Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, à Europe 1 le 7 mai 2008, sur la réunion des nouveaux adhérents de l'UMP lors du premier anniversaire de l'élection de N. Sarkozy, les réformes en cours, le projet de restriction des "niches fiscales" et l'accueil des enfants par les municipalités lors des grèves d'enseignants.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- Bonjour !
 
Bonjour !
 
Il n'est donc pas venu alors salle Gaveau...
 
Il n'est pas venu, mais il n'est pas venu parce qu'il avait ses obligations de chef de l'Etat. Et, vous savez, s'il était venu en ayant modifié son calendrier de chef d'Etat, eh bien on le lui aurait reproché de faire passer ses amis politiques, son parti politique avant les intérêts du pays.
 
Sincèrement vous pensez que cet argument passe ? Vous croyez que c'est une question d'emploi du temps ?
 
Je pense que c'est vrai.
 
Mais pourquoi vous avez attendu jusqu'à six heures et demi ? Il vous a dit à dix-huit heures trente, on vous entendait dans le reportage dire : "on l'a attendu, il est telle heure, on l'espérait".
 
C'est moi qui ai espéré. J'ai espéré... D'abord j'avais choisi la salle Gaveau à proximité de l'Elysée, parce que ça lui permettait de faire un saut. Cela aurait été bien qu'il vienne pour le premier anniversaire. Mais en même temps, il me l'avait dit, il avait un emploi du temps très contraint, il est allé dans le Gard où il avait tout un programme politique et ce n'était pas sûr et il m'a toujours dit que ce n'était pas sûr.
 
Quand il veut, il peut !
 
Vous savez, quand on est président de la République, on a aussi des contraintes ou des obligations. Il n'a pas fait passer...
 
Autrement dit, vous nous dites que vous tous, vous avez toute la journée hésité et vous vous êtes interrogé : j'y vais, j'y vais pas.
 
Nous, on a souhaité tout le temps qu'il vienne, voilà. On a fait même un peu pression pour qu'il vienne et lui était tenté de venir. Voilà, il voulait venir, mais en même temps, son emploi du temps... et s'il avait annulé, je crois que les commentaires que vous feriez ce matin seraient certainement beaucoup plus critiques.
 
Non, mais quelle est la vraie raison, P. Devedjian ?
 
Bah, c'est celle-là, c'est celle que je vous donne !
 
La vraie, la vraie ! Est-ce qu'il a perdu le moral ou est-ce qu'il n'a pas confiance en l'UMP ?
 
Je crois plutôt que c'est le contraire. D'abord l'UMP va très bien, on finit l'année 2007 avec 370.000 adhérents, c'est le premier parti de France. Et je vais vous dire : du 6 mai 2007, moment où il a été élu et où il a quitté la direction de l'UMP, à aujourd'hui, 6 mai 2008, nous avons gagné 77.000 nouveaux adhérents. Il n'y a pas un parti politique dans l'histoire de France à qui s'est arrivé ce genre de chose. Donc l'UMP va bien.
 
C'est-à-dire que vous vous adressez des félicitations !
 
Non, je donne des chiffres objectifs pour dire que l'UMP va bien, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.
 
Mais est-ce que vous n'accueillez pas moins de nouveaux adhérents qu'avant, et est-ce qu'ils ne viennent pas moins vite qu'avant ?
 
Eh bien, non, ils sont venus beaucoup vite même à partir de son élection. Ce qui est vrai, il faut dire la vérité, c'est que depuis l'élection municipale - il n'y a pas longtemps, donc il y a un mois, depuis l'élection municipale - parce qu'il n'y a plus d'enjeu devant nous, alors il y a un fléchissement des nouvelles adhésions. Il y a un très bon taux de renouvellement des adhésions, nous fidélisons nos adhérents, mais en revanche nous avons, comme il n'y a pas d'élection devant nous, eh bien nous avons un fléchissement. C'est pour ça qu'on a lancé des campagnes.
 
Vous êtes combien d'adhérents maintenant à l'UMP ?
 
Nous sommes aujourd'hui 380.000. Nous étions 370.000 à la fin de l'année, nous avons gagné à peu près, dans les premiers mois de l'année, environ 10.000 adhérents et nous sommes 380.000. Mais si on compte les gens à jour, nous sommes à 165.000 adhérents à jour en 2008.
 
