Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur les enjeux économiques de la politique de l'environnement et la mobilisation des entreprises en faveur du développement durable et des économies d'énergie, Palaiseau le 28 août 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Université d'été du MEDEF du 27 au 29 août à Palaiseau (Essonne)

Texte intégral

La vie en vert pour voir la vie en rose, voilà un programme réjouissant. J'ai effectivement la conviction qu'aujourd'hui l'écologie est enfin perçue comme le grand enjeu du 21ème siècle. Cette prise de conscience s'est d'ailleurs généralisée à l'ensemble de la société française. La création du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire en est l'illustration.
En regroupant sous le signe de l'écologie, les transports, l'énergie et l'aménagement du territoire, l'État s'est donné véritablement les moyens de refonder une politique environnementale à la hauteur des défis de demain.
Cette architecture nous permet, aujourd'hui, de travailler et de changer les modes de fonctionnement et d'habitudes pour le particulier, l'entreprise, les collectivités locales et bien sûr l'État. C'est d'ailleurs tout le sens que nous avons voulu donner au Grenelle environnement et à ses suites.
C'est dans ce cadre que Luc Chatel et moi-même, avons lancé le 10 juillet 2008 dernier, le Comité stratégique des éco-industries, le plan écotech 2012 préconisé par le Grenelle Environnement et dont la mise en oeuvre des propositions retenues aura lieu dès 2009.
Le comité composé de chefs d'entreprises et de personnalités qualifiées en matière d'industrie et de technologies de l'environnement s'attellera à étudier les manières d'intégrer de façon optimale le défi environnemental au sein de notre économie.
Cette initiative est le fruit d'une conviction forte :
La révolution environnementale qui s'annonce sera une nouvelle révolution industrielle.
L'intégration des enjeux et des technologies de l'environnement est un levier stratégique pour gagner le point de croissance qui manque à la France. Les nouvelles contraintes règlementaires et sociétales créent des opportunités de marché très fortes pour les entreprises françaises.
L'écologie, c'est toujours un peu compliqué. La préservation de notre planète peut heurter les intérêts et pire que les intérêts, les habitudes, voire les idées que l'on peut avoir sur la société. Mais, l'écologie, ce n'est pas juste une politique de secteur, c'est une révolution, une transformation en profondeur de notre mode de production et de consommation. Elle passe par la gestion des ressources rares et la réduction ou la suppression des dommages environnementaux. Parler d'environnement n'est pas une attitude frileuse qui s'opposerait au développement de technologies d'avenir ; bien au contraire, c'est la condition même de leur développement.
Aujourd'hui les chiffres sont là, l'opinion publique a basculé, tout le monde veut réduire sa facture énergétique ; chacun veut savoir ce qu'il y a dans son assiette ; chacun exige de boire une eau de qualité. Une demande écologique existe. Les marchés sont en train d'émerger : dans le bâtiment, dans l'automobile, dans l'agriculture bio, dans le textile. Les produits trop gourmands en énergies fossiles ou en emballages, les consommateurs n'en voudront plus. Car l'opinion publique française, mais aussi mondiale, a basculé. Il n'y a qu'à voir les chiffres du bonus-malus automobile : les ventes de voitures propres ont augmenté de 45 % et celles de voitures fortement émettrices ont baissé d'environ 40 %.
L'enjeu économique de la politique environnementale n'est donc pas de promouvoir une économie désindustrialisée, mais une économie plus sobre en carbone, en énergie et en ressources naturelles non renouvelables. Une économie circulaire fondée sur la réduction et le recyclage des déchets, et plus généralement sur une utilisation plus efficace des ressources. L'objectif étant de se libérer du pétrole, pour baisser notre consommation énergétique, pour rénover thermiquement les logements, pour construire en meilleure qualité tout de suite, pour développer les transports en commun.
Cette révolution environnementale et énergétique qui s'annonce sera aussi une révolution industrielle. Aucun des grands défis écologiques : émission de CO2, dépollution, assainissement, recyclage, énergies alternatives, etc., ne trouvera de réponse crédible sans la contribution innovante de l'industrie. Loin d'être une variable d'ajustement de nos politiques de développement durable, les industries et les entreprises doivent en constituer le moteur.
