Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la crise économique et financière et les élections prud'homales, Paris le 25 septembre 2008.

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Bonjour à toutes et à tous
Je veux d'abord vous remercier d'être venus nombreuses et nombreux à ce meeting.
Merci aux camarades qui avant moi viennent de témoigner de la gravité de la situation mais aussi de leur détermination à agir pour changer cette situation.
Merci pour ces exemples de luttes et félicitations à celles et ceux qui par leur engagement et leur détermination ont obtenu des succès sur les revendications.
Ces exemples sont un encouragement pour chacun d'entre nous, militants et militantes CGT, syndiqué(e)s ou salarié(e)s, un encouragement à s'engager dans l'action collective dans les entreprises et les localités pour faire valoir nos droits et construire ainsi la riposte sociale à la régression que le Medef et ce gouvernement veulent imposer au monde du travail.
Cette riposte, les salariés en ont besoin, un besoin urgent.
Grâce à vous et à votre mobilisation nous allons la construire. Nous allons y consacrer toutes nos forces, toutes nos intelligences, toutes nos disponibilités.
Nous allons le faire ici en Ile de France et sur l'ensemble du territoire.
Notre meeting d'aujourd'hui est un des 7 grands meetings inter régionaux que la CGT a programmés en ce mois de septembre.
La forte participation aux réunions qui se sont déjà tenues est déjà une indication sur notre état d'esprit : ne pas se laisser faire.
Nous affichons notre ambition d'aller de l'avant, d'être à l'initiative par la construction d'actions collectives unitaires dans les branches professionnelles, les entreprises, par la coordination des mobilisations à chaque fois que les conditions sont réunies.
La CGT se place résolument à l'offensive !
Oui, la mobilisation collective, cela paye !
Depuis le début de l'année et singulièrement en cette rentrée, nous avons plusieurs exemples de luttes victorieuses dans les entreprises.
Je pense à l'imprimerie Helio Corbeil où la lutte menée depuis 18 mois permet le maintien de l'activité malgré la volonté de la multinationale Quebecor de stopper la production.
Je pense à la SNECMA Gennevilliers. C'est 150 euros d'augmentation après plusieurs jours de grève.
Ou encore à cette entreprise de transport à La Courneuve où les salariés obtiennent un rappel sur 7 ans des majorations des heures de nuit et une prime d'un demi mois de salaire.
Vous connaissez sans doute d'autres exemples de luttes sur les salaires et sur l'emploi qui se traduisent par des résultats concrets, immédiats et significatifs pour les salariés concernés.
Oui la mobilisation collective cela paye !
Regardez ce que nous venons avec des centaines d'associations de faire contre le fichier Edvige, contre cet outil de fichage généralisé de la population. Ce scandaleux outil de fichage de tous les syndicalistes traités comme des délinquants potentiels alors que la liberté syndicale, rappelons le haut et fort, est un droit constitutionnel. Edvige est en train de sombrer. C'est une victoire de la démocratie et la défense des libertés publiques. C'est une victoire de la mobilisation, une mobilisation qui va continuer notamment le 16 octobre à l'occasion de la Sainte Edvige puisque nous devons rester vigilants concernant le nouveau décret.
Oui, la mobilisation cela paye !
Permettez moi de saluer de manière particulière la lutte exemplaire des camarades sans papiers. Il ne faut pas le nier, c'est un combat difficile. Vous avez tous entendu il y a quelques instants leurs témoignages. Leur situation est parmi les plus difficiles, souvent inhumaine. Ils sont victimes de toutes les pressions, de toutes les intimidations. On leur dénie tout droit et pourtant ils ont trouvé la force de s'unir, de se syndiquer, de se mettre en grève, de tenir et ils gagnent ! Ils font valoir leurs droits de travailleurs. La CGT est naturellement l'organisation pour ce combat là. C'est avec satisfaction, chers camarades, que nous pouvons annoncer aujourd'hui que nous venons de franchir la barre des 1 000 régularisations de travailleurs sans papier.
