Texte intégral
N. Demorand Bonjour X. Darcos.
Bonjour.
Et bienvenue. Inscriptions nazies et racistes dans un collège de l'Hérault. Avez-vous des éléments nouveaux ce matin ?
Non, nous n'avons pas d'éléments nouveaux ou très peu. Ce que nous constatons, et ce dont nous sommes pratiquement certains, c'est que ce n'est pas un fait d'un jeune vaurien isolé et écervelé, qu'il y a là un esprit de système, que ce sont des grandes inscriptions faites très haut, dans une orthographe à peu près convenable, avec des mots en allemand, avec des références à l'histoire nazie. Et donc on a à faire à de véritables petits nazillons organisés, qui sont venus profaner un établissement public.
Simple, si j'ose dire, fait divers ou chose plus grave, d'après vous ?
Je ne le sais pas encore. Mais dans un établissement qui s'appelle René Cassin, où la cour principale est dédiée à la mémoire des enfants d'Izieu, il y a là quelque chose quand même qui est extrêmement inquiétant et voilà pourquoi j'ai considéré qu'il était de mon devoir de m'y précipiter. Nous sommes vigilants sur ces questions. Vous savez, lorsque le président de la République a parlé des valeurs de la Résistance autour de G. Môquet, on a beaucoup ironisé. Voyez le débat qu'on a eu sur le fait de savoir comment enseigner la Shoah aux élèves de CM2, lorsque je les ai remis au programme et que le Président a évoqué le fait qu'il fallait y travailler à partir de la mémoire des enfants. On m'a reproché une certaine (inaudible). J'ai beaucoup insisté sur ces questions de discrimination, de lutte contre l'homo phobie, d'être extrêmement sévère vis-à-vis de toutes les formes de racisme, de xénophobie. Enfin, on a trouvé que j'en faisais trop. Eh bien, vous voyez que non.
Et donc, sur ces sujets-là, d'après vous, l'école a un rôle essentiel à jouer et ce n'est jamais gagné ?
Evidemment, c'est ce que j'ai dit hier. Cela prouve que c'est un combat de tous les jours, que les enseignants d'ailleurs mènent très bien, n'est-ce pas, il n'y a aucun doute là-dessus. Ce sont de vrais républicains. Mais il ne faut pas croire que c'est gagné. Et puis il y a aussi derrière tout cela une immense bêtise, une sottise épaisse et haineuse qui est définitivement l'ennemi de l'école. Le travail de l'école c'est de lutter contre cela.
Quel bilan faites-vous en cette fin de semaine de rentrée scolaire ?
La rentrée...
Quelle note pour vous ?
Cela s'est très bien passé franchement. Nous n'avons pas eu de difficultés particulières. Il y a toujours de petits incidents ici ou là. Quand je suis à l'antenne et que les auditeurs appellent, ils me signalent toujours des incidents : un professeur qui n'est pas là, une classe un peu chargée... Il y a toujours des petits détails mais enfin, en gros, quand même on a scolarisé 12 millions de personnes - c'est un Français sur 5 mardi - dans des conditions tout à fait convenables. Le ministre n'y est pour rien. Je ne dis pas cela par gloriole, ce n'est pas pour me vanter que je dis cela. Cela montre que la maison Education nationale fonctionne, qu'elle est efficace et que la préparation de la rentrée s'est bien faite. J'en félicite nos personnels.
Elle fonctionne donc même avec des postes en moins. Vous en avez supprimés, vous avez annoncé que vous en supprimerez d'autres encore. C'est pour vous la preuve par l'exemple ?
Non, moi je ne trouve pas qu'il faille en soi supprimer des postes. J'ai dit simplement que nous avons pu faire cette rentrée avec les non renouvellements de l'an dernier dans des conditions qui sont presque meilleurs que celles de la rentrée précédente. Je rappelle et je répète - d'ailleurs personne ne l'a contesté - que nous avons à cette rentrée un meilleur encadrement pédagogique qu'à la rentrée dernière. C'est-à-dire que nous avons en moyenne moins d'élèves par classe que nous ne l'avions à la rentrée dernière. Tout simplement parce que nous avons perdu encore plus d'élèves que nous ne le pensions, et pas seulement parce qu'on parle de 11.200 postes. Il faut rappeler que la plupart de ces postes ont été convertis en heures supplémentaires et que la réalité sur près d'un million d'enseignants, c'est 3.500 postes qui n'ont pas été renouvelés. Donc, tout ceci est parfaitement assimilable par le système, même si évidemment cela exige ici ou là des ajustements.
