Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Canal Plus le 2 juillet 2008, sur le plan de réforme du CNRS, l'orientation universitaire, les débouchés des étudiants et les bourses scolaires et universitaires.

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Média : Canal Plus

Texte intégral


 
 
E. Besse et  C.  Beaugrand.-  E. Besse : V. Pécresse, la ministre de la Recherche et de  l'Enseignement Supérieur est notre invitée ce matin, bonjour. Hier,  le plan de réforme du CNRS a été adopté par son Conseil  d'administration. Par ailleurs, vous venez d'annoncer la réforme  des bourses pour les étudiants, qui entrera en vigueur dès la rentrée  prochaine. On va, évidemment revenir sur ces deux sujets. Avant  cela, peut-être un mot du bac. Dans deux jours, on connaîtra les  résultats du baccalauréat. L'année dernière, il y avait eu un taux de  réussite record, 83,3 %. Est-ce que selon vous tous ces élèves  peuvent prétendre rentrer à l'université ? Est-ce que vous ne seriez  pas favorable à une sélection à l'université, à la fac ? 
 
Vous savez, en fait, contrairement à l'idée reçue, nous n'avons pas trop  d'étudiants, nous n'en avons pas assez. Dans une grande économie  développée, il faudrait qu'il y ait à peu près la moitié d'une génération  qui soit diplômée de l'enseignement supérieur. Et aujourd'hui, on est à  peu près à 37%. Donc cela veut dire qu'il nous faut plus d'étudiants,  mais il nous faut plus d'étudiants dans les bonnes filières. Et c'est tout  l'enjeu de l'orientation active qu'on a mis en place cette année avec les  lycéens en classe de terminale. Cette année, il y a deux lycéens sur trois  qui ont pu faire des choix, j'allais dire éclairés, des choix accompagnés  pour la suite. Et c'est très important parce que, en fait, on est en train de  donner une nouvelle mission aux proviseurs de lycée, une nouvelle  mission à la classe de terminale : non seulement préparer le bac mais  préparer l'entrée à l'université, parce que, quand on a un bac  technologique, il vaut mieux aller dans des filières technologiques.  Quand on a un bac littéraire, il faut peut-être consolider ses acquis si on  veut faire médecine etc. Donc on est obligé de guider les étudiants, de  les accompagner dans les filières où ils vont avoir de la réussite. 
 
E. Besse : Donc pour vous, c'est une réforme qui n'est pas  envisageable, pas du tout ? 
 
Eh bien moi je crois surtout qu'il faut que l'on tienne compte des  souhaits qu'expriment les lycéens. Les lycéens quand on leur a  demandé cette année où ils voulaient aller, les bacheliers  technologiques, les bacheliers professionnels nous ont di : nous voulons  davantage de BTS, nous voulons davantage de DIUT, nous voulons  davantage de formations courtes, professionnalisantes qui  correspondent à un métier et nous ne voulons pas aller dans des filières  générales à l'université. Or, nous savons que nous avons environ 100  000 de ces jeunes, bacheliers technologiques, bacheliers professionnels  qui ne vont pas rentrer dans les BTS ni les DIUT, qui eux, ont une  sélection à l'entrée et qui vont se retrouver à l'université dans des  filières où ils ne veulent pas aller et dans des filières où ils ont un très  faible taux de réussite. Il faut réorienter, si vous voulez, les places que  l'on offre aux étudiants. 
 
C. Beaugrand : Le problème aussi sur l'université, c'est que ceux  qui arrivent à atteindre ces filières générales, université, très  souvent se plantent dans les premières années. Qu'est-ce que vous  pouvez faire pour le coup, pour aider ces élèves-là qui peut-être  n'ont pas encore tout à fait le niveau pour arriver justement, pour  réussir une licence et au-delà ? 
 
Alors c'est la première nouvelle année de licence que l'on va mettre en  place l'année prochaine. L'année prochaine, les étudiants ne seront plus  laissés seuls quand ils arriveront à l'université. 
 
C. Beaugrand : On va les soutenir ? 
 
Ils vont avoir un stage de pré rentrée, ils vont avoir un professeur  référent, ils vont avoir du contrôle continu et non plus seulement du  contrôle terminal. Et on va pouvoir détecter très vite ceux qui se sont  trompés de route, ceux qui décrochent, ceux qui ne se plaisent pas dans  les filières pour pouvoir les réorienter - pardon - dès la fin du premier  semestre. Et je crois que c'est absolument impératif, c'est un gâchis  humain à l'université, aujourd'hui, qui est très important. Alors le pire,  c'est évidemment la première année de médecine où on a 80 % de taux  d'échec, mais y compris dans des filières comme le droit, comme les  lettres. 
 
C. Beaugrand : Il y a donc un moyen garanti pour pouvoir assurer  effectivement ce soutien et cette présence humaine, parce que c'est  important ça ? 
 
Exactement, il y a des moyens qui correspondent à 5 heures  d'encadrement pédagogique de plus par semaine et par étudiant. 
 
