Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je participe pour la seconde année consécutive à la traditionnelle réunion de rentrée du réseau de coopération du ministère des Affaires étrangères et je veux d'abord remercier Bernard Kouchner pour son invitation.
Je suis d'autant plus heureux d'être parmi vous aujourd'hui que je me sens presque en famille. En effet, j'ai moi-même été ministre de la Coopération et je sais qu'un grand nombre d'entre vous ont été enseignants, chefs d'établissement ou inspecteurs avant d'accéder aux fonctions de conseiller ou d'attaché.
Vous gardez d'ailleurs un lien étroit avec ce ministère, et pas seulement administratif, puisque c'est vous qui êtes chargés de la coopération éducative avec nos partenaires extérieurs. Il est donc de mon devoir de vous présenter mes ambitions pour l'école et les réformes en cours. C'est d'autant plus nécessaire que notre système éducatif se transforme en profondeur pour offrir plus de liberté, davantage de justice et permettre à tous les élèves d'accéder à la réussite.
I. Une rentrée sous le signe de la réforme
C'est pour atteindre ces objectifs que j'ai voulu placer la rentrée 2008 sous le signe de la réforme. En effet, la rentrée 2008 marque d'abord l'extension des réformes entreprises depuis le printemps 2007, l'application des réformes annoncées au cours de l'année scolaire 2007-2008 et la préparation de celles qui interviendront à partir de la rentrée 2009.
1. Les réformes significatives entreprises en 2007-2008 sont confirmées et amplifiées cette année. Elles traduisent le souci d'une meilleure prise en compte des attentes des familles, à qui le président de la République a voulu donner de nouvelles libertés et reconnaître de nouveaux droits. Je pense notamment à la suppression progressive de la carte scolaire, qui a permis aux familles de choisir librement l'établissement scolaire de leurs enfants. Elles ont été nombreuses à se saisir de cette nouvelle liberté puisque cette année, le nombre des demandes a progressé de près de 20 % avec un taux de satisfaction de 88 %. J'observe d'ailleurs que contrairement à ce que prédisaient certains observateurs, cette nouvelle liberté s'accompagne d'une plus grande justice sociale, puisque les demandes émanant d'élèves boursiers ont été traitées en priorité. Je sais que la question de la pertinence de la carte scolaire fait débat dans de nombreux pays qui, dans la plupart des cas, ont fait le choix de sa suppression. L'exemple français, je le crois, vient s'ajouter à la liste de ceux qui ont réussi à concilier la liberté des familles avec l'exigence de justice de la société tout entière.
Cette exigence de justice, nous y répondons également en ce qui concerne la scolarisation des élèves handicapés pour laquelle nous avons déployé des moyens nouveaux. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer l'ouverture de 200 unités pédagogiques d'intégration supplémentaires dans le secondaire et la mise en application du programme d'enseignement de la langue des signes française à l'école primaire, cette discipline ayant déjà fait l'objet d'une épreuve facultative lors de la session 2007 des épreuves du baccalauréat. Cet effort particulier en faveur de la scolarisation des élèves handicapés, que le président de la République avait inscrit au coeur de son projet, place la France parmi les bons élèves des pays développés.
Au cours de l'année scolaire écoulée, notre école a également réussi à mettre en oeuvre la promesse présidentielle d'offrir aux collégiens un accompagnement éducatif après les cours. Proposé entre 16 heures et 18 heures aux élèves des collèges situés dans les zones d'éducation prioritaire depuis le mois de novembre 2007, ce dispositif sera étendu à l'ensemble des collèges, ainsi qu'à toutes les écoles primaires de l'éducation prioritaire.
Par ailleurs, le succès rencontré par les stages de remise à niveau proposé durant les vacances de printemps et d'été pour les élèves en difficulté des classes de CM1 et de CM2 s'est prolongé dès cet été dans 200 lycées réputés difficiles, où près de 6.000 élèves volontaires ont participé aux stages de soutien gratuits qui leur étaient proposés.
Enfin, les élèves bénéficient désormais d'un droit à l'accueil reconnu par la loi, y compris les jours de grève où cet accueil sera assuré par les communes au-delà du seuil de 25 % de grévistes. Ce nouveau droit traduit une profonde mutation dans l'évolution de nos relations sociales, puisqu'il s'accompagne d'un dispositif d'alerte sociale permettant de prévenir les conflits en imposant une phase de discussion préalable au dépôt d'un préavis de grève. La loi affirme désormais la nécessité de concilier la liberté de grève légitimement reconnue aux salariés de l'Education nationale avec la liberté de travailler des familles.
A travers ces actions, l'Education nationale affirme sa volonté de mettre en place une école plus juste.
