Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 11 août 2008, sur la présence de Nicolas Sarkozy à Pékin pour l'ouverture des Jeux Olympiques.

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LE FIGARO. - Fallait-il se rendre à Pékin ?
Bernard ACCOYER.- Assurément. Il ne faut pas oublier que les JO sont un événement sportif planétaire, prévu en Chine de longue date. Certes, la Chine n'est pas un pays démocratique, mais nul ne peut nier que depuis qu'elle s'est ouverte au capitalisme, elle s'est engagée sur la voie du progrès en matière de droits, même si beaucoup reste à faire. Le meilleur moyen pour faire progresser le droit n'est certainement pas de boycotter ou de donner des leçons.
LE FIGARO. - Que pensez-vous des critiques du Vert Daniel Cohn-Bendit qui fait un parallèle avec les JO de Berlin en 1936 ?
Bernard ACCOYER.- Ce n'est certainement pas à ceux qui, pendant des décennies, ont voulu expliquer à la planète pourquoi et comment il fallait passer du capitalisme au communisme que l'on peut reconnaître une quelconque pertinence à donner des leçons dans l'autre sens, c'est-à-dire comment passer du communisme à la démocratie.
LE FIGARO. - Nicolas Sarkozy n'aurait-il pas eu intérêt à annoncer dès le départ qu'il irait à Pékin ?
Bernard ACCOYER.- Ce qui compte, c'est que le président de la République était présent à cette cérémonie magistrale, au plan artistique, technique et historique. Et pour avoir assisté aux entretiens qu'il a eus avec le président Hu Jintao et le premier ministre Wen Jiabao, je peux vous dire que les autorités chinoises ont apprécié sa présence, que les échanges ont été intenses et que Nicolas Sarkozy a abordé avec eux la question des droits de l'homme.
LE FIGARO. - Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, et les défenseurs des droits de l'homme lui reprochent son attitude...
Bernard ACCOYER.- Être présent, aborder la question, parler de ces problèmes est le plus important. La Chine est un pays où le temps joue plus qu'ailleurs et l'ouverture spectaculaire qu'illustrent ces jeux est sûrement la meilleure garantie d'une évolution politique qui ne peut être que progressive.
Je suis convaincu que nous, Français, devons privilégier le dialogue aux attitudes péremptoires et ne pas laisser la place aux éternels donneurs de leçons qui malheureusement, dans cette affaire, ne servent pas la cause qu'ils pensent défendre. En outre, ils ont porté un tort considérable aux relations franco-chinoises ouvertes par le général de Gaulle en 1964, un tort considérable aux intérêts français et créé de grandes difficultés à l'action de nos expatriés. Je voudrais être sûr que certains, qui se sont autoproclamés défenseurs attitrés des droits, n'ont voulu et ne veulent servir qu'une cause généreuse, qu'il ne s'agit pas pour eux de se faire une publicité personnelle au détriment de la cause qu'ils prétendent défendre et des intérêts de la France.
Les méthodes violentes, l'anathème et les coups de force sont des procédés auxquels nous ont trop habitués les extrémistes de tout poil qui, il n'y a pas si longtemps, étaient les grands thuriféraires des pays totalitaires. Franchement, quel dommage de confondre l'olympisme, le sport ou simplement le progrès avec d'autres desseins pas toujours aussi clairs qu'on voudrait nous le faire croire.
LE FIGARO. - Nicolas Sarkozy n'aurait-il pas dû recevoir le dalaï-lama lors de sa visite en France ?
Bernard ACCOYER.- Chaque chose en son temps. Le temps que nous vivons et, surtout, la confusion dont nous sortons exigent du recul et de la hauteur pour être sûrs, le moment venu, de ne pas commettre les mêmes erreurs qui pourraient desservir la cause du droit. Le dalaï-lama lui-même n'a pas souhaité le boycott des jeux. C'est bien la preuve que certains zélateurs vont bien au-delà d'une attitude équilibrée. Le volontarisme, certes nécessaire, ne doit pas céder la place à des gesticulations médiatico-militantes.
LE FIGARO. - Avez-vous ressenti une certaine animosité contre la France ?
Bernard ACCOYER.- De tous mes échanges avec les expatriés, il ressort que l'ampleur du malaise entre la France et la Chine a été préoccupante et il est évident que l'entrée dans le stade de la délégation française n'a pas été honorée comme l'ont été celles des autres pays de l'Union européenne.
LE FIGARO. - Pourtant, Angela Merkel, elle, n'est pas allée à Pékin...
Bernard ACCOYER.- C'est bien cela qui fait mal et c'est bien là qu'il faut que, nous autres Français, réfléchissions à ce que nous avons pu faire qui, à l'évidence, n'a rendu notre discours ni audible ni convaincant. Heureusement, mon sentiment est que Nicolas Sarkozy a su trouver avec les autorités chinoises les mots et les orientations qui permettront, je l'espère, de tourner cette page sans pour autant abandonner nos convictions.
Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 3 septembre 2008