Déclaration de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur la réforme de l'aide publique au développement, à Paris le 6 mai 2008.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Joyandet - Secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie

Circonstance : Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, Comité d'aide au développement, Organisation de coopération et de développement économique, à Paris le 6 mai 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui, et un privilège de m'adresser à vous ici à Paris. Je me félicite de cette opportunité qui m'est offerte dans le cadre de cette revue par les pairs de discuter en profondeur, avec des spécialistes, du contenu de l'aide française, de ses grandes orientations, des modalités de sa gestion et de sa répartition.
J'ai été en particulier impressionné par la qualité du rapport préparé par le secrétariat et l'extrême qualité des conclusions et recommandations formulées par nos deux pays examinateurs, la Suède et le Royaume-Uni.

Mesdames et Messieurs,
Conformément aux recommandations du dernier rapport établi en 2004, la France a engagé une réforme de son dispositif, dans le sens d'une plus grande rationalisation et a poursuivi une démarche d'amélioration de la qualité de son aide au développement.
La France a continué à jouer ces dernières années un rôle majeur au plan international dans des domaines clés tels que la gestion des biens publics mondiaux, le financement du développement et la priorité d'intervention dans les Etats fragiles. La France se félicite du bilan globalement positif tiré par l'équipe d'examen et le secrétariat du CAD des efforts entrepris. Cependant, si ce processus a fait progresser son dispositif de coopération au développement dans le sens de la rationalisation et de l'efficacité, la France a conscience qu'elle a encore à poursuivre des efforts en la matière.
Notre système d'aide et de coopération reste encore trop éclaté et complexe, notamment sur le terrain. Notre dispositif n'associe pas suffisamment les expertises des Organisations non gouvernementales (ONG) ou encore celles de la coopération décentralisée. La programmation stratégique de notre aide à un niveau politique reste insuffisante. Pour résumer un sentiment que je pense partagé, l'APD française manque globalement de lisibilité, de visibilité et de force de projection.
La réforme de notre système d'APD devrait se concrétiser dans les toutes prochaines semaines dans le cadre de la Revue générale des Politiques publiques (RGPP). Le travail d'analyse et de recommandation effectué par l'équipe d'examen et le secrétariat du CAD s'avère donc extrêmement utile pour continuer à nourrir ces réflexions et nous aider à prendre les bonnes décisions.
J'ai personnellement relevé les neuf priorités suivantes auxquelles j'accorderai, vous pouvez me croire, toute l'attention nécessaire :
En premier lieu, veiller à la clarification stratégique de l'APD française.
La RGPP, mais aussi le travail de réflexion et de rédaction conduit dans le cadre du Livre blanc sur la politique étrangère de la France, doivent permettre de clarifier les objectifs et les priorités stratégiques à moyen terme de la politique française de coopération au développement. Nous accueillons donc très favorablement la recommandation faite par nos pays examinateurs d'élaborer un "document cadre de politique de coopération" permettant d'articuler plus précisément les missions des acteurs, de guider de façon plus stratégique l'allocation de l'ensemble des ressources humaines et financières, de mettre plus clairement sur la table les questions de cohérence entre notre politique de développement et nos autres politiques publiques. Un tel document stratégique pourrait même prendre à mes yeux une forme législative pour y associer pleinement le Parlement et pourquoi pas également impliquer dans un débat ouvert les organisations de la société civile.
En second lieu, poursuivre l'amélioration de notre dispositif institutionnel de coopération afin de le rendre plus simple, plus clair et plus cohérent.
La rationalisation du dispositif institutionnel sera poursuivie. Celle-ci passe le regroupement de l'ensemble des actions opérationnelles au sein d'une seule agence, l'Agence française de Développement (AFD), la refondation de notre organisation sur le terrain sous l'autorité de l'Ambassadeur, le renforcement des capacités de pilotage stratégique des administrations de tutelle et la création d'un conseil d'orientation stratégique de l'AFD présidé par le ministre chef de file de l'APD française. Je me permets d'insister sur l'idée qu'il faut aussi mieux faire savoir à nos concitoyens ce qui est déjà bien fait dans nos actions de coopération.
En troisième lieu, concentrer davantage notre aide
Cette clarification stratégique de l'aide française passe par la nécessaire concentration de nos priorités et de nos moyens, comme le souligne l'équipe d'examen et le secrétariat du CAD : une concentration qui soit assumée et voulue et non subie. Cela doit se traduire par la concentration géographique des moyens bilatéraux au bénéfice des pays africains les plus pauvres. Ce processus sera mené dans le cadre des efforts européens et internationaux de division du travail et de coordination, en tenant compte de notre avantage comparatif dans un certain nombre de secteurs et pays.
Je tiens à cet égard à réaffirmer avec vigueur l'engagement français pour la mise en oeuvre de la déclaration de Paris et notre ouverture la plus complète possible aux principes d'appropriation, d'alignement et d'harmonisation. Conformément aux recommandations faites dans le rapport, nous allons établir un calendrier de mise en oeuvre de la déclaration de Paris pour tous les acteurs français concernés.