Je suis profondément convaincue que l'écologie et les mesures qui l'accompagnent ne sont pas un fardeau, mais plutôt une formidable opportunité pour nos territoires et nos industries et une source de création d'emplois, pour la plupart non délocalisables.
L'industrie française n'a d'ailleurs pas attendu le choc pétrolier actuel ou la prise de conscience du grand public pour préparer l'avenir. Elle occupe déjà des positions fortes au niveau mondial dans des secteurs comme l'énergie ou le traitement des déchets. Notre pays a de nombreux atouts pour lutter contre le changement climatique, développer la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables ; nos entreprises figurent parmi les leaders mondiaux en matière d'eau potable, d'énergie, d'assainissement des eaux ou de traitement des déchets.
Il est temps aujourd'hui de voir encore plus grand et de mobiliser l'ensemble des acteurs industriels autour d'un défi commun : transformer les contraintes énergétiques et environnementales en opportunités de marché.
Sur un marché, désormais planétaire, ceux qui innoveront le plus vite et le mieux en matière environnementale bénéficieront d'une véritable « prime aux pionniers ». Il est donc crucial pour nos entreprises d'occuper rapidement des positions fortes et de conserver toujours un temps d'avance en matière d'innovation afin de pouvoir imposer nos standards technologiques au niveau mondial.
L'Institut Français de l'Environnement évalue déjà à 370 000 le nombre de personnes travaillant dans le domaine de l'environnement. Et ce n'est que le début. Puisque notre pays, notre système de recherche et nos entreprises se mobilisent pleinement pour promouvoir une véritable éco-conception de l'ensemble des produits et des services. Il s'agit donc de construire un nouvel équilibre vertueux du point de vue économique, environnemental, et social entre les activités de production, de consommation, de recherche-développement, d'innovation et de services en France et en Europe.
Tous les maillons de l'industrie ont leur place dans cette révolution des « écotechnologies » : Nous avons l'ambition, d'allumer de nouveaux moteurs de croissance dans la construction, dans l'agriculture, dans les énergies renouvelables, dans l'éco-conception... Tous les secteurs sont concernés par cette nécessité d'innover et de redéfinir une stratégie respectant les principes du développement durable.
A l'avenir,
- Les « greentechs » apporteront de vraies solutions pour « verdir » notre économie. Elles interviennent déjà dans des secteurs porteurs pour l'avenir de notre économie.
- La domotique rendra demain notre maison « intelligente », en faisant la chasse au gaspi énergétique.
- L'automobile « propre » mobilisera la chaîne industrielle dans son ensemble. Elle roulera sur des bitumes innovants qui permettront des économies d'énergie, avec des pneus réduisant la consommation, tandis qu'un système électronique coupera le carburant aux feux rouges.
- Les recherches sur les nanomatériaux et nanotechnologies permettent d'ores et déjà de développer les connaissances et partager le savoir, pour prévenir les risques.
Déjà,
- On recycle les voitures. Et, recycler des véhicules en fin de vie, c'est bon pour la planète et ça crée des emplois ! L'initiative commune de Renault et Sita (groupe Suez) de développer une filière commune pour le recyclage des véhicules hors d'usage est une solution innovante. Elle met en avant les meilleures conditions économiques et écologiques pour le traitement et le recyclage des matériaux des véhicules en fin de vie. Renault et Sita garantissent l'atteinte des objectifs réglementaires en vigueur depuis janvier 2006, soit le recyclage de 85 % de la masse de chaque véhicule en fin de vie et la production d'un gisement fiable et pérenne des matières premières secondaires. Les partenaires s'engagent à un objectif de 95 % en 2015 et pensent pouvoir créer à terme de l'ordre de 500 à 600 emplois directs.