1 000 hommes et femmes qui ne seront plus condamnés à courber l'échine au travail, à raser les murs dés qu'ils sortent dans la rue. Nous avons bien sûr conscience qu'il y a encore des milliers de situations à résoudre. Ce mouvement a généré plus de 70 grèves en Ile de France. Je le dis aux employeurs et au gouvernement : vous feriez mieux de ne pas tergiverser davantage.
Oui, la mobilisation paye. Et pour gagner, il faut lutter. Je dirais même « pour gagner plus il faut lutter plus ! »
Comme pourrait le dire une pub : « 100 % de ceux qui ont gagné ont lutté ! »
Parce que la mobilisation paye, nous voulons multiplier en cette rentrée les initiatives dans les entreprises et les branches professionnelles.
Nous avons au moins deux rendez-vous communs qui vont permettre à l'ensemble des salariés d'agir et de s'exprimer :
Le 7 octobre, grande journée d'action interprofessionnelle et internationale à l'appel de 6 organisations syndicales françaises.
Le 3 décembre, où 18 millions de salariés vont élire leurs représentants aux conseils de prud'hommes.
Je vais revenir précisément sur ces deux rendez-vous, mais je veux tout de suite les replacer dans la cohérence de notre démarche.
Ce qui fait aujourd'hui notre force, c'est justement la cohérence de notre démarche en même temps que l'investissement de chacune et chacun d'entre vous.
Contrairement à beaucoup d'autres organisations, nous ne naviguons pas au gré des courants, nous ne surfons pas sur les vagues médiatiques, nous ne nous complaisons pas à dire tout et son contraire, nous avons une stratégie, celle d'être un acteur crédible, un acteur incontournable et sans doute l'acteur principal des transformations sociales.
Notre ambition est de mettre au coeur de ce débat social les salariés eux-mêmes.
Nous voulons que ce soit les revendications des salariés, des chômeurs, des retraités et non celles du patronat qui occupent le devant de la scène.
La CGT vient de commander une enquête auprès des français. Leurs réponses sont sans appel :
* 93 % attendent des changements du modèle social français mais ils ajoutent aussitôt que ce sont certains points qui doivent être réformés et non pas une mise en pièce généralisée,
* 82 % considèrent indispensable que le gouvernement négocie les changements avec les syndicats.
C'est pourtant loin d'être le cas aujourd'hui comme vous le savez.
Qu'on cesse donc de nous faire des procès en immobilisme ou en contestataire permanents. C'est bien le contenu et la finalité des réformes qui sont en cause.
Nous voulons être une force aux côtés des salariés. Une force plongée dans le quotidien de leur travail. Une force construite par eux et pour eux. Une force qui fait de la solidarité un moyen d'action et de l'unité des salariés et des organisations syndicales une stratégie.
L'unité et le rassemblement, nous savons tous que ce n'est pas facile, que ce n'est jamais facile, notamment en période électorale.
Si notre motivation n'était que d'exister, un esprit de boutique pourrait à la rigueur tenir lieu de stratégie. Mais laissons cela à d'autres. Nous, nous visons tout autre chose. Quelque chose de plus grand, de plus noble et de plus enthousiasmant aussi. Nous visons la défense de l'intérêt général, le progrès social pour toutes et tous. Et pour cela nous n'avons d'autre alternative que de chercher à rassembler le plus largement. C'est une des conditions à réunir pour avoir les plus grandes chances de succès.
La période est marquée, comme rarement, par le mécontentement d'une majorité de la population et les attentes sociales.
62 % considèrent que le gouvernement applique une mauvaise politique économique et sociale.
Elle porte aussi la marque des inquiétudes dans un contexte économique fortement dégradé et une situation internationale préoccupante.
La crise financière actuelle est la plus grave qu'ait connue l'économie mondiale depuis des décennies. Elle mérite qu'on s'y arrête un moment. Elle est en effet inexplicable par la doctrine libérale et contredit tous les discours patronaux et gouvernementaux qu'on nous tient depuis des années.
