Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur la crise financière et le plan gouvernemental de soutien aux entreprises, Paris le 21 octobre 2008.

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Circonstance : Signature de la Convention sur l'utilisation des excédents d'épargne réglementée au profit des PME et des ETI (Etablissement de taille intermédiaire), à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris le 21 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais tout d'abord à remercier la CCIP et son président Pierre SIMON d'avoir pu nous permettre de réunir des représentants du monde de l'entreprise avec si peu de préavis, mais depuis quelques semaines l'urgence est devenue notre quotidien.
Vendredi dernier, je présidais le premier conseil d'administration de la société de refinancement de l'économie.
Ce week-end, j'accompagnais le président de la République à Camp David.
Hier, je présentais le projet de loi de finances 2008, qui est un budget de crise.
Aujourd'hui, nous signons avec la FBF et l'ensemble des banques la convention qui va encadrer l'utilisation des excédents d'épargne réglementée que nous mobilisons au profit des PME et des entreprises de taille intermédiaire. J'ai souhaité la signer en présence de ceux pour laquelle elle a été pensée, vous les chefs d'entreprise.
(I) La crise financière
Quel est le ressort de la crise financière que nous devons affronter aujourd'hui ? C'est une crise d'excès, comme une crise de foie du système financier.
Excès de crédit aux États-Unis tout d'abord où un système de distribution des prêts sans garde fou a conduit tout un peuple dans une crise immobilière sans précédent.
Excès de complexité également où la profession financière a perdu la maîtrise des outils qu'elle a créés.
Excès de cupidité, avec des politiques de rémunération qui incitaient bien souvent à saisir aujourd'hui des bonus faciles pour laisser demain des risques immodérés. Cupidité aussi de certains pariant - car il n'y a pas d'autre mot - pariant des sommes folles, oubliant que lorsqu'on joue à pile ou face, on perd autant qu'on gagne.
Excès de volatilité enfin, qui a saisi les marchés depuis la défaillance de la banque Lehman Brothers.
C'est cette spirale irrationnelle de la défiance que vient aujourd'hui briser le plan du gouvernement pour assurer le financement de l'économie et restaurer la confiance.
L'Europe est à la manoeuvre. Le problème est venu des États-Unis, mais les solutions sont en train d'émerger en Europe et de se propager dans le monde. Car, demain, l'ensemble des acteurs du monde financier ne pourra pas se permettre d'oublier les enseignements de ce qui se passe aujourd'hui et de ne pas en tirer toutes les conséquences. A Camp David, cela m'a ému de voir ainsi les drapeaux américain et européen côte à côte pour déterminer l'avenir du capitalisme mondial.
(II) Le volet financier du plan de soutien
Nous devons tout faire pour rétablir le bon fonctionnement du secteur financier. Simultanément, nous devons veiller à ce que les PME et les ETI ne soient pas injustement touchées par une crise dont elles ne sont absolument pas responsables.
Le crédit, c'est l'air que respire l'économie réelle. Et, on ne le sait que trop bien, si aujourd'hui les banques ne prêtent plus, demain les PME cesseront de se développer, et après-demain elles licencieront. C'est pourquoi l'État doit jouer, provisoirement, la pompe à oxygène.
Ce ne sont pas seulement des voeux pieux. Au niveau européen et national, nous avons mis des dispositifs en place pour éviter que ne se produise un credit crunch qui serait dévastateur. Aujourd'hui, je ne vais pas de faire de nouvelle annonce : bien mieux, je viens vous annoncer que l'ensemble des mesures annoncées le jeudi 2 octobre par le président de la République sont opérationnelles. Moins de trois semaines après la décision, une enveloppe globale de 22 Md euros supplémentaires est effectivement disponible pour le financement des PME, à travers plusieurs canaux.
Trois semaines, j'aurais envie de dire que c'est un record pour des moyens financiers de cette ampleur. Mais il y a déjà un précédent : lors du Conseil Ecofin du 12 septembre, la BEI s'engageait à porter ses moyens de financement pour les PME à 30 Md euros, dont 15 Md euros en 2008 et 2009 et, trois semaines après, j'assistais à la signature du premier prêt français s'appuyant sur ses moyens renforcés. Ce n'est pas tous les jours qu'un journal comme le Daily Telegraph salue l'efficacité française et fustige la lourdeur administrative britannique, comme j'ai pu le lire le lendemain.
Sous l'impulsion du président de la République, il n'est pas question que des annonces restent sans suite. Aujourd'hui, je peux donc vous rendre compte de la mise en oeuvre du plan de soutien des 22 Md euros.
Nous avons mobilisé Oséo, le bras armé de l'État pour le financement des PME. Au total, par son activité de cofinancement et de garanties, Oséo a aujourd'hui les moyens d'entraîner 5 Md euros de prêts supplémentaires.