Les syndicats ont annoncé, les syndicats enseignants, qu'ils comptaient se mobiliser à plusieurs reprises dans les semaines qui viennent pour critiquer le modèle d'école que vous êtes en train de construire, disent-ils. Est-ce que vous êtes inquiet de ce retour des syndicats sur la scène publique ?
Non, je ne suis pas inquiet. D'abord ce n'est pas un retour, les syndicats sont toujours extrêmement présents dans le ministère de l'Education nationale. Ils jouent un rôle très, très actif. J'observe d'ailleurs qu'ils n'appellent pas vraiment à la grève mais à plutôt des mouvements. Mais nous en parlerons avec eux. Le modèle que je propose est un modèle qu'ils devraient défendre. Lorsque qu'on me dit...
Ils disent que c'est celui d'une école à deux vitesses.
C'est exactement l'inverse. Lorsqu'une famille a des moyens, lorsqu'elle est dans un milieu favorisé, qu'est-ce qu'elle fait lorsqu'un enfant a une difficulté ? Elle lui fait donner des cours, elle a recours à des dispositifs d'accompagnement, elle fait voyager les enfants, elle les soutient. Et ceux qui n'ont ni la culture ni les moyens ni le milieu qui se prête à ce soutien scolaire, qu'est-ce qu'ils font ceux-là ? Eh bien ce que nous faisons, nous, c'est donner à tous, gratuitement, ce que les familles plus aisées peuvent offrir à leurs enfants. Et donc c'est un modèle de justice sociale. Mon obsession, Monsieur Demorand, et je voudrais dire avec un peu de solennité, pourquoi est-ce que je m'intéresse tant comme ministre de l'Education nationale ? Pour organiser un complot contre les enseignants ou contre le système éducatif ? Mon obsession c'est la justice sociale. Je n'accepte pas sur le plan intellectuel, sur le plan politique, sur le plan moral qu'un fils de journaliste, de professeur ou de cadre ait huit fois plus de chance de s'en sortir qu'un fils d'ouvrier. Je ne l'accepte pas. Et ceux qui me disent aujourd'hui : eh bien non, vous allez externaliser... Qu'ils me disent si la situation d'aujourd'hui les satisfait. Il faut donc que nous donnions plus à ceux qui ont moins.
Est-ce que pour cet objectif de justice sociale, X. Darcos, en assouplissant puis en supprimant la carte scolaire, est-ce que vous ne vous êtes pas privé tout de même d'un outil important ?
Bien non, parce que la carte scolaire lorsqu'elle existait, elle était détournée précisément par les informés, par les puissants, par les sachants. Ne subissaient la carte scolaire que ceux qui ne savaient pas comment y échapper. Et donc on assignait à résidence des jeunes et souvent d'ailleurs des jeunes filles en particulier, qui demandaient à pouvoir changer d'établissement - curieusement, nous l'avons vu dans des demandes de dérogation - et donc on avait un système qui était bloqué. Nous aurions pris un risque en supprimant complètement la carte scolaire sans aucune règle. Ce que nous avons fait, c'est dire lorsque des familles ou des jeunes veulent changer d'établissement, qu'ils le fassent et si l'établissement peut les recevoir, il n'y a pas de problème. Si l'établissement a des difficultés à les recevoir, voyons quels critères nous choisissons et les critères que nous avons choisis pour accorder des dérogations sont des critères sociaux : les bousiers, les boursiers sociaux les fratries, les familles qui travaillent loin et à qui cela posait des problèmes pour accompagner leurs enfants. Nous avons choisi des critères sociaux. Et les établissements qui ont perdu des élèves, nous leur avons maintenu leurs moyens. Alors qu'avant, lorsqu'un élève feintait si je puis dire la carte scolaire grâce à la connaissance de ses parents, eh bien, il disparaissait du tableau des élèves dans l'établissement et l'établissement perdait des moyens. Donc, le système que nous avons mis en place, malgré ce que tout le monde dit, le système que nous avons mis en place est un système plus juste parce que transparent... C'est un débat qui mérite d'exister, je ne dis pas que ce soit une solution.
Vous avez été reçu par F. Fillon comme un certain nombre de ministres, pour votre évaluation ?
