Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à Europe 1 le 2 juillet 2008, sur l'incident survenue lors d'une démonstration militaire à Carcassonne, la démission du chef d'état-major de l'armée de terre et sur la perception dans l'armée de la réforme de la défense.

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Média : Europe 1

Texte intégral

C. Charles.-  Les propos de N. Sarkozy, accusant les militaires d'"amateurisme",  le communiqué de l'Elysée, est-ce que le président de la République  n'est pas allé trop loin ? 
 
Ecoutez, j'étais présent. Donc, il vaut mieux arrêter de raconter  n'importe quoi. 
 
Sur ses propos ? 
 
Sur ses propos. Le président de la République n'a jamais tenu ces  propos-là. Nous étions quatre lorsqu'il a évoqué, après la visite des  familles à Carcassonne, dont je vous rappelle que pour certaines  familles... 
 
Il y a des témoins quand même, autres que vous, si vous permettez ! 
 
Oui, enfin d'accord, mais on était quatre. Le président de la République  a parlé de l'incident. Il n'a jamais visé l'institution. Je me suis rendu  moi-même dans toutes les opérations extérieures. Le 3ème RPIMa de  Carcassonne est un régiment formidable ; c'est un des grands régiments  de l'armée française. Personne n'a oublié, et le président de la  République le premier, ce qu'a fait ce régiment, par exemple, au  moment de la crise à N'Djamena, comment ils ont, au péril de leurs  vies, sorti les ressortissants français de situations difficiles. Personne  n'oublie que ce régiment est souvent au front, qu'il est en Afghanistan.  Ce qu'a visé le président de la République en disant "tout ça n'est pas  responsable" ou "tout ça n'est pas professionnel", c'était l'incident, ce  n'était pas l'institution qui était visée. C'était le fait divers en lui-même.  Et lorsque vous constatez que 17 personnes - vous parlez vous-même  du drame de Carcassonne, vous mesurez bien l'ampleur du drame que  cela a pu être et du choc que cela a pu être pour nous tous... Et c'est  cela qui était visé et en aucun cas l'institution militaire pour laquelle  nous avons toute confiance et dont nous savons à quel point elle est en  mesure de répondre à tout ce que nous lui demandons en permanence  pour défendre les intérêts de la France à travers le monde. 
 
A propos du Président, il y a le communiqué. "J'entends que les  armées en tirent toutes conséquences quant à leur organisation et à  leur fonctionnement" : là, l'institution, elle est visée. Ce n'est pas  seulement... 
 
Ecoutez, le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Cuche,  pour qui j'ai à la fois le plus grand respect et avec qui j'entretenais des  relations extrêmement étroites puisque nous avons, ensemble, conduit  la réforme du ministère de la Défense, les restructurations, qui les  soutient, qui les a portées... Le chef d'état-major lui-même, dès le  dimanche soir dans l'avion, et dans son communiqué d'hier, que  personne ne lui a dicté, qu'il a écrit tout seul, dit ; "cette affaire révèle  un certain nombre de dysfonctionnements". Il y a des  dysfonctionnements. Il y a des dysfonctionnements dans la liste de  distribution et le contrôle de la restitution des armes et des munitions. Il  n'est pas normal qu'un sous-officier de l'armée de terre à Carcassonne,  qui n'est pas en opération extérieure, soit détenteur d'un chargeur et de  munitions huit à dix jour après un exercice. 
 
Mais c'est grave qu'on ne arrive à cette démission ? C'est une crise  qu'on a sous les yeux... 
 
Non, le général Cuche l'a fait parce qu'il a le sens de l'honneur, il a les  devoirs liés à son grade, et lorsqu'il est venu dans mon bureau pour  m'annoncer qu'il démissionnerait, il a dit c'est ma responsabilité de  chef militaire. C'est ma responsabilité en tant que chef d'état-major de  l'armée de terre, chargé de l'entraînement, de la formation, de la  préparation des forces et de la mise en oeuvre des armes et de leur  contrôle. C'est ma responsabilité, je l'assumerai parce que j'estime que  c'est moi qui dois tirer les conséquences du dysfonctionnement révélé  par cette affaire malheureuse et triste de Carcassonne. Il ne s'agit pas de  remettre en cause les unités, il ne s'agit pas de remettre en cause les  hommes, il ne s'agit pas de remettre en cause les régiments, qui sont  formidables, qui font un boulot extraordinaire tous les jours, il s'agit  seulement de tirer les conséquences d'un fait divers sur notamment le  contrôle d e la restitution des armes et des munitions. 
 
Est-ce que le malaise entre le Président et l'armée ne va pas au-delà,  avec le contexte du Livre blanc, de la réforme de la défense ? 
 
Là, vous vous trompez, vous vous trompez profondément. Les  responsables, les chefs d'état-major portent cette réforme, ils la veulent,  ils savent que nous en avons besoin, ils savent que nous avons besoin  de réorganiser notre outil militaire. Ils savent qu'un outil militaire qui  ne se réforme pas, qui ne s'adapte pas est un outil militaire qui risque de  ne pas répondre aux crises de demain. Donc cette réforme, tout le  monde la veut et tout le monde la souhaite. Il s'agit désormais de la  mettre en oeuvre, et nous allons la mettre en oeuvre. 
 
Et le 14 juillet, dans quel état d'esprit va-t-il se passer ? 
 
Il se passera comme une grande fête nationale et une grande fête aussi  de l'institution militaire, puisque le 14 juillet, c'est aussi un moment de  communion entre l'armée et la Nation. 
 
Vous pensez que N. Sarkozy peut prendre une initiative pour  recoller les morceaux, si morceaux il y a à recoller ? On sent que  c'est le cas... 
 
Mais ça, ce sont les histoires que vous vous fabriquez ! Vous faites d'un  fait divers un amalgame général. La vérité est tout autre, il y a eu un fait  divers malheureux qui démontre un certain nombre de  dysfonctionnement, le chef d'état-major de l'armée de terre, lui-même  constate qu'il y a eu ces dysfonctionnements. J'ai demandé de enquêtes  pour que nous puissions vérifier tout cela et prendre des mesures qui  s'imposent. Voilà, point à la ligne ! 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juillet 2008