Souvenez-vous : le développement des marchés financiers, la créativité financière sans fin, la multiplication de produits de plus en plus sophistiqués, toutes ces innovations formidables devaient diluer les risques et conduire à ce qu'on appelle une meilleure allocation des ressources. On nous présentait le taux de croissance relativement élevé de l'économie mondiale, le faible niveau des taux d'intérêts, l'abondance des liquidités comme autant de preuves de l'efficacité de la globalisation financière, autant de gages d'une croissance robuste et durable.
Et c'est au nom de cette prétendue efficacité que la finance a pris non seulement une place disproportionnée dans l'ensemble de l'économie mais qu'elle a prétendu dicter sa loi à toutes les activités. Les acteurs financiers ont pris la main dans la gestion des entreprises, les actifs financiers ont pris le pas sur les investissements en machines et en capacités de production, le cours de Bourse est devenu l'alpha et l'oméga de toute stratégie, les exigences des actionnaires la seule contrainte à satisfaire.
La contrepartie de cette « financiarisation » de l'économie, de cette recherche effrénée de hauts niveaux de rentabilité, nous la connaissons : c'est ce que nous vivons quotidiennement dans les entreprises. C'est la pression sur les salaires, l'emploi comme variable d'ajustement, l'aggravation des conditions de travail, la précarisation, la flexibilité, l'extension des horaires, la dévalorisation du travail dans le processus productif. C'est aussi la souffrance grandissante de millions de salariés.
Le « capitalisme financier » n'est qu'un des aspects du capitalisme tout court, ce capitalisme qui accumule des profits colossaux, privatise les richesses et qui en cas de difficultés demande à l'Etat de voler à son secours en nationalisant ses pertes pour que tout puisse recommencer comme avant.
Il y a une certaine duplicité de la part de certains responsables politiques et des gouvernements à chercher des coupables à la situation actuelle alors que ce sont leurs propres choix politiques qui ont contribué à la créer.
Pourquoi devrions-nous faire confiance à ceux qui nous ont conduit là pour trouver les bonnes solutions à la sortie de crise ?
Ils ont été sourds à tous nos avertissements et nos mises en garde. Ils doivent maintenant entendre l'opinion des salariés qui ne peuvent pas, une nouvelle fois, être floués.
Ils doivent entendre les propositions syndicales.
Il faut une nouvelle régulation du secteur bancaire et financier. C'est une évidence mais on ne résoudra pas la crise sans revaloriser le travail et sa place dans la vie économique et sociale, sans développer l'emploi, sans investir dans la formation des femmes et des hommes, sans combattre les inégalités, sans définir une stratégie industrielle qui ne peut se résumer aux visites d'un président sur un chantier naval ou dans une aciérie.
Il faut réorienter les financements, l'épargne et le crédit vers l'investissement productif, la recherche, les nouvelles productions.
C'est le sens de la proposition CGT de mettre en place rapidement un pôle public de financement.
Il faut une dimension sociale à la construction européenne pour sortir de la crise. Elle est aujourd'hui absente des priorités de la présidence française de l'Union européenne.
Et surtout on ne résoudra pas la crise sans augmenter les salaires.
Et qu'on ne nous fasse pas le coup des temps difficiles. Qu'on ne nous dise pas que le coût du travail est déjà trop élevé, qu'il est impossible d'augmenter les salaires, comme la Présidente du Medef l'a redit ce matin sur une radio.
Quand les profits battent des records, ce n'est pas le moment.
Quand les prix des carburants, de l'énergie, des loyers, des produits alimentaires flambent, ce n'est pas le moment.
Quand la croissance fléchit, ce n'est toujours pas le moment.
A les entendre, ce n'est jamais le moment.
Ce n'est pas la CGT mais les 5 000 organisations qui travaillent avec la banque alimentaire qui s'alarment de voir de plus en plus de français dans l'impossibilité de se nourrir normalement.
La demande d'aide a augmenté de plus de 8 %.
15 % de ceux qui ont besoin d'aide alimentaire travaillent. C'est ce qu'on appelle les « travailleurs pauvres ».
