Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à RTL le 15 juillet 2008, sur la présence du président syrien à la tribune officielle du 14 juillet et sur la réforme des armées.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

P. Corbé- Bonjour, H. Morin.
 
Bonjour.
 
On a beaucoup commenté depuis plusieurs semaines la présence de B. Al-Assad dans la tribune officielle du 14 Juillet. Hier soir, c'est S. Royal qui s'est placée non pas sur un plan diplomatique mais sur un plan militaire pour dénoncer "l'intolérable épreuve infligée à nos forces armées républicaines". Alors, est-ce que c'était une épreuve pour nos soldats de défiler devant B. Al-Assad ?
 
Il y a eu une initiative politique majeure qui a été cette Union Pour la Méditerranée, c'est-à-dire l'idée du Président de la République de réunir les rives Nord et Sud de la Méditerranée pour un projet commun. Souvenez-vous de ce beau mot d'André Siegfried : "La Méditerranée, ce continent liquide", parce qu'il y a un projet à mener sur la Méditerranée. Et vous ne pouviez pas à la fois décider de réunir l'ensemble des chefs d'Etat et de Gouvernement de la Méditerranée pour décider ensemble d'un projet commun et considérer que le lendemain, il y avait seulement une partie des invités. Je me permets de vous signaler que S. Royal a dû remarquer qu'Israéliens et Syriens se parlent. S. Royal aurait dû remarquer que grâce à l'initiative du président de la République, la Syrie et le Liban ont décidé d'ouvrir des représentations diplomatiques dans chacun des deux pays. Il y a donc eu à travers cette initiative de l'Union Pour la Méditerranée un certain nombre de progrès. Il y a un dialogue. Il y a des éléments d'une confiance qui peuvent assurer la paix sur cette partie du monde qui est tellement prise aux soubresauts, aux tensions ; et donc, cessons... ça fait quinze jours que S. Royal essaie de se faire remarquer. La semaine dernière, c'était son appartement, la semaine d'avant, c'était je ne sais quoi ; ça embarrasse tellement ses partenaires et ses collègues socialistes qu'ils ne savent plus quoi dire d'ailleurs.
 
N. Sarkozy, hier, en marge du défilé, dans les jardins de l'Elysée, on l'interrogeait sur la réforme de la carte militaire, la grogne qu'il pouvait y avoir, il nous a répondu : "Vous savez, tout ça c'est de la mousse". Est-ce que c'est seulement de la mousse, H. Morin ?
 
Le président de la République a raison quand il explique que les militaires ont conscience qu'un outil de défense doit s'adapter. Il doit s'adapter en permanence. Un outil de défense qui ne s'adapte pas aux menaces et aux risques, qui ne sont pas les mêmes que ceux du temps du Pacte de Varsovie, c'est un outil de défense en péril. On ne consacre pas 37 milliards d'euros par an à notre Défense pour se retrouver dans dix ans ou quinze ans, face à des menaces sur lesquelles nous n'aurions pas fait les efforts nécessaires. Par ailleurs, tous les militaires ont conscience que nous avons besoin de mener une réorganisation de notre outil de défense, de mutualiser des moyens qui sont aujourd'hui trop séparés. Aujourd'hui, on a des services armée par armée. On va mutualiser tout cela. On va créer ce qu'on appelle des bases de défense qui vont servir l'administration générale et le soutien pour toutes les unités dans un environnement de 30 kilomètres pour que nous ayons un meilleur rapport entre administration générale et soutien et forces opérationnelles. Je vous donne ce chiffre : 60% de nos ressources humaines sont consacrées à l'administration générale et au soutien. 40% aux forces opérationnelles. Au Royaume-Uni, c'est exactement l'inverse. Nous avons fait la professionnalisation. Désormais, nous devons en tirer les conséquences sur la structure. Et ça, les militaires le souhaitent et le veulent et ils ont entendu l'arbitrage du Président de la République qui est un arbitrage majeur, qui fait de la Défense une priorité, c'est que : un, toutes les économies que nous allons effectuer sur la structure sont pour l'équipement des forces - et nous en avons besoin - et deux, que nous aurons des mesures extra-budgétaires exceptionnelles à hauteur de 3 milliards d'euros pour payer toutes les livraisons que nous attendons dans les années à venir.
 
