Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, à La Chaîne Info le 22 septembre 2008, sur le résultat des élections sénatoriales, le débat à l'Assemblée nationale sur l'intervention en Afghanistan et la gestion de la crise financière aux Etats-Unis.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Plus de 20 sièges gagnés par la gauche. Reconnaissez-vous la défaite sévère subie par l'UMP hier lors des élections sénatoriales ?
 
C'était surtout attendu. Pas à ce niveau-là...
 
Mais si, à ce niveau-là. On a perdu en 2004 les élections régionales et les élections cantonales, on a perdu en 2008 les élections municipales et les élections cantonales, cela se traduit mécaniquement par un plus grand nombre de grands électeurs socialistes.
 
Il y a aussi une lecture politique, on a senti des élus locaux inquiets ; inquiets, des réformes menées, sur La Poste, casernes et tribunaux. Inquiets de ce qui va toucher leur territoire.
 
C'est une élection d'abord mécanique, les grands électeurs sont très politisés et ensuite, c'est une élection de proximité, c'est-à-dire que les gens se connaissent, les électeurs connaissent les candidats. Mais par exemple, le Gers, département socialiste très fortement, pas un seul sénateur socialiste élu. Pourquoi ? Parce qu'il y a des problèmes personnels, parce que les grands électeurs se connaissent, ils connaissent les candidats, et n'apprécient pas l'offre qui a été faite. À l'inverse, à droite, par exemple, nous avons tout perdu en Aveyron. Pourquoi ? Guerre entre deux familles politiques de la droite à l'intérieur de l'Aveyron, on a tout perdu. Donc ce sont des élections très localisées, très particulières.
 
Si c'est personnel et politique, quel sens donner à l'échec d'un des porte-parole de l'UMP, D. Paillé ?
 
Au système de désignation du CSFE, le Conseil... Vous savez combien il a fait ?...
 
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger, comme par hasard, ça tombe sur lui, parce qu'il représente l'UMP !
 
Attendez... D. Paillé, il a fait 16 voix et celui qui l'a battu en a fait 23. Donc vous voyez la dimension politique de l'événement.
 
Vous regrettez de ne pas avoir réformé le Sénat dans la dernière Constitution, et son mode de scrutin ?
 
Je regrette que, surtout, on n'ait pas modernisé le système d'élection des sénateurs des Français de l'étranger.
 
Est-ce que D. Paillé devra remettre son mandat de porte-parole entre vos mains et démissionner ?
 
Non, il avait déjà eu quelques difficultés auparavant ; il représente aussi une sensibilité, il n'y a pas besoin d'être nécessairement élu pour autant.
 
J.-P. Raffarin va quitter la vice-présidence du Conseil national de l'UMP, il l'avait annoncé. Qui le remplacera, X. Bertrand ?
 
Nous allons voir, j'attends d'abord le résultat des élections à la présidence du Sénat.
 
Il avait dit que, même s'il n'était pas président du Sénat, il quittait son poste...
 
Oui, il l'avait dit, mais j'attendrai d'abord pour envisager la succession.
 
C'est vous qui choisissez ? C'est N. Sarkozy ?
 
Non, c'est d'abord les candidatures qui se feront. Mais bien sûr, le président de la République s'y intéressera de très près.
 
X. Bertrand, vice-président du Conseil national de l'UMP, ça vous irait ?
 
Il est secrétaire général adjoint. Mais s'il a envie de changer de poste, qu'il le dise.
 
Et vous, envisagez-vous de remettre votre mandat en question après avoir perdu les municipales, les sénatoriales ?
 
Pas pour le moment. Mais enfin, je ne me sens pas seulement responsable tout seul.
 
G. Larcher, P. Marini ou J.-P. Raffarin, qui soutenez-vous en vue de la primaire UMP qui désignera mercredi le candidat probable, le futur président du Sénat le 1er octobre ?
 
C'est le groupe UMP du Sénat qui...
 
C'est votre parti, vous avez des consignes à donner, vous avez de l'influence !
 