Hier, d'après des témoignages de ce qui se passait à la salle Gaveau, les nouveaux adhérents paraissaient, enfin comment dire, perdus, déboussolés, comme des orphelins.
 
Bah, non, moi j'y étais, ils étaient très enthousiastes.
 
Oui, mais j'ai dit les nouveaux adhérents.
 
Les nouveaux adhérents, oui.
 
Non, mais vous ? Vous ne voulez pas... Vous, vous ?
 
Je les ai vus, je les ai entendus, ils étaient très enthousiastes et surtout très indignés de la campagne qui est menée contre la personne du président de la République et qui leur apparaissait injuste.
 
La campagne ?
 
Oui, c'est une vraie campagne parce que...
 
Quand on dit campagne, il y a un chef d'orchestre, il y a quelqu'un derrière, il y a des groupes...
 
Ah bah oui...
 
Vous n'allez pas nous faire le coup du complot, P. Devedjian !
 
Bah, non, mais il y a une opposition, naturellement...
 
Elle joue son rôle.
 
C'est la vie démocratique, mais en même temps... Oui, mais cette opposition... Non, elle ne joue pas son rôle parce que son rôle ce serait de proposer un projet alternatif à celui qu'elle critique, elle s'oppose à ce que fait le Président, à ses réformes, à ses projets. Bon, mais qu'est-ce que propose le Parti socialiste ? Absolument rien, totalement enlisés dans leurs querelles internes d'appareil, de parti, et pour le reste, le leitmotiv sur le pouvoir d'achat, où ils sont les plus mal placés d'ailleurs pour donner des conseils parce que c'est eux qui ont ravagé le pouvoir d'achat...
 
Mais attention, ils vont continuer.... Oui ! ...Pendant l'an II Sarkozy : le pouvoir d'achat, le pouvoir d'achat. Ils vont matraquer sur ce thème.
 
Eh bien, je vais d'abord leur répondre que s'il n'y avait pas eu les 35 heures, le pouvoir d'achat ne serait pas dans l'état désastreux où il était. Je rappelle quand même en 2000, nous avons eu 4,1 % de croissance - c'était beau d'avoir 4,1 % de croissance - mais nous n'avons eu que 0,5 % d'augmentation du pouvoir d'achat, parce que les 35 heures ont complètement plombé, totalement, et nous avons été les derniers en Europe. Ça, ça a été la politique des socialistes.
 
Donc en 2008-2009, si vous pouviez vous débarrasser de ce qui reste des 35 heures, vous allez le faire ?
 
Mais bien sûr, on va continuer à démanteler les 35 heures et je pense qu'on va pouvoir le faire en passant des accords, entreprise par entreprise, et là aussi, c'est une vraie transformation de la société française quand on voit ce qu'est devenu le dialogue social, alors que ce qu'il était sous les socialistes, dans l'affrontement qu'il y avait en permanence. Regardez, la réforme du contrat de travail, elle se fait aujourd'hui dans le consensus. On aurait cru que c'était impossible, eh bien ça se fait.
 
Dans le reportage d'H. Fontanaud, on entendait tout à l'heure une militante dire : « Sarkozy, on lui manque de respect ». Est-ce que lui, à l'Elysée, il reçoit ça comme ça, comme un manque de respect, et est-ce qu'il vit au rythme des sondages ? Est-ce qu'il est affecté, inquiet de temps en temps, en fonction, encore une fois, des chiffres qui lui arrivent, soulagé, dopé ? Comment il reçoit ça, ou indifférent ?
 
 D'abord moi je pense...
 
...Si on peut être indifférent.
 
Je pense d'abord que le devoir d'un chef d'Etat, c'est d'être utile à son pays, de faire les réformes, la modernisation, le redressement dont le pays a besoin et de ne pas avoir l'oeil fixé sur les sondages tous les jours, de manière à d'ailleurs être pratiquement fou, parce que tous ces sondages disent tout et le contraire de tout. Et donc, le devoir d'un homme d'Etat, c'est de s'occuper de son pays. Le Président a encore quatre ans devant lui pour accomplir le projet qu'il s'est fixé pendant la campagne et qui se développe et qui se déroule très bien et de manière très appréciée par les Français, c'est ça qui compte, ce n'est pas les sondages. Mais si on veut regarder les sondages, moi je n'ai pas peur des sondages...
 
