Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Depuis le 1er Juillet, et jusqu'à la fin de l'année, la France préside le conseil de l'Union européenne. Notre pays a l'honneur, mais aussi la responsabilité, de représenter les 495 millions d'hommes et de femmes qui peuplent les pays de l'Union et qui attendent de ses dirigeants courage et innovation.
A partir de demain, je présiderai le conseil ECOFIN informel. A notre invitation, les ministres de l'économie et des finances des 27 pays de l'Union européenne, les gouverneurs de banques centrales, la commission européenne, la banque centrale européenne et la banque européenne d'investissement vont se retrouver pour faire le point sur la situation économique et financière en Europe.
Pour la première fois, une femme présidera les débats. Cela montre sans doute l'avancée de la cause des femmes en Europe, mais aussi, si j'en juge par tous les costumes sombres qui m'entourent, les progrès qui restent à accomplir...
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, je suis convaincue que l'Europe sera forte si elle parvient à exprimer un message commun. Dans le domaine diplomatique, le rôle joué par l'Europe à l'initiative du Président de la République Nicolas Sarkozy dans la cessation des hostilités en Géorgie nous montre que la voix de de l'Union Européenne est écoutée quand elle est unie. Il en est de même dans le domaine économique : c'est en exprimant un message commun que nous pourrons répondre efficacement aux difficultés économiques que nous traversons.
Ce message commun, je voudrais qu'il s'exprime autour de trois notions : croissance, confiance, convergence.
(I) Croissance
D'abord la Croissance.
Nous nous retrouvons alors que l'Europe connaît aujourd'hui un ralentissement marqué de son économie. Il y a quelques mois encore, nous avions le sentiment que la qualité de nos fondamentaux économiques nous préserverait des turbulences nées outre-atlantique. Les bons chiffres de croissance du premier trimestre en Europe semblaient confirmer ce sentiment. Mais le ralentissement marqué de la croissance mondiale, la profondeur de la crise immobilière aux Etats-Unis et la persistance de la crise financière ont profondément affecté notre continent dès le deuxième trimestre.
Nous subissons aujourd'hui un triple choc :
- Un choc d'inflation tout d'abord qui résulte de la très forte hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires.
- Un choc de change ensuite, celui de la hausse de l'euro, particulièrement marqué au début de l'année mais dont nous subissons aujourd'hui les pleins effets.
- Enfin, un choc financier avec les conséquences de la crise financière qui a commencé aux Etats-Unis l'année dernière.
Selon l'ensemble des prévisionnistes, ce ralentissement de la croissance devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année. Aux Etats-Unis, alors que la croissance a jusqu'à présent bien résisté, les effets favorables de baisses d'impôts sur l'activité et de la dépréciation du taux de change sur les exportations devraient s'atténuer dès le second semestre. Le processus d'ajustement du marché immobilier n'est pas achevé et pèsera sur la demande interne encore pour plusieurs trimestres.
Est-ce à dire que nous entrons dans une phase durable de croissance ralentie ? Je ne le crois pas. La croissance devrait accélérer à nouveau en 2009 dans la zone euro grâce notamment à la baisse sensible du prix des matières premières et en particulier du pétrole qui suggèrent que le pic d'inflation est derrière nous. La baisse de l'Euro de ces derniers mois, si elle se maintient, devrait également soutenir significativement nos exportations vers le reste du monde.
Face à ces chocs communs et à un ralentissement qui nous affectent tous, ma conviction est que l'Europe doit répondre par une stratégie économique coordonnée. Rien ne serait plus mauvais selon moi que le signal d'une Europe divisée sur les réponses aux chocs ou pire encore une Europe immobile.
La priorité absolue, c'est de poursuivre les réformes structurelles - ce sont elles qui ont permis de créer 14,3 millions d'emplois sur les 5 dernières années en Europe - et un taux de chômage historiquement bas à 6,8% dans l'Union. Ce sont aussi ces réformes - comme la loi de modernisation de l'économie en France - qui permettront de peser à la baisse sur les prix en augmentant la concurrence.
