposition et la participation de la France, jointe à celle de M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies pour qu'un fonds alimentaire, à la fois d'urgence et de développement de l'agriculture soit mis en route. J'en ai parlé avec le Secrétaire général des Nations unies, vendredi dernier. J'avais demandé, comme premier pays contributeur, au Koweït de se manifester. Ils l'ont fait avec beaucoup de détermination, beaucoup d'argent et beaucoup de fraternité.
Cette idée que l'on peut juger française, mais qui est nécessairement liée à la communauté internationale - les deux choses à la fois en tout cas -, commence à prendre forme et il y aura à ce propos, le 3 juin prochain, à Rome, une réunion autour du Secrétaire général des Nations unies qui, je pense, précisera les contours de ce fonds. L'idée générale, c'est un fonds comme le Fonds global pour le sida, avec, sans doute, une autonomie. Mais ces détails, qui n'en sont pas vraiment, ne sont pas encore réglés.
Le doublement de l'aide française, la première tranche de ce doublement, concerne les pays que je cite : Afghanistan, Haïti, Niger, Somalie, Tchad, Territoires palestiniens et Mauritanie.
Hier, vous avez peut-être vu que j'ai reçu M. Yusuf Ahmed, le président somalien, et il se trouve qu'en même temps, à Mogadiscio, éclataient, encore une fois, des émeutes de la faim. En moyenne, si les produits alimentaires de base ont augmenté de 40 %, il y a des pays où ils ont doublé. Des pays où le prix des matières alimentaires de base a doublé. C'est une urgence qui passera à la chronicité et nous l'avons vu, hélas, encore une fois hier. Bien évidemment, je suis également prêt à répondre à vos questions sur ce sujet.
Je voudrais terminer ce petit tour d'horizon en évoquant les efforts que la France a déployés pour que la piraterie maritime soit prise en charge par la communauté internationale dans des zones de surveillance très particulières, la haute mer. Mais la haute mer avec droit de suite, c'est-à-dire le droit de pénétrer dans les eaux nationales pour poursuivre les pirates, ce qui concerne, évidemment, le golfe d'Aden - on l'a vu avec le Ponant et aussitôt après, avec le cargo espagnol. Ceci pourrait concerner d'autres lieux, le golfe de Guinée, etc. Il y a deux résolutions françaises qui sont en discussion à New York. Je ne sais pas si elles seront acceptées par le Conseil de sécurité, demain ou dans une semaine, mais c'est imminent.
Joint à cet effort de la communauté internationale pour assurer la protection des bateaux de commerce et de tourisme - puisque le Ponant était un bateau de croisière -, il y a un effort de l'Union européenne qui pourrait peut être s'associer, avant les autres pays, pour participer très clairement à cette surveillance maritime et à cette protection maritime.
Vous savez que la France avait déjà initié certains pays avec la Mission Alsion de protection des bateaux du PAM (Programme alimentaire mondial) qui se dirigeait vers Mogadiscio et l'Aviso escorteur français avait été le premier à assurer cette mission, durant trois mois. Ensuite, les Danois ont pris le relais suivis par les Hollandais. Il y a donc un dispositif qui est prêt.
Les Espagnols sont prêts également, avec un certain nombre de pays européens, et seraient disposés à participer à cette surveillance des côtes. L'objectif serait évidemment de réprimer les actes de piraterie, avec le droit de suite, et de le faire, en tout cas pour le moment, de façon permanente.
Je profite de cette occasion pour vous dire que demain se tiendra une conférence internationale sur l'assurance maladie dont je suis très content d'être à l'initiative. C'est la seconde fois que ce type de conférence se déroule, comme en 2007. C'est donc la Conférence "Couverture du Risque Maladie dans les pays en Développement, qui doit payer". C'est évidemment un sujet très important.
La santé est un investissement et non pas un coût. Chaque année, plus de cent millions de personnes passent sous le seuil de la pauvreté pour raison de santé et cela, c'est quand même assez nouveau. On pensait que les systèmes de soin étaient en progression alors qu'en réalité, ce que l'on appelle la globalisation n'est pas suivie d'effets bénéfiques immédiats. Saviez-vous qu'un milliard de personnes ne mangeraient pas à leur faim et qu'ils ne savent pas le matin s'ils auront de quoi manger le soir. Cette situation entraîne, évidemment, un terrain favorable à l'éclosion des maladies, en particulier des maladies transmissibles, avec le problème de l'eau etc.
Nous aborderons tous ces problèmes demain avec des exemples réussis au Rwanda, en Thaïlande, en Inde, au Maroc. L'idée était de s'interroger sur la couverture du risque maladie dans les pays en développement, compte tenu, je le pense, qu'il faut un effort commun entre les communautés. Localement, il faut impliquer les gens, c'est ce que j'essaie de faire depuis un certain nombre d'années et, en même temps, il faut qu'il y ait un cadre, peut-être même un fonds, développé soit par les organisations internationales, soit par les pays, ce qui pour les pays en développement pose un problème à la fois de sérieux, de surveillance, de formation du personnel et de salaire du personnel, puisqu'un certain nombre de gens formés, médecins, infirmières se rendent dans les pays développés puisqu'ils sont payés le double, le triple voire le quadruple.