Non, ce n'est pas comme ça que ça marche. À l'intérieur du Sénat, il y a un groupe UMP et nous avons décidé que c'était lui qui choisirait son candidat, je respecte cette décision.
 
Est-il vrai que J. Chirac soutient J.-P. Raffarin, en échange d'un poste de questeur pour R. Romani. Le JDD l'affirme...
 
Je ne le crois pas et ce ne serait pas bien que ça se passe comme ça.
 
Pourquoi n'ouvrez-vous pas cette primaire aux centristes de la majorité ? L'UMP n'a pas la majorité absolue au Sénat, elle a besoin de ses amis centristes de la majorité présidentielle. Qu'elle vienne choisir le candidat aussi !
 
Mais l'UMP c'est quelque chose qui existe en soi. Si on peut choisir à l'intérieur de l'UMP sans être membre de l'UMP pourquoi adhérer à l'UMP ?!
 
Alors, si A. Lambert se présente hors primaires, lui qui est membre de l'UMP, l'exclurez-vous de l'UMP ?
 
Non, mais je ne pense pas que nous irons à ces extrêmes.
 
Et s'il le fait ?
 
Je ne crois pas que ça arrivera, donc je n'envisage pas le pire.
 
Envisager le pire pour certains, un président du Sénat issu du RPR, c'est-à-dire G. Larcher. Cela voudrait dire que les anciens RPR ont tous les pouvoirs à l'UMP, ils ont l'Elysée, Matignon, l'Assemblée nationale, le Sénat. C'est choquant pour les anciens centristes.
 
Non, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe. Je vais vous dire, l'UMP a été créée en 2002, il n'y a pas des gens qui sont issus du RPR ou qui sont issus d'ailleurs, de l'UDF. Il n'y a que des gens qui ont adhéré à une nouvelle formation. Nos adhérents, 80 % de nos adhérents n'ont appartenu ni au RPR, ni à l'UDF. Et donc, ressusciter ces anciens clivages, est à mon avis une absurdité.
 
Est-ce que le Sénat a besoin d'un ancien Premier ministre, c'est-àdire quelqu'un de notoriété nationale et internationale garantie, pour être bien mené ?
 
Le Sénat a généralement choisi par le passé des hommes, à la fois de caractère, d'autorité, pas nécessairement ayant occupé des emplois très importants, mais sans doute ayant une grande expérience ministérielle.
 
C. Poncelet, le président sortant du Sénat, disposera d'un appartement à vie, avec du personnel à sa disposition. N'êtes-vous pas choqué par ce privilège ?
 
C'est une tradition du Sénat.
 
C'est une tradition choquante, on faudrait peut-être la réformer !
 
On parle de "rigueur", le pouvoir d'achat baisse, et les sénateurs s'auto-administrent !
 
En tous les cas, ce sont des traditions qui peuvent être discutées, j'en conviens volontiers.
 
Débat et vote à l'Assemblée nationale à 15 heures aujourd'hui, sur la présence française en Afghanistan. Quels signes de redéfinition stratégique faut-il donner à l'opposition pour être sûr qu'elle vote le maintien de nos soldats sur place ?
 
Mais c'est la responsabilité de l'opposition de se déterminer, ce n'est pas à nous d'expliquer à l'opposition son intérêt. Je rappelle simplement que, nos troupes sont engagées en Afghanistan par une décision qui a été prise sous un gouvernement de gauche. Il va bien falloir que la gauche l'assume ça.
 
Les renforts ont été décidés par N. Sarkozy. Faut-il mieux les équiper, faut-il encore envoyer 3.000 soldats, comme on l'entend ?
 
Il ne faut pas envoyer d'effectifs supplémentaires, mais il faut mieux équiper, mieux coordonner aussi. Il y a 55 pays qui sont présents en Afghanistan ; la France, je vous le rappelle, est membre du Conseil de sécurité de l'ONU, elle préside l'Union européenne, elle a donc des responsabilités mondiales. On n'imagine pas que, compte tenu de l'enjeu qu'est l'Afghanistan, c'est-à-dire à la frontière du Pakistan, avec tous les dangers qui peuvent intervenir, avec le risque nucléaire qui est présent, on n'imagine pas qu'un grand pays comme le nôtre, avec ses responsabilités, ne soit pas là.
 