Nous devons également être très attentifs dans cette période de ralentissement aux conditions de financement de nos PME. Elles créent 50% de l'emploi et de la croissance en Europe. Elles sont souvent plus fragiles et plus dépendantes des financements des banques. C'est pourquoi je proposerai demain à mes collègues du Conseil Ecofin que nous mobilisions la Banque Européenne d'Investissement pour mieux répondre aux besoins des PME.
(II) Confiance
Mon deuxième « C » sera celui de Confiance.
Nous nous rencontrons à une période charnière pour la finance internationale. Les marchés financiers ont connu ces derniers jours un fort regain de tension peu après l'action courageuse et résolue des Etats-Unis pour faciliter la stabilisation du marché immobilier américain. Ces développements renforcent à mon sens la nécessité d'une action coordonnée de la communauté internationale pour répondre aux turbulences sur les marchés. C'est à cette condition que nous parviendrons à restaurer la confiance.
Dès octobre 2007, nous avons arrêté un plan d'action en Conseil ECOFIN pour répondre aux dysfonctionnements identifiés sur les marchés. La mise en oeuvre de ce plan d'action est au coeur du projet de la Présidence française.
A court-terme, la priorité c'est la transparence. Les banques doivent faire toute la transparence sur leurs pertes et risques. Les publications financières semestrielles des grandes banques européennes permettront d'évaluer les progrès accomplis. Il s'agit d'être sans concessions.
Dès le mois de juillet lors du premier Conseil ECOFIN que je présidais, nous sommes tombés d'accord pour enregistrer et contrôler les agences de notation au niveau européen. L'Europe doit prendre toute sa part dans la régulation de ces agences. C'est un sujet qui concerne tous les superviseurs nationaux européens. Nous allons dans les prochains mois décider de l'architecture du contrôle en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Je souhaite que nous le fassions dans le souci d'une grande cohérence avec les travaux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs qui doivent constituer les fondations communes à toute initiative de régulation.
Nous travaillerons enfin à renforcer la gestion des risques. Avec mes collègues du Conseil ECOFIN, nous avons lancé la révision de la directive dite « Bâle 2 » (Capital Requirement Directive) afin d'améliorer les règles prudentielles de façon appropriée. L'objectif est notamment de mieux prendre en compte les risques de liquidité et ceux liés aux opérations de titrisation.
Au-delà de la mise en oeuvre de notre plan d'action, de nouvelles contributions ne manquent pas de nous interpeler. J'ai transmis à mes collègues le rapport sur la crise financière que le Président de la République française a demandé à René Ricol, ancien président de la fédération internationale des experts comptables. Nous devrons dans les mois à venir nous saisir de certains des enjeux qui émergent au fil de ces travaux. A cet égard, je voudrais ce soir partager deux réflexions avec vous.
Des interrogations émergent chaque jour plus fortement quant au caractère potentiellement pro-cyclique de l'association des règles prudentielles et comptables et de leur application. C'est un sujet que nous devons approfondir. Il nous semble naturel à tous que le pilotage et les ajustements de la politique monétaire se nourrissent des signaux envoyés par nos économies afin de prévenir une surchauffe ou au contraire un ralentissement marqué. De façon similaire, il n'est pas impossible qu'il faille envisager que la régulation prudentielle se nourrisse et s'ajuste au contexte macro-financier pour prévenir l'emballement des circuits de distribution du crédit ou de l'effet de levier.