Oui, eh bien justement, vous n'avez pas le vertige, P. Devedjian, de constater la baisse forte, rapide, de popularité parce qu'après ça remonte, si ça doit remonter lentement, mais la baisse de popularité ?
 
Quand même, il y a des choses qu'il faudrait expliquer. Par exemple, il y a des sondages sur la baisse de popularité et Dieu sait si on est tympanisé là-dessus. Mais quand on fait des sondages sur les intentions de vote, eh bien alors on est très surpris des résultats. Par exemple, Le Figaro a publié avant-hier un sondage sur les intentions de vote. Et si on demandait aux Français de revoter dans les mêmes conditions où ils ont voté au mois d'avril, le premier tour de 2007, qu'est-ce qu'on constate ? N. Sarkozy fait 33 % alors qu'il avait fait 31. Il gagne deux points, aujourd'hui.
 
Et S. Royal aussi deux !
 
Et S. Royal aussi. Donc dans le même temps où on nous explique que la baisse de popularité de N. Sarkozy est patente, les intentions de vote sont en augmentation. Il faudrait nous expliquer ça. De même quand on interroge les Français sur les réformes, par exemple, quand on les interroge sur les réformes une par une, chaque fois c'est au moins 60 % d'approbation.
 
Alors N. Sarkozy a encadré ce sondage ?
 
Non !
 
Est-ce que cela l'a encouragé, il s'est dit : tiens...
 
Il ne l'a pas encadré, mais simplement, ça lui donne quand même une idée de la relativité de tous ces sondages et de la propagande qui est faite autour.
 
Hier, il n'était donc pas là salle Gaveau. Est-ce que c'est un geste qui a un sens politique ?
 
Non, d'abord, ce soir, il reçoit les parlementaires...
 
Mais pas les mêmes, pas les nouveaux adhérents...
 
Mais les mêmes et les adhérents il va leur écrire, à chacun il va leur adresser une lettre...
 
«Je regrette d'avoir un emploi du temps trop chargé, pardonnez-moi ! »
 
Ils le comprennent, vous savez !
 
Ah !
 
Les Français - et les adhérents de l'UMP, parmi eux - ne sont pas plus bêtes.
 
Aujourd'hui, voici, P. Devedjian, le premier jour de Sarkozy an II. L'an II, ça commence, puisque tous les six mois, on va dire c'est tel anniversaire, c'est comme ça, c'est presque chaque fois ça avec un président de la République. Est-ce qu'il faut oser, comme dit J.-P. Raffarin dans Le Figaro ce matin, la réforme permanente ?
 
Bah, c'est le cas ! Le Gouvernement a fait 55 réformes jusqu'à maintenant et des réformes très difficiles, des réformes réputées infaisables : le traité de Lisbonne, les réformes des retraites, les quarante et un ans d'annuité, le contrat de travail, l'autonomie des universités, enfin des choses formidables.
 
(Rire)
 
Oui, oui, parce qu'aucun Gouvernement...
 
Attention, vous allez ressembler à J. Lang !
 
Non...
 
...Comme dirait C. Nay, à l'époque de F. Mitterrand : "C'est formidable, on est beau, on est bien " !
 
La vérité consiste à dire qu'aucun... Qu'est-ce que c'est le débat ? On a entendu des gens dire que les réformes, il fallait les faire les unes derrière les autres. Eh bien, on n'a pas le temps de les faire les unes derrière les autres, un quinquennat n'y suffit pas. Donc il faut les faire toutes ensemble. Et là, on a fait... enfin je me souviens quand même de ce qu'on disait sur ces réformes : on allait mettre tout le monde dans la rue.
 
Allez, on va en prendre deux ou trois, vous voulez ? Une des premières offensives de l'UMP, le grand parti de la majorité et le parti majoritaire, c'est de réclamer la réforme des 360 niches fiscales, ces avantages qui coûtent assez chers, autour de 50 milliards. Vous dites que vous allez le faire et vous le ferez avant l'été. On entend madame C. Lagarde, elle dit : les mesures qui vont être prises ça ne va pas loin, c'est des petites mesures. On dit c'est 50 milliards et les économies que vous pourriez faire d'ici à l'été, c'est quelques dizaines de millions d'euros.
 