2. A ce souci de justice, les réformes mises en oeuvre à partir de la rentrée 2008 ajoutent un objectif d'efficacité visant à améliorer les performances de notre système éducatif dans les différents outils de mesure nationaux et internationaux dont nous disposons aujourd'hui :
Tout d'abord, nous avons considérablement réformé l'école primaire dont les performances n'étaient pas satisfaisantes depuis plusieurs années déjà, comme l'ont montré les résultats de l'enquête PIRLS l'an passé ou nos propres statistiques selon lesquelles une proportion de 15 à 20 % des élèves sortants de l'école primaire rencontreraient des difficultés dans la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul. Ses programmes, ses horaires et son organisation sont profondément remaniés à partir de la rentrée. Les nouveaux programmes, plus courts, sont recentrés sur les apprentissages essentiels qui doivent être maîtrisés par les élèves et dont la progression est désormais précisée par année scolaire, ce qui offre ainsi aux familles une meilleure faculté de suivre les progrès de leurs enfants. Les deux heures correspondant à la suppression des cours du samedi matin seront désormais consacrées à l'organisation d'un soutien aux élèves en difficulté en dehors des heures de cours. En outre, les stages de soutien expérimentés au cours des dernières vacances font désormais partie intégrante des solutions offertes par l'école pour aider les élèves en difficulté. Avec ces mesures, l'école française restera une de celle dont les horaires annuels sont les plus chargés parmi les pays développés. Mais elle sera sans doute l'une de celle qui offrira l'éventail le plus large d'outils personnalisés de lutte contre l'échec scolaire.
Par ailleurs, la rénovation de la voie professionnelle, avec la généralisation progressive de la préparation du baccalauréat professionnel en trois ans, permettra d'enrayer le nombre de sorties sans qualification du système éducatif et d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, en complément du parcours de découverte des métiers et des formations qui sera désormais proposé à partir de la classe de cinquième. En permettant aux élèves engagés dans la voie professionnelle d'accéder plus largement au baccalauréat, elle participe également de la volonté de la France de participer à l'effort européen d'amélioration de la qualification des jeunes.
L'Education nationale s'engage aussi pleinement dans la mise en oeuvre du volet éducation de la dynamique "espoir-banlieue", avec notamment la création de places d'internat d'excellence proposées aux jeunes, et notamment aux jeunes filles, issus des quartiers défavorisés, la destruction des collèges les plus dégradés, l'expérimentation de la mixité scolaire par le transport en bus (busing) des élèves d'écoles primaires ou encore la possibilité offerte aux 5 % des élèves les plus méritants des lycées généraux et technologiques d'accéder à une classe préparatoire aux grandes écoles. Certains d'entre-vous reconnaîtront dans ces mesures des dispositifs expérimentés dans le pays où ils sont en poste. Je ne crains pas de dire que le benchmarking fait partie intégrante de la façon dont nous menons les réformes dans le domaine de l'éducation.
Nous voulons offrir aux jeunes français non pas la singularité d'un système scolaire conçu hors de toute référence, mais la diversité d'un système éducatif tirant parti des expériences les plus réussies réalisées par les pays développés.
3. Justice et efficacité seront aussi au coeur des réformes qui seront en préparation au cours de l'année scolaire 2008-2009 pour être effectives à compter de l'année scolaire 2009-2010 :
- le lycée général et technologique doit être plus ouvert et favoriser l'autonomie des lycées afin de mieux les préparer les lycéens à réussir leur entrée dans l'enseignement supérieur. Les principes de la future réforme du lycée ont déjà fait l'objet de points de convergence avec les organisations lycéennes et les syndicats d'enseignants.
La réforme du système de remplacement des enseignants, avec la création d'une agence du remplacement chargée du pilotage des effectifs, permettra d'améliorer les délais de remplacement des enseignants tout en réduisant le temps d'inactivité des personnels affectés au remplacement.
Enfin, en liaison avec le ministère de l'Enseignement supérieur, les modalités de recrutement des enseignants seront profondément remaniées dans la perspective de la généralisation du recrutement au niveau master.
II. Une rentrée sous le signe de l'Europe
Si la rentrée 2008 est placée sous le signe de la réforme, je n'oublie pas qu'elle s'effectue également dans le contexte de la présidence française de l'Union européenne. Je l'oublie d'autant moins que l'Education nationale y prend une part active.
Ainsi, dès le 1er juillet dernier, pour fêter le lancement de la Présidence française de l'Union européenne, l'Education nationale a réalisé et diffusé trois "cahiers d'Europe" qui ont permis aux jeunes de 7 à 15 ans de découvrir, pendant leurs vacances d'été, les vingt-sept Etats de l'Union européenne. Produit ludique, innovant et accessible à tous via Internet mais également disponible gratuitement en version papier par simple appel à un numéro vert, les cahiers d'Europe ont dès à présent permis à nos enfants de devenir des acteurs informés de la Présidence française de l'Union européenne.
L'effort de sensibilisation se poursuit tout l'automne avec un programme très riche avec la rentrée scolaire aux couleurs de l'Europe, l'opération "l'Europe à l'école" le 19 septembre au cours de laquelle de nombreuses personnalités se rendront dans l'école ou le collège qu'elles ont fréquentés dans leur jeunesse et la semaine "Bougeons avec l'Europe" entre le 20 et le 24 octobre.
A travers ces opérations, notre objectif est de mieux informer sur la construction européenne, d'accroître la place de la dimension européenne dans la vie des établissements et de faire connaître aux élèves et aux professeurs les programmes européens de mobilité et d'échanges. Enfin, je souhaite de valoriser le lien entre l'enseignement des langues et l'ouverture européenne et internationale.