Eh bien pour la CGT, c'est toujours le moment de lutter pour les revendications, surtout quand elles portent l'intérêt général.
Pour impulser cette nouvelle dynamique salariale indispensable à la solution des problèmes et au retour à la croissance la CGT propose désormais de porter immédiatement le Smic à 1 600 euros par mois.
Le Président Sarkozy lui aussi fait son Zénith, ce soir, à Toulon.
La salle est plus petite que la nôtre. D'après vous, quelles sont les images qui ont des chances de passer au 20 heures ?
Nous allons naturellement être attentifs aux propos présidentiels qui seront diffusés depuis le « boulevard du Commandant Nicolas » ! Je n'invente rien, c'est l'adresse du Zénith.
Depuis 500 jours qu'il est au pouvoir, son gouvernement n'a eu de cesse de satisfaire les revendications patronales : pour abaisser le coût du travail, accroître la flexibilité, étendre la précarité, dérèglementer le temps de travail, contraindre les chômeurs à accepter un véritable dumping social.
Il a consacré des milliards d'euros à un paquet fiscal qui a permis aux plus riches d'échapper à l'impôt et de continuer à alimenter les marchés financiers. Il a non seulement manié l'injustice avec cynisme, creusé les inégalités, mais privé le pays des marges de manoeuvres budgétaires nécessaires à la protection de notre pays et de nos emplois.
Il ne peut aujourd'hui prétendre n'être pour rien dans la dégradation d'une situation qui était prévisible et sur laquelle la CGT a maintes fois alerté. Si des salariés, qui avaient cru entendre dans les promesses du candidat à l'élection présidentielle que leur situation allait peut-être s'améliorer, ont de quoi déchanter, la CGT, elle, n'est pas surprise et ne compte pas dans le camp des déçus du sarkozysme.
C'est dans cette situation, quand les marchés font preuve de leur incapacité à s'autoréguler, qu'on nous propose de franchir une nouvelle étape dans la dérégulation de la société française.
Ils veulent aujourd'hui ouvrir le capital de la Poste, notre plus ancien service public, pour le privatiser. Ils concoctent une loi sur l'organisation de l'hôpital et le système de Santé qui, de fait, organise le transfert massif au privé et constitue une véritable rupture dans la conception même de notre système de santé. Ils prétendent couper les vivres à l'audiovisuel public, mettre en oeuvre des réformes de l'école sans aucune concertation, affaiblir encore la puissance publique en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Mesures après mesures, réformes après réformes, c'est une société profondément différente de celle que nous connaissons qui est en train de se mettre en place. Une société plus injuste, plus inégale, une société où seuls ceux qui disposeront de rentes confortables pourront convenablement se soigner, se former, se distraire, communiquer.
Disons le clairement, l'élection au suffrage universel ne donne aucun blanc seing pour remodeler à sa guise une société, aucun mandat pour remettre en cause les principes de solidarité qui jusqu'ici ont prévalu dans notre organisation sociale.
Sur tous ces sujets nous allons livrer bataille.
- Nous ne laisserons pas privatiser la Poste !
- Nous ne laisserons pas s'installer la marchandisation des besoins de santé !
- Nous ne permettrons pas qu'on taille en pièces l'hôpital public et la Sécurité sociale !
- Nous n'acceptons pas les suppressions de postes dans l'éducation nationale et le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux.
Ces batailles nous allons les mener avec les syndiqués, les salariés de ces différents secteurs. Mais mesurons bien que même si nous avons dans la santé ou à la Poste des forces syndicales conséquentes, on ne peut pas attendre des personnels qu'ils portent seuls des enjeux lourds qui sont au sens plein du terme des enjeux de société.
Ils exigent donc un engagement de nous tous parce qu'ils ont à voir avec la défense de l'intérêt général, nous devons nous efforcer d'y impliquer le plus grand nombre de citoyens.
C'est le sens par exemple de la revendication de notre Fédération des Activités postales d'un vaste débat public sur le devenir et la transformation du service public de la Poste qui pourrait se conclure, le moment venu, par un référendum.
