Texte intégral
Q - Les socialistes se disent prêts à un compromis « bipartisan » avec l'UMP sur les institutions. Un tel compromis est-il possible ?
R - Il n'est pas seulement possible, il est nécessaire, car il nous faut absolument saisir la chance que constitue cette réforme voulue par le président de la République. Notre Constitution a cinquante ans. Solide et souple, elle a permis de relever des défis majeurs pour la France. Après l'élection du président au suffrage universel (1962), le quinquennat (2000) et l'inversion du calendrier législatif (2001), nos institutions doivent être rééquilibrées en renforçant le rôle du Parlement. Je ne vois pas comment on pourrait le refuser. Il en va de la solidité de notre démocratie. L'opinion ne s'y trompe pas, elle le souhaite.
Q - Quels pourraient être les contours de ce compromis ? L'opposition refuse toujours l'intervention du chef de l'Etat devant le Parlement.
R - Je considère, à titre personnel, que l'expression du président devant les parlementaires, plutôt qu'à travers les médias, contribuerait à renforcer le Parlement. On pourrait envisager néanmoins que cette intervention ait lieu une fois par an, devant le Parlement réuni en Congrès, comme l'a suggéré Laurent Fabius.
Q - Le projet prévoit d'encadrer le pouvoir de nomination du président par l'avis d'une commission parlementaire, dont la composition et le mode de décision sont renvoyés à une loi organique ultérieure. Faudrait-il préciser ces points dès maintenant ?
R - Des engagements positifs peuvent être pris, le président l'a lui-même évoqué. Pour ma part, je suis prêt à soumettre mes choix de nomination pour le Conseil constitutionnel, le CSM et le CSA, organes démocratiques essentiels, à un vote de ratification à la majorité qualifiée - des trois cinquièmes - par les commissions compétentes de l'Assemblée qui, comme chacun sait, rassemblent des députés de la majorité et de l'opposition. Je serais prêt à me conformer à ce vote.
Q - Le chef de l'Etat vous paraît-il disposé à faire de même ?
R - Je n'ai pas parlé de ce point avec lui.
Q - La composition du CSM pose problème aux syndicats de magistrats qui refusent que leur corps y soit minoritaire. Peut-on envisager une parité ?
R - Le projet de loi apporte de fait un changement important dans l'équilibre de la composition du CSM. Les débats parlementaires permettront de lever les interrogations sur le sujet.
Q - Le temps de parole de Nicolas Sarkozy n'est pas compté avec celui du gouvernement, ce qui minore mécaniquement la part impartie à l'opposition. N'y a-t-il pas une injustice ?
R - Ce point ne relève pas de la Constitution. A titre personnel, je pense que nous devons être ouverts. Je souhaiterais que la majorité fasse des propositions, à l'occasion du débat sur la proposition de loi socialiste, prévu le 20 ou le 22 mai. On pourrait envisager de distinguer l'expression du chef de l'Etat sur les sujets internationaux et régaliens, des moments où il intervient dans le débat politique intérieur.
Q - Il y a quelques mois, vous étiez opposé à l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives, dont la gauche, le Modem et le Nouveau Centre font une condition, est-ce toujours le cas ?
R - Les modes de scrutin ne relèvent pas de la Constitution. Le compromis avec l'opposition ne peut pas remettre en cause les principes fondateurs de la Ve République. La stabilité gouvernementale repose sur des majorités claires, que le scrutin majoritaire est seul à même de garantir. Dès lors que la proportionnelle serait introduite, même partiellement, cette stabilité risquerait d'être compromise. En outre, le mode de scrutin et l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sont liés. Le projet de loi prévoit de limiter l'usage du 49.3 au budget, au PLFSS et à une loi par session : les gouvernements seront donc privés d'un moyen de maîtriser des majorités rétives. Accepter ce droit pour l'Assemblée ne permet pas d'ajouter un risque en introduisant une dose de proportionnelle : ce ne serait pas bon pour la République.
Q - La limitation du 49.3 pose problème à l'opposition, qui veut sa suppression, et à une partie de la majorité, dont Jean-François Copé, qui trouve son usage trop restreint.
R - L'équilibre proposé par le texte me paraît satisfaisant. Le 49.3, instauré pour suppléer à des majorités rétives, a été ces dernières années utilisé contre l'opposition pour surmonter des manoeuvres d'obstruction. De 1935 à 1969, le règlement de l'Assemblée prévoyait une durée maximale des débats sur les projets de loi qui empêchait les obstructions insurmontables. Sans doute faut-il réfléchir au rétablissement de cette disposition dans le règlement de l'Assemblée.
Q - Le PS n'est pas le seul à réclamer la proportionnelle, le Nouveau Centre aussi...
R - C'est paradoxal de leur part car si on instaurait la proportionnelle, le Nouveau Centre pourrait avoir moins de députés. Les accords au scrutin majoritaire sont les plus solides.