Deuxième enjeu, c'est celui de la rémunération des opérateurs de marché. La crise actuelle a montré la perte du sens des responsabilités que peuvent provoquer les modes de rémunérations actuels, qui récompensent la prise de risque excessive mais ne sanctionnent pas les pertes. Je ne crois pas que la réponse puisse venir des pouvoirs publics. Mais c'est un sujet dont les professionnels de la finance doivent se saisir rapidement pour établir des règles consensuelles afin de rétablir le lien de confiance avec nos concitoyens. Je sais que vous faites preuve de responsabilité et d'éthique comme en témoigne aujourd'hui le lancement du fonds européen de micro-crédit grâce à la force de conviction de Maria Nowak. Ce sens de l'éthique et de la responsabilité je vous appelle à en faire usage dans la définition d'un code de bonne conduite sur la rémunération de opérateurs de la finance.
Vous le voyez, dans l'action comme dans la réflexion, ce qui va nous animer dans les mois à venir, c'est d'améliorer nos outils de contrôle et de surveillance des risques afin de prévenir de nouvelles crises et de mieux résister à l'instabilité financière.
(III) Convergence
Ceci m'amène à mon troisième « C », celui de la Convergence.
L'Europe souffre aujourd'hui d'avoir des règles et une surveillance trop éclatées dans le domaine financier. Chaque pays à ses systèmes de contrôle, ses demandes en termes d'information. Cet éclatement, c'est un facteur de risque dans un environnement où la taille, la complexité et le caractère international des institutions financières ne cessent de croître. C'est aussi un facteur d'inefficacité : les institutions financières ont rationnalisé l'organisation de leur contrôle des risques, de leur gestion de trésorerie. Nous devons faire notre part du chemin et la supervision européenne doit également viser à l'efficacité pour accompagner ce mouvement. A défaut, c'est le consommateur européen qui paiera le prix d'un système insuffisamment efficace et solide.
C'est pourquoi j'ai souhaité que l'organisation de la supervision des groupes transfrontières soit au coeur de nos travaux pendant la Présidence française. C'est un sujet difficile parce qu'il nécessite des transferts de compétence notamment s'agissant de la supervision des groupes financiers. Je nous appelle tous à faire preuve de courage politique pour trouver des solutions innovantes dans le respect des intérêts légitimes de chacun.
Certains points font déjà consensus. C'est dans le cadre du processus Lamfalussy qu'il faut travailler - il n'est pas question de créer une autorité européenne unique de supervision, je préfère vous le dire clairement.
Il faut renforcer les comités de superviseurs dont le rôle est précisément de favoriser une application homogène sur le terrain. En miroir, du côté national, il faut que les autorités de contrôle aient une incitation forte à appliquer sur le terrain les recommandations des comités de superviseurs.
S'agissant des groupes financiers, il nous faut d'un côté renforcer la coordination entre superviseurs : c'est sous l'égide du superviseur de la tête de groupe que doivent être prises les décisions prudentielles essentielles à l'échelle des groupes financiers. Il en va de l'efficacité du système.
Il nous faut d'un autre côté associer l'ensemble des superviseurs concernés. Il en va de l'équilibre du système. La supervision européenne doit être plus collégiale en associant toutes les autorités concernées dans les discussions stratégiques à l'échelle du groupe financier.
Ce sujet sera au coeur de nos discussions demain. Je souhaite que nous fassions collectivement preuve d'ambition et de courage politique sur ce sujet. En tant que présidente, je mettrai toute mon énergie dans la recherche d'un compromis équilibré. Au final, ce sont les institutions financières et les consommateurs qui y gagneront. Le débat est mûr : ne laissons pas passer cette opportunité de faire avancer l'Europe.
L'agenda de notre présidence est ambitieux mais il est aussi pragmatique. Ce que je veux avant tout c'est arriver à des résultats concrets pendant cette courte période qui nous est donnée pour contribuer à façonner l'avenir de l'Europe. Les débats d'aujourd'hui alimenteront notre réflexion et nos actions.
Cet agenda, nous ne pourrons le conduire qu'ensemble : en apportant des solutions coordonnées et ambitieuses aux défis qui se posent à notre continent. Je sais que je peux compter sur vous, vous pouvez compter sur ma détermination pour mener à bien ces projets.