C'est aussi le sens de notre initiative dans le domaine de la santé où nous proposons à tous les acteurs du secteur - syndicats, associations de malades ou de familles, collectifs ou comités de défense de l'hôpital, mouvement mutualistes - soucieux de la situation et de la dégradation de notre système de santé de se réunir pour construire ensemble une initiative de rencontre et de débat sur les enjeux de santé.
Créer les conditions du rassemblement et de la mobilisation du plus grand nombre est un des objectifs essentiels que nous devons nous assigner en cette rentrée.
Toute personne dans le monde doit avoir un emploi lui permettant de mener une vie digne répondant à ses besoins essentiels.
C'est bien parce que les salariés du monde sont confrontés aux mêmes fléaux générant précarité et pauvreté que le mouvement syndical a décidé de passer à l'offensive de manière coordonnée en faisant du 7 octobre une journée de luttes dans tous les pays pour le travail décent.
En France, 6 syndicats appellent toutes les professions sur l'ensemble du territoire à une mobilisation de grande ampleur :
. Pour des emplois de qualité,
. Des salaires revalorisés,
. L'amélioration des conditions et de la durée du travail,
. Pour une protection sociale et de retraite garantie et de haut niveau,
. De services publics efficaces et contribuant à la cohésion sociale.
Nous avons quelques jours pour décider avec les salariés des revendications à défendre le 7 octobre et pour définir les formes et les modalités de l'action, y compris en ayant recours à la grève.
Nous avons besoin de manifester tous ensemble.
A cet égard, Paris sera en quelque sorte décrétée capitale mondiale de la lutte puisque après une manifestation à 15 H 30, nous nous retrouverons Place du Trocadéro pour un meeting-concert en présence de plusieurs syndicalistes des différents pays.
Il paraît que maintenant, on n'est pas trop visible quand il y a des grèves. Et bien le 7 octobre, Cher(e)s Camarades, on doit nous voir, on doit nous entendre pour une grande journée de lutte interprofessionnelle.
Disons le, tous les combats ne sont pas victorieux. Bien souvent on attend du syndicalisme, et de la CGT en particulier, des résultats que compte tenu de nos forces organisées nous ne pouvons pas toujours obtenir.
Le nombre trop faible de salariés organisés dans la CGT continue de représenter un boulet que nous traînons dans tout ce que nous avons à entreprendre. C'est au dépassement de cette situation que nous devons travailler sans relâche, en aidant au rassemblement le plus large possible mais en veillant aussi à la syndicalisation et au renforcement de notre organisation.
Pour ce faire, la CGT doit rester elle-même. Ouverte à toutes les femmes, tous les hommes, quels que soient leur génération, leur métier, leur statut de salarié.
La CGT revendique le pluralisme des opinions dans ses rangs.
Les engagements personnels au plan politique, philosophique ou religieux sont respectés. Chacun et ensemble nous veillons au respect de notre indépendance.
Raison de plus pour être attentif à tout ce qui pourrait diviser.
Pas plus aujourd'hui qu'hier la CGT ne se laissera dicter sa conduite par quelque parti politique que ce soit. Elle ne sera jamais ni l'instrument ni l'otage de personne. Et pas d'avantage un champ d'affrontements politiques.
On le sait, les périodes de crise sont toujours l'occasion pour les employeurs de culpabiliser les salariés et faire de leur emploi et de leur salaire les variables d'ajustement de leur management.
La revendication pour le pouvoir d'achat renvoie évidemment, comme je l'ai dit, à celle des salaires et de leur nécessaire augmentation. Mais elle concerne aussi celles relatives à la retraite.
Nous assistons à une insupportable paupérisation de centaines de milliers de retraités. Les dernières mesures du gouvernement, loin d'inverser la tendance, ne font et ne feront qu'aggraver la situation.
Nous devons poursuivre notre bataille réunissant toutes les générations pour conforter notre système de retraite solidaire et améliorer le niveau des retraites.