Tous ces éléments seront abordés demain dans une conférence qui se déroulera avenue Kléber, au CCI où 40 ministre étrangers participeront, ministres des Affaires étrangères, ministres de la Santé et ministres du Développement.
Je répondrai volontiers à vos questions concernant la Chine et le Tibet car je viens d'avoir, une fois de plus, le Dalaï-Lama au téléphone.
Avant de vous passer la parole, je dois saluer devant vous la mémoire de Pascal Marlinge qui était le chef de la mission "Save The Children", au Tchad, qui a été assassiné, il y a quelques jours et dont le corps a été rapatrié dimanche. J'ai vu sa famille, sa fille, sa femme. C'était un homme engagé dans l'action humanitaire depuis de très nombreuses années. Il avait une expérience considérable aussi bien au Népal qu'en Afrique. Ce n'était pas du tout un débutant.
Ce drame, de mon point de vue et, je le crois, du point de vue de tous - car les choses commencent à bouger -, justifie, s'il en était besoin, la mission de protection des forces de l'EUFOR qui, hélas, cette fois-là, n'ont pas été prévenues. Ce convoi de deux voitures de l'UNICEF et de "Save The Children" n'était pas protégé.
Je voudrais aussi vous dire que je suis revenu, il y a quelques jours, du Venezuela, de l'Equateur et de la Colombie. Je pense qu'il était nécessaire et même indispensable de renouer les contacts avec ces pays et, par l'intermédiaire de ces pays, avec les FARC pour que se poursuive, avec acharnement - on peut le dire, et d'ailleurs, cet acharnement particulier commence à étonner un certain nombre de personnes - les efforts pour que soient libérés les otages, évidemment Ingrid Betancourt mais également tous les otages.
J'espère que cette mission aura contribué quelque peu, à sa mesure, à l'apaisement des tensions entre les trois pays car, vous le savez, particulièrement entre la Colombie et l'Equateur, mais également, avec peut-être un niveau de tension un peu moindre, entre la Colombie et le Vénézuéla, la situation est tendue. Les propos qui sont échangés sont vifs lorsqu'ils ne sont pas guerriers.
J'ai vu les trois présidents, les ministres, j'ai vu tous les otages qui étaient parvenus, non seulement à être libérés - les six qui avaient été libérés - mais aussi, ceux qui se sont enfuis. J'ai lu, peut-être l'avez-vous lu aussi, le livre de Pinchao paru il y a quelques jours, c'est le seul qui se soit évadé, avec l'actuel ministre des Affaires étrangères de Colombie. La description qu'il fait des conditions dans lesquelles les otages sont retenus justifierait, s'il en était besoin, à elles seules, l'acharnement que met la France, accompagnée maintenant par d'autres pays, accompagnée par tous les pays d'Amérique latine. Nous le verrons bien à la conférence de Lima qui aura lieu les 14, 15 et 16 mai prochain, avec tous les pays d'Amérique latine et les pays de l'Union européenne. Je crois que nous pourrons peut-être également faire des progrès à ce moment-là.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais vous interroger sur un thème que vous n'avez pas encore évoqué, la question iranienne suite à la conférence de Londres. Votre collègue russe a vendu un peu la mèche en disant que l'une des propositions que vous allez offrir à l'Iran serait de lui proposer de suspendre l'enrichissement durant la période de négociation. Est-ce exact ? Qui sera chargé de transmettre les propositions à la partie iranienne et quand ? Les Iraniens ont fait des propositions à un émissaire russe la semaine dernière à Téhéran. Est-ce que vous avez eu connaissance de ces propositions. Y a-t-il quelque chose d'intéressant dans ces propositions ?
R - Je ne sais pas, mais je ne crois pas, puisque, M. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, était avec nous pour que ces propositions soient signées ensemble - elles le furent. Je ne révélerai pas ces propositions pour la bonne raison que c'est aux Iraniens de découvrir cette lettre avant les autres. Dans quelques jours, la lettre sera portée à Téhéran. Chaque mot a été pesé, croyez-moi. Ce fut une belle discussion au cours de laquelle la France a tenu sa part et a fourni au moins à trois reprises les termes d'un consensus. Les Chinois, les Américains, les Russes, les Allemands, les Anglais et les Français sont en accord sur les propositions.
Ce que je peux vous dire simplement, c'est qu'elles sont très précises et très généreuses. Vous verrez bien. Il n'est pas question de dévoiler cela avant que les Iraniens reçoivent la lettre.
Comment ? Cela n'est pas encore arrêté. Cela tourne toujours autour de Javier Solana parce qu'il y avait trois pays de l'Union européenne - donc ils étaient majoritaires - et puis il y a un haut représentant qui met tout le monde d'accord, il n'y avait pas de préséance à avoir. Sera-t-il ou non accompagné par des ambassadeurs ? Je n'en sais rien encore mais je pense que ce sera comme cela et dans peu de temps parce que le texte sera finalisé dans les jours qui viennent.
Quant aux propositions russes, je ne les connais pas mais je sais ce que M. Lavrov a dit et cela va dans le même sens. C'est-à-dire que nous avons promis - on nous reproche une diplomatie inerte et de ne rien faire -, nous avons parlé en permanence avec les Iraniens. J'ai encore parlé avec eux il y a dix jours, au Koweït.
