Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général, Cher Abdou Diouf,
Monsieur le Directeur de l'Institut de Relations internationales et stratégiques,
Messieurs les Ministres, Honorables Invités, Mesdames et Messieurs,
Quelques semaines seulement après ma prise de fonction gouvernementale qui coïncidait avec la célébration de la journée internationale de la Francophonie, à laquelle le président Nicolas Sarkozy a pris une part importante, je me réjouis de me trouver, à vos côtés, ce matin, afin d'explorer avec vous l'avenir de la Francophonie.
Je ne doute pas que les différentes thématiques qui vous réunissent, aujourd'hui et demain, à l'occasion de ces 13èmes conférences stratégiques annuelles de l'IRIS, contribueront à enrichir notre réflexion commune. Je tiens d'ailleurs à féliciter les organisateurs pour cette belle initiative.
C'est pour moi un grand honneur de me trouver ce matin, aux côtés du Secrétaire général de la Francophonie, auquel je tiens à rendre un hommage appuyé pour la qualité de son action. Je suis venu vous dire ma confiance et celle du gouvernement français dans l'avenir de la Francophonie à laquelle la France souhaite naturellement prendre une part des plus actives. Comme l'a rappelé avec force le président de la République, le 20 mars dernier, la Francophonie est et restera une priorité de la diplomatie française.
Soyez convaincu que je ne serai pas seulement le ministre français de la Coopération mais aussi, et à part égale, le ministre français de la Francophonie.
En outre, je peux vous assurer ici que l'Afrique restera au coeur de nos préoccupations car, sans l'Afrique, la Francophonie n'a pas d'avenir. Je suis revenu, il y a quelques heures seulement, d'un déplacement en Afrique de l'Ouest, cher Abdou Diouf, qui a renforcé ma conviction en ce sens. Naturellement cette considération n'est pas exclusive d'autres espaces qui donnent à la Francophonie tout son sens et n'oublions pas la France d'outre-mer qui enrichit la métropole par son territoire national en Amérique, dans les Caraïbes, dans l'océan indien et le Pacifique au bénéfice d'une vision francophone diverse et partagée. Il en va de même pour la richesse des expatriés francophones dans les différents pays du monde.
Quel peut alors être, dans l'avenir, le périmètre de notre Francophonie ? Il ne s'agit pas de s'étendre pour s'étendre. Je ne crois pas que la Francophonie puisse se renforcer dans la dilution. Au contraire, à mon sens, elle doit plus exactement s'organiser en cercles concentriques avec un noyau dur constitué des Etats ayant le français comme langue officielle. Ainsi, pour sa part, la France considère que l'OIF a probablement atteint son périmètre maximal en nombre de membres, en dehors de deux adhésions majeures que constitueraient celles de l'Algérie avec ses 17 millions de francophones et d'Israël avec ses 700.000 francophones.
Mais je pense également que tous les Etats de la planète ont vocation à s'intéresser à la Francophonie. Au nom de quoi, devrait-on envoyer un message de fermeture au monde ? Cela irait à l'encontre de nos valeurs d'ouverture et de diversité. C'est la raison pour laquelle, tout territoire montrant son attachement à l'apprentissage de notre langue et à nos valeurs devrait pouvoir rejoindre notre organisation commune mais en qualité d'observateur. Je serai pour ma part favorable à une réforme qui pourrait aller dans ce sens.
La langue française est notre bien commun. Nul ne doit l'oublier. En cela, l'enseignement du français forme un vecteur essentiel de notre Francophonie. Le travail effectué par les milliers de professeurs de français à travers le monde est absolument admirable. Il ne serait d'ailleurs pas inconvenant que la Fédération internationale des professeurs de français puisse être associée à l'OIF dans une forme novatrice à définir ensemble.
La Francophonie n'a pas à hésiter. Elle doit oser être populaire et emporter la conviction de la jeunesse sans laquelle elle ne pourra se projeter dans l'avenir.
La Francophonie doit épouser son temps et profiter des nouvelles technologies. L'enseignement à distance, en particulier pour la formation des instituteurs en Afrique et dans la Caraïbe est une priorité que la France souhaite voir développer en partenariat avec les divers opérateurs de la Francophonie. Il en va de même pour les campus universitaires numériques. En outre, nous travaillons à la mise en place d'un portail numérique francophone qui permettra de recenser toutes les facettes de notre culture francophone dans tous les domaines, de constituer un instrument important de communication, une vitrine de notre diversité et de notre richesse : le numérique doit constituer la force de frappe de la Francophonie.