Est-ce que c'est de la mousse quand des habitants de Cambrai, hier, pleurent devant l'adieu à leurs militaires qui vont partir ; est-ce que c'est de la mousse quand des élus UMP de la Marne, manifestent, hier, près de Mourmelon pour protester contre le départ d'un régiment de chars qui défilaient d'ailleurs sur les Champs-Elysées ? Tout ça, ça existe ; il y a un attachement à l'Armée et c'est un moment difficile à vivre.
 
Dieu merci, l'attachement à l'Armée est extraordinaire. Il y a un pacte sacré entre la nation, les Français, et son armée.
 
Mais à Mourmelon, par exemple, le maire assure que vous l'aviez assuré du maintien de la base, il y a deux mois ?
 
J'ai rencontré tous les élus. On n'a jamais fait ça. Jusqu'alors, les élus découvraient un beau matin, par une annonce du ministre de la Défense, le plan de restructuration. Ca s'est passé comme ça avec P. Joxe, ça s'est passé comme ça avec F. Léotard et E. Balladur et ça s'est passé comme ça avec C. Millon. C'est la première fois que je consacre deux mois et demis de mon temps, que le ministre de la Défense, pardon, consacre deux mois et demis de son temps à rencontrer les parlementaires, à rencontrer les élus, à leur expliquer qu'il y a des mesures de dynamisation. Le Premier ministre a engagé une enveloppe de 320 millions d'euros. Quant à Mourmelon, j'ai déjà indiqué aux élus que je les rencontrerai, qu'il y avait à travers les réflexions que nous avions en cours, des solutions qui leur permettraient de pouvoir constater qu'il n'y a pas autant de dégâts qu'ils veulent le penser.
 
Parmi les élus en colère, il y a C. Jacob, on l'a entendu tout à l'heure dans le journal de 7h30, c'est un élu UMP de Provins en Seine-et-Marne. Il proteste contre le départ de 850 militaires de Sourdin. C. Jacob est un très proche de J. Chirac. Est-ce que les choses auraient été différentes s'il avait été un proche de N. Sarkozy ?
 
J'ai reçu C. Jacob à plusieurs reprises. Son régiment appartient à une brigade que nous regroupons ; et ce régiment est, pour l'instant, isolé en région parisienne. Et donc à chaque fois qu'il y a des exercices, à chaque fois qu'il y a des travaux communs, à chaque fois que nous menons des entraînements communs, il faut déplacer du monde ; et nous allons essayer de regrouper l'ensemble de cette brigade dans un environnement géographique qui permette aux militaires de travailler dans de meilleures conditions et qu'en plus, ça coûte moins cher à la République.
 
S'il avait été sarkozyste comme N. Morano, L. Chatel, A. Marleix qui se sont battus pour leur base, il aurait été entendu différemment ?
 
Mais honnêtement, s'il fallait commencer à regarder si le maire est de droite, le député est de gauche, le président du Conseil général est de gauche ou de droite ou du Nouveau Centre... Je peux vous promettre que si vous vous livrez à cet exercice, vous aurez bien du mal à en tirer des conclusions.
 
Brièvement, hier, pour la première fois, un Chef du gouvernement n'a pas assisté au défilé du 14 juillet. F. Fillon était bloqué par un mal de dos. Est-ce que vous avez des nouvelles du Premier ministre ?
 
Pour tout vous dire, je lui ai envoyé un petit texto après le 14 Juillet, juste après en lui disant : "François, tu nous a manqués, j'espère que tu vas mieux".
 
Pourquoi ? Il en a plein le dos, en ce moment ?
 
Non, parce que je pense que, voilà, pour avoir connu ça dans ma famille, pour tout vous dire chez mon père, quand on souffre de cela, c'est une souffrance terrible.
 
H. Morin, ministre de la Défense, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 juillet 2008