Déclaration de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, sur les objectifs, les priorités et les moyens des forces armées, à Paris le 25 septembre 2008.

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Circonstance : Présentation Armée de Terre, Marine nationale et Armée de l'Air, à Mourmelon (Marne) le 25 septembre 2008

Texte intégral

Mesdames et messieurs les élus,
officiers généraux,
ambassadeurs,
représentants militaires,
auditeurs IHEDN et CHEar,
Hervé MORIN se faisait une joie d'être parmi vous, comme l'année dernière, pour ce très bel exercice. Il avait bloqué la date pour être ici. Il ne peut être présent parmi nous aujourd'hui, puisqu'il a souhaité se rendre aux obsèques de M. Jean-Baptiste GILLET, Directeur des Affaires Financières du ministère de la défense, décédé il y a quelques jours. La tâche de Directeur des Affaires Financières est exigeante. La Défense, c'est 430 000 hommes et femmes, c'est le premier budget d'équipements du pays. Jean-Baptiste GILLET faisait l'unanimité pour ses compétences et son dévouement pour notre maison. Je crois que vous comprendrez que la place du Ministre était d'être auprès de sa famille et de ses collaborateurs du ministère qui se recueillent cet après-midi en l'Eglise de Saint Louis des Invalides.
Il me charge de vous dire qu'il regrette de ne pas pouvoir assister à cette présentation, à laquelle il attache beaucoup d'importance, et de vous assurer de son soutien dans cette démarche à la fois interarmées et internationale.
Je veux d'abord saluer une initiative historique. Pour la première fois, les chefs d'état-major de l'armée de terre, de la marine nationale et de l'armée de l'air conjuguent leurs présentations. Ils les conjuguent avec nos partenaires européens.
C'est un symbole fort, qui souligne la volonté de cohérence opérationnelle de nos forces. La volonté aussi pour nous de ne pas agir seuls.
Vous le savez, la France a fait le choix de demeurer une puissance militaire complète. Elle a fait le choix de conserver des capacités militaires à la hauteur de cette ambition.
C'est sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité. Et pour tenir cet engagement, nous avons le devoir d'adapter notre outil militaire à un monde en constante évolution.
Il y a un an, Hervé MORIN vous faisait part des premières intentions du gouvernement sur la réforme de notre outil de défense.
Avec la Loi de Programmation Militaire, c'est le dernier acte des décisions que nous lançons, celui des traductions financières de nos priorités stratégiques.
C'est un effort important pour nos armées.
Il se traduit, vous le savez, par une réduction de 54 000 hommes. Il permettra, à terme, de dégager les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à la condition du personnel et à l'équipement des forces.
Le Projet de Loi de Finances 2009-2011 marque l'entrée en Loi de Programmation Militaire.
Il amorce les restructurations des forces armées, et recentre nos investissements financiers sur les grands objectifs opérationnels de nos armées.
Permettez-moi de vous rappeler ces objectifs.
Pour les quinze ans à venir, nos armées doivent assurer la connaissance des risques et des menaces pour anticiper les crises.
Elles doivent assurer la posture de dissuasion.
Elles contribueront à bref délai à la protection de la population sur le territoire national, ainsi qu'à la stabilité et à la paix dans le monde.
Enfin, nous devrons être en mesure de faire face à un conflit majeur à l'extérieur du territoire dans un cadre multinational et de disposer d'une capacité d'action et de réaction autonome.
Pour être à la hauteur de cette ambition, nous devons d'abord renforcer nos capacités interarmées, notamment en termes de commandement et de planification interarmées.
L'objectif, c'est de permettre à la France de tenir son rôle de nation cadre lors d'une opération d'envergure.
Nous allons donc poursuivre notre capacité à opérer en réseau, du niveau stratégique au niveau tactique.
Ainsi, la numérisation de cinq brigades interarmes de l'armée de terre sera achevée en 2014. De plus, le programme SIC 21 améliorera la capacité de commandement et de conduite des opérations aéronavales. Il sera déployé dans la marine d'ici 2009.
Surtout, le Livre Blanc pose comme priorité de centrer nos efforts sur le renseignement militaire.
Sur la période 2009-2011, nous le ferons notamment par le lancement du programme spatial d'observation MUSIS, par l'arrivée de la majorité des 20 nacelles de reconnaissance optique sur Rafale, ou encore par le soutien de notre capacité drones tactiques (SDTI).
Vous le voyez, au plan budgétaire, nous reprenons les priorités du Livre Blanc.
Ces priorités, nous les avons déclinées en contrats opérationnels pour chacune de nos composantes d'armées. Ces contrats sont connus : je n'y reviens pas.
Ce que je veux préciser devant vous, c'est très concrètement comment nous allons traduire ces contrats pour chacune de nos forces.
Pour les forces terrestres, d'abord.
La première priorité, c'est la protection des forces.
Nous voulons assurer à nos soldats les meilleures conditions possibles de protection, à la fois pour les individus - ce sera le système FELIN - et pour les véhicules terrestres, actuels et futurs.
Comme nos alliés, nous sommes confrontés aux engins explosifs improvisés.
C'est pourquoi a été lancée une opération d'ensemble CARAPE. Depuis 2005, nous avons acquis quelques 400 brouilleurs et autant de kits de surprotection pour véhicules. Ils permettent d'équiper l'équivalent de deux groupements tactiques interarmes. A l'horizon 2014, ce sont 3 groupements tactiques interarmes supplémentaires que l'opération CARAPE permettra d'équiper.
Deuxième priorité : rétablir notre capacité aéromobile.
