Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "Le Parisien" le 10 août 2008, sur la situation en Géorgie et en Ossétie du Sud.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Quelles sont les dernières informations dont vous disposez sur la situation en Géorgie ?
R - La situation en Ossétie du Sud est très grave, humainement insupportable. Nous sommes confrontés à une escalade de la violence provoquant un grand nombre de victimes, des dégâts considérables et un nombre croissant de personnes déplacées. C'est inacceptable aux portes de l'Europe et cela ne me rappelle que trop d'autres conflits récents ayant déchiré notre continent notamment dans les Balkans. Si l'un des protagonistes, ce qui semble être le cas, s'engage à cesser le feu, il faut que l'autre en fasse de même.
Q - Que peuvent faire la France et l'Union européenne ? Convoquer un sommet extraordinaire de l'Union européenne ?
R - Face à l'urgence de la situation, nous sommes prêts à apporter immédiatement une assistance humanitaire aux populations civiles. La France préside le Conseil de l'Union européenne et le président de la République et moi-même avons depuis jeudi soir des contacts quotidiens avec nos partenaires européens, les Etats-Unis, ainsi qu'avec la Russie et la Géorgie, pour déterminer une stratégie commune afin de convaincre les autorités géorgiennes et les responsables de l'Ossétie du Sud de retrouver le chemin de la négociation. Je me rendrai moi-même dès ce soir en Russie et en Géorgie. Puis nous réunirons les vingt-sept pays de l'Union européenne au niveau approprié : d'abord, les ministres des Affaires étrangères et, si cela est utile, les chefs d'Etat et de gouvernement.
Q - La Lituanie accuse la Russie, l'Allemagne montre du doigt la Géorgie. Quelle est la position de la France ?
R - Ce qui est incontestable, c'est que tous les Etats membres de l'Union européenne sont attachés à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie, et au-delà tous les membres de la communauté internationale doivent la respecter.
Les bombardements des populations civiles doivent immédiatement cesser.
Q - Quelle est, selon vous, la vraie raison du conflit : les revendications de l'Ossétie, ou les enjeux économiques et notamment énergétiques ?
R - La raison de cette escalade est l'incapacité des parties à se mettre d'accord pour sortir de ce qu'on a appelé un conflit gelé autour du statut de l'Ossétie du Sud, mais qui régulièrement alimentait des tensions et des accès de violence. Dès lors, le moindre dérapage pouvait conduire comme on le voit aujourd'hui à des affrontements extrêmement dangereux.
Le caractère stratégique (énergie) de cette région n'a échappé à personne.
Q - Peut-on craindre de replonger dans un climat de "guerre froide" ?
R - Bien sûr, le contexte n'est plus du tout le même. La Russie éprouve sans doute une situation d'isolement, voire d'encerclement compte tenu de la transformation de son environnement proche. Ce n'est pas une raison, nous le lui avons dit et nous le lui répétons, pour ne pas respecter l'indépendance de ses voisins. Cela étant, je reste persuadé de la nécessité pour l'Union européenne de trouver un nouveau langage, un nouveau mode de coopération dans ses relations avec Moscou. C'est l'un des objectifs de notre présidence, mais aujourd'hui bien évidemment le conflit de Géorgie peut affecter l'évolution des relations entre la Russie et l'Union européenne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 août 2008