Le dialogue, nous avons tenté de le développer et nous n'avons pas réussi. Mais ce qui était clair dans la résolution votée en janvier au Conseil de sécurité, c'est qu'il n'y avait pas que des sanctions, qui étaient ciblées et précises. Personne ne dit s'il y aura une quatrième résolution avec des sanctions, je ne le souhaite pas. Mais en tout cas, nous avions dit sanctions et dialogue ; la partie dialogue c'est celle qui va arriver à Téhéran, puisqu'elle devait arriver, selon les termes du Conseil de sécurité, avant le 2 juin.
Q - Monsieur le Ministre, énième déception après la visite et la mission du Secrétaire général de la Ligue arable au Liban. Prochaine déception le 13, puisqu'il y a très peu de chances qu'il y ait une élection. Les regards et les espoirs se tournent vers la France et en particulier vers Bernard Kouchner. Avez-vous une idée de ce que vous pouvez faire et aurez-vous plus de moyens lorsque la France assumera la Présidence de l'Union européenne ?
R - Vous me faites confiance et je vous en remercie, cela me touche. Je suis heureux que la France occupe dans votre coeur cette place. Mais franchement, est-ce un piège que d'y aller maintenant ou n'est-ce pas un piège ? D'abord, vous avez qualifié d'énième échec la mission d'Amr Moussa. Il est vrai que ce n'est pas un succès, mais vous avez tort de dire cela, je vous le dis avec beaucoup d'amitié. Ce n'est pas une défaite pour les facilitateurs, c'est leur travail de faire cela. C'est une défaite pour ceux qui ne font pas la paix sur le terrain. C'est une défaite pour les Libanais à chaque fois.
Est-ce qu'il fallait y aller ou non ? Est-ce qu'Amr Moussa a eu tort ? Moi je pense qu'il faut toujours y aller, et dans cet esprit. Oui, je pense qu'en effet, si c'est nécessaire et si sur le terrain se manifeste un tout petit peu plus qu'une demande, un peu d'espoir, oui, j'y retournerai. Je serai prêt, mais je ne veux pas, en quoi que ce soit, apparaître comme un concurrent de l'initiative de la Ligue arabe. Je ne sais pas si elle est encore en mouvement ou pas.
En tout cas, la réponse est oui, si je peux être utile, sûrement. Est-ce sous présidence française ? Pourquoi pas. Faisons participer, si les 26 pays sont d'accord - vous savez la présidence ce n'est pas de faire le malin, c'est de tenter de représenter l'opinion unanime, en tout cas majoritaire des 26 autres pays. Je pense que l'Union européenne doit jouer un rôle politique plus grand et en particulier pour la période qui s'annonce, période d'élection américaine. Si c'est possible au niveau européen, je le ferai, mais je reconnais avec vous que la situation n'est pas simple et puis surtout, attendons mercredi, le 19e sommet. Je suis désolé que la dernière intervention du Secrétaire général de la Ligue arabe, mon ami Amr Moussa, soit prise comme un échec. Des échecs, il y en a plein. Avant, c'est toujours des échecs. C'est un continuum, c'est une volonté pesante presque permanente.
Q - Vous avez dit être prêt à aller rapidement en Birmanie, vous rendre sur place, qu'en est-il à la mi-journée ?
R - Demandez aux Birmans. Ma demande de visa est déposée mais je n'ai aucune chance. Ils ne voulaient personne pour le moment, je ne vois pas pourquoi ils me voudraient moi. Enfin, si par hasard cela pouvait se faire, je le ferai, avec la sécurité civile, ses techniques, ses moyens, ce serait très important. Pour le moment nous n'avons strictement aucune nouvelle sauf un refus de la participation personnelle des gens sur place.
Q - (inaudible)
R - Madame, puisque je n'y serai pas, comment voulez-vous que je vous dise cela. J'ai vraiment très peu de chance d'avoir un visa en Birmanie, mais enfin, si je pouvais, je pense que la coordination des secours revêtirait un tout petit élément d'expérience qui ne serait pas complètement inutile, je n'en sais rien. Mais ce n'est pas à moi de répondre. Moi, j'ai demandé.
Encore une fois, ce qui est important c'est que les ONG françaises soient sur place et elles travaillent. Je ne suis pas sans avoir quelques liens avec Médecins du Monde, Action contre la faim et l'Aide médicale internationale.
Q - Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur la question iranienne et le Liban. Vous avez dit que les propositions sont généreuses. Sur quoi portent-elles ? Et au Liban, il y a eu des développements récemment qui peuvent embraser la situation ? Est-ce que vous avez une réaction ?
R - Oui. Dire qu'on va faire six mille centrifugeuses supplémentaires, ce n'est pas vraiment un pas vers la paix. Nous suspectons tous derrière la possibilité reconnue par la communauté internationale et proposée en permanence par la France et d'autres pays de développer le nucléaire civil, il y a quand même un doute qui est partagé. Vous le verrez dans le texte, nous faisons particulièrement mention de l'Agence internationale de l'Energie atomique dans le deuxième paragraphe de cette résolution et nous faisons pleinement confiance à leurs contrôles éventuels, à leurs décisions et à leurs jugements. Les jugements sont quand même extrêmement incertains.
Je suis désolé de ne pas pouvoir vous répondre. Ce ne serait pas correct de diffuser ce texte et de le divulguer avant que les autorités iraniennes ne le reçoivent, ce qu'a été la position des six pays du groupe des Six et développée par mon collègue David Miliband à Londres.
