Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à RMC le 3 septembre 2008, sur le limogeage du responsable de la police en Corse, le bonus-malus sur les voitures neuves et leur coût et sur l'incident nucléaire au Tricastin.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- N. Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, secrétaire générale adjointe de l'UMP. Ne trouvez-vous pas que l'on a fait beaucoup de publicité, involontairement, à la cause indépendantiste en Corse ? C'est une question directe...
 
C'est sûr qu'on peut voit ça comme ça. Ce n'est probablement pas ce qui était prévu.
 
Oui, j'en suis sûr, parce qu'on n'aurait jamais parlé de Talamoni et de ses copains installés sur le bord de la piscine de C. Clavier, si on n'avait pas limogé le patron de la police et de la gendarmerie en Corse, franchement !
 
Honnêtement, c'est bien français, cette façon qu'on a de monter ça... Il y en a dans tous les journaux ce matin, bon.
 
Pourquoi ? Cela vous paraît inintéressant comme sujet ?
 
Cela me paraît très excessif.
 
Très excessif ! On limoge le patron de la police et de la gendarmerie, enfin, on mute le patron...
 
C'est le rôle du Gouvernement de choisir les fonctionnaires, à ce niveau-là, évidemment...
 
Oui, oui, les hauts niveaux.
 
Il y a une mission, il y a des objectifs, il y a des méthodes aussi - N. Sarkozy c'est plutôt "tolérance zéro" - et il y a une responsabilité. Derrière tout ça, si vous voulez, il y a une logique, il y a une cohérence. Alors on en fait tout un...
 
Est-ce qu'on mute quand une maison brûle ou explose en Corse ? Est-ce qu'on a muté quand une maison a...je ne sais pas ? Est-ce qu'on mute quelqu'un quand...
 
Moi, ce n'est pas ma spécialité, ce n'est pas dans mon portefeuille, je vous donne un point de vue personnel. Ce que j'ai compris...
 
Le point de vue de l'UMP, de la secrétaire générale-adjointe de l'UMP, oui.
 
... oui, mais en l'occurrence, c'est un point de vue personnel. Ce que j'ai compris c'est que le responsable de la police était informé de ce qui allait se passer, et que, côté police il ne s'est rien passé. Franchement...
 
Il préférait ne pas intervenir.
 
... franchement, c'est vrai que ce serait votre maison, vous sauriez que la police est informée, qu'on va vous envahir, et la police ne vient pas, est-ce que c'est vraiment ça qu'on attend ?
 
Enfin, ils se sont installés au bord de la piscine, des rafraîchissements ont été servis, C. Claver était prévenu, ils sont repartis une heure après sans...
 
Encore une fois, je n'y étais pas. Ceci dit, ce n'est pas forcément agréable et ce n'est pas forcément ce qu'on attend de la police de savoir qu'elle est informée qu'il va se passer quelque chose, qui n'est pas légal, et qu'elle ne bouge pas.
 
Parlons d'écologie, et notamment du bonus-malus sur les voitures neuves. Première question toute simple : est-ce que le système actuel sera maintenu ?
 
Ah oui, le bonus-malus sur les voitures neuves va être maintenu. Comme il avait été annoncé dans le Grenelle de l'environnent, il peut évoluer dans les seuils, parce que les seuils sont évolutifs.
 
Alors, va-t-il évoluer dans les seuils ?
 
On travaille sur une évolution sur les seuils, à plus ou moins longue échéance. Ce qui était prévu dans le Grenelle de l'environnement, c'était de faire évoluer les seuils tous les deux ans ; c'est-à-dire, tous les deux ans, on recale le bonus-malus en fonction des nouveaux modèles qui sont sortis, pour rester dans l'actualité technique.
 
Alors, là, est-ce qu'avant deux ans, on va faire évoluer les seuils ?
 
On se garde cette possibilité ouverte. Ce n'est pas complètement réglé, mais on se garde cette possibilité ouverte.
 
Ça vous plaît ? Ça veut dire quoi "faire évoluer les seuils" ? Ça veut dire que l'on va réduire le bonus ?
 
Je vais être très franche avec vous...
 
Allez-y, soyez franche, dites-nous ce que vous préparez, ce que prépare le Gouvernement.
 
Quand on a mis en place ce bonus-malus, j'avais proposé qu'on ait un bonus à moins de 120 gr de CO² par km et un malus à plus de 140. Il a été choisi d'avoir un barème - finalement il y a eu des arbitrages - d'avoir un barème plus souple. Evidemment, le bonus c'est moins de 130 et le malus c'est plus de 160. Parce que, je crois qu'on a insuffisamment anticipé l'immense succès qui allait être celui du bonusmalus, le fort impact qui allait être celui du bonus-malus.
 
C'est-à-dire vous mettez en place une mesure en janvier et vous vous dites en septembre : ça coûte cher à l'Etat, on va la changer ?
 