Q - La majorité est elle-même critique sur le projet de loi. Notamment sur le fait que le texte reconnaît à la seule Cour des comptes un pouvoir d'évaluation de l'action gouvernementale...
R - L'Assemblée, dont je suis le garant des droits, ne peut accepter d'être dessaisie de ses compétences fondamentales d'évaluation et de contrôle. Il faut donc revenir au rapport Balladur qui écrit, je cite : « Le Parlement concourt à l'évaluation des politiques publiques. » On ne peut remplacer le pouvoir des représentants du peuple par une institution, fût-t-elle prestigieuse, ou par des hauts fonctionnaires, fussent-ils incontestables.
Je soutiens aussi les demandes de la majorité pour qu'il soit inscrit dans la Constitution que les projets de loi gouvernementaux doivent obligatoirement être accompagnés d'études d'impact et que le délai entre le dépôt du texte au bureau de l'Assemblée et son examen dans l'Hémicycle soit rallongé à six semaines.
Q - Le projet de loi supprime l'automaticité d'un référendum pour toute nouvelle adhésion à l'UE et Nicolas Sarkozy a promis qu'il en organiserait quand même si la question se posait sur la Turquie. Comment s'y retrouver ?
R - L'engagement personnel du président me suffirait. Mais, compte tenu de la position de nombreux parlementaires sur ce point, il faudra réfléchir à la piste, proposée par certains, prévoyant de maintenir un référendum pour les pays représentant plus de 5 % des habitants de la totalité de la population des pays de l'Union.
Q - N'est-ce pas courir le risque de stigmatiser un seul pays, la Turquie ?
R - La Turquie ne serait pas la seule concernée par cette disposition. Il y a aussi l'Ukraine.
Q - Le président et le Premier ministre sont-ils ouverts au compromis que vous dessinez ?
R - J'ai beaucoup échangé avec les groupes parlementaires et bon nombre de personnalités, en particulier de l'opposition. Et je sais que l'exécutif juge très important que cette réforme aboutisse dans le plus large consensus possible.
Q - Comment vous répartissez-vous les rôles avec Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée : on a parfois l'impression d'une compétition entre vous.
R - Nous communiquons constamment. Chacun a son rôle. Il travaille maintenant sur cette question avec le groupe UMP. Pour ma part, je consulte tous azimuts depuis juillet, et d'abord dans le cadre du groupe de travail pluraliste de l'Assemblée que j'ai constitué. Je le réunirai à nouveau, très prochainement, pour faire la synthèse avec tous les groupes.Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 19 mai 2008
R - Il n'est pas seulement possible, il est nécessaire, car il nous faut absolument saisir la chance que constitue cette réforme voulue par le président de la République. Notre Constitution a cinquante ans. Solide et souple, elle a permis de relever des défis majeurs pour la France. Après l'élection du président au suffrage universel (1962), le quinquennat (2000) et l'inversion du calendrier législatif (2001), nos institutions doivent être rééquilibrées en renforçant le rôle du Parlement. Je ne vois pas comment on pourrait le refuser. Il en va de la solidité de notre démocratie. L'opinion ne s'y trompe pas, elle le souhaite.
Q - Quels pourraient être les contours de ce compromis ? L'opposition refuse toujours l'intervention du chef de l'Etat devant le Parlement.
R - Je considère, à titre personnel, que l'expression du président devant les parlementaires, plutôt qu'à travers les médias, contribuerait à renforcer le Parlement. On pourrait envisager néanmoins que cette intervention ait lieu une fois par an, devant le Parlement réuni en Congrès, comme l'a suggéré Laurent Fabius.
Q - Le projet prévoit d'encadrer le pouvoir de nomination du président par l'avis d'une commission parlementaire, dont la composition et le mode de décision sont renvoyés à une loi organique ultérieure. Faudrait-il préciser ces points dès maintenant ?
R - Des engagements positifs peuvent être pris, le président l'a lui-même évoqué. Pour ma part, je suis prêt à soumettre mes choix de nomination pour le Conseil constitutionnel, le CSM et le CSA, organes démocratiques essentiels, à un vote de ratification à la majorité qualifiée - des trois cinquièmes - par les commissions compétentes de l'Assemblée qui, comme chacun sait, rassemblent des députés de la majorité et de l'opposition. Je serais prêt à me conformer à ce vote.
Q - Le chef de l'Etat vous paraît-il disposé à faire de même ?
R - Je n'ai pas parlé de ce point avec lui.
Q - La composition du CSM pose problème aux syndicats de magistrats qui refusent que leur corps y soit minoritaire. Peut-on envisager une parité ?
R - Le projet de loi apporte de fait un changement important dans l'équilibre de la composition du CSM. Les débats parlementaires permettront de lever les interrogations sur le sujet.
Q - Le temps de parole de Nicolas Sarkozy n'est pas compté avec celui du gouvernement, ce qui minore mécaniquement la part impartie à l'opposition. N'y a-t-il pas une injustice ?
