Texte intégral
Q - Un mot sur Tzipi Livni, elle vient d'être élue et peut-être sera-t-elle le prochain Premier ministre israélien. Quel message lui adressez-vous aujourd'hui ?
R - D'abord, je la salue. C'est une courte victoire, mais c'est une victoire. Elle est importante pour nous parce que, avec Tzipi Livni, la poursuite de ce qu'il reste du processus de paix est possible. Cela aurait été beaucoup plus difficile avec son adversaire. Il est très important qu'il y ait des contacts entre les Israéliens et les Palestiniens. Je vous rappelle que Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, a participé de toutes les discussions avec le chef des négociateurs palestiniens, M. Abou Ala. Je crois donc que c'est une victoire qui risque - c'est un risque important et bénéfique - d'aller dans le sens de la paix.
Q - Une crise financière secoue toute la planète jusqu'en Russie où la bourse est fermée, mais aussi aux Etats-Unis. On a l'impression qu'il y a une sorte de silence du gouvernement français, des Européens, comme si tout allait bien, un peu comme le nuage de Tchernobyl qui ne nous touche jamais...
R - Je ne crois pas que cela soit exact. Nous en parlons, regardez les journaux français, le vôtre en particulier. Le président de la République, qui s'est exprimé à plusieurs reprises, avant la crise, pendant la crise et qui va s'exprimer, je l'espère, après la crise, dans quelques jours à Toulon, a fait des propositions à l'Union européenne. La question est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine rencontre des chefs d'Etat à Bruxelles. Nous n'avons pas attendu pour signaler que la spéculation financière n'était pas ce qui nous plaisait le plus dans le fonctionnement de ce que l'on appelle la mondialisation.
Quant à la Russie, la bourse à Moscou a commencé de chuter au moment où les évènements de Géorgie se sont produits. La réaction internationale à ce qui se passait au Caucase n'a pas été bonne, vous le savez.
Alors, maintenant, il y a évidemment les répercussions de la crise américaine qui est une crise très grave. Mais l'Europe n'est pas silencieuse et fera, je crois, des propositions, en tout cas la Présidence française, je le souhaite, proposera des initiatives. L'Europe pour le moment sans être protégée, sans être à l'abri, tout en étant terriblement concernée, traverse mieux cette passe que les Etats Unis.
Q - Justement vous dites "encore un effort" à Moscou, qui garde des soldats en Géorgie et qui a signé des accords militaires hier avec les républiques séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie ?
R - Je ne dis pas cela, je dis très clairement que Moscou doit respecter sa parole et que les six points de l'accord signé par le président Medvedev, par le président Saakachvili et par le président Sarkozy, ces six points doivent êtres respectés. Je vous les rappelle : d'abord le retrait des troupes du territoire...
Q - ...pas tous les six points...
R - ...Non pas tous les six points. Je vais vite mais c'est important. Le retrait des troupes a eu lieu pour une part. Nous devons envoyer avant le 1er octobre des observateurs européens qui iront sur le terrain. Le retrait des troupes russes sera complété et, théoriquement au cours du mois d'octobre, il n'y aura plus une seule troupe russe sur le territoire de la Géorgie.
Quant à l'Abkhazie et l'Ossétie, nous devons régler le problème politiquement. Cela veut dire qu'à partir du 15 octobre des discussions auront lieu à l'échelle internationale sans doute à Genève.
Q - Dernière question : l'hebdomadaire Challenge vous place en n°1 dans son classement des ministres et vous donnez une interview à ce journal dans laquelle vous dites "je ne suis pas toujours d'accord avec les décisions politiques du président Sarkozy mais avec sa manière de réagir et d'agir certainement". Sur quelles décisions n'êtes-vous pas d'accord avec lui ?
R - Ecoutez, là, c'est un peu plus long à discuter, à développer, n'est-ce pas ? Ce que je dis, c'est : oui, il faut que je sois non seulement à l'écoute mais que l'on discute, et nous discutons et je ne suis pas toujours d'accord, mais je suis toujours d'accord pour les appliquer.
En tout cas, en ce qui concerne, par exemple, ce dont vous venez de parler, c'est-à-dire la Géorgie, nous avons été les premiers, les plus rapides. Il fallait arrêter les combats immédiatement. Donc, un cessez-le-feu. Il fallait absolument que le départ des troupes se fasse. Eh bien, cela a été fait. Avec détermination et une certaine dose d'improvisation. C'est ainsi que cela marche. D'un côté nous prenons des risques, le président Sarkozy en particulier, et de l'autre nous jouons collectif, c'est-à-dire qu'il y avait derrière nous l'assentiment de l'ensemble des 27 pays européens. Le résultat n'étant pas acquis d'avance.
Q - Dernier mot, sur l'Afghanistan, il y a un débat le 22 septembre et les socialistes sont très sceptiques. Que dites-vous à vos amis ? Il faut approuver le gouvernement et rester là-bas à tout prix ?
R - Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit qu'il fallait être sceptique et j'ai dit qu'il fallait absolument être efficace, mais nous avons commencé, à partir de la Conférence de Paris, et c'était très nouveau, à changer de stratégie. Je pense qu'il n'y a pas de solution militaire unique et, qu'au contraire, il faut absolument que nous nous approchions des Afghans. Et nous avons proposé une "afghanisation", c'est-à-dire la prise en charge de tous les projets par les Afghans eux-mêmes et au plus vite, y compris dans le domaine militaire, en formant l'armée et en leur donnant le contrôle de Kaboul, parce que c'est maintenant l'armée afghane qui a le contrôle de la capitale. Et c'était un début de compréhension un peu différente de ce qui se passe en Afghanistan. Oui, nous continuons dans ce sens.
Q - Merci, Bernard Kouchner d'avoir été en direct avec nous sur BFM TV.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2008