Déclaration de François Fillon, Premier ministre, sur l'inauguration du Centre de la francophonie des Amériques et sur la refondation du système financier international, à Québec le 19 octobre 2008.

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Circonstance : 12e sommet de la francophonie, à Québec du 17 au 19 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir de me retrouver, trois mois seulement après les fêtes du 400ème anniversaire, de nouveau à Québec, sous un soleil que l'on m'avait promis, mais que je n'avais pas pu constater moi-même, la première fois. Je suis venu, il y a trois mois, pour parler du passé au fond, et célébrer notre histoire, et aujourd'hui avec le sommet de la francophonie nous sommes rassemblés pour donner un avenir à cette francophonie qui est notre patrimoine linguistique. Inscrite au plus intime de nos émotions, de nos références, de nos discours, cette francophonie organise à la fois notre espace culturel et notre aventure commune. La francophonie est ouverte, elle est vivante, ce qui signifie qu'elle ne nous enferme pas dans une définition géographique, sociologique ou politique, elle ne nous restreint pas, elle contribue en revanche à dessiner nos solidarités. Elle entretient nos fidélités, elle enrichit notre manière d'aborder la complexité du monde. Le président de la République française a dévoilé hier, ici même, une plaque qui le rappelle et je suis pour ma part très heureux de participer aujourd'hui, au coté du Premier ministre québécois, Jean Charest, à l'inauguration du Centre de la francophonie des Amériques.
Francophonie des Amériques, ce pluriel à lui seul vaut déjà un discours. Face à une France riche d'accents multiples, l'Amérique francophone exprime ici sa propre diversité. Et je veux saluer avec beaucoup d'amitié les francophones québécois et au premier rang d'entre eux, les membres du conseil d'administration du centre, son président, monsieur Jean--Louis Roy, son président directeur général, monsieur Michel Robitaille, qui s'apprêtent à devenir les animateurs d'un formidable travail de fédération des énergies. Mais je veux saluer aussi les représentants francophones du reste du Canada ; je salue les francophones des Etats-Unis, de Nouvelle Angleterre et de Louisiane ; je salue tous les autres francophones du Continent, sans oublier mes compatriotes des départements et des territoires d'Outre-mer, grâce auxquels la République française est présente en Amérique. Je sais que tous ensemble ils sont prêts à se mobiliser ; ils sont prêts à communiquer, à inventer pour bâtir un avenir à notre langue.
Mesdames et messieurs, le Centre de la francophonie des Amériques va mettre toutes les initiatives du Continent au service de la diversité culturelle et de la diversité linguistique. Il va les mettre au service des jeunes générations. Ce projet généreux est, depuis l'origine, un beau, un très beau projet québécois, auquel je sais toute la part qu'a pris Jean Charest. Je suis fier que la France l'ait appuyé sans réserve ; elle l'a appuyé en offrant au Québec l'aménagement des espaces grand public du centre, et je veux profiter de ce rappel, pour féliciter très vivement les architectes français, Franklin Azzi et Paul-Armand Grether, qui ont proposé un projet qui a été retenu par un jury franco-québécois, et dont chacun a pu mesurer la qualité et l'inventivité. Son intégration au bâtiment historique est aussi réussie qu'audacieuse et elle témoigne de l'esprit résolument novateur qui porte tout le projet.
Mais je veux vous dire que l'appui de la France va bien au-delà de ce geste architectural. La République française entend mettre tout en oeuvre pour encourager le développement et le rayonnement du Centre de la francophonie des Amériques. Elle mobilisera le réseau exceptionnel de ces centres culturels et des Alliances françaises présentent sur tout le Continent. Elle proposera au département d'études françaises de toutes les universités américaines de s'associer à l'entreprise. Elle s'appuiera sur les populations des territoires, pour que jamais l'enthousiasme, la fertilité, le dynamisme, de la francophonie ne cèdent au renoncement de l'uniformité mondiale.
