Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la recherche d'une solution politique au conflit russo-géorgien et l'aide aux projets de reconstruction de la Géorgie, Bruxelles le 22 octobre 2008.

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Circonstance : Intervention de Bernard Kouchner à la Conférence des donateurs pour la Géorgie le 22 octobre 2008 à Bruxelles

Texte intégral

Madame la Commissaire,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Vice-président de la Banque mondiale,
Monsieur le Ministre,
Je vous remercie d'être tous là, et je souhaiterais particulièrement remercier la Commission et la Banque mondiale pour avoir organisé cette conférence indispensable.
Rien n'est plus important que la stabilisation et la réhabilitation de l'économie géorgienne. Ce sont des enjeux qui dépassent, nous le savons, les problèmes politiques. Il s'agit désormais de solidarité et d'aide à long terme. Nous n'avons pas été inactifs. L'Union européenne, comme l'a dit le président Barroso, a été réactive dès les premiers jours qui ont suivi le déclenchement des hostilités. Nous avons travaillé au nom de la Présidence du Conseil de l'Union européenne pour qu'un document - le premier document comportait quatre points, il y en a eu un autre en six points -, puisse être accepté de part et d'autre. Ce document constitue encore aujourd'hui la seule pièce officielle de négociation.
Les discussions, je vous l'assure, à Moscou comme à Tbilissi, n'ont pas été simples. Nous étions fiers du rôle de l'Union européenne. Très vite, bien plus vite que dans d'autres conflits, nous sommes parvenus dans un premier temps à un cessez-le-feu, puis au retrait des troupes et finalement les six points de l'accord signé à Moscou et à Tbilissi ont été plus ou moins remplis. Je dis plus ou moins car dans une période comme celle-là, dans les conditions qui prévalaient, rien ne peut être parfait. Je sais que le document était imparfait. Bien des zones d'ombres demeurent. Mais de quoi s'agissait-il ? D'arrêter les chars russes sur la route de Tbilissi. Ils n'étaient pas loin de la capitale géorgienne.
Désormais, au cours de cette conférence, il reste à démontrer que cela n'était pas un feu de paille, que nous ne passons pas par pertes et profits ce qui s'est déroulé sous les yeux du monde au mois d'août - comme par hasard au mois d'août, comme par hasard au moment où les Jeux Olympiques accaparaient l'attention universelle. Il s'agit non seulement de ne pas oublier mais de prouver d'abord par la générosité des dons qui seront annoncés cet après-midi, et par la prise en charge des projets - ce sera le rôle de la Commission et de la Banque mondiale - que nous n'oublions rien et que nous voulons une solution politique.
Cette solution politique sera sans doute obtenue par la poursuite des rencontres de Genève. Le président Barroso a annoncé qu'une rencontre était prévue les 17 ou 18 novembre. Je vous assure que l'organisation de la première de ces rencontres relevait déjà d'un miracle.
Nous allons donc prouver par notre solidarité, par notre générosité et la mise en oeuvre des projets concernant tout ce qu'a évoqué Benita Ferrero-Waldner, c'est-à-dire l'éducation, la santé, la reconstruction de ce qui a été détruit, que nous sommes aux côtés de la Géorgie. C'est une preuve politique - et non simplement une preuve de charité ou de solidarité.
C'est le sens de cette réunion, l'implication des grandes organisations : l'Union européenne et la Commission, l'OSCE mais aussi les Nations unies. Ces trois grandes organisations qui étaient présentes à Genève, ne quitteront pas la scène tant que les problèmes, les lourds problèmes, ne seront pas réglés.
Mais il y a d'autres choses dans la vie quotidienne. J'ai reçu quelques lettres d'organisations non gouvernementales. Je ne les citerai pas toutes, mais il y a CARE, Caritas, le Danish Refugee Council, International Relief and Development, Première Urgence... Toutes se plaignent de ne pas pouvoir travailler de façon adéquate pour servir les personnes déplacées, pour redonner de l'espoir à ceux qui sont sous les tentes. Le gouvernement de Géorgie doit être remercié pour la manière dont aux côtés du HCR il a traité ce problème des personnes déplacées. C'est toujours mauvais d'être réfugié, c'est toujours désespérant, mais il y a eu un accueil qui a dû les réconforter. Et puis, j'ai vu également, il y a quelques jours en Géorgie, que des maisons étaient construites pour que ceux qui ne pourront pas rentrer chez eux avant l'hiver puissent passer la rigueur des temps dans de meilleures conditions.
Je remercie la Géorgie d'avoir été aussi rapide ; avoir une petite maison, même exiguë, c'est quand même mieux pour passer l'hiver que d'être sous la tente. Je voudrais vous rappeler aussi, le souligner une fois de plus, le rôle des organisations non gouvernementales dans cette affaire et le rôle du Haut commissariat aux réfugiés, même s'il ne s'agit pas de réfugiés, soyons bien clairs là-dessus, il s'agit de personnes déplacées.
Je voudrais également faire état d'une lettre, signée par un certain nombre de personnalités géorgiennes qui nous rappelle que la situation actuelle en Géorgie, aussi bien du côté de la majorité mais également du côté de l'opposition, ne fait pas oublier les progrès dans la démocratie.
Dernier point, je voudrais citer deux noms. L'un d'entre eux est Akhalgori. Je sais que la situation n'est pas bonne dans cette vallée. Nous en avons beaucoup parlé à Genève. Il faudra que des progrès soient faits. Les progrès devraient être, en tout cas c'est notre souhait, que les plus de 300 observateurs envoyés pas vingt-deux pays de l'Union européenne puissent pénétrer dans ces régions. C'est la moindre des choses. Ils ne sont pas observateurs que d'un côté, ils sont observateurs auprès des populations et j'espère que cela sera entendu. Akhalgori est un endroit particulier, comme d'ailleurs d'autres endroits en Abkhazie.
Il y a aussi un village qui me préoccupe et dont je voudrais parler, c'est le village de Perevi. Je voudrais vous signaler ce village qui est à la frontière administrative entre l'Ossétie du Sud et le reste de la Géorgie. Les troupes se sont retirées des zones adjacentes mais le village de Perevi est tellement adjacent qu'il est collé à cette frontière et personne ne peut y accéder en ce moment. Il faut absolument que cela cesse. Nous sommes ici dans une conférence de donateurs pour que l'aide humanitaire - c'était un des points importants de ces six points du protocole d'accord signé par tous - parvienne à tous. Eh bien, au village de Perevi, cet accès n'est pas possible ! Je souhaite, et vous le souhaitez tous avec moi, que très vite les habitants de ces villes, agglomérations, puissent bénéficier de l'aide que vous allez apporter, que vous allez renforcer et qui est déjà sur place. Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2008