Parallèlement, en matière d'éducation, la Présidence française de l'Union européenne comporte également un volet thématique très riche, organisé autour de conférences européennes. Elles porteront notamment sur la question de l'orientation tout au long de la vie, première priorité de la PFUE en matière éducative mais aussi sur la scolarisation des élèves handicapés, l'apprentissage des sciences, la comparaison des systèmes éducatifs, la gouvernance des établissements, sujets qui correspondent tous à des problématiques largement partagées en Europe.
Enfin, il y aura un volet institutionnel avec le Conseil Education Jeunesse culture du 20 et 21 novembre et la réunion informelle des ministres à Bordeaux le 26 novembre qui portera sur la coopération entre Européens dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels, qui constitue la deuxième priorité avec l'orientation de la PFUE en matière éducative.
III. Ouverture internationale et coopération éducative
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, en cette rentrée 2008, l'Education nationale est très largement ouverte sur le monde. Mais cette ouverture internationale ne saurait être conjoncturelle et je suis déterminé à favoriser durablement la mobilité de nos élèves mais également de nos enseignants, pourquoi pas en créant un Erasmus des professeurs.
En outre, je suis profondément convaincu qu'en matière d'éducation comme ailleurs, nous devons être attentifs à ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières pour faire avancer notre pays et c'est la raison pour laquelle j'ai délibérément choisi d'inscrire mon action dans une perspective internationale.
Depuis un an, j'ai rencontré des homologues de passage à Paris et je me suis rendu à plusieurs reprises à l'étranger, en Finlande, en Lettonie, en Autriche, en République tchèque, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, au Canada afin d'observer les réussites éducatives de nos voisins. Ces contacts et voyages ont été réellement fructueux. J'ai l'intention d'accomplir, dans les mois qui viennent, de nouveaux voyages d'étude en Europe et au-delà.
En outre, j'accorde beaucoup d'attention aux études européennes et internationales qui permettent de situer les performances de notre système éducatif. Ainsi, je l'ai évoqué, la publication des résultats des enquêtes PIRLS et PISA au printemps dernier a permis de prendre conscience de la dégradation des résultats de nos élèves, en particulier en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture.
Avec quelques mois de recul, je crois que ce "PISA choc" a été salutaire car il a démontré l'impérieuse nécessité de réformer profondément et rapidement notre système éducatif, en particulier l'école élémentaire qui est la rampe de lancement dont dépendent les trajectoires scolaires. C'est ce que nous avons fait et je suis convaincu que la réforme qui entre en vigueur en cette rentrée 2008 va permettre à notre école de retrouver son statut de référence européenne.
Responsable de la coopération éducative avec nos partenaires internationaux, vous avez un rôle majeur à jouer dans ce mouvement d'ouverture de l'Education nationale sur le monde. En effet, vous êtes des observateurs privilégiés des systèmes éducatifs étrangers et c'est vous qui pouvez identifier les initiatives originales, les opérations phares et les bonnes pratiques en vigueur dans les pays où vous travaillez. Je vous invite ardemment à les faire connaître car votre contribution peut être essentielle dans l'effort engagé pour offrir aux élèves français ce qui se fait de mieux au monde.
Dans le même temps, votre mission est aussi de faire connaître notre école au-delà des frontières hexagonales. Il vous appartient en effet de mettre en avant les points forts de notre système éducatif, en particulier les domaines où la France fait figure de précurseur, qu'il s'agisse de l'usage des nouvelles technologies à l'école ou de l'accueil des élèves handicapés.
Les potentiels de coopération en matière de formation professionnelle, notamment avec les pays émergents, ou de constitution de filières d'excellence, sont également très forts. Sur la base de la coopération éducative peuvent se développer de nombreux autres champs de coopération et des partenariats concrets qui dépassent le seul domaine de la formation ou de l'éducation. Je sais que vous êtes pleinement conscient de cette dimension de votre action et je souhaite saluer vos efforts pour la développer.
Au-delà, au moment où notre école change de visage, il vous revient aussi de faire savoir partout dans le monde que la France est en train de renouer avec l'excellence éducative qu'elle doit incarner et qui est pour beaucoup dans le prestige de nos établissements d'enseignement à l'étranger.
Mesdames et Messieurs,
Dans un contexte de globalisation marqué par l'accélération des échanges de biens, de services et de personnes, l'accès au savoir est devenu un enjeu essentiel. Dans ce domaine, vous le savez, notre pays a un potentiel à exploiter, des atouts à faire valoir et des compétences à partager. Aujourd'hui, les systèmes éducatifs ont acquis une forte visibilité internationale et je crois que la coopération éducative est désormais l'une des dimensions essentielle de l'action diplomatique de notre pays. Tout ce que nous pourrons faire en matière de formation professionnelle, de formation des élites et d'expertise pédagogique sera donc essentiel pour conforter la stature internationale de notre pays. Ne ménageons donc pas vos efforts !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 août 2008