Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les enjeux et les modalités de la mise en oeuvre du Pacte sur l'immigration et l'asile, Bruxelles le 11 septembre 2008.

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Circonstance : Débat sur "Migrations et intégration" au Parlement européen à Bruxelles les 10 et 11 septembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président du Parlement européen,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, chers Collègues,
Au moment de conclure nos débats, je veux d'abord me féliciter de l'échange de vues approfondi que les parlementaires nationaux et européens auront eu dans le cadre de cette réunion. C'est cette démocratie « en marche » qui donne à la construction européenne sa pleine dimension ! Il nous revient de la faire vivre et de l'enraciner toujours plus profondément dans le processus de décision communautaire.
Ces débats se sont déroulés sous le sceau du pragmatisme et avec un souci d'équilibre qui est bienvenu sur un sujet par nature difficile. Je suis sûr que la présidence française y puisera de précieux enseignements pour faire progresser les projets en cours dans le domaine des migrations et de l'intégration.
Promouvoir une Europe qui soit tout à la fois ouverte et capable de gérer efficacement les flux migratoires, tel est l'enjeu. Tel est le souhait de l'immense majorité de nos concitoyens.
On a pu le constater avec le référendum irlandais, la question de l'identité est aussi un sujet d'inquiétude dans chacun de nos États. Il est donc nécessaire que l'Europe s'attaque à ces questions pour leur apporter des réponses communes, équilibrées et adaptées aux enjeux qui sont en cause.
Bien sûr, il ne peut s'agir de méconnaître les compétences nationales et la pertinence de l'intervention communautaire doit être démontrée pour chaque mesure qui est proposée.
De ce point de vue, le projet de Pacte sur l'immigration et l'asile, qui a été présenté par le ministre Brice Hortefeux, rassemble opportunément les éléments d'une approche globale de la question des migrations, qui aborde tout à la fois l'organisation de la migration légale, la lutte contre l'immigration illégale, la question de l'asile ainsi que les enjeux, à mes yeux essentiels, du co-développement et de l'intégration. La récente communication de la Commission européenne me semble également arriver au bon moment. Son contenu est largement convergent avec le projet de Pacte.
En réalité, tous ces aspects sont indissociables. L'Europe n'est pas et ne doit pas être une forteresse fermée aux apports qui viennent de l'extérieur. Ce n'est ni dans ses traditions ni même dans ses intérêts dans un contexte démographique qui, on le sait, sera difficile dans les années à venir.
C'est pourquoi l'Europe doit attirer vers elle des étrangers qui veulent étudier, travailler et s'intégrer dans nos pays. C'est pourquoi organiser une immigration légale constitue une exigence qui, à l'évidence, doit faire l'objet d'une approche coordonnée au niveau européen, même si chaque État membre doit naturellement rester libre d'établir souverainement qui il souhaite accueillir sur son territoire en fonction des besoins de son marché du travail.
Ce faisant, nous ne devons pas oublier le principe de la préférence communautaire. Plusieurs États membres de l'Union « à quinze » ont décidé de lever leurs restrictions à l'accès de la main d'oeuvre venue des nouveaux États membres d'Europe de l'Est à leur marché du travail. Je me félicite que la France ait récemment décidé d'anticiper la fin de la période transitoire en ouvrant complètement son marché du travail aux huit pays qui avaient adhéré en 2004.
Mais cette promotion de la migration légale doit aller de pair avec une lutte déterminée contre l'immigration illégale. Car l'immigration illégale, c'est aussi l'exploitation de la misère humaine par des filières criminelles, c'est une atteinte intolérable à la dignité humaine que l'Europe ne peut accepter ! C'est aussi une menace pour l'équilibre interne de nos sociétés qui doivent en définitive gérer les graves problèmes sociaux qu'elle ne manque pas de générer. C'est pourquoi il est important dans ce domaine que nos États souscrivent ensemble aux principes communs qui sont inscrits dans le Pacte sur l'immigration et l'asile. J'ajouterai que nos pays doivent conjuguer leurs efforts pour protéger les frontières et exprimer, lorsque cela est nécessaire, une solidarité à l'égard des États membres en cas de pressions aux frontières les plus exposées.
Mais, ne l'oublions pas, l'Europe est aussi une terre d'asile pour les personnes persécutées à travers le monde. Certes, dans un domaine qui touche au coeur même de la souveraineté des États, il faut avancer avec précaution. Mais la plus value que peut apporter une action coordonnée au niveau européen apparaît de plus en plus évidente. De ce point de vue, l'idée d'un bureau d'appui européen me semble apporter une réponse pragmatique.
Ce bureau permettrait de promouvoir les meilleures pratiques, d'exprimer concrètement l'indispensable solidarité entre les États membres et, en définitive, de favoriser progressivement une harmonisation au sein de l'Union européenne.
Pour autant, nous le savons bien, cette immigration illégale est avant tout l'expression d'une misère qui pousse des personnes toujours plus nombreuses à chercher en Europe une situation meilleure. C'est pourquoi l'enjeu du co-développement revêt une importance majeure.
Enfin, je veux insister sur l'intégration qui a aussi retenu toute notre attention au cours des débats. Une immigration réussie, c'est une immigration qui s'intègre harmonieusement dans les sociétés d'accueil. Cela exige de la part de nos sociétés un effort particulier. Cela requiert des personnes qui veulent s'y établir durablement une véritable volonté d'intégration qui doit être encouragée et accompagnée. Un équilibre entre les droits et les devoirs, tel doit être l'objectif !
Bien sûr, les modalités concrètes relèvent pour l'essentiel de chaque État membre, voire même des collectivités décentralisées qui sont très souvent en charge des compétences qui peuvent favoriser cette intégration. Mais l'Europe peut aussi apporter sa plus value notamment en favorisant les échanges sur les meilleures pratiques qui donnent de bons résultats en termes d'intégration.
Voilà les quelques réflexions que je souhaitais vous livrer en guise de conclusion. Je ne doute pas qu'à l'issue de ces débats très enrichissants, chacun d'entre nous se sentira mieux armé pour aborder ces questions complexes !
Je vous remercie.
Source http://www.senat.fr, le 16 septembre 2008