Source http://www.ue2008.fr, le 16 septembre 2008
Mesdames et Messieurs,
Depuis le 1er Juillet, et jusqu'à la fin de l'année, la France préside le conseil de l'Union européenne. Notre pays a l'honneur, mais aussi la responsabilité, de représenter les 495 millions d'hommes et de femmes qui peuplent les pays de l'Union et qui attendent de ses dirigeants courage et innovation.
A partir de demain, je présiderai le conseil ECOFIN informel. A notre invitation, les ministres de l'économie et des finances des 27 pays de l'Union européenne, les gouverneurs de banques centrales, la commission européenne, la banque centrale européenne et la banque européenne d'investissement vont se retrouver pour faire le point sur la situation économique et financière en Europe.
Pour la première fois, une femme présidera les débats. Cela montre sans doute l'avancée de la cause des femmes en Europe, mais aussi, si j'en juge par tous les costumes sombres qui m'entourent, les progrès qui restent à accomplir...
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, je suis convaincue que l'Europe sera forte si elle parvient à exprimer un message commun. Dans le domaine diplomatique, le rôle joué par l'Europe à l'initiative du Président de la République Nicolas Sarkozy dans la cessation des hostilités en Géorgie nous montre que la voix de de l'Union Européenne est écoutée quand elle est unie. Il en est de même dans le domaine économique : c'est en exprimant un message commun que nous pourrons répondre efficacement aux difficultés économiques que nous traversons.
Ce message commun, je voudrais qu'il s'exprime autour de trois notions : croissance, confiance, convergence.
(I) Croissance
D'abord la Croissance.
Nous nous retrouvons alors que l'Europe connaît aujourd'hui un ralentissement marqué de son économie. Il y a quelques mois encore, nous avions le sentiment que la qualité de nos fondamentaux économiques nous préserverait des turbulences nées outre-atlantique. Les bons chiffres de croissance du premier trimestre en Europe semblaient confirmer ce sentiment. Mais le ralentissement marqué de la croissance mondiale, la profondeur de la crise immobilière aux Etats-Unis et la persistance de la crise financière ont profondément affecté notre continent dès le deuxième trimestre.
Nous subissons aujourd'hui un triple choc :
- Un choc d'inflation tout d'abord qui résulte de la très forte hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires.
- Un choc de change ensuite, celui de la hausse de l'euro, particulièrement marqué au début de l'année mais dont nous subissons aujourd'hui les pleins effets.
- Enfin, un choc financier avec les conséquences de la crise financière qui a commencé aux Etats-Unis l'année dernière.
Selon l'ensemble des prévisionnistes, ce ralentissement de la croissance devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année. Aux Etats-Unis, alors que la croissance a jusqu'à présent bien résisté, les effets favorables de baisses d'impôts sur l'activité et de la dépréciation du taux de change sur les exportations devraient s'atténuer dès le second semestre. Le processus d'ajustement du marché immobilier n'est pas achevé et pèsera sur la demande interne encore pour plusieurs trimestres.
Est-ce à dire que nous entrons dans une phase durable de croissance ralentie ? Je ne le crois pas. La croissance devrait accélérer à nouveau en 2009 dans la zone euro grâce notamment à la baisse sensible du prix des matières premières et en particulier du pétrole qui suggèrent que le pic d'inflation est derrière nous. La baisse de l'Euro de ces derniers mois, si elle se maintient, devrait également soutenir significativement nos exportations vers le reste du monde.
Face à ces chocs communs et à un ralentissement qui nous affectent tous, ma conviction est que l'Europe doit répondre par une stratégie économique coordonnée. Rien ne serait plus mauvais selon moi que le signal d'une Europe divisée sur les réponses aux chocs ou pire encore une Europe immobile.
La priorité absolue, c'est de poursuivre les réformes structurelles - ce sont elles qui ont permis de créer 14,3 millions d'emplois sur les 5 dernières années en Europe - et un taux de chômage historiquement bas à 6,8% dans l'Union. Ce sont aussi ces réformes - comme la loi de modernisation de l'économie en France - qui permettront de peser à la baisse sur les prix en augmentant la concurrence.