Dans ce cadre, nous allons poursuivre les livraisons de l'hélicoptère Tigre, rénover 24 appareils Cougar et accueillir la première livraison du NH90 dans sa version terrestre.
Enfin, nous voulons développer des capacités de frappe de précision à distance, notamment par les commandes de roquettes unitaires du LRU.
Pour nos forces navales, ensuite, nous voulons :
1- renforcer notre maîtrise du milieu sous-marin.
Le renouvellement des sous-marins nucléaires d'attaque (le programme Barracuda) est donc pour nous une « priorité stratégique » : le premier sous-marin sera livré en 2017.
Par ailleurs, les frégates multi-missions (FREMM), bien que polyvalentes, seront à capacité anti-sous-marine. Elles seront livrées, pour les premières, en 2012 et 2014.
2- renforcer notre capacité de frappe de précision dans la profondeur.
Les sous-marins Barracuda comme les frégates FREMM seront donc équipées de missiles de croisière navals (MdCN). Les premières livraisons du MdCN sur frégates interviendront en 2013.
3- maintenir une capacité de projection à partir de la mer. Nous commanderons l'engin de débarquement amphibie en 2011, pour remplacer une batellerie en fin de vie.
Pour nos forces aériennes, enfin, nous allons :
1- renforcer notre mobilité stratégique et tactique.
Nous le ferons grâce à la poursuite du programme A400M et à la commande des avions multi rôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT).
2- mettre aussi l'effort sur l'appui des forces terrestres, grâce à la commande et la livraison d'armement air-sol modulaires (AASM) métriques sur la période 2009-2011,
Mesdames et messieurs,
Vous le voyez, nos efforts se veulent équilibrés. Ils sont en cohérence avec nos orientations stratégiques. Ils répondent aux exigences opérationnelles d'aujourd'hui.
Nous avons les objectifs, nous avons les priorités, nous aurons les moyens de les atteindre.
Pour y parvenir, nous devons développer notre capacité à travailler ensemble.
Travailler ensemble, c'est développer des doctrines communes, c'est se doter d'équipements compatibles, c'est adopter des organisations harmonisées, c'est mener des entraînements communs.
Cela, nous devons le faire à 3 niveaux : entre ministères, entre armées et entre alliés. Voilà le défi.
Travailler ensemble en interministériel, d'abord.
Nous le voyons en Afghanistan : une approche strictement militaire ne suffit plus pour remplir nos missions.
La stratégie militaire doit servir une approche globale, et donc coordonnée entre les différents ministères, que ce soit sur le territoire national ou à l'extérieur.
C'est pour cela que nous allons développer des systèmes d'information et de communication compatibles.
C'est pour cela que nous allons aussi contribuer à la capacité interministérielle de gestion de crises, internes comme externes.
A travers l'interopérabilité interministérielle, c'est la coordination de nos réponses à une crise, c'est notre crédibilité qui est en jeu.
Travailler ensemble entre forces armées, ensuite.
Il n'y a pas en France, trois armées. Hervé MORIN l'a souvent dit. Il y a l'armée française, dans ses trois composantes.
Depuis de nombreuses années, nous développons notre interopérabilité interarmées. Elle est un des leviers pour l'amélioration de la performance, surtout dans un contexte de réduction du format de nos armées.
Nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine. C'est indispensable, car c'est bien l'interopérabilité qui détermine notre capacité d'entrée en premier. Qui n'est pas interopérable est condamné aux seconds rôles, nous le savons.
Pour autant, travailler entre nous ne suffit pas. Dans les 15 ans à venir, l'immense majorité de nos opérations militaires se déroulera dans un cadre multinational.
La France a de moins en moins vocation à agir seule : nous devons poursuivre nos efforts en matière d'interopérabilité et de coopération multinationales.
C'est le troisième défi : l'interopérabilité interalliée.
C'est dans cet esprit que nous avons placé l'Europe de la Défense au rang de priorité de notre présidence.
Si nous voulons une Europe ambitieuse, une Europe qui se projette, il faut que ses armées puissent travailler ensemble.
Hervé MORIN réunit la semaine prochaine les ministres de la défense de l'Union : ce sera l'occasion de fixer des priorités concrètes.
C'est aussi dans cet esprit que nous prenons nos responsabilités au sein de l'OTAN. L'OTAN, c'est le coeur de l'interopérabilité interalliée.
C'est en définissant des doctrines et des normes communes, c'est en nous entraînant ensemble, que nous pouvons agir ensemble.
Car l'interopérabilité se prépare très en amont des opérations, notamment par les activités de préparation opérationnelle.
On ne peut pas se permettre de découvrir les modes opératoires de nos alliés sur le champ de bataille.
C'est pour cela que nous avons réalisé plus de 30 exercices OTAN et EU en 2008.
C'est parce que nos Etats-majors (nationaux, multinationaux et multinationalisés) comme nos forces s'entraînent que nous pouvons nous engager avec des alliés sur les différents théâtres d'opérations UE (EUFOR Congo, EUFOR Tchad, Bosnie,...), OTAN (ISAF), ou ONU (Liban).
C'est par son interopérabilité que la France est un contributeur majeur des opérations de l'OTAN et de l'UE .
Mesdames et messieurs,
La démonstration à laquelle vous allez assister dans quelques instants illustre parfaitement nos priorités.
Pour la première fois, les trois composantes de nos armées vont effecteur des exercices, ensemble, avec nos partenaires européens.
C'est la preuve de la nécessité de l'interopérabilité de nos forces, au sein de l'armée comme avec nos alliés.
Je ne peux que me réjouir de cette évolution : elle est la condition de notre réussite demain.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 29 septembre 2008