R - Ce point ne relève pas de la Constitution. A titre personnel, je pense que nous devons être ouverts. Je souhaiterais que la majorité fasse des propositions, à l'occasion du débat sur la proposition de loi socialiste, prévu le 20 ou le 22 mai. On pourrait envisager de distinguer l'expression du chef de l'Etat sur les sujets internationaux et régaliens, des moments où il intervient dans le débat politique intérieur.
Q - Il y a quelques mois, vous étiez opposé à l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives, dont la gauche, le Modem et le Nouveau Centre font une condition, est-ce toujours le cas ?
R - Les modes de scrutin ne relèvent pas de la Constitution. Le compromis avec l'opposition ne peut pas remettre en cause les principes fondateurs de la Ve République. La stabilité gouvernementale repose sur des majorités claires, que le scrutin majoritaire est seul à même de garantir. Dès lors que la proportionnelle serait introduite, même partiellement, cette stabilité risquerait d'être compromise. En outre, le mode de scrutin et l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sont liés. Le projet de loi prévoit de limiter l'usage du 49.3 au budget, au PLFSS et à une loi par session : les gouvernements seront donc privés d'un moyen de maîtriser des majorités rétives. Accepter ce droit pour l'Assemblée ne permet pas d'ajouter un risque en introduisant une dose de proportionnelle : ce ne serait pas bon pour la République.
Q - La limitation du 49.3 pose problème à l'opposition, qui veut sa suppression, et à une partie de la majorité, dont Jean-François Copé, qui trouve son usage trop restreint.
R - L'équilibre proposé par le texte me paraît satisfaisant. Le 49.3, instauré pour suppléer à des majorités rétives, a été ces dernières années utilisé contre l'opposition pour surmonter des manoeuvres d'obstruction. De 1935 à 1969, le règlement de l'Assemblée prévoyait une durée maximale des débats sur les projets de loi qui empêchait les obstructions insurmontables. Sans doute faut-il réfléchir au rétablissement de cette disposition dans le règlement de l'Assemblée.
Q - Le PS n'est pas le seul à réclamer la proportionnelle, le Nouveau Centre aussi...
R - C'est paradoxal de leur part car si on instaurait la proportionnelle, le Nouveau Centre pourrait avoir moins de députés. Les accords au scrutin majoritaire sont les plus solides.
Q - La majorité est elle-même critique sur le projet de loi. Notamment sur le fait que le texte reconnaît à la seule Cour des comptes un pouvoir d'évaluation de l'action gouvernementale...
R - L'Assemblée, dont je suis le garant des droits, ne peut accepter d'être dessaisie de ses compétences fondamentales d'évaluation et de contrôle. Il faut donc revenir au rapport Balladur qui écrit, je cite : « Le Parlement concourt à l'évaluation des politiques publiques. » On ne peut remplacer le pouvoir des représentants du peuple par une institution, fût-t-elle prestigieuse, ou par des hauts fonctionnaires, fussent-ils incontestables.
Je soutiens aussi les demandes de la majorité pour qu'il soit inscrit dans la Constitution que les projets de loi gouvernementaux doivent obligatoirement être accompagnés d'études d'impact et que le délai entre le dépôt du texte au bureau de l'Assemblée et son examen dans l'Hémicycle soit rallongé à six semaines.
Q - Le projet de loi supprime l'automaticité d'un référendum pour toute nouvelle adhésion à l'UE et Nicolas Sarkozy a promis qu'il en organiserait quand même si la question se posait sur la Turquie. Comment s'y retrouver ?
R - L'engagement personnel du président me suffirait. Mais, compte tenu de la position de nombreux parlementaires sur ce point, il faudra réfléchir à la piste, proposée par certains, prévoyant de maintenir un référendum pour les pays représentant plus de 5 % des habitants de la totalité de la population des pays de l'Union.
Q - N'est-ce pas courir le risque de stigmatiser un seul pays, la Turquie ?
R - La Turquie ne serait pas la seule concernée par cette disposition. Il y a aussi l'Ukraine.
Q - Le président et le Premier ministre sont-ils ouverts au compromis que vous dessinez ?
R - J'ai beaucoup échangé avec les groupes parlementaires et bon nombre de personnalités, en particulier de l'opposition. Et je sais que l'exécutif juge très important que cette réforme aboutisse dans le plus large consensus possible.
Q - Comment vous répartissez-vous les rôles avec Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée : on a parfois l'impression d'une compétition entre vous.
R - Nous communiquons constamment. Chacun a son rôle. Il travaille maintenant sur cette question avec le groupe UMP. Pour ma part, je consulte tous azimuts depuis juillet, et d'abord dans le cadre du groupe de travail pluraliste de l'Assemblée que j'ai constitué. Je le réunirai à nouveau, très prochainement, pour faire la synthèse avec tous les groupes.Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 19 mai 2008