Q - Vous avez rencontré l'autre jour votre homologue syrien à Koweït. Quelle est votre appréciation des négociations qui ont eu lieu ? Est-ce que cela vous paraît sérieux ? Deuxièmement, quelle est votre appréciation sur l'état d'avancement des négociations entre l'Etat d'Israël et les Palestiniens ? Les rapports qu'on en a sont contradictoires. Qu'est-ce que vous en savez ?
R - Ce sont deux questions très différentes. J'ai parlé avec M. Mouallem. Il était en face de moi, comme l'Iranien d'ailleurs. Je parle avec tout le monde, en effet. Cela ne m'a apporté aucun éclairage particulier, je connaissais les arguments employés par mon collègue syrien et je crois pouvoir dire qu'il connaissait les miens. Donc, cela n'a rien apporté. La situation est toujours aussi bloquée, la position de la Syrie n'autorisait rien d'autre que cette espèce d'attention portée aux uns et aux autres sans dialogue véritable depuis que le président de la République s'est exprimé au Caire.
Il y a toujours des propositions, vous les connaissez, de faire les élections ou le changement de scrutin avant les élections présidentielles. Enfin, et si on disait cela d'ailleurs, ils proposeraient autre chose. Donc cela ne m'a rien apporté.
En revanche, j'ai vu, comme vous, que l'on parlait de contacts, par l'intermédiaire de la Turquie, entre Israël et les Syriens. Je pense que c'est assez sérieux. En tout cas, je pense que les Turcs sont sérieux. Je parle beaucoup avec mon collègue Ali Babacan et je sais que c'est leur souhait de jouer un rôle d'apaisement dans cette région. Je n'ai pas de détail particulier. Si je les avais, je ne les communiquerais pas avant qu'eux-mêmes les proposent, que ce soit les Syriens, les Turcs ou les Israéliens.
Palestine-Israël, ce fut l'objet de la réunion du groupe HLLA-HLLC, c'était la réunion de Londres. C'était un débat très long avec les participants habituels mais très élargi puisque la France était invitée - miracle, encore une "diplomatie inerte" qui est invitée dans un milieu très hermétique ! C'était intéressant, c'était le Premier ministre palestinien, Salam Fayad, qui parlait à Tzipi Livni. Comme vous le savez, Tzipi Livni parle à Abou Alla et Ehud Olmert parle à Abou Mazen. Mais maintenant, il y a treize groupes de travail. Pas mal quand même. Est-ce que c'est un espoir supplémentaire ? C'est plutôt un espoir qu'une déception supplémentaire, c'est tout ce que je peux dire.
Je crois pouvoir dire aussi, parce qu'il me demande de le dire et que c'est nécessaire, que sur les frontières, c'est-à-dire le tracé des frontières et les échanges de terrains, même si l'accord n'est pas complet, cela avance et il faut que vous le disiez. Il faut que l'on pousse tous pour que cela avance. Je crois aussi savoir que les positions ne sont pas encore les mêmes parce que d'un côté il y a deux pour cent du territoire qui seraient échangés, de l'autre côté, il y en a huit. Donc, on n'en est pas encore à quatre et demi ou cinq. Mais franchement, je crois que cela avance. C'est toujours très surprenant, mais c'est l'état des lieux, de voir que les pourparlers au sommet se poursuivent et sont apparemment satisfaisant pour les protagonistes et que sur le terrain, c'est aussi péniblement bloqué.
Je crois que la France a obtenu le passage de 40 tonnes par jour de ciment à Gaza pour la station d'épuration qui est en construction. Maintenant il faudrait que l'on puisse apporter également d'autres matériaux, je pense que cela sera fait.
Tony Blair, qui est le représentant du Quartet, a dit un certain nombre de choses encourageantes, en particulier sur cet accès qui viendrait de la mer et qui permettrait - c'est un peu le projet de Shimon Pérès sur la vallée de la paix, etc - un accès presque libre en Cisjordanie. Mais dans la réalité, Mme Condoleezza Rice avait négocié la levée de 40 à 50 barrages en Cisjordanie et je n'ai pas le sentiment qu'ils soient levés, même si on dit qu'ils vont l'être. Donc sur le terrain cela n'avance pas beaucoup.
Tout de même, Salam Fayad, qui est techniquement, économiquement le plus sérieux de tous les interlocuteurs palestiniens parce qu'il a bien fait son plan avec la Banque mondiale - ils ont accepté tous les projets -, lui-même n'est pas complètement pessimiste. Enfin, franchement, il a du mérite.
Q - (inaudible)
R - Sur les réfugiés, je crois que le groupe n'avance pas aussi vite que sur le tracé des frontières, mais quand même là aussi, ils continuent de discuter.
Q - (inaudible)
R - C'est difficile de répondre à cela parce que dans les autres négociations, ils ont accepté qu'il y ait quelques réfugiés et là, ils sont à zéro. Je sais quand même qu'ils ne sont pas complètement idiots et qu'ils savent quels étaient les résultats aussi bien à Taba que dans la discussion de Genève, je pense que là aussi cela avancera.
