Texte intégral
Q - Nicolas Sarkozy répète qu'on n'a jamais autant réformé depuis 1958. C'est vrai ?
Jean-Pierre Raffarin : La dynamique de réforme est réelle et la méthode, qui consiste à mener de front un grand nombre de réformes, est originale et nouvelle.
Au départ, je n'étais pas convaincu du bien-fondé de cette méthode. Ce n'était pas la mienne et je pense toujours qu'un certain nombre de réformes doivent être programmées et conduites en fonction de ce que j'appelle les trois D : diagnostic - si possible partagé -, dialogue - notamment social - et enfin décision. Sarkozy a choisi de bousculer pour réformer.
Q - Lui, il fait tout à la fois ?
Jean-Pierre Raffarin : Oui, il mène pratiquement tout en même temps. Cette simultanéité a beaucoup d'avantages : d'abord, l'administration n'a pas le temps de prendre le pouvoir sur la décision politique ; ensuite l'ensemble de la majorité est occupé et enfin l'opposition est dispersée. Elle ne sait plus où mener son combat. Cet été, on va voter la loi de modernisation économique, la loi de modernisation sociale, les 35 heures, les deux offres d'emploi raisonnables pour les chômeurs, le service minimum dans l'éducation et, je l'espère, la réforme des institutions. Ce rythme a le mérite de l'efficacité.
Q - En 1981, il y a eu beaucoup de grandes réformes...
Jean-Pierre Raffarin : Non. Il y a eu la peine de mort et quelques grands textes. Là on est vraiment dans une cadence très forte. Mais attention, c'est sur la durée que l'on juge une réforme. Si aujourd'hui on peut discuter en matière d'urbanisme commercial de ma réforme de 1996, c'est parce qu'elle a duré, vécu et tenu. J'adhère à l'idée de production à très grande vitesse, à condition de veiller à la qualité législative de ces réformes.
Q - Cette simultanéité ne brouille-t-elle pas le message dans l'opinion ?
Jean-Pierre Raffarin : Nicolas Sarkozy et François Fillon développent une pédagogie de la réforme. Fait nouveau, les Français l'acceptent. Dans cette première phase, on doit constater la réussite. En sera-t-il de même durablement ? Seul le temps pourra nous le dire. Le vote de la réforme est une victoire politique. Mais la vraie victoire, c'est la réussite de la réforme dans le pays.
Q - Pourquoi n'avez-vous pas agi de même quand vous étiez à Matignon ?
Jean-Pierre Raffarin : J'ai initié la dynamique des réformes. Chaque président de la République a sa démarche et il faut que l'action corresponde à la nature même de la présidence et à la manière dont elle est incarnée. Jacques Chirac avait une autre vision de la fonction présidentielle. Il se méfiait des urgences et faisait du temps un allié. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy fait du mouvement un principe politique. Il crée les débats. Chez lui la stratégie du mouvement est réformatrice. La réforme fait moins peur parce qu'elle est en quelque sorte dédramatisée. Elle devient une sorte de respiration de la société.
Q - Pourtant, les sondages restent mauvais pour Sarkozy...
Jean-Pierre Raffarin : Pour l'instant, il y a dans l'opinion un certain scepticisme, mais il n'y a pas la volonté de bloquer la réforme. Cette acceptabilité de la réforme est une nouveauté.
Q - Cette façon de réformer et d'agir a-t-elle un modèle à l'étranger ?
Jean-Pierre Raffarin : C'est très comparable au modèle de Tony Blair. La logique n'est plus du tout celle d'un président arbitre ou metteur en scène comme Jacques Chirac. Là, l'auteur, le metteur en scène et l'acteur sont le même, et le tout dans une logique de mouvement perpétuel.
Q - Si la réforme des institutions est rejetée au Congrès, cela cassera-t-il la dynamique des réformes ?
Jean-Pierre Raffarin : Je le crains. J'appelle la majorité à se rassembler pour ce vote, non seulement parce que c'est une réforme institutionnelle importante qui va rééquilibrer les pouvoirs entre le président et le Parlement, mais aussi parce que le score du Congrès sera une sorte de marqueur de la réforme pour la première étape du quinquennat. Les socialistes ne peuvent rester à l'écart de la réforme du Parlement.
Q - Alors que cela se jouera à quelques voix, Sarkozy ne prend-il pas un gros risque ?
Jean-Pierre Raffarin : C'est un pari très difficile, mais Nicolas Sarkozy prend des risques en permanence, c'est une des caractéristiques de sa dynamique.
Source http://www.u-m-p.org
le 31 juillet 2008