Bien sûr.
Rien n'en a filtré, dites-nous ?
Parce que les choses se sont merveilleusement passées. C'est au Premier ministre de la dire, mais enfin je crois que le Premier ministre considère que la manière dont la maison Education nationale est gérée correspond à la lettre de mission que j'ai reçue. Cela s'est parfaitement bien passé. Je n'ai eu aucune critique, aucun reproche et que les encouragements à continuer.
Cela c'est pour le bilan. Pour les perspectives, vous avez annoncé d'ores et déjà un certain nombre de réductions de postes encore. Le mouvement de réduction va se continuer, année après année ?
Cela je ne sais pas. Nous verrons comment les choses se présentent sur le plan budgétaire. Par paradoxe, les 13.500 que nous allons ne pas renouveler dans les années qui viennent seront moins perceptibles que les 11.200 que nous venons de perdre, puisqu'ils porteront exclusivement sur des personnels qui ne sont pas en situation d'être devant les élèves. Donc, ce sont des emplois qui concernent des personnes qui ne sont pas à temps plein dans des classes. Donc, cela n'aura à mon avis aucun effet sur les dotations horaires globales, et en particulier nous ne toucherons pas du tout, je l'ai dit, au lycée. Parce que, comme nous entamons une réforme du lycée, je ne veux pas qu'on me dise encore : 3vous voulez faire la réforme du lycée pour regagner des postes, pour des raisons purement comptables". Je veux que cette réforme se fasse dans la transparence, dans l'accord le plus général - c'est le cas d'ailleurs aujourd'hui - consensus autour de la réforme du lycée. Et je ne veux pas qu'on m'impute de faire une réforme uniquement pour gagner de l'emploi.
Et si par hasard elle vous permet d'en gagner de l'emploi, vous serez très heureux, j'imagine.
Bien entendu.
Moins d'heures de cours au lycée ?
Ce que nous savons mais que tout le monde sait, c'est que les lycéens ont un horaire extrêmement chargé, qui est beaucoup plus chargé que la moyenne européenne - c'est 30 % de plus, c'est énorme - et qu'ils ont plus de temps de travail pour eux-mêmes, mais ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas de professeur présent, ce qui ne veut pas dire qu'il faut que les services des enseignants soient plus légers mais qu'ils soient différents, qu'ils soient présents qu'ils puissent accompagner, dire il fait un travail, faire en sorte qu'une recherche qui a été faite par eux-mêmes, par des élèves soit vérifiée par les enseignants. Donc, avoir un système, plutôt un lycée campus, si vous voulez, plutôt qu'un lycée caserne, car la structure aujourd'hui du lycée c'est à peu près la même que celle d'une classe de 6ème. Juste la position de cours alors que les jeunes lycéens - enfin, pas si jeunes que cela, les terminales sont majeurs pour une grande partie d'entre eux - ont besoin de travailler autrement.
Vous serez à l'université d'été de l'UMP à Royan ?
Bien entendu. Je vais au campus des Jeunes populaires. J'y serai demain et dimanche matin.
Vous qui faites partie de ce qu'on appelle le G7, les ministres chouchous de N. Sarkozy, allez-vous prendre des responsabilités à l'UMP ?
J'en ai déjà. Je suis secrétaire national à la culture. Je participe à pas mal de réunions ; chaque fois qu'on me demande d'intervenir, je le fais bien volontiers.
Serez-vous l'homme providentiel ?
Non, il y a belle lurette que je ne crois plus à l'homme providentiel.
Le recours ?
Non, je ne me pose pas toutes ces questions. C'est vrai que... de toute façon, si je vous disais le contraire, vous ne me croiriez pas. Mais je ne me pose pas toutes ces questions. Je suis au travail, c'est un métier extrêmement difficile. Pour un ministre de droite, ce n'est pas facile d'être ministre de l'Education nationale, vous savez. Il y a beaucoup d'hostilité, de tension autour de soi. Donc, il faut être très attentif, montrer qu'on connaît les choses dont on parle au moins et qu'on soit... pas trop discuter sur le plan technique si on peut l'être sur le plan idéologique. Donc, je suis vraiment dans le présent, hic et nunc. Dans l'instant.
Ici et maintenant.
Oui. Et cela suffit déjà à mon bonheur, je peux vous l'assurez.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 septembre 2008