Non, non, ce n'est pas le sujet. Le bonus-malus, cela a vocation à être équilibré, tout le monde est d'accord là-dessus. Le bonus-malus, c'est un instrument d'une très grande puissance, qui a un effet de levier très fort, et qui a vocation à être équilibré. On met un malus sur les plus polluants pour financer un bonus sur les moins polluants. Ce qui s'est passé avec le bonus-malus sur les voitures, c'est que le succès a été très au-delà de ce qui avait été attendu. Normalement, avec le montant de bonus-malus qu'on a mis, les économistes nous calculaient tous : oui, vous déplacerez 6 à 7 % du marché. Et voilà. Vous mettez une taxe ou un bonus de ce montant-là, vous déplacerez 6 à 7 % du marché. On a déplacé 50% du marché.
 
Vous êtes contente ?
 
Je suis ravie, ça ne m'étonne pas tellement, c'est la marque que ça marche. Ceci dit, c'est vrai que cela fait un résultat qui n'est pas équilibré, et par ailleurs de toute façon, comme on l'avait dit depuis le début, il a vocation à évoluer en fonction des nouveaux modèles qui sortent. Ce qui se passe en ce moment, c'est que les constructeurs sont archimobilisés avec le bonus-malus, ils se préparent à sortir- ils sortent - des nouveaux modèles, toute la gamme est en train de se déplacer. C'est normal qu'à terme, le bonus-malus évolue aussi.
 
Donc, le bonus-malus va évoluer mais on aurait pu, je ne sais pas, augmenter le malus par exemple, non ?
 
Par ailleurs, ce qui a été prévu dans le Grenelle...
 
Le malus va-t-il augmenter ?
 
Par ailleurs, ce qui a était prévu dans le Grenelle et qu'on va faire, c'est qu'il y ait une part annuelle dans le malus...
 
Ça va être annualisé ?
 
Mais pas sur le malus de toutes les voitures, seulement sur le malus des voitures les plus polluantes, donc + de 200 gr ou plus de 250 gr de CO² par Km. Là, on travaille sur une part annuelle.
 
Ça va être annualisé ?
 
Qui ne sera pas...On paye tous les ans, on repaye tous les ans le même malus, qui sera tous les ans un petit signal en plus, mais modeste par rapport à la part d'un malus.
 
Cela veut dire quoi ? Vous me dites : le seuil du bonus, moins de voitures vont bénéficier du bonus, on est bien d'accord ?
 
Attendez, pour le moment, le bonus-malus reste comme il est. Ce que je dis simplement c'est que, comme...
 
Il va rester comme il est jusqu'à la fin de l'année ?
 
Jusqu'à la fin de l'année, oui.
 
Et en 2009 ?
 
Ce que je dis simplement c'est que, comme on l'avait prévu dans le Grenelle de l'environnement, il a vocation à évoluer, les seuils ont vocation à évoluer, en 2009 ou en 2010, ce n'est pas arbitré. Mais les seuils ont vocation à évoluer, en fonction du marché, des technologies, des nouveaux modèles.
 
Donc, le bonus va être diminué ?
 
Non, pas forcément en 2009, à terme, oui, mais pas diminué, ce n'est pas le montant qui est diminué, ce sont les seuils qui évoluent.
 
Oui, les seuils, c'est-à-dire, moins de voitures bénéficieront du bonus ?
 
Mais c'est sûr que, vous avez des modèles qui sont sortis au début des années 2000...
 
Donc, seules les toutes petites voitures bénéficieront du bonus ?
 
Pas du tout, J.-J. Bourdin, écoutez-moi ! Vous avez des modèles qui...C'est une question de motorisation, ce n'est pas une question de taille de la voiture d'abord, vous avez des modèles qui sont sortis au début des années 2000 qui, du point de vue thermique, sont d'une grande qualité maintenant, ce n'est pas sûr que dix ans après, ce soit considéré comme le top, c'est normal que le bonus-malus, les seuils, en fonction de l'actualité automobile, soient progressivement recalés, enfin c'est logique. De la même façon qu'il y a un marché des voitures électriques, qu'on essaye...
 
E. Woerth, là-bas dans son bureau du ministère des Finances, il s'arrache les cheveux avec ce bonus. Ça coûte tellement d'argent à l'Etat ! Quand on est pour l'environnement, peu importe ça coûte, non ?
 
Le problème financier qui est posé par le bonus-malus, que je ne conteste pas, c'était prévu pour être équilibré, et finalement ça coûte, il est dû au très grand succès du bonus-malus...
 
Tant mieux !
 
... donc, il ne doit pas nous amener à jeter bébé avec l'eau du bain, il doit au contraire nous amener à considérer que le système du bonusmalus c'est un essai de levier formidable. Du coup d'ailleurs, on se prépare, on essaye de l'adapter pour d'autres gammes de produits, on veut utiliser cet outil...
 
Combien de produits ?
 