Mais je ne sais pas où ils en sont parce qu'ils m'ont surtout demandé de parler du tracé des frontières. En tout cas, je leur ai dit qu'il y a quelque chose de désespérant de voir que l'on perd la bataille de l'information. Aussi bien en Palestine qu'en Israël, la population n'a pas grande confiance dans ce processus de paix, au contraire, personne ne vous en parle en terme d'espérances. Nous, nous continuons, évidemment, nous avons l'argent. Je vous signale, d'ailleurs, que nous avons l'argent mais compte tenu du budget palestinien, il manque encore 400 millions qui n'ont pas été versés, en particulier par les pays arabes, pour que l'on puisse aller jusqu'à la fin de l'année dans le fonctionnement de l'appareil palestinien. C'est très important.
L'argent pour les projets, il est là, pour financer les projets des 2500 logements du côté de Naplouse et le pont qui doit enjamber une route stratégique. Nous continuons à nous accrocher.
Abou Alla a dit une chose intéressante. Il a dit qu'après tout, la négociation devait continuer après la fin de l'année, compte tenu de l'échéance de l'élection américaine. Eh bien, continuons-là jusqu'à la fin de l'année. C'est un message d'espoir.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrai revenir sur le Liban si vous le permettez. Le gouvernement libanais a adressé aux Nations unies des dossiers qui font état d'un réseau téléphonique du Hezbollah qui est parallèle à celui de l'Etat libanais et également de caméras de surveillance à l'aéroport du Liban. Ils ont adressé ces dossiers aux Nations unies pour qu'ils soient dans le débat sur la résolution 1559, le 8 mai. Quelle peut être la position de la communauté internationale sur ces développements ? Pensez-vous que cela va être un sujet du débat puisque c'est une question interne libanaise ?
R - Les caméras de surveillance sur l'aéroport, franchement, ce n'est pas nouveau. Vous le savez, l'aéroport est situé en territoire chiite, dans l'est de Beyrouth ; c'est facile. Ce n'est pas très grave.
En revanche le réseau dont vous parlez, me semble un mauvais signe. Personne ne peut considérer ce réseau comme un message d'espérance et de paix. C'est-à-dire que ce réseau, si j'ai bien compris, mettrait en gros, les zones chiites, et peut-être au-delà, en contact avec elles-mêmes, c'est-à-dire dans un réseau complètement indépendant de celui de l'Etat ; ce n'est pas une participation au fonctionnement national que nous pouvons encourager. Voilà ce que je peux dire. Sera-t-il une part de la négociation et du débat dans les instances internationales ? Probablement.
Q - Concernant le Tibet, on serait curieux de savoir de quoi vous avez discuté avec le Dalaï-Lama mais la question est également : Pékin exige des preuves de sincérité du Dalaï-Lama pour continuer et on a l'impression que les pourparlers portent sur le sujet de savoir s'il y aura des négociations. Quelles sont les étapes que la France se fixe et quels sont les paramètres pour juger du progrès de ces contacts ?
R - Monsieur la France juge que, déjà, le contact établi est un progrès, personne n'en doute. Maintenant, ce n'est pas à nous de juger des progrès réels. Le Dalaï-Lama, ce matin et dans d'autres conversations que j'ai eues avec lui parle de progrès politique. Il a la sagesse de penser qu'il ne s'agit pas seulement de parler de la crise actuelle mais des progrès qui seraient faits entre les protagonistes. Je ne peux pas parler à sa place. Il reçoit demain ses envoyés, les émissaires qui ont participé au contact avec les autorités chinoises et il me donnera son opinion lorsque je le rappellerai, c'est à dire dans les jours qui viennent. Ce qu'il dit, c'est qu'il s'agirait d'aborder des mesures préventives pour que ces accidents et ces drames ne se reproduisent pas et c'est ce qu'il appelle faire des progrès en politique. Il n'y a pas de date d'une prochaine rencontre, donc je ne peux pas vous la donner. Il ne le savait pas non plus mais il attend cette annonce dans les 15 jours qui viennent. Donc les choses ne sont pas mal engagées, mieux que si elles ne l'étaient pas. Est-ce que les progrès sont suffisants, on verra dans quelques jours s'ils sont encourageants. Ils ne peuvent pas être suffisants à la première rencontre.
Q - La France juge que le Dalaï-Lama est sincère aujourd'hui. Ce n'est pas nécessairement le cas pour d'autre ?
R - Je ne sais pas si la position de la France se mesure au degré de sincérité ou de mensonge d'un individu mais, en tout cas, je peux vous dire que je pense que le Dalaï-Lama, que je connais depuis 20 ans, est très sincère. Franchement je crois que les preuves de sa sincérité en ce qui concerne l'indépendance du Tibet sont là, il n'a jamais dit autre chose. Je ne demande pas l'indépendance, personne en demande l'indépendance, nous voulons parler d'autonomie. Et puis il n'a jamais dit autre chose que : "je ne demande pas le boycott des jeux olympiques, au contraire, je demande que cela soit un succès". La porte est ouverte. Est-ce que je le juge sincère, personnellement, je le juge très sincère. Mais mon opinion personnelle n'est peut-être pas suffisante, les faits jugeront.
Q - La ratification de l'accord entre la Serbie et l'Union européenne que vous avez évoqué est conditionnée par la livraison de Mladic au tribunal de La Haye. Les diplomates français ont indiqué qu'ils espèrent que cette condition sera remplie avant le 1er juillet. Pourquoi le 1er juillet, quel est le rapport avec la présidence française ?