Car la Francophonie, j'en suis convaincu, porte en elle-même les fruits de l'avenir. Construite par son identité linguistique, la Francophonie va aujourd'hui bien au-delà. Naturellement elle ne doit en aucun cas oublier ce qui forge son identité de destin, à savoir son socle fondateur : le partage d'une langue commune, le français. L'engagement en faveur de la langue française est fondamental. Mais la Francophonie représente également un corpus de valeurs qui sont véhiculées par notre langue française, à savoir, la démocratie, le respect des Droits de l'Homme, la tolérance, la diversité culturelle et linguistique, la protection de notre planète, la fraternité. Elle doit oser les affirmer.
Sa dimension politique a pris ces dernières années, en particulier par l'application des principes de Bamako, une ampleur souhaitée et souhaitable. L'action de l'OIF dans le respect des Droits de l'Homme, dans les processus de sortie de crise, de stabilisation, d'appui à l'Etat de droit, à la démocratie et à la paix dans l'espace francophone est remarquée.
A l'heure de la mondialisation, l'identité francophone se construit sur la base d'une langue commune partagée et sur les valeurs que je viens d'énoncer. Voilà pourquoi la mondialisation est une chance pour la Francophonie et n'ayons pas peur de l'affirmer haut et fort, la Francophonie est une chance pour la mondialisation afin de l'équilibrer, de la diversifier, bref de l'humaniser.
A cet égard, le prochain Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra à Québec en octobre se doit d'être un succès. Des thématiques porteuses devront être retenues. Je ne vois pas comment la question de l'environnement et du réchauffement climatique ou de la sécurité alimentaire pourraient ne pas être traitées lors de cette rencontre au plus haut niveau.
La France prend toute sa place dans la préparation de ce Sommet. Nul doute que ce moment fort de la vie de notre organisation permettra de préparer avec sérénité, mais également avec détermination et visibilité, la place d'une Francophonie renforcée dans la construction de l'avenir commun de notre espace partagé.
Une Francophonie moderne n'a également de sens que si elle est partagée. En ce sens, chacune et chacun comprendra aisément qu'il n'est pas normal que la France soit un contributeur si dominant. Sans remettre en cause l'effort financier substantiel de la France dont je rappelle qu'il a été de plus de 130 millions d'euros en 2007 pour les seules institutions francophones et dont je vous assure qu'il sera maintenu, il serait logique que nos partenaires du Nord s'investissent plus dans le financement de notre destin commun.
D'autant plus que des efforts considérables ont été fournis ces derniers mois pour la moderniser les structures de notre organisation.
Cette rationalisation a été menée avec talent et efficacité. Elle se doit certainement d'être poursuivie dans les mois et les années qui viennent, en particulier dans la perspective, désormais proche, de l'installation des différents acteurs de la Francophonie institutionnelle au sein de la Maison de la Francophonie.
Le rayonnement de la langue française s'inscrit dans le respect et la promotion des langues et des cultures. Ce n'est pas un hasard si la Francophonie a été si offensive dans son juste combat mobilisateur pour la reconnaissance de la diversité culturelle à l'UNESCO alors que l'uniformisation conduit inéluctablement à l'appauvrissement culturel et intellectuel. En ce sens aussi, la Francophonie est un atout essentiel pour une mondialisation humaine et régulée.
En outre, je crois aussi à la Francophonie économique. C'est aussi par le développement économique que notre Francophonie sera renforcée. Je crois aussi dans le renforcement de TV5monde, fière à juste titre de sa signature et de la richesse de son caractère multilatéral dont l'avenir est assuré, notamment par la chance que constitue la réforme de l'audiovisuel extérieur français. Je me réjouis, à cet égard, du compromis qui a été récemment trouvé au sein du conseil d'administration et auquel j'ai, pour ma part, contribué.
A quelques semaines de la Présidence française de l'Union européenne, je souhaitais également vous indiquer, ce matin, que je serai attentif au statut du français en France et dans l'Union européenne. La diplomatie française sera également vigilante sur l'usage de notre langue dans la vie internationale.
Nous en aurons probablement une illustration dans quelques semaines lors des Jeux Olympiques de Pékin. En effet, grâce à l'élaboration réussie d'une convention sur l'utilisation du français avec le Comité organisateur, il est probable que le Français, langue officielle des JO, prendra une place très importante qu'il n'avait pas connu depuis de nombreuses olympiades.
Oui, Mesdames Messieurs, la Francophonie est pour la France un vecteur d'avenir. Elle ne doit pas craindre d'être ambitieuse. Cette ambition, je sais que nous la partageons.
En vous souhaitant de fructueux travaux, je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 mai 2008