On travaille sur une vingtaine, mais ça ne veut pas dire d'un seul coup, c'est progressif.
 
Non, non, j'imagine, sur une vingtaine de produits, mais quels produits ?
 
Ça, on ne le dit pas...
 
Mais si, vous me dites !
 
Je ne vous le dis pas, parce que, justement...
 
Allez, droit dans les yeux, les yeux dans les yeux !
 
Eh bien, les yeux dans les yeux, le bonus-malus on vous l'avait annoncé ici même, ce n'est pas de votre faute...
 
Non, ce n'est pas de notre faute...
 
on l'avait dit, au mois de décembre. Simplement, on vous l'a annoncé en décembre pour janvier. Que s'est-il passé ? Tous ceux qui avaient envie d'acheter une 4x4, une Berline, ont anticipé. Donc, au mois de décembre, on a eu l'augmentation des ventes des grosses voitures, et c'est une des raisons du déficit...
 
Tant mieux ! Tant mieux !
 
Donc, tant mieux qu'il y ait une augmentation des grosses voitures, parce qu'on a annoncés...
 
Non, mais tant mieux il y a eu une augmentation de voitures, mais çà a duré quoi... quelques semaines et après...
 
Mais oui, mais ce n'est pas bon ! Je ne veux pas que les gens aillent faire des stocks des produits qu'on va "maluser".
 
Alors, si je vous dis "téléviseurs, vous me dites oui ?
 
Mais je ne vous dis rien du tout ! Je vous dis que...
 
Téléviseurs, oui ou non ?
 
On ne dira pas ! On ne dira pas.
 
Alors, une vingtaine de produits...
 
On ne dira pas à l'avance sur quoi on fait des bonus-malus. Maintenant, on est nourri par l'expérience...
 
Mais vous allez en faire ?
 
Mais on va en faire, je vous affirme qu'on va en faire.
 
C'est acquis ça, c'est acquis ?
 
Oui, oui, on travaille sur plusieurs... Alors, les arbitrages ne sont pas rendus sur tous les produits mais on travaille sur plusieurs produits.
 
Sur les téléviseurs, je sais que c'est acquis. On prend les paris, tiens !
 
Non, mais je ne parie pas sur ces choses-là. N'importe quoi...
 
Vous ne pariez pas, j'ai gagné !
 
En direct à la télé en plus...
 
Non, non... Et pourquoi pas en direct à la télé ! On s'engage. Alors, autre chose, l'incident nucléaire du Tricastin, où en est-on, où en est le rapport ?
 
Fin septembre.
 
Fin septembre. Et que savez-vous de ce qui s'est passé, de nouveau ?
 
Il y a plusieurs choses. D'abord, on a fait le choix de communiquer sur tous les incidents nucléaires, quel que soit leur niveau. Il y a une échelle des incidents nucléaires, et là, on communique même sur les incidents de niveau 0 et de niveau 1. Le Tricastin, le premier, c'était du niveau 1. Alors, ça nécessite en fait de notre part beaucoup plus d'effort de pédagogie, parce que les incidents de niveau 0, il y en a des centaines, tous les ans. Les incidents de niveau 0, c'est juste des irrégularités qui n'ont aucune portée, qui ne sont pas graves. Simplement, parce que c'est le nucléaire, on s'oblige à communiquer sur tout, par rigueur en quelque sorte. Mais c'est vrai que je pense qu'il faudrait qu'on communique plus en direction du grand public pour expliquer ce que c'est qu'un incident niveau 0, un incident de niveau 1, ce que c'est que l'échelle. Là, ce qui est arrivé récemment en Belgique, c'est un incident classé je crois niveau 3. Ce n'est pas la même chose.
 
"Les nappes phréatiques de toutes les centrales nucléaires françaises seront vérifiées", c'est ce qu'a dit J.-L. Borloo. C'est fait ?
 
C'est en cours. C'est beaucoup un problème d'organisation... Ne croyez pas...
 
Non, non, je ne crois pas, je vous pose la question...
 
Je vous explique : il y a des contrôles qui sont faits dans toutes les nappes phréatiques, dans toutes les nappes d'eau autour des centrales. Simplement, on a un problème d'organisation, de visibilité, de synthèse sur ce qui est fait ici ou là. Donc, c'est beaucoup un problème de réorganisation de notre système de contrôle et de communication sur ce qui est fait en matière de contrôle. Je ne voudrais pas que les Français aient retenu qu'on ne contrôle pas les nappes d'eau sous les centrales. C'est faux, elles sont contrôlées, il y a des analyses qui sont faites. Simplement, il y a plusieurs organismes, et on a besoin de réorganiser pour que ce soit plus lisible, plus clair, plus systématique.
 
Donc, on saura tout dans... Combien de temps ?
 
À l'automne, on travaille beaucoup dessus en ce moment, mais franchement, je ne veux pas faire d'annonce là-dessus, ce n'est pas du tout fini.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre 2008