R - Aucun.
Q - Est-ce que cet accord facilite le déploiement de la mission EULEX au Kosovo. Est-ce que cet accord a été modifié après l'indépendance du Kosovo ?
R - Merci de poser cette question parce qu'à Londres nous avons également abordé le problème du Kosovo. Il y a avait trois thèmes, l'Iran, le dialogue Israélo-palestinien, les compléments de financements et puis le Kosovo. Donc il n'y a pas de date. D'abord, je vous signale que ce sont les Hollandais et les Belges qui avaient jugé, à propos de l'arrestation de Mladic et de Karadzic, qu'il fallait des délais. La date, ce n'était pas le 1er juillet, c'était fin juin je crois, ça n'a aucun rapport avec la présidence française. Ils avaient cette position depuis très longtemps et c'est cette position que nous avons fait évoluer. Je vous assure que nous nous sommes vraiment acharnés pour qu'elle évolue et je suis très heureux qu'elle ait évolué avec des conditions qui sont celles que vous avez citées.
Mais enfin L'ASA (Accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Serbie) a été signé. Il y aura un protocole qui fait que, bien entendu, nous souhaitons, la France et tous les pays européens, je ne connais pas d'exception, souhaitent que Mladic et Karadzic soient arrêtés et que le tribunal international mette à exécution ses mandats d'amener. Bien sûr, sinon il n'y aurait plus de justice internationale et ce serait une catastrophe. Mais, en même temps, nous pensons que l'on arrêtera mieux Mladic et Karadzic si se sont les démocrates qui gagnent. Si ce sont les nationalistes, cela ne peut pas être à nos yeux un argument. Même si nous séparons complètement les deux problèmes l'un de l'autre. Nous ne voulons pas que cette offre de participation puis, un jour, de devenir membre de l'Union européenne faite à la Serbie soit conditionnée par l'arrestation de Mladic et Karadzic ; ce sont deux choses différentes. Mais toutes les deux sont indispensables. J'espère que cela se passera bien.
Avant d'en arriver à Eulex je vous dis que, pour le moment, entre les deux cela se passe bien. Et que si, par hasard, les élections le 11 mai se passe bien, peut-être pourra-t-on considérer que l'ensemble de l'attitude de la communauté internationale à propos du Kosovo serait le contraire d'un échec.
Alors EULEX. Il y a eu cette discussion à Londres. Je pense que le passage de l'UNMIC, résolution 1244 des Nations unies, à EULEX se fera doucement et qu'il ne faut pas opposer l'un à l'autre. Comme il ne faut pas d'ailleurs imposer l'attitude de fermeté vis-à-vis de la frontière avec une attitude de soi-disant laxisme. Et il ne faut surtout pas qu'on mette d'un seul coup tout UNMIC au Nord pour garder la frontière serbe et EULEX du coté du Kosovo. Ce sont des attitudes internationales neutres, mesurées, pacifiques, déterminées. Et donc il faut les mélanger, il faut que cela vienne comme cela. Il reste, certes, des problèmes juridiques au niveau du conseil de sécurité et c'est M. Ban Ki-moon qui en fait les frais, alors qu'il est vraiment très engagé pour que la paix se fasse entre les deux parties, entre le Kosovo et la Serbie. On verra bien. En tout cas, l'attitude est à la conciliation et je voudrais saluer l'attitude russe parce qu'ils ne mettent pas d'huile sur le feu. Les Russes ont promis de ne pas être plus serbes que les Serbes, eh bien ils ne le sont pas. Si cela pouvait continuer à être comme cela, ce serait un bénéfice pour tout le monde et certainement pas une défaite pour la Serbie, au contraire. Ce ne serait certainement pas une victoire pour le Kosovo, ce n'est pas comme cela que les choses se passent.
Q - Mais cela va faciliter cet accord ?
R - Oui, je pense que cela va faciliter les choses et que vraiment dans les deux mois qui viennent on y verra plus clair. Mais vous savez, le déploiement de l'EULEX continue. Sur le terrain, il y a des centaines de volontaires de polices, etc. Il y a un problème de police au Kosovo. Il y a toujours eu, dans les opérations de maintien de la paix, un problème de police parce que c'est difficile de former, parce que cela prend du temps, parce qu'après les contingents se renouvellent pour que la police du lieu, c'est-à-dire la police Kosovare, soit à même de faire son travail, qu'elle ne soit ni corrompue, ni partiale.
Q - Mais une précision est-ce qu'il y a un lien entre l'accord et la mission EULEX, est-ce que cela va faciliter ?
R - Bien sûr que cela va faciliter, mais il n'y a pas de lien direct. Ce n'est pas un lien politique déterminé. Mais il y a un lien. Tout ce qui apaise la tension sur le terrain c'est très important et cela peut-être un facteur complémentaire. S'il y a un incident, c'est un facteur de complication et je souhaite infiniment qu'il n'y en ait pas. Ceci dit, il reste très peu de jours.