En quatrième point, développer une approche multilatérale plus stratégique.
L'exercice de la RGPP prévoit également d'améliorer la sélectivité des engagements multilatéraux notamment sur la base d'une évaluation des résultats. La France entend ainsi se doter de stratégies pour peser sur les orientations des principaux organismes multilatéraux auxquels elle contribue, leurs performances évaluées et les contributions de la France réajustées à l'aune de ces évaluations. Plus largement, il s'agit de davantage s'investir dans la définition des orientations stratégiques des organismes multilatéraux, à la hauteur du niveau de contribution de la France.
Je me permets sur ce point de marquer mon souci de rééquilibrer les contributions multilatérales de la France au profit des certaines institutions des Nations Unies, comme le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), l'UNICEF, le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR)et le Programme alimentaire mondial (PAM)
En cinquième point, aller vers davantage de prévisibilité.
La France compte poursuivre ses efforts pour assurer une meilleure visibilité et prévisibilité à moyen terme de son APD. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Loi organique pour la Loi de Finance (LOLF) , le budget de l'Etat évoluera vers une programmation budgétaire pluriannuelle (2009-11). Celle-ci donnera une vision à trois ans de l'évolution du montant global des crédits de la mission APD. Les outils de programmation existants seront améliorés dans le cadre de ce processus. Nous entendons également mettre en place un tableau de bord des échéances budgétaires à moyen terme de notre APD.
En sixième point, systématiser l'approche par les résultats.
Dans le cadre de la modernisation de sa politique publique d'APD, la France développera ses instruments de gestion axée par les résultats pour améliorer le pilotage de son dispositif et renforcer l'efficacité de son aide. Notre objectif est de bien construire une méthodologie unifiée de gestion axée par les résultats, applicable à l'ensemble des acteurs de l'APD française.
En septième point, veiller au respect de nos engagements internationaux.
La France est et restera l'un des acteurs clés de la communauté internationale en matière de coopération et de développement. La France a réitéré sa volonté de respecter ses engagements internationaux en matière d'augmentation d'APD, en particulier ceux pris au niveau de l'Union européenne, pour atteindre les 0,7 % en 2015. Cependant les marges de manoeuvres financières sont réduites dans l'immédiat, et seront soumises à l'évolution de la situation économique générale. La France doit en particulier tenir ses engagements européens de retour à l'équilibre budgétaire en 2012.
Il est également important de dégager de nouvelles ressources et d'accroître le caractère catalytique de l'aide. Sans croissance économique, il ne peut y avoir de développement. L'APD ne peut pas tout. L'APD ne peut rien toute seule. Le développement se construit d'abord avec la volonté politique de nos pays partenaires. C'est aussi le sens de l'engagement de la France en faveur des financements innovants, de l'établissement de mécanismes d'appui au transfert des ressources des migrants et de la récente initiative prise au Cap par le Président de la République en faveur du soutien du secteur privé.
En huitième et avant dernier point, entretenir de nouveaux espaces de dialogue avec les acteurs non-étatiques.
La France poursuivra son effort de soutien accru aux acteurs non étatiques. Le Président de la République a réitéré l'engagement de doubler la part de l'APD française transitant par les ONG. Dans le cadre de la politique de "Développement solidaire", la France entend notamment appuyer l'action des migrants et de leurs associations en faveur de l'appui au développement de leurs pays d'origines. Enfin, la France renforcera la dimension locale de la coopération au développement, en s'appuyant notamment sur les actions de coopération menées par les collectivités locales. La gouvernance locale sera d'ailleurs une des deux priorités développement de la présidence française de l'Union européenne. Nous souhaitons, à cette occasion, faire adopter une charte européenne sur la gouvernance locale.
En dernier lieu, renforcer l'action humanitaire et des axes d'intervention dans les Etats fragiles.
Enfin, ces actions de long terme d'appui au développement ne doit pas nous faire oublier la nécessaire mobilisation en faveur des pays en crise. Conformément aux recommandations de l'équipe d'examen, la France élaborera un cadre politique général pour son aide humanitaire et poursuivra ses efforts en matière de mise en cohérence des différents intervenants. La France maintiendra son investissement au sein des enceintes internationales en faveur des Etats fragiles. Plusieurs propositions sur ce sujet sont également discutées dans le cadre de la RGPP et du Livre blanc, dont la mise en place d'un dispositif spécifique consacré aux sorties de crise permettant à l'Etat de mobiliser des moyens à décaissement rapide.

Mesdames et Messieurs,
Pour conclure mon intervention, sur le rapport qui vous est soumis aujourd'hui, je voudrais noter devant vous que si on peut toujours contester le bien-fondé spécifique de telle ou telle observation, surtout lorsque celle-ci renvoie à des questions de doctrine (comme la question des prêts ou des dons), le tableau général de la situation me semble bien refléter l'impérieuse nécessité dans laquelle nous nous trouvons de poursuivre la rénovation et la modernisation de l'APD française.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008