Nous devons également être très attentifs dans cette période de ralentissement aux conditions de financement de nos PME. Elles créent 50% de l'emploi et de la croissance en Europe. Elles sont souvent plus fragiles et plus dépendantes des financements des banques. C'est pourquoi je proposerai demain à mes collègues du Conseil Ecofin que nous mobilisions la Banque Européenne d'Investissement pour mieux répondre aux besoins des PME.
(II) Confiance
Mon deuxième « C » sera celui de Confiance.
Nous nous rencontrons à une période charnière pour la finance internationale. Les marchés financiers ont connu ces derniers jours un fort regain de tension peu après l'action courageuse et résolue des Etats-Unis pour faciliter la stabilisation du marché immobilier américain. Ces développements renforcent à mon sens la nécessité d'une action coordonnée de la communauté internationale pour répondre aux turbulences sur les marchés. C'est à cette condition que nous parviendrons à restaurer la confiance.
Dès octobre 2007, nous avons arrêté un plan d'action en Conseil ECOFIN pour répondre aux dysfonctionnements identifiés sur les marchés. La mise en oeuvre de ce plan d'action est au coeur du projet de la Présidence française.
A court-terme, la priorité c'est la transparence. Les banques doivent faire toute la transparence sur leurs pertes et risques. Les publications financières semestrielles des grandes banques européennes permettront d'évaluer les progrès accomplis. Il s'agit d'être sans concessions.
Dès le mois de juillet lors du premier Conseil ECOFIN que je présidais, nous sommes tombés d'accord pour enregistrer et contrôler les agences de notation au niveau européen. L'Europe doit prendre toute sa part dans la régulation de ces agences. C'est un sujet qui concerne tous les superviseurs nationaux européens. Nous allons dans les prochains mois décider de l'architecture du contrôle en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Je souhaite que nous le fassions dans le souci d'une grande cohérence avec les travaux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs qui doivent constituer les fondations communes à toute initiative de régulation.
Nous travaillerons enfin à renforcer la gestion des risques. Avec mes collègues du Conseil ECOFIN, nous avons lancé la révision de la directive dite « Bâle 2 » (Capital Requirement Directive) afin d'améliorer les règles prudentielles de façon appropriée. L'objectif est notamment de mieux prendre en compte les risques de liquidité et ceux liés aux opérations de titrisation.
Au-delà de la mise en oeuvre de notre plan d'action, de nouvelles contributions ne manquent pas de nous interpeler. J'ai transmis à mes collègues le rapport sur la crise financière que le Président de la République française a demandé à René Ricol, ancien président de la fédération internationale des experts comptables. Nous devrons dans les mois à venir nous saisir de certains des enjeux qui émergent au fil de ces travaux. A cet égard, je voudrais ce soir partager deux réflexions avec vous.
Des interrogations émergent chaque jour plus fortement quant au caractère potentiellement pro-cyclique de l'association des règles prudentielles et comptables et de leur application. C'est un sujet que nous devons approfondir. Il nous semble naturel à tous que le pilotage et les ajustements de la politique monétaire se nourrissent des signaux envoyés par nos économies afin de prévenir une surchauffe ou au contraire un ralentissement marqué. De façon similaire, il n'est pas impossible qu'il faille envisager que la régulation prudentielle se nourrisse et s'ajuste au contexte macro-financier pour prévenir l'emballement des circuits de distribution du crédit ou de l'effet de levier.