- Les actions volontaires dans des secteurs industriels Cleansky pour l'aéronautique, Chimie verte et Greenlab pour la microélectronique ont d'ores et déjà permis d'engager des programmes ambitieux favorables à l'environnement, et même d'anticiper les exigences environnementales. Elles ont permis des gains de compétitivité. Des programmes de recherche et développement favorable à l'environnement aux services des industries spécialistes de l'environnement, les éco-industries, ont pu être étendus, notamment pour le traitement des polluants, la gestion des ressources (eau, air, gaz à effet de serre...) ou la performance énergétique des nouvelles technologies de l'énergie, usages performants des atouts français, dont l'énergie nucléaire.
- La rénovation énergétique des bâtiments anciens devrait créer 100 000 emplois. Avec plus de 68 millions de tonnes d'équivalent pétrole consommés, ou encore 123 millions de tonnes de CO2 émises, soit 23 % des émissions nationales, le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d'énergie en France. Le Grenelle Environnement a donc défini un plan de grande ampleur pour répondre à ce problème. Ainsi, lorsque l'on adopte des réglementations plus strictes en matière d'habitat et de construction, on crée certes une contrainte à court terme mais on ouvre également de nouvelles perspectives pour l'industrie des matériaux, des isolants, et des systèmes énergétiques. De même, quand on interdit le recours à certaines substances chimiques, on prépare aussi la voie à ceux qui sauront innover et offrir des produits de substitution. La convention signée par Jean Louis Borloo et les professionnels de l'immobilier, permettra de systématiser l'affichage des performances énergétiques des logements, comme voulu par le Grenelle Environnement. Quatre arrêts importants ont été signés, pour construire des bâtiments plus respectueux de notre environnement. Plusieurs agences immobilières, accompagnées de l'ensemble des acteurs de ce secteur se sont engagées à généraliser l'affichage du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements dans les annonces immobilières.
- La grande distribution, elle aussi se met au vert.
Les enseignes de la grande distribution se sont engagées pour un commerce durable comme l'illustre la convention signée le 29 janvier 2008 par Jean-Louis Borloo. Leur principal objectif : sensibiliser leurs clients à une consommation durable et orienter leur choix vers des produits écologiques. Cette convention définit les engagements majeurs que prend la grande distribution. Entre autre :
. informer les consommateurs sur les impacts environnementaux de la consommation courante.
. promouvoir les produits « éco-label ».
. Augmenter d'au moins 15% par an la part des produits bio dans le total des ventes alimentaires.
. Réduire la production de déchets d'emballages d'au moins 10%
. Réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre.
. Réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au transport.
. Limiter les impacts visuels sur les paysages et les éco-systèmes.
- L'UIC, en partenariat avec l'ADEME, EDF et GDF a pris trois engagements :
. utiliser 15% de matières premières d'origine renouvelable, chimie du végétal, d'ici 2017, contre 7% aujourd'hui ;
. obtenir pour 400 usines une certification environnementale reconnue d'ici 2011 ;
. établir un dialogue permanent avec les riverains, élus et associations autour des sites. Notons que l'UIC fédère 1 200 entreprises, de toutes tailles.
- Air France-KLM entre 2005 et 2012, s'engage à réduire de 20% les émissions de CO2 sur la desserte Métropole-Dom et de 5% sur ses vols domestiques. D'ici 2020, la réduction de 50% des émissions des nouveaux avions et la poursuite du programme de modernisation de la flotte aérienne est prévue.
- Enfin, les éco-industries qui produisent des biens et services visant à mesurer, prévenir, limiter ou corriger les atteintes à l'environnement touchant l'eau, l'air ou le sol, et les problèmes en rapport avec les déchets, le bruit et les écosystèmes sont en augmentation constante. Les emplois directs et indirects engendrés par les éco-industries représentent déjà approximativement 3,4 millions d'équivalents à temps plein.
L'écologie est et sera dans les années à venir un véritable moteur de transformation de l'économie et de la société. Ce n'est pas l'écologie qui suscite des questions. C'est elle qui permet de trouver des solutions, des opportunités. L'écologie n'est pas une contrainte à la croissance, c'est une nouvelle source de perspectives et de compétitivités. Le monde vert que nous préparons nous permettra un avenir rose.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 1er septembre 2008