Et n'êtes-vous pas troublé tout de même par les suspicions récurrentes ? Encore ce présumé rapport de l'OTAN publié par la presse canadienne, disant que "l'armée française est sous-équipée sur place, manque de munitions" ?
 
Vous savez, c'est une guerre. D'abord, ça a été démenti...
 
Oui, mais bon, un démenti ne fait pas l'établissement de la vérité. Il faudrait peut-être une commission d'enquête parlementaire ?
 
Non, mais un article de journal non plus !
 
Alors, faisons une commission d'enquête !
 
Mais on ne va pas faire une commission d'enquête chaque fois qu'un journal est en mal de copies tout de même !
 
Mais peut-être chaque fois que dix soldats français sont tués !
 
Ah ça, on l'a fait ! On a fait une enquête de commandement. Nous sommes en guerre en Afghanistan, et vous savez, la subversion aussi emprunte la voie des fausses nouvelles.
 
700 milliards de dollars, c'est le montant du plan géant lancé par G. Bush pour enrayer la crise bancaire américaine. Pensez-vous que la crise soit derrière nous, ou comme d'autres, comme J. Attali, pensez-vous que la panique va continuer ?
 
Je pense que le "containment", le fait de tenir la crise, est une longue affaire, et que les 700 milliards qui ont été investis pour essayer de la juguler c'est quelque chose d'important, mais sans doute, il faudra prendre d'autres mesures. C'est pour ça d'ailleurs que j'attends avec impatience le discours du président de la République.
 
Sur place, là-bas, aux Etats-Unis ?
 
Aux Etats-Unis d'abord, et puis en France ensuite.
 
Aux Etats-Unis, que dire face à cette crise ? Il faut faire la leçon au capitalisme financier, comme il l'a fait à Londres en mars ?
 
Je pense que, sur le capitalisme financier, on est quand même arrivés à des extrêmes qui présentent de grands risques. Parce que, je prends un exemple : on peut gagner de l'argent en vendant sa propre dette ! Bon, c'est quand même quelque chose d'assez abstrait pour beaucoup de gens, mais en même temps générateur de grands profits. On est là quand même dans une bulle financière très dangereuse.
 
Que doit annoncer le président de la République, jeudi, à Toulon, à la France ?
 
D'abord, je pense - enfin il le dira lui-même, et je ne suis pas là pour faire des annonces à sa place -, simplement, je crois que la France a besoin d'une grande politique industrielle, il y a une grande place dans ce domaine, que nous subissons en Europe une politique de taux d'intérêt élevés, avec un grand différentiel sur les taux d'intérêt par rapport aux Etats-Unis, qui crée des problèmes pour la croissance...
 
Donc, il faut mettre pression sur la Banque centrale européenne, encore ?
 
Sans mettre pression, mais on peut en tous les cas exprimer un point de vue, on a le droit quand même de parler économie, on n'est pas totalement inféodés intellectuellement à la Banque centrale européenne. Le différentiel de taux d'intérêt entre l'Europe et les Etats-Unis est un sujet grave.
 
Dans le contexte économique qui est celui-ci, l'enterrement des taxes pique-nique, des bonus-malus, vous semble-t-il une bonne chose ?
 
Oui, cela ne me paraissait pas du tout de saison.
 
C. Lagarde ne cache pas son inquiétude pour la croissance 2009. Faut-il aller vers de la rigueur, avec quand même plus de hausses d'impôts l'année prochaine ?
 
Il ne faut pas hausser les impôts parce que ce n'est pas en haussant les impôts qu'on permettra à la croissance de redémarrer. Mais en même temps, il faut continuer à faire des économies, c'est ce que le Gouvernement fait, en restructurant notre administration, en restructurant l'Etat.
 
Donc coupes budgétaires demandées ?
 
Non, pas "coupes budgétaires", restructurations, meilleure productivité de notre administration. Plus de services pour moins cher, c'est possible !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 septembre 2008