Les 17 Md euros restant résultent d'une mobilisation des excédents d'épargne réglementée (livret de développement durable et livret d'épargne populaire). Mercredi dernier, la tranche de 7,5 Md euros correspond au LDD a été transférée aux banques. Aujourd'hui même, ce sont les 9,5 Md euros du LEP qui ont été transférés.
Ces liquidités ne sont pas destinées à « renflouer » les banques, comme j'ai pu le lire ici ou là. Les banques ayant besoin de liquidités peuvent s'adresser à la société de refinancement mise en place la semaine dernière.
Ces 17 Md euros sont là pour financer les PME et, nouveauté, les ETI. Ce n'est pas un chèque en blanc.
S'agissant du livret de développement durable, les principes d'utilisation des sommes décentralisées sont clairement explicités dans la loi : « Les sommes déposées sur ce livret servent au financement des petites et moyennes entreprises et des travaux d''économies d''énergie dans les bâtiments anciens » (article L. 221-27 du code monétaire et financier).
En ce qui concerne le livret d'épargne populaire, la convention signée aujourd'hui stipule que les ressources supplémentaires versées aujourd'hui aux banques sont dédiées au financement des PME et des ETI.
Je sais que les banques sauront respecter l'engagement fort qu'elles prennent aujourd'hui. Je le sais d'autant plus que, par la convention signée aujourd'hui, nous mettons en place un mécanisme de remontée d'information mensuelle, qui reprendra le flux et les encours des prêts accordés aux PME grâce aux liquidités apportées. Ce type de reporting est essentiel.
Soyez assurés que j'y porterai une attention toute particulière, à l'image de ce que nous faisons aujourd'hui sur le prix du carburant. Si des dysfonctionnements apparaissent, je le ferai savoir et j'en tirerai toutes les conséquences. Ce que nous avons fait aujourd'hui en décentralisant les excédents de l'épargne réglementée, nous pouvons le défaire demain en cas de problème, et trouver d'autres canaux de transmission pour alimenter le financement des PME.
(III) Le volet d'accompagnement du plan
Toutes ces questions financières ne doivent pas nous faire oublier qu'une PME ou une ETI, ce sont avant tout un chef d'entreprise, des salariés, qui ont parfois besoin d'un conseil, d'une orientation dans un maquis de dispositifs complexes. On ne peut pas demander à un chef d'entreprise absorbé par la gestion quotidienne d'un carnet de commandes de se transformer en expert des dispositifs de soutien public.
C'est pourquoi j'ai souhaité coupler le volet financier du plan de soutien avec un volet d'accompagnement. Dans chaque région, j'ai demandé à ce que mes services identifient un « parrain PME ». Il suffit d'aller sur le site web du ministère pour le trouver. Pour la région Île-de-France, Pierre CHARPENTIER est là, avec ses collaborateurs, pour vous aider.
J'ai également demandé à Oséo de mettre en place un dispositif exceptionnel d'accueil pour les chefs d'entreprise qui souhaiteraient se renseigner sur les produits dont nous avons parlé tout à l'heure (co-financement, garanties) et en bénéficier. Un numéro azur unique est en place depuis la semaine dernière : le 0810 00 12 10, ainsi qu'un formulaire internet spécifique.
Ces initiatives n'ont pas vocation à monopoliser le terrain, mais au contraire à susciter au niveau local la mobilisation de tous les acteurs impliqués, avec cet objectif commun de permettre à nos entreprises de ne pas être pénalisées.
Je sais que la CCIP s'est déjà mobilisée, avec ses délégations, en lien avec les services de l'État, avec Oséo. Le président SIMON nous en dira un mot dans quelques instants.
Cette mobilisation exceptionnelle doit aussi nous permettre d'anticiper les futures difficultés. Moi-même, je me suis rendue à Lyon la semaine dernière pour aller à l'écoute des chefs d'entreprise. J'ai entendu les craintes sur l'assurance crédit, et j'ai demandé à mes services de regarder cela. J'entends aussi les interrogations sur la question complexe des délais de paiement, sur laquelle le gouvernement a agi avec la loi de modernisation de l'économie, et je sais qu'Hervé Novelli suit la question de très près.
Il est essentiel de coller à la réalité du terrain. J'ai donc demandé à mes services en région de me faire très régulièrement le point et je continuerai à aller à la rencontre des entreprises françaises dans les prochaines semaines.
Mesdames et Messieurs, nous sommes dans l'action pour vous permettre de vous consacrer à l'essentiel : le développement de votre activité. Il y a quelques mois encore, un certain cynisme, pour ne pas dire, dédain, pouvait se manifester à la fois envers les acteurs de l'économie réelle et envers le pouvoir politique. Aujourd'hui, l'État a repris la main. C'est à nous de nous montrer dignes de la confiance de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 23 octobre 2008