Ah non, non, mais il faut faire beaucoup plus naturellement. Par exemple, je regardais, par exemple, les investissements dans les DOMTOM, par exemple, qui coûtent 550 millions, ce n'est pas quelques dizaines de millions...
 
Oui, oui, vous n'allez pas arrêter, couper les 550 millions ?
 
Non, mais rien que cette niche-là, qui coûte 550 millions, elle ne profite, si j'ose dire, qu'à 10.000 personnes.
 
Oui, mais en même temps vous dites que les économies que vous ferez sur cette mesure seront accordées aux Territoires d'Outre- Mer pour leur développement.
 
Mais il faut la plafonner simplement, il faut maintenir ce dispositif mais il faut le plafonner parce qu'il y a des gens qui en abusent. Et là, en le plafonnant, par exemple, sur ce seul dispositif de 500... on peut économiser 168 millions. Donc quand on prend, il y a environ près de 400 niches fiscales comme ça...
 
Donc vous demandez....
 
Il y a plus de 50 milliards qui peuvent... alors il ne faut pas supprimer les 50 milliards, il ne faut pas raconter d'histoires, mais simplement ça demande à être revisité très sérieusement pour trouver simplement l'égalité, l'équité des Français, parce que ce sont souvent des privilèges.
 
Oui, oui, oui, vous savez qu'on vous a reproché si souvent de mettre à contribution les pauvres pour financer les pauvres et vous êtes en train de chercher une mesure, mais il faut qu'elle soit vraie, qui démontre que vous pouvez savoir aussi faire payer un peu les riches.
 
Mais il faut que tout le monde contribue de manière équitable au redressement de notre pays et à la réforme. Et les niches fiscales, qui sont souvent excessives, sont de ce point de vue-là une piste très sérieuse.
 
Les patrons de l'UMP, que vous êtes, demandent-ils à tous les maires et élus de l'UMP d'organiser l'accueil des enfants dont les parents travaillent ou peut-être voudraient manifester le 15 mai ?
 
Oui, bien sûr, parce que, que les enseignants fassent grève, c'est leur droit, mais il n'y a aucune raison de punir les familles qui ont leurs enfants sur les bras ce jour-là. Et donc nous demandons aux maires, à tous les maires - d'ailleurs, je m'étonne que le maire de Paris ne veuille pas être au service de ses administrés...
 
Bah, il n'est pas UMP !
 
Mais il n'y a pas besoin d'être UMP pour rendre service à la population. Et en plus l'Etat paie, l'Etat contribue au financement de ces mesures. Il s'agit d'organiser la garde des enfants qui ne peuvent pas être admis...
 
Donc vous, un des patrons de l'UMP ou patron de l'UMP, vous demandez à tous les élus, tous les maires....
 
Oui, je leur ai écrit d'ailleurs. A chaque maire UMP, j'ai envoyé une lettre leur demandant d'organiser, en relation avec le Gouvernement, qui finance, la garde des enfants pendant les jours de grève, parce que les familles vont perdre une journée de salaire.
 
L'UMP provoque les syndicats.
 
Mais pas du tout ! Les enseignants feront la grève, il n'y aura pas d'enseignement dispensé. Enfin, la grève de l'enseignement n'est pas la grève des parents qui doivent ce jour-là être privés d'une journée de salaire.
 
Mais autrement dit, les maires UMP ouvrent l'accueil, les écoles etc...
 
Comme ils le font d'ailleurs à d'autres occasions.
 
Les maires PS ferment. Ça ressemble plutôt à un comportement idéologique et politique.
 
Bah, écoutez, c'est quand même le devoir des maires d'être au service de leurs administrés. En plus, ne viendront faire garder leurs enfants que les familles qui le voudront et vous verrez qu'il y en a beaucoup.
 
Oui, on en reparlera et on parlera une prochaine fois de la révision des institutions et en quoi elle est si urgente.
 
Elle est très urgente parce que, si vous regardez ce qu'est le débat démocratique dans notre pays, souvent répétitif et assez étriqué, c'est parce qu'il y a un Parlement qui ne joue pas réellement son rôle. Les vrais débats de société qui conditionnent l'évolution de notre pays, ils doivent avoir lieu au Parlement et il ne s'y passe malheureusement pas grand-chose.
 
Bonne journée, P. Devedjian, merci d'être venu.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 mai 2008