Je profite de ce meeting pour saluer la mobilisation de toutes les organisations syndicales de retraités le 16 octobre prochain et vous invite toutes et tous à y participer. Ils ont raison, les 0,8 % d'augmentation arrachés au 1er septembre ne font décidemment pas le compte. L'augmentation réelle des retraites pour 2008 est au total de 1,3 % alors que l'inflation caracole au-delà des 3,6 % !
Les derniers mois ont vu la flambée des prix des produits alimentaires, du logement, des carburants.
Avec le renchérissement des loyers et des coûts d'accession à la propriété, le poste logement engloutit entre un quart et un tiers de revenus des ménages. Il manque près d'un million de logements sociaux ou économiquement accessibles et pourtant c'est le moment que choisit ce gouvernement avec la Loi Boutin pour prétendre ponctionner le 1% Logement et remettre en cause sa gestion paritaire.
Concernant les mesures pour la prise en charge des frais de transport domicile travail, elles ne sont aucunement à la hauteur des problèmes auxquels sont confrontés les salariés du fait de l'augmentation des prix des carburants. La généralisation du remboursement de 50 % des titres de transport collectif présente un réel intérêt. Par contre, la prime « essence » resterait aux seuls bons vouloirs des employeurs. Sans mobilisation dans les entreprises, cela restera virtuel comme dans le précédent dispositif.
Je vous signale, par exemple, que les salariés de GTM dans la construction ont arraché une prime transport couvrant 40 % de leurs frais d'essence.
Le ralentissement économique produit déjà ses effets sur l'emploi.
Pour le troisième mois consécutifs, le chômage a repris le chemin de la hausse et l'économie française détruit aujourd'hui plus d'emplois qu'elle n'en crée.
La précarité, elle, continue de s'accroître, par exemple 1,4 millions de salariés à temps partiel contraint souhaitent travailler plus.
Nous assistons à un inquiétant recul de l'emploi industriel. La France est le pays développé qui, proportionnellement, connaît la plus grande hémorragie d'emplois industriels depuis vingt ans. Des secteurs entiers qui ont fait la force économique de notre pays sont aujourd'hui menacés. Aux licenciements auxquels procèdent les grands groupes comme RENAULT s'ajoutent des problèmes de démographie.
Dans la seule région parisienne, 220 000 départs à la retraite sont programmés d'ici 2015 sur un total de 500 000 emplois dans l'industrie manufacturière, l'automobile, l'aéronautique, la chimie.
Face aux dégâts de la gestion patronale à courte vue et aux défis qui nous sont posés, la CGT fait aujourd'hui la proposition de convertir la moitié des allègements de cotisations sociales - qui s'élèveront cette année, rappelons le, à 32 milliards d'euros - en crédits pour financer un plan de promotion et de développement de l'emploi et des qualifications dans l'industrie et les services aux entreprises. Ce plan doit évidemment être concerté et pour en définir le contenu nous demandons d'urgence la tenue d'une conférence nationale de l'emploi industriel.
Nicolas Sarkozy dans sa campagne électorale s'était gargarisé de la formule « travailler plus pour gagner plus ». La CGT n'y a jamais cru, mais certains salariés ont pu se laisser endormir par ces sirènes. Aujourd'hui, l'imposture est flagrante et ce que vivent les salariés, ce n'est pas le « gagner plus » c'est en fait le « travailler plus dur, plus longtemps, pour gagner moins ».
Le paradoxe de notre pays tient à ce qu'une partie des salariés souffrent de trop de travail, de stress et d'une usure physique prématuré quand d'autres souffrent de ne pas en avoir. On plante les jeunes dans la case chômage, on vire les plus âgés de l'entreprise et on demande aux autres de trimer en repoussant sans arrêt les limites.
Nous redisons qu'il est scandaleux qu'on ne reconnaisse toujours pas le droit au départ en retraite anticipé pour les salariés victimes de la pénibilité de leur travail.
Alors qu'une politique sociale novatrice devrait viser la résolution de cette situation, la politique du gouvernement n'a fait que l'aggraver.