Deuxième enjeu, c'est celui de la rémunération des opérateurs de marché. La crise actuelle a montré la perte du sens des responsabilités que peuvent provoquer les modes de rémunérations actuels, qui récompensent la prise de risque excessive mais ne sanctionnent pas les pertes. Je ne crois pas que la réponse puisse venir des pouvoirs publics. Mais c'est un sujet dont les professionnels de la finance doivent se saisir rapidement pour établir des règles consensuelles afin de rétablir le lien de confiance avec nos concitoyens. Je sais que vous faites preuve de responsabilité et d'éthique comme en témoigne aujourd'hui le lancement du fonds européen de micro-crédit grâce à la force de conviction de Maria Nowak. Ce sens de l'éthique et de la responsabilité je vous appelle à en faire usage dans la définition d'un code de bonne conduite sur la rémunération de opérateurs de la finance.
Vous le voyez, dans l'action comme dans la réflexion, ce qui va nous animer dans les mois à venir, c'est d'améliorer nos outils de contrôle et de surveillance des risques afin de prévenir de nouvelles crises et de mieux résister à l'instabilité financière.
(III) Convergence
Ceci m'amène à mon troisième « C », celui de la Convergence.
L'Europe souffre aujourd'hui d'avoir des règles et une surveillance trop éclatées dans le domaine financier. Chaque pays à ses systèmes de contrôle, ses demandes en termes d'information. Cet éclatement, c'est un facteur de risque dans un environnement où la taille, la complexité et le caractère international des institutions financières ne cessent de croître. C'est aussi un facteur d'inefficacité : les institutions financières ont rationnalisé l'organisation de leur contrôle des risques, de leur gestion de trésorerie. Nous devons faire notre part du chemin et la supervision européenne doit également viser à l'efficacité pour accompagner ce mouvement. A défaut, c'est le consommateur européen qui paiera le prix d'un système insuffisamment efficace et solide.
C'est pourquoi j'ai souhaité que l'organisation de la supervision des groupes transfrontières soit au coeur de nos travaux pendant la Présidence française. C'est un sujet difficile parce qu'il nécessite des transferts de compétence notamment s'agissant de la supervision des groupes financiers. Je nous appelle tous à faire preuve de courage politique pour trouver des solutions innovantes dans le respect des intérêts légitimes de chacun.
Certains points font déjà consensus. C'est dans le cadre du processus Lamfalussy qu'il faut travailler - il n'est pas question de créer une autorité européenne unique de supervision, je préfère vous le dire clairement.
Il faut renforcer les comités de superviseurs dont le rôle est précisément de favoriser une application homogène sur le terrain. En miroir, du côté national, il faut que les autorités de contrôle aient une incitation forte à appliquer sur le terrain les recommandations des comités de superviseurs.
S'agissant des groupes financiers, il nous faut d'un côté renforcer la coordination entre superviseurs : c'est sous l'égide du superviseur de la tête de groupe que doivent être prises les décisions prudentielles essentielles à l'échelle des groupes financiers. Il en va de l'efficacité du système.
Il nous faut d'un autre côté associer l'ensemble des superviseurs concernés. Il en va de l'équilibre du système. La supervision européenne doit être plus collégiale en associant toutes les autorités concernées dans les discussions stratégiques à l'échelle du groupe financier.
Ce sujet sera au coeur de nos discussions demain. Je souhaite que nous fassions collectivement preuve d'ambition et de courage politique sur ce sujet. En tant que présidente, je mettrai toute mon énergie dans la recherche d'un compromis équilibré. Au final, ce sont les institutions financières et les consommateurs qui y gagneront. Le débat est mûr : ne laissons pas passer cette opportunité de faire avancer l'Europe.
L'agenda de notre présidence est ambitieux mais il est aussi pragmatique. Ce que je veux avant tout c'est arriver à des résultats concrets pendant cette courte période qui nous est donnée pour contribuer à façonner l'avenir de l'Europe. Les débats d'aujourd'hui alimenteront notre réflexion et nos actions.
Cet agenda, nous ne pourrons le conduire qu'ensemble : en apportant des solutions coordonnées et ambitieuses aux défis qui se posent à notre continent. Je sais que je peux compter sur vous, vous pouvez compter sur ma détermination pour mener à bien ces projets.
Source http://www.ue2008.fr, le 16 septembre 2008