Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de l'UMP, à France 2 le 23 septembre 2008, sur sa candidature à la présidence du Sénat.

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Média : France 2

Texte intégral

O. Galzi.- Il se joue en ce moment une bataille politique majeure, bataille pour le poste de deuxième personnage de l'Etat, celui qui, entre autres, selon la Constitution, doit remplacer le président de la République en cas d'empêchement ou de démission, c'est la bataille pour la présidence du Sénat. Monsieur Raffarin, bonjour.
 
Bonjour.
 
Cela fait des mois qu'on dit que vous êtes candidat. Vous ne l'avez pas officiellement annoncé, vous ne l'avez pas confirmé, est-ce que ce matin - je vous repose la question - vous êtes candidat à la présidence du Sénat ?
 
J'ai le plaisir de vous annoncer que j'ai écrit ce matin à tous mes collègues sénatrices et sénateurs pour leur confirmer officiellement ma candidature à la candidature, puisque je suis candidat en primaire à l'UMP pour être le candidat de l'UMP à la présidence du Sénat.
 
Donc vous êtes au moins trois pour l'instant. Il y a P. Marini, sénateur de l'Oise, G. Larcher votre ancien ministre du Travail, il y aura d'autres candidats à votre connaissance ?
 
Je ne le pense pas. Je pense qu'à ce jour, il y a trois candidats, les candidatures seront closes à 17 heures mais je crois savoir que nous serons trois.
 
Monsieur J.-C. Gaudin avait éventuellement parlé d'une candidature, vous avez dîné avec lui hier, il aurait dû se retirer normalement, il ne l'a pas fait, qu'en est-il ?
 
J.-C. Gaudin annoncera lui même sa décision, j'ai toujours été en accord avec lui, comme je suis en accord avec C. Poncelet et avec un certain nombre de personnalités qui, légitimement, pouvaient prétendre à être candidates à cette fonction de président de la Haute assemblée, et donc chacun devra s'exprimer lui même. Mais j'ai des relations assez proches, à la fois avec J.-C. Gaudin et aussi avec C. Poncelet.
 
Alors tout va se jouer demain, vous l'avez dit lors d'une primaire à l'UMP, quels sont vos atouts ?
 
Je pense que le Sénat a besoin d'un sursaut. Le Sénat est critiqué, la majorité a été fragilisée, le moment du sursaut est venu. Il faut un Sénat libre et loyal. Je vois qu'un secrétaire général adjoint de l'UMP, monsieur Estrosi, a pris position ce matin, de l'extérieur du Sénat, pour monsieur Larcher.
 
En faveur de monsieur Larcher...
 
Je le remercie de montrer ainsi que je suis le candidat, et de la liberté et de la loyauté. C'est le premier atout, cette indépendance qui fait que je suis un sénateur enraciné, j'ai eu quatre élections sénatoriales et puis, en même temps, je suis quelqu'un qui a une expérience à proposer pour moderniser le Sénat, pour le féminiser, pour l'ouvrir sur l'international, pour l'ouvrir sur la prospective et sur les questions de société, les questions de morale, les questions d'éthique. Tout ceci, c'est un programme de modernisation d'un Sénat indépendant.
 
Vous avez fait des propositions pour un Sénat "libre et moderne", je cite, cela veut dire qu'il ne l'est pas, libre et moderne pour l'instant ?
 
Il doit s'affirmer plus libre grâce à la révision constitutionnelle. Nous avons voté une révision constitutionnelle qui nous donne de l'importance au Parlement et dans le Parlement. Le Sénat aura plus d'importance, et donc il faut préparer la réussite de ce nouveau rôle institutionnel du Sénat, mais aussi il faut affirmer l'indépendance du Sénat sur des sujets très importants. On n'est pas là pour suivre le Gouvernement, on est là pour améliorer les textes, on est là pour discuter avec le Gouvernement, le soutenir quand il en a besoin, comme l'Afghanistan hier, où il a fallu clairement affirmer le soutien du Parlement à nos soldats au front. Mais il est clair aussi que quand on n'est pas d'accord, par exemple sur les tests ADN, le Sénat le dit, le Sénat s'affirme comme le défenseur des libertés publiques. C'est une de ses missions essentielles pour les citoyens français.
 
Le Sénat a un problème de légitimité vraisemblablement ; selon un dernier sondage 74 %, des personnes interrogées disent qu'il n'est pas moderne, 71 % disent qu'il n'est pas représentatif. Pourquoi ?
 
Je pense que le Sénat n'est pas suffisamment présent dans les médias, sur la scène politique. Le Sénat doit être dans la vie, dans la société, dans les débats. Le Sénat doit être une institution vivante, il n'est pas en retrait, il n'est pas caché, il n'est pas opaque, il est ouvert sur la société. Et donc il faut que le Sénat soit sur la scène politique et c'est pour cela que quelqu'un qui peut avoir mon expérience, peut participer à cette dynamique du Sénat sur la scène politique. C'est une offre politique, les sénateurs choisiront, c'est à eux de choisir. Ils le feront en toute indépendance, sans les pressions des uns ni des autres. C'est aux sénatrices et aux sénateurs de choisir, pour moi, de mettre le Sénat au coeur de notre débat politique.
 