Pour nous, il ne s'agit pas d'invoquer, comme le gouvernement et le patronat, la restauration de la « valeur travail », nourrissant ainsi des discours culpabilisateurs sur le mérite, l'effort, l'abnégation et le dévouement à l'employeur. Il s'agit de repenser le travail comme facteur d'émancipation, de concrétiser une forme de bien-être au travail dans une recherche d'une nouvelle efficacité.
Ne nous y trompons pas, il va falloir « pousser » pour obtenir d'autres réponses à nos revendications.
Le mot d'ordre aux journées d'été du Medef de Mme Parisot, c'était « il faut voir grand, ». Un instant je me suis dit, à tous les coups ils veulent parler des profits. Et bien non figurez vous, il s'agit d'une posture. Pour le patronat, il faut savoir prendre de la hauteur, prendre du recul, savoir se détacher des préoccupations bassement matérielles comme les salaires. Des salaires d'en bas bien sûr parce que les salaires d'en haut, eux, faut pas les oublier.
De sa position inter galactique donc, la présidente du Medef vient de détecter une menace particulièrement effrayante. Rendez vous compte : en décidant de nouveaux prélèvements sur les entreprises, Nicolas Sarkozy nous menacerait d'instaurer le communisme !
Rien de moins.
Madame Parisot, n'ayez pas peur et, s'il vous plaît, redescendez les pieds sur terre !
Il y a des constantes chez le patronat comme cette vilaine prétention à vouloir distiller en permanence des leçons de bonne gestion alors que chaque jour qui passe nous conforte un peu plus dans notre conviction : ne laissons pas les affaires du monde aux seules mains du monde des affaires.
Les leçons de morale sont d'autant plus déplacées que le Medef se refuse toujours a assumer son passé marqué par l'un des plus gros scandales : la caisse noire de l'UIMM.
Je veux redire qu'il est anormal qu'aucune investigation officielle ne soit conduite pour expliquer au pays comment une organisation peut détourner des centaines de millions d'euros prélevés sur les résultats des entreprises sans jamais rendre de comptes à personne.
Je veux redire devant vous que la CGT ne laissera pas salir la mémoire de milliers de militants de la métallurgie qui ont souffert pendant des décennies des méthodes musclées de l'UIMM.
Le 3 décembre prochain se tiendront les élections prud'homales. J'attire d'ailleurs l'attention de tout le monde : le vote par correspondance va débuter dès le 15 novembre. C'est un autre grand rendez-vous qui nécessite la mobilisation de toutes les forces de la CGT sans exception.
Soyons clair : nous visons une progression de l'influence de la CGT à ces élections, et c'est possible. Ce doit être notre objectif !
Vous êtes sans doute conscients qu'une part importante du score national de la CGT va dépendre du résultat obtenu dans les 8 départements d'Ile de France. Un quart des électeurs et 40 % des cadres sont en Ile de France. Pour parvenir à augmenter l'influence de la CGT, je vois au moins deux conditions à réunir :
La première, c'est de tout mettre en oeuvre pour une participation la plus large possible à ce scrutin. Il y a donc un immense terrain à couvrir mais en s'y mettant tous, nous allons y arriver.
Chacun d'entre vous sur son lieu de travail, dans son quartier, dans son cercle familial va aller chercher les voix de la CGT une à une. Il faut déjà veiller à retrouver toutes les voix CGT que nous obtenons dans les élections pour les délégués du personnel et les comités d'entreprise.
Mais il faut aller bien au-delà. Il faut aller vers les salariés des petites entreprises qui n'ont jamais d'élections professionnelles, vers les étudiants souvent dans des petits boulots, chez les salariés français comme auprès des immigrés, vers ceux qui ont un emploi comme auprès des chômeurs. C'est en gagnant les votes par une vaste campagne de terrain que nous réunirons les centaines de milliers de voix qui feront le score de la CGT.