Mesdames et messieurs, cet engagement de la France et mon propre retour ici à quelques mois d'une visite dont je garde un merveilleux souvenir, sont un hommage au Québec. La participation de la France à votre projet témoigne, monsieur le Premier ministre, de son attachement passionné à notre histoire commune, en cette année du 400ème anniversaire de la ville de Québec. Et je veux rappeler avec une grande reconnaissance la contribution que l'action de Jean-Pierre Raffarin, mon prédécesseur, président du comité français y a apporté. La France et le Québec, mesdames et messieurs, ont entrepris depuis le début des années 60 de se rapprocher. Leurs peuples sont aujourd'hui engagés dans une relation de fraternité, une relation sereine, respectueuse et profondément sincère. Cette relation n'est pas un tête à tête, ce n'est pas un huis clos franco-québécois, c'est une relation qui est ouverte aux défis du XXIe siècle. Nous la plaçons au service de tous, nous l'engageons dans les combats d'un monde où nos identités sont justement nos forces. Nous mettons la francophonie, qui est le coeur de cette relation unique, au service de nos ambitions économiques, diplomatiques, culturelles, sociales. Nous la mettons, en un mot, au service de l'avenir.
Et en disant ces mots, je ne peux pas ne pas penser à la crise actuelle que nous traversons et à l'importance d'une communication rapide, fiable, précise, entre nous. Aujourd'hui, tous les pays de l'espace francophone s'accordent pour soutenir la tenue d'un Sommet destiné à refonder le système financier international. Ils savent que si la crise financière est née aux Etats-Unis, elle appelle une réponse globale et massive, parce que c'est une crise globale et massive. L'enjeu de cette refondation, c'est de traiter le mal à la racine pour éviter le retour d'une crise identique. Et je pense qu'il faut voir un symbole au fait que l'ensemble des chefs d'Etat et de Gouvernement de la francophonie réunis ici à Québec, ont soutenu unanimement l'initiative du président de la République française, ont appelé à la tenue de ce Sommet, montrant par là même que la francophonie est déjà d'une certaine façon, une préfiguration de cette gouvernance mondiale que nous voudrions voir se mettre en place, pour gérer de manière plus harmonieuse l'économie, les relations internationales. Après tout, la francophonie c'est pratiquement la seule véritable structure de dialogue Nord-Sud, qui fonctionne depuis si longtemps et avec tellement de résultats. Eh bien, quand la France réclame que désormais le monde ne soit plus dirigé par les anciennes puissances économiques d'autrefois mais qu'il soit dirigé par tous ceux qui, aujourd'hui, doivent apporter leur contribution à un nouvel équilibre mondial, les pays émergents... Comment accepter que le monde soit dirigé sans que la voix de l'Afrique se fasse entendre ? Sans que la voix de l'Amérique latine se fasse entendre ? Sans que la voix des pays arabes se fasse entendre ? Eh bien, d'une certaine façon la France soutenue par les pays francophones est fidèle à cet idéal qui s'est déjà exprimé au sein de la francophonie. Et puis peut-être, notre langue, cette langue que nous avons en partage, et dont vous dites avec des mots très émouvants combien vous la chérissez, combien nous la chérissons, peut-être que cette langue aussi, elle véhicule une certaine vision de la société. Et à travers cette vision de la société, nous allons, ensemble, essayer de construire un monde meilleur, un monde plus sûr, un monde plus juste.
Mesdames et messieurs, la francophonie rassemble sur plusieurs Continents des pays dont la situation économique ou le niveau de développement varie considérablement, mais qui ont le même intérêt à ce que cette refondation réussisse. Et je crois que sur ces deux points elle a un rôle à jouer, au moins comme instance de réflexion et de proposition. Je compte sur le Centre de la francophonie des Amériques pour en illustrer quotidiennement le caractère actuel et vivant et je compte sur chacun d'entre vous pour rester dans un monde de contacts, de traductions et d'échanges, l'interprète de nos racines et de notre histoire.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 octobre 2008