Tribune de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, dans "Le Figaro" du 19 mai 2008, sur la position des socialistes à propos de la situation économique et de la croissance du PIB en 2007, intitulée "Les palmes de la mauvaise foi".

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Donc, c'est 2,2 % ! Une croissance du PIB qui place la France au dessus de la croissance moyenne de ces dernières années (1,8 % sur les 6 années précédentes). C'est du chômage en moins et de la richesse en plus. A l'horizon, une éclaircie dans le pouvoir d'achat, qui monte tout de même à 3,3 %.
Saluons au passage Christine Lagarde, qui doit avoir une assez juste vision de l'économie puisque ses prévisions étaient exactes, contre l'avis général. Saluons le Président de la République de l'avoir encouragée à maintenir le cap.
C'est peut-être l'occasion de dissiper l'écran de fumée entretenu par le feu nourri de l'opposition depuis quelques mois.
Assourdi par le bruit de ses attaques, le PS n'a, encore une fois, rien vu venir. Or, une évidence sort indemne de ce champ de tir : le fameux paquet fiscal porte ses fruits.
Outre cette croissance, le solde de l'année 2007, c'est moins 200 000 demandeurs d'emploi en un an et un taux d'investissement de presque 21 % pour les entreprises. Le plus haut niveau enregistré depuis 15 ans ! Des chiffres supérieurs aux prévisions les plus optimistes. Quelque chose serait peut-être en train de changer, dans un contexte économique international pourtant difficile. Il faut certes aller chercher ce point de croissance qui nous manque pour réintégrer le peloton de tête de la zone euro, mais ce premier bilan, aussi prévisible qu'inattendu, mérite qu'on s'y attarde.
La rupture est bel et bien consommée. Même si certains travers bien français survivent. Ainsi, ceux qui se trompent continuent de donner des leçons. On est déjà impatients d'entendre les commentaires que ne manquera pas de susciter l'annonce positive de cette croissance.
En ce printemps cannois, on est tenté de se livrer par avance au petit jeu des palmes de la mauvaise foi. Les prétendants sont nombreux au Parti Socialiste où se bousculent les experts en économie. En août, monsieur Hollande ouvrait le bal en disant : « Toute construction de budget étayant une croissance supérieure à 2 % serait un défaut de transparence. » « C'est le choc du réel », poursuivait Laurent Fabius avec un petit ton de mépris, au mois de septembre, peu de monde croit désormais dans la prévision de croissance du Gouvernement. » Ce concept de choc, très en vogue semble-t-il dans les couloirs du PS, devait être bientôt repris par M. Hollande lui-même faisant état d'un « Choc d'incohérence » concluant une brillante démonstration chiffrée en annonçant péremptoirement « un plan de rigueur inévitable » après avoir demandé avec gravité « que le Gouvernement nous dise enfin la vérité ». Madame Royal invoquait quant à elle « un choc de méfiance » sur le sujet. Michel Sapin, expert des experts au PS, entérinait ces menaces en disant : « Je crois sincèrement que le Président va faire une erreur de diagnostic gravissime. » S'il n'y a en effet aucune raison de douter de sa sincérité, on peut émettre des réserves sur sa compétence. La palme pourrait cependant revenir au Président socialiste de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, qui déclarait au mois de septembre, que des prévisions de croissance pour 2007 situées entre 2 et 2,5 % étaient « un conte de Noël » !
Revigorés, semble-t-il, par les fêtes de fin d'année, les gros bras du PS affinaient ces menaces dès le mois de janvier, Michel Sapin faisant état de « l'irréalité des hypothèses sur lesquelles repose le budget 2008. »
Le seul point sur lequel les Socialistes aient, semble-t-il, vu juste, c'est en pointant unanimement l'incidence du paquet fiscal sur la croissance. Partant, hélas, du résultat contraire à celui imposé par la réalité. Ainsi, monsieur Moscovici entré en lice au moment des municipales, déclarait à propos du paquet fiscal : « On a mis un peu d'eau dans le sable, ça n'a rien donné sur la croissance. » De son côté, monsieur Delanoë commentait en ces termes l'intervention télévisée du chef de l'Etat : « Son propos souvent confus et imprécis n'a ouvert aucune perspective crédible pour répondre aux enjeux de la croissance et du pouvoir d'achat. » Julien Dray entrait alors dans la danse en annonçant la fatalité d'un nouvel impôt : « Cela viendra inéluctablement, disait-il, car l'illusion de la croissance qu'il fallait aller chercher avec les dents a fait long feu, le paquet fiscal aussi. » Sur cette question, on pourrait attribuer un prix spécial du jury à Mme Royal, qui déclarait benoîtement : « J'ai écouté attentivement le Premier ministre. Je me demande dans quel monde il vit »
Pas dans celui de la « bravitude » en tout cas.
On a du mal à imaginer qu'un parti si divisé fournisse une même longue vue à tous ces visionnaires. On attend avec impatience la façon dont chacun va expliquer qu'il a eu raison d'avoir tort. Cela dit, on est parcouru d'un frisson rétrospectif à l'idée qu'on aurait pu leur confier les clés d'un pays qui ne demande qu'à reprendre confiance.
Au vu de cette cohorte d'experts en dénigrement, on ne peut s'empêcher de songer à la réponse que Shimon Peres à fait à un journaliste lors de sa dernière visite en France : « Vous savez, a-t-il dit, les optimistes et les pessimistes meurent de la même façon. Mais ils vivent différemment. »source http://www.u-m-p.org, le 19 mai 2008