Q - Je souhaite revenir sur l'Iran et une petite question sur les négociations entre les Israéliens et les Palestiniens. Peut-on considérer les propositions que va transmettre M. Solana aux Iraniens comme des propositions de dernières chances ? Sur la question israélo-palestinienne, il y a certains médias israéliens qui ont révélé, il y deux jours, qu'il y aurait des conversations secrètes entre palestiniens et israéliens dans plusieurs capitales occidentales dont Paris. Est-ce que vous confirmez cette information ?
R - Hélas, je ne confirme pas que cela a lieu à Paris, je n'en sais rien. Peut-être qu'il y a des gens qui se rencontrent, je ne le sais pas. Moi j'ai offert que cela se passe à Paris donc peut-être qu'un jour cela se passera à Paris pour les groupes de travail dont nous parlions. Maintenant, qu'il y ait des contacts tout le monde le sait et surtout par l'Egypte interposée et il y a même les contacts entre le Hamas et les Israéliens, avec cet accord du Caire qui me semble, qui semble à la France aller dans la bonne direction, avec ouverture des points de passages, etc.
Je sais que les Israéliens sont gênés, qu'il n'ont pas encore pris position, à ma connaissance, mais je pense que cela va dans le bon sens. Il y a des contacts, vous le savez, en dehors de cela entre les Palestiniens et les Israéliens, il y a des contacts tous les jours. Ils se connaissent par coeur, ils ont été les uns et les autres dans des négociations internationales depuis des années. Ils s'embrassent, ils s'appellent par leur prénom, les uns parlent arabes les autres hébreux - enfin, ceux qui parlent hébreux, ils l'on appris en prison en général. Vous savez tout cela. Ces gens le disent, israéliens et palestiniens, tout le monde sait qu'il y aura la paix, personne ne sait quand et combien il faudra encore de morts. Il y a des contacts tout le temps ce n'est pas un secret, ce n'est même pas quelque chose d'exceptionnel. A Paris pour le moment je ne le crois pas, mais officiellement il n'y a pas de contact à Paris entre eux. Mais pourquoi il y aurait des contacts puisqu'il y en a tout le temps. Il faudrait imaginer une négociation parallèle qui pourrait être avec le Hamas. Ah non, il ne faut pas exagérer. Moi j'ai toujours dit qu'un certain nombre de gens pouvaient prendre contact mais ceux qui devaient négocier les Palestiniens et les Palestiniens, les Israéliens et le Hamas. Maintenant des contacts qui seraient parallèles aux négociations de paix d'Annapolis et de la conférence de Paris, franchement je crois qu'il n'y en a pas. S'ils ont envie de se rencontrer à Paris ils ont le droit, ils voyagent, ils ont des visas. D'ailleurs des visas que nous avons fait accorder avec plus de facilité par les Israéliens.
Q - Sur l'Irak Monsieur le ministre ?
R - J'ai téléphoné au président Talabani pour lui dire combien j'étais heureux que sa femme ait échappé à cet attentat qui a fait quatre morts. Et sur l'Irak, ils m'ont demandé, puisque je dois y aller que je participe à la présidence compacte de Stockholm.
Q - (inaudible)
R - Ce n'est pas la dernière proposition. Je ne veux pas la guerre. On ne va pas dire qu'après cette proposition ce sera forcément le conflit, pas du tout, mais c'est dommage parce que cette proposition, vous le verrez est une proposition sérieuse, généreuse, ouverte qui pourrait, je crois, changer la nature du jeu et surtout les états d'esprit.
Encore une fois, il n'est pas question pour l'Iran de renoncer à la moindre parcelle d'énergie nucléaire civile si elle le veut, au contraire. Mais il ne faut pas fabriquer la bombe atomique et on veut en être sûr. Vous pourriez me dire que les choses avancent parce qu'il y a eu des sanctions - moi qui ne suis pas très partisan des sanctions en général. Finalement, la communauté internationale a manifesté deux choses. D'abord, c'est capital, son unité, c'est à dire que les Chinois, les Russes, les Américains et les trois pays européens soient ensemble depuis maintenant quatre résolutions - trois résolutions de sanctions et une résolution avant, c'est formidable, et encore celle-la avec des propositions de dialogue, c'est essentiel. Pour le reste il semble que les sanctions provoquent quand même un certain nombre de réactions, c'est ce que nous souhaitons le plus, dans la population iranienne. Pour qu'ils comprennent à travers cela que nous sommes absolument prêt a tout, c'est le sens de cette proposition, après les sanctions, le dialogue qui leur est adressé. J'espère quelle sera publiée en Iran. Je doute qu'elle le soit mais j'espère fortement qu'elle le soit, sinon nous le publierons dans le monde entier et, évidemment, sur Internet pour que le peuple iranien sache ce que nous proposons.
Q - Monsieur le Ministre vous avez dit que vous partiez pour Moscou avant la fin du mois. Qu'allez-vous aborder avec le nouveau président ?
R - Il y a un certain nombre de pays qui doivent être visités dont, bien entendu, la Russie et la Chine, pour préparer et expliquer ce que l'on va faire durant la présidence de l'Union européenne que nous allons assumer. Et c'est dans le cadre de la future présidence de l'Union européenne et des rencontres qui auront lieu entre l'Union européenne et la Russie que ce déplacement aura lieu. Cela me permettra de saluer, je l'espère, le nouveau président, M. Medvedev.
Q - Et les sujets ?