Il y a quand même un problème d'image. L'actuel président, C. Poncelet a reçu l'assurance avant son départ de continuer à pouvoir jouir d'un appartement de 200 mètres gratuitement, à vie. Vous trouvez que c'est quelque chose de normal ?
 
Je pense qu'il faut de la transparence. D'abord, je vais vous dire que C. Poncelet est un honnête homme, il a très bien présidé le Sénat...
 
Mais cette grâce d'un appartement, est-ce que vous trouvez ça normal ?
 
Cette décision, les sénateurs n'ont pas eu encore à la prendre, nous verrons ce qu'il en est exactement, je n'en suis pas informé, je vous le dis très clairement. Je suis pour un Sénat transparent mais je ne veux pas qu'on puisse insinuer, de près ou de loin, que le président du Sénat serait quelqu'un de critiquable...
 
Et vous allez voter pour ?
 
...C'est le deuxième personnage de l'Etat, c'est, je crois, quelqu'un qui a montré à la fois son expérience, sa capacité, son humanité, c'est très important pour moi, les relations humaines, cette forme d'attachement aux autres, cette humanisme de la pratique des relations humaines. C'est quelque chose que C. Poncelet a et que je veux défendre. Personnellement, je vous le dis très clairement, si par exemple j'étais élu, je n'habiterais pas dans les palais de la République, parce que je pense qu'il faut toujours garder le contact avec la société, le contact avec la réalité de la vie. Cela a toujours été mon comportement, je suis très attaché à cette ligne.
 
Vous réduiriez le train de vie de la présidence du Sénat, dont on dit qu'il est assez important ?
 
Je ne crois pas que ceci soit critiquable, mais je souhaite un Sénat transparent, je souhaite que les comptes soient évalués, que l'on puisse avoir une organisation du Sénat qui ne soit pas critiquable et que pour cela, les comptes soient ouverts.
 
La gauche a fait une bonne percée, dimanche, aux élections, cette élection va se jouer sans elle, vous trouvez cela normal, toujours ce problème de représentativité ?
 
La gauche va jouer son rôle, la gauche a des résultats très importants à ces élections, cela prouve bien que les élections municipales ont été prises en compte par le Sénat. Le problème, c'est que le Sénat, il est renouvelable par tiers - il était renouvelable par tiers, il va l'être maintenant par moitié. C'est-à-dire qu'il y a des sénateurs qui ont été élus avec les élections municipales de 2001, gagnées par la droite, le premier tiers et le deuxième tiers, et le troisième tiers, les électeurs ont choisi des candidats plutôt à gauche cette fois-ci, mais parce que c'était les élections municipales de 2008. Le Sénat a amorti les mutations, il est clair que la gauche peut un jour gouverner le Sénat. Et moi je mène un combat, justement, pour faire en sorte que la majorité puisse faire tout pour qu'en 2011, le Sénat ne soit pas à gauche. Ce qui prouve bien que la gauche pourrait gagner le Sénat en 2011.
 
A priori, c'est une hypothèse plus que probable maintenant.
 
C'est donc la preuve que la gauche peut gagner, donc c'est donc la preuve que ce qu'a dit la gauche, que jusqu'à maintenant, que le Sénat était éternellement à droite, elle se trompe et elle ne dit pas la vérité. Le Sénat peut très bien être à gauche, c'est pour cela que je crois qu'il faut rassembler nos forces au Sénat, celles de la majorité présidentielle, travailler un Sénat libre et moderne, et faire en sorte qu'on puisse convaincre les électeurs en 2011 qu'on a besoin d'un Sénat qui ressemble à la France, aux territoires de France, dans cette diversité qui n'est pas celle de la région parisienne uniquement, mais qui est de tous ces visages que porte la France aujourd'hui.
 
Dernière question : quand on parle des sénateurs, il y a une expression, on dit "un train de sénateurs", en général on ne parle pas d'un TGV ; est-ce que c'est une image aussi que vous souhaitez modifier ?
 
Je pense que le Sénat doit avoir le temps comme allié. Le Sénat ne doit pas courir derrière l'Assemblée nationale ou courir derrière le Gouvernement. Parce que l'Assemblée nationale, le député, il est élu avec les humeurs de l'opinion, il vit l'opinion au jour le jour. Il est sur le marché le dimanche et puis le mardi à l'Assemblée nationale, il interroge le ministre. Le Sénat, les sénateurs se donnent le temps de la réflexion, mais pour réformer la France sur des grands sujets. Par exemple notre organisation administrative, le millefeuille entre les départements et les régions, le Sénat va s'attaquer à ce sujet ; sur les lois bioéthiques, sur un certain nombre de grands sujets de la France qu'il faut réformer, le Sénat doit prendre le temps comme un allié et montrer que sa sagesse fait partie de la qualité de son travail. Aujourd'hui, la qualité du travail sénatorial est reconnue par tous, par tous les experts, dans toutes les études on cite le travail du Sénat, il faut que ceci soit reconnu ! Pour cela, il faut que le Sénat soit présent sur la scène politique.
 
Monsieur Raffarin, merci. Et puis je vous rappelle si vous nous avez pris en cours de route, que monsieur Raffarin est désormais officiellement candidat à la présidence du Sénat.
 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 septembre 2008