E. Besse : Alors, l'année dernière, vous aviez promis une grande  réforme des bourses accordées pour les étudiants. Elle va entrer en  vigueur au mois de septembre. Globalement, il y aura plus de  bourses, puisqu'elles seront étendues, aux étudiants, vous dites,  méritants, aux étudiants qui voudront partir à l'étranger,  également aux étudiants des classes moyennes. Est-ce que,  concrètement, cela veut dire que l'on va apporter plus d'argent sur  la table pour ces étudiants ? 
 
Oui, la réforme des bourses que nous allons mettre en oeuvre, c'est une  réforme généreuse, qui va coûter à peu près 100 millions d'euros sur  deux ans au budget de l'Etat. L'idée c'est quoi ? L'idée c'est d'étendre  les bourses davantage vers les classes moyennes, on va avoir 50 000  boursiers de plus cette année. C'est aussi de récompenser mieux le  mérite et de permettre la mobilité à l'étranger. 
 
E. Besse : Parce que le principal syndicat étudiant l'UNEF, parle de  20 000 étudiants qui vont voir leur bourse diminuer à cause de cette  augmentation. 
 
Alors on augmente de 50 000 les bourses, on double les bourses de  mobilité et les bourses au mérite. 
 
C. Beaugrand : Aujourd'hui, il y a à peu près 500 000 étudiants qui  ont des bourses, il y en aura 550 000, mais ils auront un peu moins  d'argent. C'est ça, chacun aura un peu moins d'argent ? 
 
Non, non, ce qui va se passer, c'est qu'en plus, on fait une  simplification des critères, pourquoi ? Eh bien parce qu'il y avait dix-huit  critères pour avoir une bourse, dix-huit critères c'était opaque. Les  critères étaient appréciés un peu différemment selon les endroits et donc  on avait des injustices. Et nous, nous voulons que les critères soient  simplifiés. Donc, il n'y aura plus que trois critères : les revenus des  parents, le nombre d'enfants au foyer et la distance par rapport au lieu  d'études. Trois critères seulement pour que les étudiants puissent  prévoir le montant de leur bourse. Alors c'est évident que lorsque vous  simplifiez ce genre de critères, vous avez un petit peu, j'allais dire de  frottements, vous avez des étudiants qui peuvent glisser d'un échelon. 
 
C. Beaugrand : Il y a des critères aussi qui ont disparu, par  exemple le critère du handicap a disparu, le fait d'être étudiant et  parent, c'est un critère qui a disparu, ce n'est plus pris en compte  pour bénéficier d'une bourse ? 
 
Alors sur le critère du handicap, c'est très spécifique, nous n'avons que  1 000 étudiants handicapés, nous voulons en accueillir davantage et  pour ça, nous avons changé les règles du jeu. Les étudiants handicapés  bénéficieront - et c'est une très grande avancée - non plus simplement  de bourse qui pouvait augmenter d'à peu près de 10 à 13euros par mois,  vous voyez. Mais ils vont avoir l'allocation de compensation du  handicap, dès l'âge de 18 ans, cela veut dire en fait qu'ils auront jusqu'à  1 000euros de plus par an... Pardon par mois, grâce à cette prestation. 
 
C. Beaugrand : Mais comment vous comprenez cette inquiétude de  l'UNEF alors et des étudiants ? 
 
Eh bien, je crois qu'il y a toujours une inquiétude quand il y a du  changement et c'est vrai qu'il peut y avoir des cas individuels où  certains changent d'échelon, à cause de la simplification des critères.  C'est pour cela, pour qu'il n'y ait pas de perdant dans cette réforme,  que nous avons mis en place un fonds de 5 millions d'euros, qui sera à  la disposition de tous les CROUS et des recteurs pour corriger, pour  qu'il n'y ait pas de perdant. C'est une réforme généreuse qui ne doit pas  avoir de perdant. 
 
E. Besse : Il nous reste vingt secondes pour parler de la refonte du  CNRS. Est-ce que vous avez fait des compromis, les syndicats  n'étaient pas contents. Finalement, vous avez a priori trouvé un  terrain d'entente, est-ce qu'on n'a pas quand même l'impression  que les chercheurs sont précarisés en France, il y a toujours des  problèmes. 
 
Mais c'est tout le contraire, les universités avancent vers l'autonomie,  le CNRS doit aussi, lui, se moderniser. Et ce qui est très important dans  cette réforme, c'est qu'on acte l'organisation du CNRS en instituts,  discipline par discipline : mathématiques, physique, chimie, sciences  humaines, pourquoi ? Eh bien pour qu'ils soient plus cohérents, qu'ils  soient plus transparents. Pour que l'argent qui est donné aux organismes  de recherche soit mieux utilisé et à terme pour qu'il puisse y avoir un  CNRS beaucoup plus ouvert, qui coopère avec les organismes de  recherche et avec les universités autonomes. Cela nous donne un  paysage de recherche qui va bouger ensemble, parce que la  compétition, elle n'est plus en France, elle est à l'internationale. 
 
C. Beaugrand : Merci beaucoup d'avoir été avec nous, V. Pécresse. 
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juillet 2008