R - Le sujet, c'est l'Union européenne et la Russie, c'est d'inventer une façon de se parler un tout petit peu différente que celle qui, pour le moment, mettait face à face plutôt qu'elle n'arrangeait les sujets et les problèmes. La Russie avait toujours le sentiment qu'elle avait décidé d'avance et qu'on proposait ou plutôt qu'on imposait des décisions sans que les discussions soient possibles, même sur le fond des choses.
Les six pays fondateurs de l'Union européenne ont voté, à Bucarest, au moment du Sommet de l'OTAN, contre la proposition de l'accueil immédiat et du MAP proposé à la Géorgie et à l'Ukraine, c'est à dire Luxembourg, Belgique, Allemagne, Italie, France, Pays Bas, les six pays fondateurs, parce qu'il y a des problèmes européens et que la Russie fait partie des problèmes européens.
Nos devons entamer un dialogue avec la Russie, nous devons le maintenir. Cela ne veut pas dire que nous sommes hostiles aux Américains, cela veut dire que l'on peut maintenant leur dire que nous ne sommes pas d'accord et nous ne sommes pas souvent d'accord. Donc, c'est un peu ce que nous voulons faire et cela ne veut pas dire que la situation en Géorgie nous plaise. Cela ne veut pas dire une seconde que nous trouvons que la détermination russe d'entretenir des rapports directs avec l'Ossétie et avec l'Abkhazie nous fasse plaisir. Nous pensons que cela va tendre les choses et qu'il faut s'efforcer au contraire de les apaiser. Que l'attitude vis-à-vis d'un drone qu'ils ont abattu ou pas abattu ne me parait pas la bonne manière pour composer avec ses voisins en Europe, c'est évident. Donc, nous avons à établir des relations différentes entre l'Union européenne et la Russie. Les relations de la France avec la Russie sont bonnes, quant à elles.
Q - Dans le cadre de ce nouveau ton que vous cherchez avec la Russie, est-ce que la Russie doit avoir son mot à dire quant aux relations entre l'Ukraine et l'Union européenne, sachant que la France pousse à un partenariat renforcé avec l'Ukraine ?
R - Elle n'a pas son mot à dire, il n'y a pas de veto. Il n'y a pas de droit ni de pouvoir de veto, non. Nous pensons que la politique, ce n'est pas de s'opposer systématiquement et d'avoir une politique de confrontation comme si les deux blocs existaient encore et comme s'il y avait encore des faucilles et des marteaux sur les drapeaux rouges.
Mais vous allez me dire : est-ce que c'est parce qu'on dépend de l'énergie ? Non, mais c'est un problème qui va être au centre des travaux de l'Union européenne sous présidence française. Il nous faut à la fois diversifier nos sources et, en même temps, avoir une position commune. Cela ne va pas être simple parce que chacun croit qu'il a des relations différentes avec la Russie et qu'il serait capable de favoriser son dialogue personnel avec la Russie.
Je crois qu'il faut dépasser cela. Cela ne va pas être commode, mais pour répondre précisément à votre question, non et non il n'y a pas, ni d'oukase ni de droit de veto. Ce n'est pas parce que la Russie nous sommait de ne pas voter en faveur de la MAP disposée pour la Géorgie et pour l'Ukraine, mais parce que ce n'était pas mûr, parce que ce n'était pas encore nécessaire et qu'il fallait absolument se disposer autrement. C'est pourquoi nous avons, à la fin de l'année, en décembre, une réunion des ministres des Affaires étrangères à qui on a transmis le flambeau. C'est finalement une belle preuve de confiance envers les ministres des Affaires étrangères pour décider à nouveau. Vous le savez, il faut l'unanimité, c'est très simple. Or là je comprends bien la position des pays qui ont passé 50 ans dans l'orbite de l'Union soviétique, et non de la Russie. Ils ont un souvenir cuisant de ces années-là et ils sont très déterminés à dire : on accueille tout le monde parce que maintenant c'est la démocratie et parce qu'ils sont sortis du camp soviétique et du fait que l'OTAN s'opposait au pacte de Varsovie. C'est fini ce temps là. Il faut qu'il le comprenne.
L'OTAN n'est pas une organisation dirigée par les Américains pour les Américains. Qu'est-ce que c'est que cette légende. Qui a vu que le monde a évolué ? Tout le monde l'a vu. Les opérations militaires actuelles de l'OTAN, ce sont le Kosovo et l'Afghanistan, pour servir le Conseil de sécurité car c'est sous mandat du Conseil de sécurité que ces mouvements militaires ont été mis en oeuvre et, vous le savez, il y a une direction double, aussi bien au Kosovo qu'en Afghanistan.
L'OTAN a changé, ne n'est pas un appareil militaire contre un autre appareil militaire. Voilà pourquoi nous avons, avec les six pays fondateurs, affirmé une position européenne qui nous semblait légitime. Ce n'était pas du tout pour suivre le spectre ou la peur que nous inspirerait la Russie mais, simplement, parce que la Russie quoi qu'on en pense est une part de l'avenir de l'Union européenne. C'est le plus grand voisin. C'est une évidence, il faut que nous ayons un dialogue avec la Russie. Mais ce n'est pas pour cela que l'on a dit non à l'Ukraine et à la Géorgie en matière d'offre de MAP. C'est parce que nous pensions que ce n'était pas mûr.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008