Texte intégral
(Le ministre s'exprime en anglais. Les questions sont en anglais.)
Q - Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes, vous avez déclaré hier qu'il y avait une nouvelle atmosphère au Moyen-Orient. L'Etat d'Israël et la Syrie ont déclaré la mise en place de nouvelles négociations avec la Turquie. Comment voyez-vous cela?
R - Comme vous l'indiquez, il y a une nouvelle atmosphère due non seulement à l'attitude de la Syrie et de l'Etat d'Israël mais également du Liban et d'une certaine façon du Hamas à travers l'Egypte et Israël. Cela fait trois points d'avancée si je puis le dire ainsi. Il y a donc un changement dans l'attitude, dans l'état d'esprit des personnes. Pour le moment, ni du côté israélien, ni du côté palestinien, des déclarations sur les pourparlers n'ont été faites. Ils veulent publier seulement des résultats, donc cela prendra un peu de temps. Honnêtement, ils ne se connaissent pas les uns et les autres. Je veux dire que Abou Mazen ne connaissait pas Ehud Olmert et que Tzipi Livni ne connaissait pas Abou Ala. Cela prend donc du temps, peut-être des mois, c'est une attitude très humaine. Je sais qu'ils ont l'habitude de se rencontrer régulièrement, plus souvent qu'auparavant, et j'espère que des progrès des deux côtés auront lieu.
Q - A votre avis, est-il réaliste qu'ils parviennent à un accord, à des résultats en quelques mois alors que le conflit dure depuis plus de 60 ans?
R - Ce n'est pas réaliste mais nécessaire. Mais vous avez raison, après tant d'années, après un si long conflit, laissons-leur le temps, donnons de l'espace aux négociateurs. Nous verrons, je ne sais pas si cela sera possible avant la fin de l'année, comme le dit le président Bush. Néanmoins, je sais que les Palestiniens disent déjà qu'ils continueront les négociations avant la fin de l'année et après. Il n'y pas d'empressement à ce sujet, ce qu'ils veulent ce sont des résultats. Ils en sont chargés, je ne le suis pas. Mon pays avec le président Sarkozy veut juste favoriser les négociations dans le but d'obtenir des résultats.
Q - Laissez moi vous poser une question au sujet du Liban. Il y a le sentiment que la France et les Etats-Unis ont laissé tombé le gouvernement de M. Siniora lors de la dernière confrontation avec le Hezbollah et ils disent que c'est la raison pour laquelle ils ont signé l'Accord de Doha et que maintenant le Hezbollah est sans doute politiquement plus fort au Liban.
R - Tout d'abord, nous ne sommes pas les alliés d'une partie libanaise, mais nous soutenons le gouvernement officiel. M. Fouad Siniora était en charge en tant que Premier ministre de l'autorité officielle. Nous étions en faveur de l'élection d'un président et nous avons poussé dans ce sens. Ce qui se passe en ce moment intervient après l'initiative de la France basée sur les trois points présentés à Doha, au Qatar ; ces trois points ont été repris. Nous n'avons pas été aussi mauvais que cela.
Je vous rappelle que nous parlons avec toutes les communautés. J'ai moi-même invité tous les représentants des parties libanaises, du Pacte national, y compris le Hezbollah. Donc, nous ne sommes pas alliés avec le gouvernement officiel de Fouad Siniora, nous sommes, en effet, amis avec le gouvernement officiel, et notamment avec M. Siniora, parce que c'est un homme sincère et dévoué, honnête et courageux, et aussi parce qu'il était seul. Je ne pense donc pas que ce soit lié à la décision qu'ils ont prise ensemble à Doha. Quelle était l'alternative ? Faire la guerre ? Contre le Hezbollah ? Il n'y avait pas d'alternative politique. Je le regrette. C'était un "coup de force".
Je veux une vie démocratique pour mes amis libanais même si ce n'est pas mon pays. Honnêtement, il aurait été préférable de l'atteindre par l'intermédiaire d'élections et d'un dialogue politique. Maintenant, est-il préférable d'avoir une élection? Je pense que oui. Est-il préférable d'avoir un nouveau gouvernement? Je ne sais pas. Qui sera élu - à moins que M. Siniora reste ? Je ne sais pas. Est-ce que ce sera quelqu'un d'autre ? Est-ce que ce sera mieux ? Toujours est-il que cette situation offre une chance aux Libanais.
Cependant, le problème de fond n'est pas résolu. Le problème de fond est de savoir quelle sera la relation entre les différentes communautés. Est-il possible d'instituer une démocratie moderne et non pas une démocratie basée sur des clans, des religions, où les groupes se combattent les uns contre les autres ? C'est aux Libanais de répondre à ces questions. Ma réponse est oui, ils doivent le faire. Vous savez c'est un sursaut de survie.
Q - Vous savez, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes, que c'est beaucoup plus compliqué, parce qu'il y a des forces extérieures telles que l'Iran qui influencent le Hezbollah, pensez-vous donc que la France peut aussi avoir un dialogue direct avec le Hezbollah ou avec l'Iran au sujet du Hezbollah ?
R - Nous parlons avec le Hezbollah. Je les ai invités parce qu'ils sont un membre important de la communauté libanaise et que nous soutenons toutes les communautés libanaises, nous ne prenons pas part à un problème interne. L'Iran est un autre sujet, nous essayons de leur parler, au plus haut niveau mais sans résultat. La dernière fois, ce fut à Londres, il y a une quinzaine de jours. Nous, c'est-à-dire les Chinois, les Russes, les Américains, les Allemands, les Britanniques et les Français, avons signé une lettre proposant le dialogue au gouvernement iranien. Nous avons essayé de négocier, ce ne fut pas couronné de succès. Cependant, au même moment, nous avons voté en faveur de sanctions par l'intermédiaire de trois résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et nous proposons des négociations. Dialogue et sanctions, sanctions et dialogue. Si vous avez une autre option, proposez-la.
Q - Peut-être parce que nous lisons aussi dans la presse israélienne de nombreux commentaires selon lesquels dans quelques mois, Israël ou les Etats Unis frapperait peut-être militairement l'Iran. Voyez-vous cela comme une option?
R - Non, absolument pas. Cette option est un danger parce que, dans l'hypothèse où les Iraniens construisent une bombe nucléaire, ce serait particulièrement dangereux et je sais que des pays ne l'accepteraient pas. En même temps, si M. Ahmadinejad, le président réélu de l'Iran, est capable de supprimer un pays, c'est très dangereux bien évidemment, mais je ne vois pas le danger aussi proche, dans les mois qui viennent. Ce n'est pas ce que les services d'intelligence américains publient, mais je ne sais pas. C'est une perspective et nous devons travailler à endiguer une confrontation dans cette région : Iran, Irak, Syrie, Liban, Israël, Palestine... Mais c'est un long dialogue sur le chemin de la paix.
Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mai 2008