La deuxième condition à réunir pour un progrès de la CGT à ces élections, c'est de bien faire apprécier aux salariés ce qui est en jeu, quelle sera la portée de cette consultation unique en son genre qui concerne 18 millions de salariés de toutes professions,
Voter CGT, ce sera adresser le message le plus clair au gouvernement et aux organisations patronales pour appuyer les revendications de salaire, d'emploi, d'amélioration des conditions de travail, de logement, pour la défense des systèmes de retraite et de sécurité sociale.
Voter CGT, ce sera agir contre la précarité sociale, le démantèlement des services publics, dénoncer l'inéquité de la politique économique et sociale et condamner les réformes unilatérales et autoritaires frappant le code du travail et la législation sur le temps de travail.
Voter CGT, c'est prétendre au progrès social, à une sécurité sociale professionnelle en lieu et place du salarié « kleenex ». C'est dénoncer la rentabilité financière comme seule boussole dans la gestion des entreprises au détriment de ceux qui y travaillent, aux dégâts qu'elle provoque pour les générations futures et sur notre cadre de vie.
Voter CGT, c'est affirmer sa dignité de salariés face aux atteintes contre les libertés syndicales, aux campagnes de culpabilisation visant les salariés malades, accidentés du travail ou licenciés.
Voter CGT, c'est consolider la première force syndicale, celle qui dispose de la plus grande expérience, du réseau d'organisations et de militants le plus dense.
Voter CGT, ce n'est pas choisir contre les autres syndicats, c'est prendre partie pour l'unité contre la dispersion et la division syndicale en France comme au plan international.
Voter CGT, c'est aussi encourager une certaine conception de l'intervention syndicale.
La nôtre consiste à conjuguer :
. L'élaboration des revendications avec les salariés concernés,
. La contestation à chaque fois que cela est nécessaire,
. La mobilisation, condition nécessaire pour être entendus,
. La négociation pour obtenir des avancées sociales.
Voter CGT, c'est voter pour un syndicalisme conquérant qui joue collectif.
En faisant voter, le 3 décembre, pour les candidats présentés par la CGT, nous proposons d'élire des juges accessibles, compétents et efficaces. Leur bilan et leur expérience le prouvent.
En votant CGT le 3 décembre prochain, les salariés mettront toutes les chances de leur coté.
Parce que l'enjeu est d'importance, on ne nous fera pas de cadeau dans les semaines qui viennent. Ainsi, prenant prétexte de la récente loi réformant les règles de la représentativité syndicale, certaines organisations syndicales ont déjà adopté un ton violemment polémique et directement dirigé contre la CGT. Pourtant, quoi de plus démocratique que ce soient les salariés qui par leur vote déterminent le poids de chaque syndicat ?
En fait ce qui fâche certains, c'est que le temps des petits arrangements, le temps des accords signés dans le dos des salariés et le plus souvent contre la CGT, ce sera fini ! Quant à l'argument utilisé selon lequel la CGT aurait une quelconque responsabilité dans la loi de l'été sur les 35 heures, je suis tenté de dire, (que les personnels de la santé m'excusent), c'est « l'hôpital qui se fout de la charité ». Nous n'avons aucune mais absolument aucune leçon à recevoir d'organisations minoritaires qui comme dans la métallurgie ou le commerce ont signé les pires accords de branche sur les 35 heures et ont été absentes des journées de mobilisation de juin dernier pour lutter contre le projet du gouvernement !
Les polémiques entre syndicats desservent le syndicalisme mais nous ne nous laisserons pas marcher sur les pieds.
Voilà, Cher(e)s Camarades, les éléments que je souhaitais, au nom de la direction de la CGT, développer devant vous.
Les défis que nous avons à relever sont considérables.
Oui, nous avons des idées que certains jugent utopiques, mais les utopies d'aujourd'hui sont les réalités de demain et peuvent devenir des forces considérables.
Alors, en avant !
En avant le 7 octobre pour une grande journée de lutte !
En avant pour gagner le vote CGT le 3 décembre !
Source http://www.ferc-sup.cgt.fr, le 9 octobre 2008